Le berceau des plantes génétiquement modiées
À la n des années 1970, sous la direction des professeurs Je Schell et Marc Van
Montagu, des chercheurs de l’Université de Gand découvrent le mécanisme
de transfert génétique entre la bactérie du sol Agrobacterium tumefaciens
et des plantes. En 2013, cette découverte valut à Van Montagu le prix mondial
de l’alimentation, le « prix Nobel de l’alimentation et de l’agriculture ».
En se servant de cette bactérie comme « taxi », ces pionniers de renom en génie
génétique élaborèrent une technique permettant de transférer le patrimoine
génétique d’une bactérie vers un plante. Cette technique donna lieu à la création
de sociétés spin-o comme Plant Genetic Systems et CropDesign visant à
renforcer la sécurité alimentaire à l’échelle mondiale et à réduire l’impact négatif
sur l’environnement. Avec, en conséquence, la modication articielle du génome
de toute une série de plantes du quotidien. De telles entreprises illustrent, par-
dessus tout, l’impact exercé par les recherches universitaires sur la vie de tous
les jours.
Mode de fabrication d’une plante génétiquement modiée
Les scientiques recherchaient le principe infectieux de la bactérie du sol A
grobacterium tumefaciens. Ces bactéries infectent les plantes dans la nature
et provoquent de la sorte une forme de tumeur, ce que l’on nomme la Galle
du collet. Les chercheurs se demandèrent comment l’Agrobacterium amenait la
plante à développer la Galle du collet. Finalement, il leur apparut que la bactérie
transférait une partie de son patrimoine génétique vers l’ADN du plant. Ce
transfert génétique se fait en échangeant des plasmides. Les plasmides sont
de petites molécules d’ADN capables de réplication autonome. L’ADN transféré
commande aux cellules de la plante de produire des matières dont la bactérie
200 ans de recherches scientifiques
Présentation
schématique
du transfert
d’ADN T naturel
d’Agrobacterium
tumefaciens
vers une plante,
entraînant la
formation d’une
galle du collet
peut s’alimenter. Autrement dit, la bactérie oblige la plante à la nourrir.
Les professeurs Je Schell et Marc Van Montagu comprirent immédiatement
qu’ils venaient de découvrir une méthode qui leur permettrait de modier des
plantes génétiquement. En remplaçant la partie d’ADN bactérien normalement
transféré vers la plante par une autre partie d’ADN, il leur était possible d’ajouter
une propriété à cette plante. En laboratoire, on réunit un peu de tissu végétal
et une version modiée de la bactérie Agrobacterium. Cette version modiée
transfère uniquement vers la plante la partie d’ADN qui intéresse les chercheurs.
En d’autres termes, la galle du collet ne peut alors plus se former. La bactérie
Agrobacterium infecte les cellules végétales et construit son ADN dans celui de
Locaux de culture du Laboratoire de génétique (vers
1990) de Jozef Schell et Marc Van Montagu (Collection
des archives de l’Université de Gand)
la plante. Et c’est ainsi qu’émerge un organisme génétiquement modié (OGM).
Organismes génétiquement
modiés (OGM)
En 1982, Van Montagu et son collègue
Jozef Schell lancèrent la société Plant
Genetic Systems, une spin-o du
laboratoire de génétique de l’Université
de Gand. Ces deux chercheurs y
découvrirent le mécanisme du transfert
génétique. Ils purent ainsi élaborer
une sorte de mécanisme génétique de
défense pour la plante en alternative
aux dangereux insecticides chimiques.
Marc Van Montagu (à gauche) et Je Schell (à
droite) (Source : Wikimedia commons)
En eet, cet OGM résistant aux insectes produit son propre insecticide naturel.
C’est le cas chez certaines plantes possédant un gène intégré de résistance. Ce
gène provenant d’un organisme résistant à une infestation parasitaire produit
une toxine pour l’organisme responsable de l’infectation, mais inoensif pour
les autres organismes, dont les êtres humains. Par exemple, des plants de coton
résistant à la Helicoverpa zea. Cette noctuelle cause l’une des infectations les
plus courantes et ravageuses du coton et peut entraîner des pertes majeures
de cultures. Ce sont surtout les agriculteurs
des pays en voie de développement qui en
payent les frais. Ce parasite est sensible à
un poison particulier, la toxine Bt provenant
d’une bactérie du sol, qui le laisse en piteux
état s’il s’en prend à un plant de coton
transgénique. Les toxines Bt que ce plant
produit grâce à son gène de résistance sont
mortelles pour la noctuelle, mais n’empêche
en rien la plante de continuer à croître. Grâce
à cette technique, la production de coton en
Inde a augmenté de 50 % en dix ans et l’on a
Coton Bt génétiquement modié
résistant aux insectes (Source : VIB)
aussi constaté une baisse de 30 % de l’emploi d’insecticides.
Il y a non seulement le coton Bt, mais aussi le maïs Bt. En Europe, le maïs non
modié est à la merci de la larve du chilo partellus, un insecte phytophage discret.
Jusqu’à présent, cet insecte n’a jamais été vu en Belgique et nous n’avons donc
pas besoin d’avoir une variété spécique de maïs modié. Par contre, nos voisins
d’Europe du Sud et de l’Est peuvent assurer une bonne récolte en troquant les
variétés classiques de maïs par du maïs Bt. Comme le plant de maïs produit son
propre pesticide, les agriculteurs n’ont alors pas à dépenser en insecticides : un
avantage économique pour le cultivateur et un atout écologique pour le milieu
Maïs résistant aux insectes (à droite)
capable de se protéger contre le
chilo partellus européen, contrai-
rement au maïs conventionnel (à
gauche) (Source : VIB)
naturel.
Outre la résistance aux insectes, on s’intéresse aussi aux végétaux résistant
aux herbicides. Ces plantes peuvent survivre à un herbicide donné grâce à des
techniques de biotechnologie. Les cultivateurs peuvent ainsi utiliser un herbicide
pour désherber le champ sans pour autant causer des dégâts sur les plantations.
Les végétaux résistant aux herbicides sont avantageux tant pour l’agriculteur que
l’environnement. Alors qu’auparavant, les cultivateurs devaient asperger leurs
champs plusieurs fois par an en doses restreintes (pour ne pas endommager
gravement leurs plants), ils peuvent désormais le faire moins souvent chaque
année avec une dose plus importante. En d’autres termes, la pulvérisation
d’herbicide gagne en ecacité. Ainsi, en 2006, les cultivateurs qui utilisaient
des plantes résistant aux herbicides employaient dans le monde 6 % de moins
d’herbicides que les doses nécessaires à la culture conventionnelle. Néanmoins,
ces plants résistant aux herbicides ne permettent pas à eux seuls d’obtenir une
agriculture durable et écologique. Des groupes d’écologistes estiment qu’il n’est
pas bon de concevoir des végétaux qui demeurent dépendants aux herbicides.
Ils prônent une agriculture exempte de telles substances. Outre la résistance aux
herbicides et aux insectes, il existe aussi d’autres types de plantes génétiquement
modiées : par exemple, qui résistent aux virus et moisissures (voir encart), sont
plus nutritives (par ex. vitamines supplémentaires) et mûrissent moins vite pour
Belgique : le pays par excellence de la pomme de terre
Avec ses 81 500 hectares de pommes de terre, on peut vraiment dire que les Belges
aiment ce féculent. La Belgique est un leader mondial du secteur de la transformation de
la pomme de terre et le plus grand exportateur au monde de produits à base de pommes
de terre (frites, purée, chips, croquettes, etc.). Un Belge mange en moyenne 80 kg de
pommes de terre par an, mais leur culture est tout sauf écologique. Les fongicides, qui
combattent et préviennent les moisissures, doivent être appliqués en grandes quantités
pour protéger les pommes de terre de la maladie qui les ravage, le mildiou provoqué
Un plant de pomme de terre infecté par
la moisissure Phytophthora infestans
(Source : Wikimedia commons)
par Phytophthora infestans, un organisme
qui entraîne des moisissures.
En partenariat avec le VIB (Institut amand
de biotechnologie) et d’autres partenaires,
l’Université de Gand a réalisé un test sur le
terrain avec des pommes de terre qu’elle
avait génétiquement modiées. Les résultats
positifs ne se rent pas attendre et en 2014,
on décida d’aller plus loin. Actuellement, ces
chercheurs travaillent dur à l’élaboration
d’une nouvelle variété de pomme de terre
résistante, qui éradiquera non seulement le
mildiou, mais fera aussi fortement diminuer
le nombre de traitements anti-fongicides.
être cultivées dans des pays au climat moins propice.
Sources
> Danniau, Fien. « Big Science » UGentMemorie. http://www.ugentmemorie.be/
Lexique
Toxine Bt : la toxine provenant de la bactérie du sol Bacillus thuringiensis, que
l’on nomme en général Bt ou toxine Bt en référence à ses initiales. Elle est inof-
fensive pour les êtres humains et la plupart des insectes. En modiant son patri-
moine génétique, le gène de résistance responsable de l’empoisonnement dans
les plantes est inséré, ce qui permet d’en faire des plantes que des insectes pa-
rasites ne peuvent plus manger.
Gène : un gène est une unité de base de l’ADN qui contient des informations
génétiques pour la création d’une protéine donnée ou pour des processus y
conduisant.
Génome : l’ensemble des informations héréditaires d’une cellule.
OGM : un organisme génétiquement modié ou transgénique est un organisme
dont le matériel génétique a été modié à l’aide de technologies génétiques.
Herbicide : une substance ayant la propriété de pouvoir détruire ou tuer les
mauvaises herbes.
Galle du collet : une maladie de plantes causée par une infection de bactéries
du sol.
Gène de résistance : fragment d’ADN qui résiste à une maladie, à une séche-
resse, aux insectes, etc.
Spin-o : une start-up qui est née d’un institut de recherches (université) ayant
acquis de nouvelles connaissances récemment et dont l’objet est de poursuivre
ces travaux indépendamment.
Tolérance : la capacité des organismes à se défendre (par ex. la tolérance aux
températures élevées, etc.)
Transgène : une plante transgénique est une plante ayant reçu de l’ADN d’un
autre organisme avec lequel elle ne peut pas se croiser, par exemple un gène de
maïs dans du riz ou un gène de bactérie dans du coton.
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