MISE AU POINT
La Lettre du Cardiologue • n° 439 - novembre 2010 | 11
3,7 années de suivi ne permettait pas de conclure
sur une association entre la rosiglitazone et le risque
d’hospitalisation ou de décès pour cause cardiovas-
culaire (HR : 1,08 ; NS) mais retrouvait une augmen-
tation du risque d’insuffisance cardiaque (HR : 2,15 ;
IC95 : 1,3-3,57). Les résultats du suivi à 5,5 ans des
patients de l’étude RECORD confirmeront, en 2009,
ceux de cette analyse intermédiaire (9), avec, comme
limites, un faible nombre d’événements (2,5 % par
an alors que l’étude était construite sur un risque
supposé annuel de 11 %) et l’arrêt de la rosiglitazone
chez 40 % des patients avant la fin de l’étude (1).
Moins de 2 mois après la publication des résultats
intermédiaires de RECORD, M.B. Bracken publie,
toujours dans le New England Journal of Medicine,
une méta-analyse incluant RECORD, dont les résul-
tats atténuent la responsabilité de la rosiglitazone
comme cause d’infarctus (HR : 1,24 ; IC
95
: 0,97-1,58 ;
NS) et de décès cardiovasculaire (HR : 1,07 ; IC
95
:
0,76-1,49 ; NS) [10]. À l’inverse, la méta-analyse de
S. Singh et al., incluant RECORD, ADOPT et DREAM,
retrouve une association entre un traitement d’au
moins 12 mois par rosiglitazone et le risque d’infarctus
(HR : 1,42 ; IC95 : 1,06-1,91 ; p < 0,02) et d’insuffisance
cardiaque (HR : 2,09 ; IC
95
: 1,52-2,88 ; p < 0,001), sans
augmentation du risque de décès cardiaques (HR : 0,9 ;
IC95 : 0,63-1,26 ; NS) [11]. Dans cette méta-analyse, la
rosiglitazone n’est plus associée à une augmentation
du risque d’infarctus après exclusion des patients
en insuffisance cardiaque. Dans la méta-analyse de
la FDA incluant 42 études, le risque ischémique est
plus important lorsque la rosiglitazone est associée
à l’insuline, et chez les patients coronariens symp-
tomatiques utilisant des dérivés nitrés (tableau II).
Les résultats sont également divergents dans les
études ACCORD et VADT qui comparent traite-
ment standard et traitement intensif du diabète.
Dans l’étude ACCORD, 90 % des patients du groupe
intensif et 58 % de ceux du groupe standard étaient
sous rosiglitazone. Le traitement intensif était
associé à une augmentation du risque de décès
cardiaque et d’infarctus, pouvant faire suspecter
le rôle de la rosiglitazone. Après ajustement aux
caractéristiques de base, la rosiglitazone n’était pas
associée à une augmentation du risque de décès.
L’étude VADT n’a pas retrouvé d’augmentation du
risque d’événements cardiaques à 7,5 ans dans le
groupe intensif. Les patients des 2 groupes recevaient
de la rosiglitazone dans 95 % des cas. Contrairement
à la méta-analyse de S.E. Nissen et al., les taux de
décès cardiaques (p = 0,02) et d’infarctus (p = 0,01)
étaient plus bas chez les patients sous rosiglitazone
que chez les patients sans ce traitement.
Dans les données épidémiologiques fournies par
le laboratoire GlaxoSmithKline et portant sur
400 000 diabétiques, dont 100 000 sous rosigli-
tazone, le risque d’événements cardiovasculaires
sévères sous rosiglitazone versus un autre anti-
diabétique n’était que très faiblement augmenté
(HR : 1,029). Des données comparables ont été
rapportées sur 917 756 diabétiques en juin 2007
(HR : 1,02 pour la rosiglitazone, IC95 : 0,94-1,11 ; NS)
[Integrated Health Care Information Services, report
from Worldwide Epidemiology, June 6th 2007].
Les données dont nous disposons concernant le risque
d’infarctus sous rosiglitazone sont donc discordantes.
Il n’a pas été rapporté de progression de l’athérosclé-
rose sous rosiglitazone, ni d’augmentation du risque
de rupture de plaque. La rosiglitazone est associée à
une diminution du risque d’accident vasculaire céré-
bral, probablement du fait de son action sur la réduc-
tion des chiffres tensionnels. La rétention hydrique
qu’elle peut induire augmente le risque d’insuffisances
cardiaques et pourrait, chez certains patients, favoriser
des événements ischémiques par l’augmentation de
la précharge. Devant ces incertitudes, la rosiglitazone
est contre-indiquée dans le syndrome coronaire aigu,
et déconseillée chez le patient coronarien et dans
l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs.
Le nombre d’études sur la pioglitazone est consi-
dérablement inférieur à celui sur la rosiglitazone.
Dans l’étude PROactive, la pioglitazone est associée
à une tendance à un moindre risque d’infarctus ou
de décès cardiovasculaires (12). Il n’est cependant
pas retrouvé de différence sur le risque cumulé
d’infarctus et de revascularisation coronaire entre
rosiglitazone et pioglitazone dans le registre Phar-
Tableau I. Complications cardiovasculaires survenues dans l’étude ADOPT (7).
Rosiglitazone
n = 1 456
Metformine
n = 1 454
Glibenclamide
n = 1 441
Événement cardiaque majeur à 5 ans 3,4 % 3,2 % 1,8 %*
Infarctus du myocarde fatal
Infarctus du myocarde non fatal
0,1 %
1,5 %
0,1 %
1,2 %
0,2 %
0,8 %
Insuffisance cardiaque 0,8 % 0,8 % 0,2 %*
Accident vasculaire cérébral 0,5 % 0,4 % 0,3 %
* p < 0,05 versus rosiglitazone.
Tableau II. Événements ischémiques majeurs (décès-infarctus) survenus chez des patients
diabétiques de type 2 avec ou sans rosiglitazone (meta-analyse de la FDA regroupant 42 études).
Rosiglitazone Témoins OR (IC95)
Insuline + rosiglitazone versus insuline 24/867 (2,77 %) 9/663 (1,36 %) 2,07 (0,93-5,07)
Patients coronariens sans utilisation de nitrés 47/886 (5,3 %) 33/622 (5,3 %) 1,06 (0,68-1,65)
Patients coronariens avec utilisation de nitrés 43/323 (13,3 %) 16/223 (7,1 %) 2,1 (1,2-3,8)*
* p < 0,05.