B) Une critique du syndrome NIMBY
On peut s’interroger sur le bienfondé d’un tel positionnement. A la lumière de la littérature
existant en la matière, nous reverrons chaque hypothèse sous-jacente à la définition
conventionnelle du syndrome NIMBY.
Le planificateur (autorités locales) est le représentant du bien public
Cette première assertion suppose que 1) le décideur/planificateur effectue des choix dans
l’intérêt de la collectivité ; 2) la solution des autorités publiques est systématiquement le
meilleur choix (c’est donc un bien public, à savoir un bien dont l’intérêt est collectif); 3) le
planificateur est plus à même d’évaluer (et maîtriser) les risques d’une installation de gestion
des déchets.
Concernant le premier point, les autorités gouvernementales sont souvent intimement liées
aux entreprises. Dans le cas des déchets ménagers, les collectivités délèguent souvent la
gestion de ces déchets aux entreprises privées. On peut alors se demander qui effectue le
choix de l’alternative de gestion des déchets et sa localisation. Comme le soulignent Laumann
et Knoke (1987), les entreprises sont des acteurs primordiaux dans la formation des politiques
gouvernementales. De même, la mise en œuvre des politiques va dans le sens de leurs intérêts.
De ce fait, l’implantation d’un site de traitement des déchets n’incarne pas systématiquement
la poursuite de l’intérêt collectif, mais peut incarner celle de l’intérêt privé (les entreprises de
gestion des déchets).
S’agissant du deuxième argument, la littérature conventionnelle suppose qu’il n’existe pas
d’alternative meilleure que celle choisie par les autorités locales. C’est en cela que le choix de
la collectivité locale (ex : mise en décharge ou incinération) est un « bien » public selon
l’approche standard en économie. Dans le cadre du choix de localisation d’un incinérateur
d’ordures ménagères, n’y a-t-il pas d’autres alternatives meilleures que l’incinération selon la
directive 2008/98/CE ? Selon cette directive, des alternatives plus durables existent
(prévention à la source en réemploi, recyclage, compostage de la partie fermentescible), et
sont négligées en tant qu’options meilleures pour la collectivité dans la définition usuelle.
Lake (1993) argumente que les oppositions reflètent le refus d’une solution unique, qui est
choisie parmi d’autres alternatives concurrentes. A titre d’illustration, la construction d’un
incinérateur n’est qu’une option au traitement des déchets dangereux. Une autre possibilité
serait d’exiger de nouvelles pratiques aux producteurs chimiques afin de générer moins de
déchets. En fin de compte, le choix entre les deux alternatives est fondamentalement
politique. L’Etat décide comment distribuer les coûts et les bénéfices parmi des intérêts rivaux
(Lake, 1993). Aussi, le syndrome NIMBY néglige cette dimension politique plus complexe
expliquant le choix d’une instance gouvernementale. Cette décision n’est pas nécessairement
un « bien public ». Elle peut même être considérée comme un « mal» public (public bad).