59
04
Renaissance
CONTEXTE
DÉFINITION
CARACTÉRISTIQUES
Peinture
Masaccio
Fra Angelico
Paolo Uccello
Pierro della Francesca
Andrea Mantegna
Sandro Botticelli
GLOSSAIRE
61
Contexte
Une Italie morcelée
Au sud de Rome, le royaume de Naples, propriété de l’Espagne jusqu’au XVIIIème siècle. Au
centre, les états pontificaux, composés d’une mosaïque de villes que la papauté doit sou-
mettre à son autorité après une longue absence en Avignon, par l’intrigue ou la guerre. Au
nord, une autre mosaïque de cités-états qui se font à la fois la guerre et le commerce. Des
républiques et des états autoritaires vivant la violence à l’intérieur (vendettas entres clans et
familles) comme à l’extérieur.
Des mécènes
Quatres pôles principaux : Venise, Florence, Gênes et Milan. Certains dirigeants comprennent
le rôle d’une Cour brillante dans le jeu politique : ils invitent poètes, musiciens, artistes et
philosophes, et passent commande pour des œuvres prestigieuses. Cosme1 et Laurent de
Médicis, grands mécènes, sont des moteurs essentiels de la Renaissance florentine, au coeur
de cette révolution artistique capitale pour l’Occident.
Une passion pour l’antiquité
En réaction à la culture gothique et donc barbare, qui vient du nord, l’Italie retrouve son
identité culturelle dans sa propre antiquité.
Après 1 000 ans de ruines et de jachère, on déblaie un sol truffé de fragments antiques : les
ruines sont partout, surtout dans la campagne romaine : on déblaie, on collectionne, on des-
sine, on copie, on étudie et on publie. Nouveaux modèles après la « parenthèse médiévale »,
ces productions servent de référence pour tous les arts.
On relit aussi les textes des anciens, surtout les mathématiciens et les philosophes : Platon
revient, ainsi que la notion d’un Beau idéal, humain et divin, à travers la géométrie et le nombre
d’or2. Aristote garde son influence, garantie pour ceux qui veulent découvrir et observer.
Une passion pour la perspective
De la même façon que les géographes jettent une grille sur la carte du monde pour maîtriser
– objectiver - l’espace de la planète, les peintres cherchent une grille pour légitimer le regard
qu’ils posent sur le monde. Grille fondée sur le cône visuel d’un homme qui, à un mètre du sol,
pose le point de fuite et la ligne d’horizon, puis trace les fuyantes à l’intérieur d’un rectangle,
souvent réglé par le nombre d’or : le théatre du monde vu du fauteuil du prince.
L’expérience de la tavoletta3 faite par Brunelleschi fonde la légitimité du procédé : perspective
« légitime » en effet, à l’exclusion de toute autre, matrice du regard occidental jusqu’à la photo
et aux médias actuels.
Il faudra la violence des avant-gardes du début du XXème siècle pour la contester, mais dans
la doxa4 populaire, elle règne encore comme l’unique procédé possible.
Elle imprègne toutes les réalisations du Quattrocento, en urbanisme, en architecture en
sculture et en peinture, autant de laboratoires qui l’expérimentent, la théorisent par étapes,
jusqu’aux ouvrages décisifs de Piero, Alberti et Léonard de Vinci.
Définition
La Renaissance est une période de renouveau dans tous les domaines (artistique, scientifique,
politique, littéraire). Véritable révolution de la pensée, libération de l’homme vis-à-vis de
Dieu, elle constitue une rupture avec la pensée médiévale où l’homme est assujetti à Dieu.
La Renaissance va ouvrir de nouveaux fondements. La création artistique développe la repré-
sentation humaniste, qui va donner une nouvelle place à l’individu. L’homme appartient à la
nature et se dresse au centre de l’univers.
Renaissance
62
CaraCtéristiques
La peinture
Sujet
Liés aux commandes religieuses, les retables sont objets de piété, décorations murales des
édifices, et leurs sujets maintiennent les cycles bibliques traditionnels.
Une commande civile se développe avec la montée du mécénat. Les princes multiplient les
commandes de portraits, individuels ou de Cour, hommes illustres, scènes historiques et
allégories liées à la littérature antique, au service de leur prestige et d’une nouvelle culture
humaniste.
Les thèmes religieux sont souvent prétextes à intégration de sujets à l’antique, comme le
traitement du nu et du décor à l’antique, ainsi qu’au développement du paysage.
Composition
La première préoccupation est la maîtrise progressive des règles de la perspective euclidienne
qui organise, du point de vue humain, un espace unifié à travers la projection de la « grille
perspective » (par opposition à l’espace séquentiel et morcelé de l’image médiévale).
Les compositions du XVème siècle se caractérisent par le souci de contrôle et de régulation,
à la fois de la profondeur et de la surface plane du tableau. D’où la présence fréquente d’une
architecture à l’antique comme décor de scène très « quadrillé », parfois suivant des procédés
mathématique sophistiqués. D’où aussi une volonté d’harmonie et d’équilibre dans la répartition
des masses, à partir d’une base « horizontalisante » stable, autour d’un sujet principal centré.
Dessin et formes
Le problème de régulation de l’espace et la volonté de maîtrise des objets et des corps par
l’observation sont de nature intellectuelle et de l’ordre du calcul. C’est donc le dessin qui
prime : Jusqu’à Botticelli, le cerne qui construit les formes est visible et enferme la couleur
avec précision.
Le dessin structure l’espace et observe avec plus ou moins d’acuité l’anatomie et les objets.
Couleur
Au départ, elle répond encore à l’exigence d’être somptueuse et ornementale, selon les critères
médiévaux. On utilise encore la feuille d’or pour rehausser l’éclat dans la tradition de l’orfèvre-
rie. Progressivement, elle se fait illusionniste et intègre la gestion de l’ambiance lumineuse.
Quelques peintres importants :
MasaCCio5 (1401 - 1428)
Dès le début du siècle, (1426-27) il fait basculer les codes de la vision occidentale.
Avec le Paiement du Tribut (chapelle Brancacci, Florence, 1426), il crée un espace perspectif
pratiquement unifié, traité de façon très synthétique, donc peu médiévale.
Il invente des procédés pour « crever l’espace »
- un « avant-plan repoussoir »
- l’isocéphalie : les têtes à même hauteur, qui se cachent les unes les autres. Ce sont les pieds,
donc le sol, qui indiquent la profondeur.
- le raccourci
- le traitement par masses de corps qui ont une gravité « à l’antique »
Un moment capital dans l’histoire de la vision occidentale : le percepteur, à l’avant, de dos,
est plus grand que le Christ. On bascule de la vision symbolique à la vision optique, ou « illu-
sionniste ». C’est-à-dire de la vision médiévale : « plus grand = plus important, et plus petit =
moins important », à la vision moderne : « plus grand = devant, plus petit = derrière ».
Avec la Trinité (Santa Maria Novella, Florence, 1427), Masaccio invente une technique que
d’autres exploiteront plus tard : le trompe-l’œil. Il s’agit en fait d’un « trompe-corps », c’est-
à-dire l’illusion physique que le mur est perforé, perçu à partir d’un point de vue par notre
position corporelle.
Renaissance
63
Il y ajoute des « avant-plans repoussoirs » en cascade sur les flancs de la fresque.
La grille perspective est réalisée non pas au sol, mais dans la voûte, à partir de caissons ins-
pirés du Panthéon, qu’il a visité à Rome avec son ami Brunelleschi, inventeur de la tavoletta
et de la perspective monoculaire...
Il invente du même coup la contre-plongée6!
fra angeLiCo (vers 1400 - 1455)
Moine dont la mystique se décline dans la douceur, à mi-chemin entre les codes médiévaux
et les nouveaux codes « modernes ». Ses Annonciations (vers 1430) inscrivent la Vierge et
l’ange dans une « boîte en perspective », elle-même posée sur une très médiévale tapisserie
d’herbe et de fleurs. Persistance des paysages simplifiés à la Giotto, des fonds or byzantins.
paoLo uCCeLLo (1397 - 1475)
Qualifié de « fou de perspective », ce qu’on lui a même reproché : « Il n’eut plaisir qu’à l’étude
de points de perspectives difficiles, voire insolubles ; recherches qui, malgré de belles trou-
vailles, devinrent si gênantes qu’en vieillissant il les fit de plus en plus mauvaises ».
Sur une commande initiale de la famille Bartolini Salimbeni reprise par Cosme de Médicis, il
réalise trois versions de La Bataille de San Romano (vers 1456), en mémoire de la victoire des
Florentins sur les Siennois, en juin 1432, à la Torre San Romano. Trois panneaux représentent
trois scènes d’une même bataille et sont maintenant disséminés.
Le panneau Niccolo Mauruzi da Tolentino à la tête de ses troupes qui se trouve à la National
Gallery de Londres est caractéristique : la joute est disposée sur une scène de théâtre, en deux
plans bien distincts séparés par un écran de verdure : la scène à l’avant, le paysage toscan à
l’arrière, comme une tapisserie.
Sur la scène, la perspective est marquée par le quadrillage très artificiel des lances au sol et
un soldat mort pris en raccourci. Les chevaux traités en sphères se superposent et donnent
de l’épaisseur à la profondeur. Dans le sens gauche droite, le mouvement des lances s’abat
par saccades sur le cavalier siennois, à l’extrême droite : gestion très dynamique de la surface
plane « balayée » par la dynamique des lances. Le héros, Niccolo de Tolentino, général des
Florentins, est évidemment placé au centre de la composition.
piero DeLLa franCesCa (1415 - 1492)
Le type même de l’humaniste polyvalent, reconnu comme géomètre et mathématicien autant
que comme peintre. Il publie plusieurs traités sur la géométrie et la perspective en peinture.
Il y ajoute l’étude de la théologie et de la philosophie antique. Son œuvre se caractérise par
une maîtrise sophistiquée de l’espace, qu’il traite de façon mathématique selon le vocabulaire
antique, mais auquel il intègre une nouvelle maîtrise de la lumière ambiante, dans l’archi-
tecture comme dans les paysages. Les scènes sont marquées par l’immobilité hiératique de
personnages comme fixés dans leur éternité.
La Flagellation du Christ (1450) constitue une œuvre clé, qui intègre de façon complexe
l’organisation de la surface par le nombre d’or, en lien avec les symboliques religieuses des
nombres et de la taille idéale du christ, ainsi que le déploiement d’une perspective millimétrée,
expérimentée à base de maquettes tridimensionnelles. La spatialité est rendue sensible par
des variations lumineuses très subtiles propres à chaque tranche d’espace suggéré.
anDrea Mantegna (1431 - 1506)
Il grandit dans un milieu fasciné par l’Antiquité, la lecture des textes et la découverte des
vestiges archéologiques. Collectionneur des fragments antiques qui jonchent le sol italien
depuis un millénaire, il y puise sa vision du corps humain et le décor de ses scènes.
Chez lui, le dessin prime, comme outil de description et d’observation détaillée. Son trait est
acéré comme peut l’être celui d’un graveur, et confère aux objets un relief qui a la dureté du
marbre.
Renaissance
64
Le Saint Sébastien qu’il peint en 1481 illustre sa manière : à travers le prétexte d’une com-
mande religieuse, il décrit un corps à l’antique. À ses pieds, un autre pied, en marbre celui-
là, issu d’une ruine antique, qui lui sert de modèle. Le paysage est traité avec des espaces
perspectifs et une nature ciselée, traitée « strate par strate ». Même le ciel est comme mesuré
par des nuages soigneusement ordonnés.
Cette précision extrême se retrouve dans sa Crucifixion.
Une autre œuvre prétexte est le Christ mort (1480), premier grand « raccourci » de l’histoire
de l’art.
Dans la Chambre des époux (1473), il développe les principes du trompe-l’œil que Masaccio
avait installés, multipliant les avant-plans repoussoirs et les raccords peinture/architecture.
Il invente surtout la première perforation de la voûte par un trompe-l’œil dans lequel chaque
personnage jubile du simple effet de cette illusion verticale. En attendant les voûtes de Michel-
Ange et les ciels baroques...
sanDro BottiCeLLi (1445 - 1510)
Alessandro di Mariano di Vanni Filipepi, dit Sandro Botticelli, est avant tout platonicien.
Ce choix philosophique met en évidence un débat fondamental de la Renaissance : à quoi sert
l’art ? « A observer le réel » disent les aristotéliciens, dont Léonard de Vinci ; « A retrouver le
Beau idéal », répondent les platoniciens, dont Botticelli, et Michel-Ange. Raphaël7 proposera
la synthèse de l’ensemble.
Les deux œuvres phares du peintre, le Printemps (1478), et la Naissance de Vénus (1485) sont
deux allégories effectivement très éloignées du souci d’observation.
Le Printemps représente l’évolution de l’amour de février à septembre, de droite à gauche,
posée devant une « tapisserie » très irréelle et peu perspective. La Vénus, dessinée d’un fil,
est très déformée, ovalisée. Cette idéalisation fait sa fortune : cette « Venus pudica » peut
s’installer dans le ciel des idées, sans concurrence de la réalité. Elle signifie « une conversion
de l’âme à la beauté, génératrice de plaisir », thème fort peu religieux...
Tiraillé entre les cultures antique et chrétienne, Botticelli est culpabilisé par Savonarole,
moine fanatique qui voue aux enfers les admirateurs de la culture antique et prend un temps
le pouvoir à Florence. Botticelli revient alors aux sujets religieux, qu’il traite avec la même
élégance des formes idéales.
Savonarole finit pendu puis brûlé sur la place de la seigneurie de Florence pour hérésie, en
1498. Les Médicis reprennent alors la pouvoir à Florence.
gLossaire
1 Cosme de Médicis (Cosimo de’ Medici en italien) - 1389-1464. Banquier et homme d’État
italien, il fut le fondateur de la dynastie politique des Médicis, dirigeants effectifs de Florence
durant une bonne partie de la Renaissance italienne.
2 Nombre d’or : Au cours des siècles, une littérature prolixe s’est attachée au nombre d’or.
Il apparaît aux yeux de certains comme un principe d’harmonie universelle régissant le
microcosme et le macrocosme, ou comme la clé d’une conception absolue de la beauté.
Cette conception a trouvé à certaines époques une application chez les peintres dans leur
“construction” de surface picturale. Les architectes en ont également usé pour leurs plans et
leurs élévations : l’expression « section d’or » est employée pour traduire la notion euclidienne
du partage géométrique en moyenne et extrême raison, tandis que le nombre d’or en représen-
tera l’aspect spéculatif. Dès l’Antiquité, le nombre d’or s’est paré de significations mystiques,
esthétiques et ésotériques dont on retrouve un écho dans le vocabulaire des théoriciens de
la Renaissance : divine proportion, nombre d’or, section divine, section d’or. La section d’or
apparaît depuis les temps antiques comme la façon la plus logique de partager asymétrique-
ment une droite selon les principes d’économie et d’harmonie. Euclide en donne la définition
dans son Sixième Livre : « Une droite est dite coupée en extrême et moyenne raison quand la
Renaissance
1 / 14 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !