Biomarqueurs de l’athérothrombose coronaire:
données récentes et perspectives
DOSSIER THÉMATIQUE
Biomarqueurs en pathologie
cardiovasculaire
12 | La Lettre du Cardiologue • n° 427 - septembre 2009
à 17 802 patients asymptomatiques et non diabé-
tiques, de plus de 50 ans pour les hommes et de
plus de 60 ans pour les femmes, dont la CRP était
≥ 2 mg/l et le cholestérol LDL < 1,3 g/l avant l’in-
clusion, diminuait de 44 % le risque d’événements
cardiovasculaires (IDM, AVC, hospitalisation pour
angor instable, revascularisation répétée ou décès
cardiovasculaire) [23]. L’étude a été interrompue
prématurément après un suivi médian de 1,9 an,
mais les projections des résultats observés suggèrent
que le nombre de patients à traiter pour empêcher
la survenue d’un événement cardiovasculaire à 5 ans
n’est que de 25. Les investigateurs de JUPITER insis-
tent par ailleurs sur l’absence de corrélation entre
les concentrations, sous rosuvastatine, de CRP et de
cholestérol LDL, ainsi que sur le caractère additif de
l’obtention conjointe d’une concentration de CRP
< 2 mg/l et d’une concentration de cholestérol LDL
< 0,7 g/l dans la réduction du risque d’événements
cardiovasculaires (réduction du risque de 65 %
par rapport au placebo, alors que la réduction du
risque n’est que de 36 % si un seul ou aucun des
deux biomarqueurs n’est abaissé en dessous des
seuils) [24].
Les résultats de JUPITER ont des implications poten-
tiellement importantes. Un calcul récent indique
que, s’il fallait extrapoler les critères d’inclusion
dans JUPITER à la population générale, environ
6,5 millions d’Américains deviendraient candidats
à un traitement au long cours par une statine. Bien
que les résultats de JUPITER plaident en faveur d’un
effet anti-inflammatoire des statines et d’un effet
protecteur de la rosuvastatine chez des patients
dont l’élévation de la CRP serait le seul facteur de
risque d’athérosclérose, ils doivent cependant être
interprétés avec précaution. En effet, il aurait été
intéressant de préciser si des patients dont la CRP
est < 2 mg/l, voire des patients dont la concen-
tration de CRP n’aurait pas été mesurée à l’entrée
dans l’étude, ne bénéficieraient pas autant d’un
traitement par rosuvastatine que les patients sélec-
tionnés sur une CRP ≥ 2 mg/l. Par ailleurs, on ne peut
formellement exclure que la stratification du risque
d’événements cardiovasculaires sur la CRP obtenue
sous traitement (et non sur la diminution de la CRP
sous traitement) revienne en fait à sélectionner les
patients dont la CRP de départ était d’emblée peu
élevée (et l’est restée), et non les patients dont
le statut inflammatoire aurait été favorablement
modifié par la rosuvastatine. Enfin, la diminution
impressionnante du RR d’événements cardiovas-
culaires sous rosuvastatine ne doit pas faire perdre
de vue que, dans cette population à faible risque,
la différence absolue du risque sous rosuvastatine
était très faible (0,9 %, par exemple, pour le critère
IDM, AVC et décès cardiovasculaire), alors que la
toxicité à long terme de la rosuvastatine reste à
déterminer. À cet égard, l’observation d’une plus
forte incidence de diabète sous rosuvastatine (3 %
versus 2,4 %) impose la prudence. Il est donc diffi-
cile, après JUPITER, de préciser la place du dosage
de la CRP dans la stratégie de prise en charge des
patients à risque coronarien faible. Il est cependant
peu probable que de nouvelles études de prévention
primaire de cette ampleur permettent de répondre
définitivement à cette importante question.
Nouveaux biomarqueurs
d’athérothrombose
La CRP ne résume pas, loin s’en faut, les avancées
récentes en matière de biomarqueurs du risque
coronarien. La Lp-PLA2 (Lipoprotein-associated
Phospholipase A2) est un concurrent direct de la
CRP en prévention primaire. Elle est sécrétée par les
leucocytes et circule sous forme inactive associée
aux particules de LDL. Lorsque ces particules sont
oxydées, la Lp-PLA2 est activée et clive la phos-
phatidylcholine oxydée, à la surface des particules
de LDL, en lysophosphatidylcholine et en acides
gras libres, qui sont 2 médiateurs de l’inflamma-
tion et sont impliqués dans l’athérogenèse. Après
ajustement à la concentration de CRP et à d’autres
facteurs de risque classiques, une élévation de la
Lp-PLA2 au-delà du premier quintile est associée
à un risque accru d’événements coronariens (25).
L’existence d’inhibiteurs pharmacologiques de la
Lp-PLA2, tels que le darapladib, permet de tester
l’hypothèse d’un rôle causal de la Lp-PLA2 dans
la déstabilisation de la plaque. Une étude récente
d’échographie endocoronaire couplée à une modalité
d’histologie virtuelle suggère qu’un traitement de
quelques mois par le darapladib diminue significati-
vement le volume du centre nécrotique de la plaque
d’athérosclérose coronaire chez l’homme (26). L’effi-
cacité du darapladib sur la réduction des événements
athérothrombotiques est actuellement étudiée sur
plus de 15 000 patients coronariens stables dans
l’essai clinique, de phase 3, STABILITY.
Le dosage de la troponine s’est imposé comme un
dosage de routine, recommandé par les sociétés
savantes européennes et américaines, devant toute
douleur thoracique suspecte de SCA (20). Une éléva-
tion de la troponine au-delà du 99e percentile a des
implications non seulement pronostiques (27), mais
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