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Le Saint Sébastien qu’il peint en 1481 illustre sa manière : à travers le prétexte d’une com-
mande religieuse, il décrit un corps à l’antique. À ses pieds, un autre pied, en marbre celui-
là, issu d’une ruine antique, qui lui sert de modèle. Le paysage est traité avec des espaces
perspectifs et une nature ciselée, traitée « strate par strate ». Même le ciel est comme mesuré
par des nuages soigneusement ordonnés.
Cette précision extrême se retrouve dans sa Crucifixion.
Une autre œuvre prétexte est le Christ mort (1480), premier grand « raccourci » de l’histoire
de l’art.
Dans la Chambre des époux (1473), il développe les principes du trompe-l’œil que Masaccio
avait installés, multipliant les avant-plans repoussoirs et les raccords peinture/architecture.
Il invente surtout la première perforation de la voûte par un trompe-l’œil dans lequel chaque
personnage jubile du simple effet de cette illusion verticale. En attendant les voûtes de Michel-
Ange et les ciels baroques...
sanDro BottiCeLLi (1445 - 1510)
Alessandro di Mariano di Vanni Filipepi, dit Sandro Botticelli, est avant tout platonicien.
Ce choix philosophique met en évidence un débat fondamental de la Renaissance : à quoi sert
l’art ? « A observer le réel » disent les aristotéliciens, dont Léonard de Vinci ; « A retrouver le
Beau idéal », répondent les platoniciens, dont Botticelli, et Michel-Ange. Raphaël7 proposera
la synthèse de l’ensemble.
Les deux œuvres phares du peintre, le Printemps (1478), et la Naissance de Vénus (1485) sont
deux allégories effectivement très éloignées du souci d’observation.
Le Printemps représente l’évolution de l’amour de février à septembre, de droite à gauche,
posée devant une « tapisserie » très irréelle et peu perspective. La Vénus, dessinée d’un fil,
est très déformée, ovalisée. Cette idéalisation fait sa fortune : cette « Venus pudica » peut
s’installer dans le ciel des idées, sans concurrence de la réalité. Elle signifie « une conversion
de l’âme à la beauté, génératrice de plaisir », thème fort peu religieux...
Tiraillé entre les cultures antique et chrétienne, Botticelli est culpabilisé par Savonarole,
moine fanatique qui voue aux enfers les admirateurs de la culture antique et prend un temps
le pouvoir à Florence. Botticelli revient alors aux sujets religieux, qu’il traite avec la même
élégance des formes idéales.
Savonarole finit pendu puis brûlé sur la place de la seigneurie de Florence pour hérésie, en
1498. Les Médicis reprennent alors la pouvoir à Florence.
gLossaire
1 Cosme de Médicis (Cosimo de’ Medici en italien) - 1389-1464. Banquier et homme d’État
italien, il fut le fondateur de la dynastie politique des Médicis, dirigeants effectifs de Florence
durant une bonne partie de la Renaissance italienne.
2 Nombre d’or : Au cours des siècles, une littérature prolixe s’est attachée au nombre d’or.
Il apparaît aux yeux de certains comme un principe d’harmonie universelle régissant le
microcosme et le macrocosme, ou comme la clé d’une conception absolue de la beauté.
Cette conception a trouvé à certaines époques une application chez les peintres dans leur
“construction” de surface picturale. Les architectes en ont également usé pour leurs plans et
leurs élévations : l’expression « section d’or » est employée pour traduire la notion euclidienne
du partage géométrique en moyenne et extrême raison, tandis que le nombre d’or en représen-
tera l’aspect spéculatif. Dès l’Antiquité, le nombre d’or s’est paré de significations mystiques,
esthétiques et ésotériques dont on retrouve un écho dans le vocabulaire des théoriciens de
la Renaissance : divine proportion, nombre d’or, section divine, section d’or. La section d’or
apparaît depuis les temps antiques comme la façon la plus logique de partager asymétrique-
ment une droite selon les principes d’économie et d’harmonie. Euclide en donne la définition
dans son Sixième Livre : « Une droite est dite coupée en extrême et moyenne raison quand la
Renaissance