L Effets indésirables cutanés des anti-TNFα TRAITEMENT DIFFICILE

190 | La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue Vol. XVI - n° 4 - juillet-août 2013
TRAITEMENT DIFFICILE
Effets indésirables cutanés
des anti-TNFα
Cutaneous adverse events during anti-TNFα therapy
H. Montaudié*, T. Passeron*, J.P. Lacour*, P. Bahadoran**
* Service de dermatologie, centre
de recherche clinique (CRC), hôpital
Archet, CHU, Nice.
** Service de dermatologie, CRC,
hôpital Archet, CHU de Nice, INSERM
U1065 équipe 12.
L
es anti-TNFα ont apporté un bénéfi ce consi-
dérable dans la prise en charge des patholo-
gies infl ammatoires, digestives (maladie de
Crohn [MC], rectocolite hémorragique [RCH]),
articulaires (polyarthrite rhumatoïde [PR], spon-
dylarthrite ankylosante [SPA], arthrite chronique
juvénile [ACJ] et rhumatisme psoriasique [RP]) et
cutanées (psoriasis cutané [PsO] modéré à sévère).
Actuellement, 3 molécules bloquant le TNFα, une
cytokine pro-infl ammatoire, sont disponibles en
France : 2 anticorps monoclonaux (l’infl iximab [Remi-
cade®], anticorps monoclonal chimérique, et l’ada-
limumab [Humira®], anticorps monoclonal humain)
et 1 récepteur soluble (l’étanercept [Enbrel®]).
L’utilisation de ces produits a fait l’objet de rapports
dans la littérature de ces dernières années pour ses
effets indésirables variés, en particulier sur le plan
cutané. De façon schématique, on peut classer ces
effets indésirables en 2 groupes. Le premier inclut les
réactions “classiques” : hypersensibilité, infections et
néoplasies. Ce type d’effets indésirables s’explique en
premier lieu par l’effet immunomodulateur/immuno-
suppresseur des anti-TNFα. Le deuxième groupe
concerne les effets indésirables dits “paradoxaux”,
à savoir l’apparition de pathologies habituellement
guéries ou améliorées par les anti-TNFα. Celles-ci
sont bien documentées du point de vue clinique,
mais leurs mécanismes physiopathologiques restent
encore mal connus.
Effets indésirables
dits “classiques”
Infections cutanées
Le risque infectieux est augmenté au cours d’un
traitement par anti-TNFα. Cette observation s’ex-
plique par le rôle central de cette cytokine dans
les mécanismes de défense anti-infectieuse : dans
la stimulation de la production de cytokines pro-
infl ammatoires (IL-1, IL-6), dans la stimulation du
relargage d’enzymes protéolytiques, dans la lyse
d’organismes intracellulaires, dans la formation
de granulomes par l’induction de l’apoptose des
cellules infectées et dans l’expression des molécules
d’adhésion (1). Seules les infections cutanées seront
abordées ici.
Dans le registre de la British Society for Rheumato-
logy, seules les infections cutanées et les infections
des parties molles avaient une incidence accrue
chez les patients traités par anti-TNFα par rapport
aux patients sous traitements conventionnels
(RR = 4,28 ; IC95 : 1,06-17,17) [2]. Dans une étude
rétrospective réalisée sur 709 patients traités avec
un anti-TNFα pour une MICI, une PR ou une SPA, les
infections cutanées représentaient 21 % de toutes
les infections. Dans 53 % des cas, il s’agissait d’une
infection bactérienne (impétigo, folliculites), dans
30,5 %, d’une infection virale (par le virus de l’herpès
simplex 1 ou 2 ou le virus varicelle-zona), et, dans
6,5 %, d’une infection fongique (mycoses superfi -
cielles cutanées, muqueuses et unguéales). Il s’agis-
sait le plus souvent d’infections bénignes (3). La très
grande majorité des patients présentant ce type de
complications peut continuer le traitement.
Plus rarement, des observations d’infections cuta-
nées opportunistes ou sévères ont été décrites,
généralement chez des patients recevant, en plus du
traitement par anti-TNFα, un traitement immuno-
suppresseur. Ainsi, une étude publiée en 2009 réper-
toriait 7 cas d’infection (dont 3 chez des patients
atteints de MC) par Mycobacterium marinum chez
des sujets traités par anti-TNFα. Parmi ces patients,
6 recevaient de l’infl iximab, et 1, de l’étanercept ;
4 avaient également un traitement immunosuppres-
seur associé (2 du méthotrexate, 1 de l’azathioprine,
1 du léfl unomide). Lévolution a été favorable pour
tous après une antibiothérapie prolongée et l’arrêt de
l’anti-TNFα, à l’exception du patient atteint de SPA,
chez qui le traitement biologique a pu être main-
tenu (4). D’autres mycobactérioses atypiques de
localisation cutanée (M. mucogenicum, M. abscessus
ou M. chelonae) ont été décrites et concernaient
les 3 types d’anti-TNFα (5). De nombreuses autres
La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue Vol. XVI - n° 4 - juillet-août 2013 | 191
Points forts
»
Les infections cutanées bénignes sont les effets indésirables cutanés les plus fréquents, elles autorisent
le plus souvent la poursuite de l’anti-TNFα.
»
Le risque de carcinomes cutanés est augmenté sous anti-TNFα. Il semble que le risque de mélanome
soit également augmenté.
»
Les réactions psoriasiformes sont les réactions paradoxales les plus fréquentes, elles autorisent le plus
souvent la poursuite de l’anti-TNFα.
»
La survenue de vascularité est rapportée sous anti-TNFα et impose le plus souvent l’arrêt du traitement
et le recours à un traitement spécifique (corticothérapie/immunosuppresseur).
»Il est important de déclarer à la pharmacovigilance la survenue d’une réaction paradoxale.
Mots-clés
Anti-TNFα
Réactions
paradoxales
Effets indésirables
Peau
Maladies
infl ammatoires
Highlights
»
Benign skin infections
constitute the most common
side effect associated with anti-
TNFα treatment.
»
This treatment increases the
risk of cutaneous carcinoma.
Risk of melanoma also appears
to be increased.
»
Psoriasiform reactions are
the most common paradoxical
reactions, but they allow anti-
TNFα treatments to continue.
»
Vascularity occurrence has
been reported with anti-TNF-
alpha treatment; in most of
these cases, treatment must
be stoped.
»
Recourse to a specific
therapy (corticotherapy/
immunosuppressive therapy)
is required.
»
It is important to report the
appearance of all paradoxical
responses to pharmacovigi-
lance authorities.
Keywords
Anti-TNFα
Paradoxical cutaneous
reactions
Side effects
Skin
Infl ammatory disease
complications sont rapportées de manière isolée :
un cas de lèpre chez un patient traité par étaner-
cept pour une PR (6) ou bien encore une crypto-
coccose cutanée à Cryptococcus albidus (7) chez un
adolescent traité par étanercept pour un PsO. Ces
infections cutanées imposent l’arrêt de l’anti-TNFα,
la réintroduction pouvant être envisagée une fois
l’infection guérie.
Néoplasies
Le rôle du TNFα dans la cancérogenèse est un sujet
très controversé. À l’exception de 2 méta-analyses
des essais de phase III des anti-TNFα dans la PR,
où un surrisque de cancer sous anti-TNF apparaît
possible (8), tous les résultats actuels sont concor-
dants et ne retrouvent pas d’augmentation du risque
de cancer en dehors d’une augmentation du risque de
carcinome cutané et un doute sur une augmentation
du risque de mélanome. Les principales données
concernent des patients atteints de MC et de PR.
Dans une cohorte belge de 734 malades atteints
de MICI sous infl iximab, suivis en médiane pendant
58 mois, tous cancers confondus, il n’y avait pas de
différence avec le groupe sans infl iximab. Néan-
moins, parmi les 15 cancers diagnostiqués dans
le groupe infliximab, 8 étaient des carcinomes
cutanés (9).
Dans le registre américain de la National Data Bank
for Rheumatic Diseases (NDBRD), le risque de carci-
nomes cutanés sous anti-TNFα est plus élevé (OR =
1,5 ; IC
95
: 1,2-1,8) [10]. De même, dans un registre
de 20 648 vétérans américains atteints de PR, dont
4 088 traités par anti-TNFα, le risque de cancer cutané
(hors mélanome) est plus élevé sous anti-TNFα que
sous traitement classique (HR = 1,42 ; IC
95
: 1,24-1,63).
Il s’agit d’un risque signifi catif, mais dans une popu-
lation probablement très exposée au soleil (11). La
puvathérapie préalable (à partir de doses cumulées
de 2 500 J) en association avec la ciclosporine pourrait
augmenter ce risque. Les données concernant le risque
de mélanome vont dans le sens d’un surrisque sous
anti-TNFα ; le risque relatif est de 1,7 (IC95 : 1,0-2,9),
et l’OR, de 2,3 (IC
95
: 0,9-5,4 ; p = 0,07) dans 2 études
(10). À l’exception des carcinomes basocellulaires qui
ne sont pas une contre-indication aux anti-TNFα, la
survenue d’un carcinome spinocellulaire ou, a fortiori,
d’un mélanome, impose l’arrêt du traitement par anti-
TNFα. Des exceptions peuvent se discuter au cas par
cas, en fonction du rapport bénéfi ce/risque, en réunion
de concertation pluridisciplinaire d’oncologie.
Il y a très peu de données sur l’association possible
entre lymphomes cutanés primaires et anti-TNFα. Les
seules données concernent les lymphomes cutanés T.
Les différents types d’anti-TNFα sont impliqués (12).
Réactions d’hypersensibilité systémique
Ces réactions sont observées principalement lors
du traitement par infl iximab, mais, en théorie, elles
sont possibles avec l’adalimumab et l’étanercept.
Les réactions allergiques immédiates surviennent
pendant la perfusion ou immédiatement après, dans
les 2 heures qui suivent. Elles sont observées chez 15
à 20 % des patients (elles ne sont sévères que dans
moins de 1 % des cas). Les symptômes caractéri-
sant ces réactions sont de gravité variable : frissons,
èvre, prurit, urticaire, signes de choc anaphylactique
(hypotension, marbrures). Les réactions d’hyper-
sensibilité immédiates bénignes autorisent dans la
majorité des cas la poursuite du traitement. Leur
récidive nest pas systématique. Une réaction sévère
contre-indique formellement la poursuite du traite-
ment. L’instauration ultérieure d’un autre traitement
anti-TNFα est possible, mais elle devra se faire sous
surveillance médicale.
Les réactions d’hypersensibilité retardée surviennent
3 à 12 jours après la perfusion et se manifestent
par de la fi èvre, des céphalées, des arthralgies, un
prurit, une éruption cutanée, etc. Leur incidence
est comprise entre 1 et 2 %. Leur apparition a été
corrélée à la présence d’anticorps anti-infl iximab.
Ces réactions se manifestent lors de la reprise du
traitement après une interruption. Elles ont été
principalement rapportées lors du traitement de la
MC par infl iximab. La présentation clinique impose,
le plus souvent, une hospitalisation en urgence,
l’arrêt immédiat de l’anti-TNFα et, parfois, une
cortico thérapie générale. En raison de leur gravité
potentielle, ces réactions allergiques retardées
contre-indiquent le plus souvent la poursuite du trai-
tement. L’utilisation ultérieure d’un autre anti-TNFα
192 | La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue Vol. XVI - n° 4 - juillet-août 2013
TRAITEMENT DIFFICILE
est possible, mais nécessite une surveillance médi-
cale. Depuis quelques années, des prick-tests sont
réalisables (pour vérifi er la responsabilité de l’anti-
TNFα). Une désensibilisation est parfois possible ;
elle doit être faite dans des centres spécialisés sous
surveillance médicale rapprochée.
Réactions cutanées au point d’injection
Elles sont observées avec les traitements administrés
par voie sous-cutanée (étanercept, adalimumab).
Elles surviennent dans 20 à 40 % des cas. Elles se
caractérisent par une réaction infl ammatoire locale.
Elles apparaissent en début de traitement, au cours
des premières semaines. Elles ne justifi ent aucune
exploration. Le traitement, dans la grande majorité
des cas, peut être poursuivi ; il n’y a pas de raison
de le contre-indiquer. L’injection lente (en 1 mn) du
produit, effectuée à température ambiante, peut
permettre de limiter ces réactions.
Effets indésirables
dits “paradoxaux”
Éruptions psoriasiformes
Le développement de lésions de psoriasis (ou psoria-
siformes) de novo ou l’exacerbation d’un psoriasis
ancien constitue le type de réaction paradoxale le
plus fréquent. Environ 207 cas sont répertoriés à ce
jour. Une revue récente montrait que ces réactions
concernaient le plus souvent des femmes (65 %),
âgées de 45 ans, atteintes de PR dans 43 % des
cas, de SPA dans 26 % et de MICI dans 20 %. Les
anti-TNFα impliqués étaient dans 59 % des cas
l’infl iximab, dans 22 % l’adalimumab et dans 19 %
l’étanercept. Les lésions apparaissent quelques jours
à 48 mois après l’introduction de la molécule, mais
le plus souvent au premier trimestre après l’ins-
tauration du traitement. Des cas ont même été
rapportés après l’arrêt de l’anti-TNFα. La présenta-
tion clinique est variable : psoriasis pustuleux avec
une forte incidence de l’atteinte palmoplantaire
(fi gure 1) dans 56 % des cas, psoriasis vulgaire dans
50 % des cas et psoriasis en gouttes dans 12 % des
cas. Un début de lésions dans les plis a été rapporté
plusieurs fois. Les atteintes unguéales sont rares mais
ont été décrites. Les patients ayant des antécédents
de psoriasis développent souvent un psoriasis de
morphologie et de localisation différentes de celui
de leur pathologie habituelle. La très grande majorité
des patients présentant ce type de dermatose peut
poursuivre un traitement par anticorps anti-TNFα
soit avec la molécule prescrite initialement, soit
avec une autre (encadré). Ainsi, dans une revue de
la littérature publiée très récemment, regroupant
47 études concernant des MICI (soit 222 patients),
une rémission complète des lésions cutanées était
obtenue dans près de 64 % des cas, le plus souvent
sans interrompre le traitement (13). Le délai d’appa-
rition généralement court, le nombre élevé de cas
publiés, la guérison à l’arrêt du traitement et l’exis-
tence de rechutes lors de la reprise du traitement
sont autant d’arguments en faveur de la responsa-
bilité des anti-TNFα. L’apparition de ces dermatoses
psoriasiformes semble être un effet dépendant d’une
classe médicamenteuse, plutôt que lié à une molé-
cule donnée, puisque des cas ont été décrits avec
tous les anti-TNF commercialisés. D’autre part, la
négativité des tests allergologiques cutanés va à
l’encontre d’une réaction immunoallergique contre
l’une de ces molécules.
1. Avis dermatologique ± biopsie cutanée.
2. Évaluation de la sévérité de l’atteinte cutanée et de la nécessité de l’anti-TNFα pour la patho-
logie sous-jacente traitée.
3. En cas d’atteinte légère à modérée : maintien de l’anti-TNFα et traitement local (émollients,
dermocorticoïdes, dérivés de la vitamine D) ou général (photothérapie, acitrétine, méthotrexate).
4. En cas d’atteinte sévère (lésions “étendues”, formes fébriles) :
En cas d’alternative aux anti-TNFα : changement d’immunosuppresseur ;
En cas d’absence d’alternative aux anti-TNFα :
première intention : remplacement d’un anticorps monoclonal par un récepteur soluble (ou
vice versa) ;
seconde intention : remplacement d’un anticorps monoclonal par un autre, ou adjonction
d’un traitement par voie générale (photothérapie, méthotrexate).
Encadré. Conduite à tenir lors de l’apparition d’une éruption psoriasiforme sous anti-TNFα.
Figure 1. A, B. Psoriasis palmoplantaire chez un patient traité par adalimumab pour une
maladie de Crohn. C. Éruption psoriasiforme chez un patient traité par étanercept pour
une polyarthrite rhumatoïde.
Coll. service de dermatologie, CHU de Nice.
A B C
La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue Vol. XVI - n° 4 - juillet-août 2013 | 193
TRAITEMENT DIFFICILE
Éruptions eczématiformes
Ces réactions ont été décrites avec les 3 types d’anti-
TNFα, essentiellement chez des patients atteints de PR,
mais également de MICI et, notamment, de RCH (14).
Dans 2 études prospectives totalisant 424 patients
recevant un anti-TNF pour une PR, 27 cas de dermatose
eczématiforme ont été observés et confi rmés histolo-
giquement. Il s’agit de formes dysidrosiques, nummu-
laires, papuleuses et non spécifi ques. Une présentation
comparable à celle de la dermatite atopique a aussi été
observée (12). Dans une étude regroupant 92 patients,
dont 55 atteints de MICI (48 MC et 7 RCH), traités
par infl iximab et parmi lesquels 15 ont développé
un eczéma (dont 7 parmi ceux atteints de MICI), le
seul facteur prédictif d’une telle réaction était une
histoire personnelle d’atopie (15). Le plus souvent, ces
réactions sont modérées et peuvent être contrôlées
par les dermocorticoïdes sans qu’il soit nécessaire
d’interrompre le traitement.
Vascularites
Les anti-TNFα sont utilisés dans les vascularites
systémiques, réfractaires aux corticoïdes et/ou
aux immunosuppresseurs. Paradoxalement, des
cas de vascularites induites par les anti-TNFα
sont de plus en plus souvent rapportés, allant de
simples désordres immunologiques jusqu’à des
formes graves. Dans une étude sur 113 patients
ayant développé une vascularite sous anti-TNFα,
dont 81 % de femmes, le délai moyen d’apparition
de la vascularite après l’instauration de l’anti-TNFα
était de 38 semaines. La peau était l’organe le plus
touché chez 87 % des patients. Les lésions décrites
étaient un purpura (57 % des patients) [fi gure 2],
des lésions ulcérées (9 %), des nodules localisés ou
diffus (9 %), une vascularite digitale (6 %) ou un
exanthème maculopapuleux (5 %). Ces vascularites
concernaient pour l’essentiel des patients traités
pour une PR (84 % d’entre eux), plus rarement pour
une MC ou un autre rhumatisme infl ammatoire. Les
3 anti-TNFα étaient impliqués, avec une prédomi-
nance de l’étanercept (52 % des cas) et de l’infl iximab
(42 %), par rapport à l’adalimumab (4 %).
Les anomalies biologiques étaient multiples : cyto-
pénies/hypercellularité, autoanticorps, cryoglobuli-
némie, hypocomplémentémie. Histologiquement, il
s’agissait de vascularite leucocytoclasique (63 % des
cas), de vascularite nécrosante (17 %) et de vascu-
larite lymphocytaire (6 %) [16]. Des données assez
proches ont été publiées récemment dans une petite
série de 8 patients, dont 75 % étaient des femmes ;
50 % étaient atteints de MICI (13 % de MC et 38 %
de RCH) et 50 %, de PR.
Lorgane le plus atteint était la peau (63 %) [17].
Dans ces 2 études, l’arrêt de l’anti-TNF était le
plus souvent nécessaire, de même que le recours à
une corticothérapie générale, voire à un immuno-
suppresseur. La survenue de ces vascularites reste
imprévisible.
Lupus induits
L’apparition d’autoanticorps, essentiellement des
anticorps antinucléaires et des anticorps anti-ADN
natif, est assez fréquente, le plus souvent sans
traduction clinique. Ces anomalies immuno logiques
peuvent s’observer quelle que soit la pathologie
motivant le traitement et sont plus fréquentes sous
infliximab que sous étanercept et adalimumab.
Les autoanticorps induits apparaissent tôt, dès 4 à
10 semaines de traitement. Leur titre fl uctue au cours
du temps et ils disparaissent en 3 à 6 mois à l’arrêt du
traitement. Néanmoins, de rares cas de lupus induit
ont été décrits. Dans une série de 92 cas de lupus
induit par anti-TNFα, moins de 50 % des patients
validaient plus de 4 des critères de classifi cation du
lupus de l’American College of Rheumatology, et la
plupart étaient traités pour une PR, ce qui suggère
la possibilité d’un syndrome de chevauchement
PR-lupus et non d’un lupus induit par anti-TNFα.
La peau est l’organe le plus souvent atteint, avec
un rash malaire, une photosensibilité, des lésions
discoïdes érythématosquameuses, etc. Les atteintes
viscérales et notamment rénales sont rares (16). La
régression en quelques semaines à l’arrêt du traite-
ment est habituelle.
Figure 2. Purpura vasculaire et nécrotique chez un patient traité par étanercept pour
un psoriasis.
Coll. service de dermatologie, CHU de Nice.
194 | La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue Vol. XVI - n° 4 - juillet-août 2013
TRAITEMENT DIFFICILE
Réactions lichénoïdes
L’aspect clinique peut être celui d’un lichen plan
(papules érythémateuses prurigineuses des membres
et du tronc) ou pilaire (atteinte cicatricielle du cuir
chevelu) [fi gure 3].
Réactions granulomateuses
Plusieurs cas de sarcoïdose (le plus souvent cutanée
et pulmonaire), de granulome annulaire (sous forme
de papules fermes, bien limitées, de couleur rosée,
groupées en anneaux) et de dermatite interstitielle
granulomateuse (sous formes de cordons des régions
axillothoraciques) ont été rapportés avec les 3 anti-
TNFα (18-20). Dans la plupart des cas, le seul arrêt
de l’anti-TNFα permet la guérison. Dans quelques
cas, une corticothérapie est nécessaire.
Autres dermatoses
De nombreuses autres affections de la peau et des
phanères ont été rapportées. On peut citer, de façon
non exhaustive, des cas de dermatoses bulleuses
auto-immunes, de pelade et de vitiligo.
Conclusion
Les anti-TNFα représentent une avancée majeure
dans la prise en charge des maladies inflamma-
toires, avec une effi cacité documentée. Leur profi l
de tolérance est particulièrement surveillé et étudié
et, de par leur place de plus en plus prépondérante
dans l’arbre décisionnel thérapeutique de ces mala-
dies chroniques, de nombreux effets indésirables
sont apparus, notamment cutanés. Certains de ces
effets, dits “classiques”, sont clairement attribués
à l’administration de l’anti-TNFα ; en revanche,
d’autres manifestations, dites “paradoxales”, sont
encore mal comprises. Leur caractérisation et leur
compréhension sont indispensables afi n de ne pas
pénaliser leur utilisation et de permettre de soulager
au mieux les patients. Cela souligne l’importance
de leur déclaration à la pharmacovigilance et de la
réalisation d’études prospectives, portant sur un
grand nombre de patients suivis sur le long terme,
pour comprendre au mieux les mécanismes à l’ori-
gine de ces réactions et pour fournir des lignes direc-
trices pour leur prévention et leur gestion. Enfi n, la
concertation multidisciplinaire, entre hépatologues,
dermatologues, rhumatologues, etc., est primordiale
dans la gestion de ces effets.
Figure 3. Réaction lichénoïde (lichen planopilaire) chez un patient traité par adalimumab
pour une maladie de Crohn.
Coll. service de dermatologie, CHU de Nice.
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Références bibliographiques
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