Cours d’Algèbre II Prof. E. Bayer Fluckiger Bachelor Semestre 4 09 mai 2012 Corrigé 21 Exercice 1. Soit A un anneau intègre de cardinal fini. Montrer que A est un corps. Solution. Soient a ∈ A \ {0} et f : A → A l’homomorphisme de groupes défini par f (x) = ax. Puisque A un anneau intègre, on a ker f = {0}. Par conséquent, f est injectif. Donc, |A| = |f (A)|. Puisque A est de cardinal fini, on en déduit que f (A) = A, c’est-à-dire f est surjectif. En particulier, 1 ∈ f (A). Donc il existe b ∈ A tel que 1 = ab. D’où a est un élément inversible. Comme a était un élément non-nul arbitraire de A, on déduit que A est un corps. Exercice 2. Soient p ≥ 2 un nombre premier et n ≥ 2 un entier. (1) Soit m un diviseur de n. Montrer que Fpn a un unique sous-corps de cardinal pm . (2) Montrer qu’un polynôme F ∈ Fp [X] de degré n est irréductible si et seulement si F est scindé sur Fpn et n’a aucune racine dans Fpm pour tout m < n. n (3) En déduire que X p − X est le produit des polynômes irréductibles sur Fp de degré divisant n. n (4) Montrer que pgcd F, X p − X est le produit des facteurs irréductibles de F de degré divisant n. (5) En déduire une factorisation X 5 + 2X 4 + X 2 + 2X + 1 sur F3 . (6) Donner un corps de décomposition de X 5 + X 2 + 2X + 1 ∈ F3 [X]. Solution. (1) Soit k ⊂ Fpn un sous-corps de cardinal pm de Fpn . Alors k ∗ est de cardinal pm − 1. En particulier, d’après le théorème de Lagrange, tout x ∈ k ∗ est m d’ordre (pour la multiplication) divisant pm − 1 i.e. tel que xp −1 = 1. m m Ainsi tous les éléments de k sont racines de X p − X. Comme X p − X a au plus pm racines, k est l’ensemble des éléments de Fpn qui sont racines m de X p − X. En appliquant ce qui précède avec m = n, on constate que Fpn est n un corps de décomposition de X p − X. Comme m divise n, on sait que m n pm − 1 divise pn − 1 et donc que X p − X divise X p − X. En particulier m m X p − X est scindé sur Fpn . L’ensemble des racines de X p − X dans m Fpn est donc de cardinal pm . Cet ensemble des racines de X p − X dans 2 n est un Fpn est bien un sous-corps de Fpn puisque Frobm p : Fpn −→ Fpm x 7−→ xp automorphisme de corps (obtenu en composant m fois l’automorphisme de corps Frobp : Fpn −→ Fpn avec lui-même). x 7−→ xp Ainsi, Fpn a un unique sous-corps de cardinal pm , à savoir l’ensemble m de racines dans Fpn de X p − X. (2) On rappelle qu’un polynôme est irréductible si et seulement s’il est égal au polynôme minimal d’une de ses racines. Supposons le polynôme F irréductible. Nous allons montrer que Fpn est un corps de décomposition de F . Comme tout corps fini est isomorphe à Fpm pour un certain entier m, il existe un entier r tel que Fpr soit un corps de décomposition de F . Soit α ∈ Fpr une racine de F . Comme F est irréductible, il est le polynôme minimal de α sur Fp . On a donc n = deg(F ) = [Fp (α) : Fp ]. En particulier, Fp (α) = Fpn (d’après la question précédente, Fpr a un seul sous-corps de cardinal pn , à savoir Fpn ). On en conclut que toutes les racines de F sont dans le sous-corps Fpn de Fpr i.e. que le polynôme F est scindé sur Fpn . Soient m ≤ n − 1 et α une racine de F dans le corps Fpm . On note P le polynôme minimal de α sur Fp . Clairement deg(P ) ≤ m ≤ n − 1. Comme F (α) = 0, le polynôme P divise F , ce qui contredit l’irréductibilité de F . On conclut que F n’admet pas de racines dans Fpm pour m ≤ n − 1. Supposons maintenant que le polynôme F est scindé sur Fpn et n’a aucune racine dans Fpm pour m ≤ n−1. Soient α une racine de F et P le polynôme minimal de α sur Fp . Alors Fp [X]/(P ) est un corps fini, isomorphe à Fpm pour un m ∈ N. Par hypothèse, on a m ≥ n. Comme F (α) = 0, le polynôme P divise F et donc deg(P ) = m ≤ n. Par conséquent m = n d’où P = F . Le polynôme F est donc irréductible. (3) Soit f ∈ Fp [X] un polynôme irréductible de degré divisant n. Alors [Fp [X]/(f ) : Fp [X]] = n. On en déduit que Fp [X]/(f ) est isomorphe à Fpn . En particulier, f a une racine α dans Fpn . Le polynôme f étant n irréductible, le polynôme minimal de α est f . Or α est racine de X p − X n donc f divise X p − X. n Soit g un polynôme unitaire et irréducible tel que g|X p − X. Montrons que g ∈ I. Soit α une racine de g dans une extension convenable de Fp . Alors Fp (α) est un sous-corps de Fpn . En particulier, deg g = [Fp (α) : Fp ]. On en déduit que [Fp (α) : Fp ] divise [Fpn : Fp ] i.e. que deg(g) divise n. On vient ainsi de montrer que les facteurs apparaissant dans une n décomposition de X p − X en produit d’éléments irréductibles de Fp [X] sont exactement les polynômes irréductibles sur Fp de degré divisant n. 3 n Pour conclure il suffit maintenant de montrer que X p −X est sans facteur carré i.e. qu’il n’existe aucun polynôme non constant g ∈ Fp [X] tel que g 2 n divise X p − X. Supposons l’existence d’un polynôme g irréductible sur Fp tel que g 2 n divise X p − X. Soit h ∈ Fp [x] tel que n X p − X = g 2 h. En dérivant les deux membres de l’égalité définissant h, on obtient n −1 −1 = pn X p − 1 = 2gg 0 h + g 2 h0 , En particulier −1 est divisible par g, ce qui n’est possible que si g est un polynôme constant. n (4) Soient P = pgcd F, X p − X , et P = p1 ...pl la factorisation de P en facteurs irréductibles. Comme P divise F , les pi sont des facteurs irréductibles n de F . De plus, comme P divise X p − X, d’après la question précédente, chaque pi est un polynôme irréductible de degré divisant n. Si G est un polynôme irréductible de degré divisant n, alors, d’après la n question précd́ente, G divise X p − X. Si de plus G divise F , alors G = pi pour un certain indice i. Les polynômes irréductibles divisant P sont donc exactement les polynômes irréductibles divisant F et de degré divisant n. n Pour conclure il suffit de remarquer que P = pgcd(F, X p − X) est sans n facteur carré puisque X p − X est sans facteur carré. (5) D’après le point précédent, il suffit de calculer n Pn := pgcd X 5 + 2X 4 + X 2 + 2X + 1, X 3 − X pour différentes valeurs de n. Dans le cas n = 1, on a P1 = 1 (on peut aussi rearquer directement que le polynôme X 5 + 2X 4 + X 2 + 2X + 1 n’admet pas de racines dans F3 ). Dans le cas n = 2, on a P2 = X 2 +X +2, qui est irréductible dans F3 [X], donc le seul facteur irréductible de degré 2 de X 5 + 2X 4 + X 2 + 2X + 1 est X 2 +X+2. En effectuant une division euclidienne de X 5 +2X 4 +X 2 +2X+1 par X 2 + X + 2 on obtient X 5 + 2X 4 + X 2 + 2X + 1 = (X 2 + X + 2) · (X 3 + X 2 − 1) et comme le polynôme X 3 +X 2 −1 est irréductible dans F3 [X] (car il est de degré 3 et il n’admet pas de racines dans F3 ), on a obtenu la décomposition de X 5 + 2X 4 + X 2 + 2X + 1 en facteurs irréductibles. (6) On commence par factoriser X 5 + X 2 + 2X + 1 en calculant n Qn := pgcd X 5 + X 2 + 2X + 1, X 3 − X pour différentes valeurs de n. Dans le cas n = 1, on a Q1 = 1. Dans le cas n = 2, on a Q2 = X 2 + 1, qui est irréductible dans F3 [X]. On a X 5 + X 2 + 2X + 1 = (X 2 + 1) · (X 3 − X + 1) 4 et comme le polynôme X 3 −X +1 est irréductible dans F3 [X] (car il est de degré 3 et il n’admet pas de racines dans F3 ), on a obtenu la décomposition de X 5 + X 2 + 2X + 1 en facteurs premiers. Un corps de décomposition de X 2 +1 est K1 = F3 (α), où α est une racine de X 2 + 1. Comme X 2 + 1 est irréductible de degré 2, on a [K1 : F3 ] = 2. Un corps de décomposition de X 5 + X 2 + 2X + 1 est donc K2 = K1 (β), où β est une racine de X 3 − X + 1. Comme X 3 − X + 1 est irréductible sur F3 , on déduit de la question (2) que X 3 − X + 1 n’a pas de racine dans K1 . Or tout polynôme de degré 3 sans racine dans K1 est irréductible sur K1 , donc X 3 − X + 1 est irréductible sur K1 . Par suite, [K2 : K1 ] = deg(X 3 − X + 1) = 3. Ainsi on a [K2 : F3 ] = [K2 : K1 ][K1 : F3 ] = 6. Par conséquent K2 est isomorphe à F36 . Exercice 3. On note Z[i] := {a + ib : a, b ∈ Z}. Montrer que les anneaux suivants sont isomorphes Fp [X]/(X 2 + 1), Z[X]/(p, X 2 + 1), Z[i]/(p). Solution. On note I = (p, X 2 + 1) l’idéal de Z[X] engendré par p et X 2 + 1. On considère l’homomorphisme d’anneaux f : Z[X] −→ Z[i]/(p) obtenu par composition de l’homomorphisme d’évaluation en i φ : Z[X] −→ Z[i] P 7−→ P (i) et de la surjection canonique πZ[i] → Z[i]/pZ[i]. Comme φ et π sont surjectives, il en va de même de f = π ◦ φ. Montrons maintenant que Ker(f ) = I. On vérifie sans difficultés que p ∈ Ker(f ) et X 2 + 1 ∈ Ker(f ) et donc que I ⊂ Ker(f ). Soit P ∈ Ker(f ). On a alors P (i) ∈ pZ[i]. Comme X 2 + 1 est unitaire on peut effectuer la division euclidienne de P par X 2 + 1 dans Z[X] : P = (X 2 + 1)Q + aX + b avec Q ∈ Z[X] et a, b ∈ Z. On a alors P (i) = ai + b. Or P (i) ∈ pZ[i] donc a et b sont divisibles par p. Par suite aX +b ∈ pZ[X] et donc P = (X 2 +1)Q+aX +b ∈ I. Ainsi, Ker(f ) ⊆ I. Par passage au quotient, f va donc induire un isomorphisme d’anneaux de Z[X]/I sur Z/pZ[i]. 5 On vérifie aisément que l’application de “réduction modulo p” ψ: Z[X] −→ Fp [X] n n X X ai X i 7−→ [ai ]p X i i=0 i=0 est un homomorphisme d’anneaux. Soit g : Z[X] −→ Fp [X]/(X 2 + [1]p ) la composée de ψ et de la surjection canonique η : Fp [X] −→ Fp [X]/(X 2 + [1]p ). Alors g est un un homomorphisme d’anneaux surjectif puisque c’est la composée de deux homomorphismes d’anneaux surjectifs. Montrons maintenant que Ker(g) = I. On vérifie sans difficultés que I ⊆ Ker(g). Soit P ∈ Ker(g). Alors ψ(P ) ∈ (X 2 + [1]p )Fp [X]. Il existe donc T ∈ Z[X] tel que ψ(P ) = (X 2 + [1]p )ψ(T ). Maintenant, puisque ψ(P − (X 2 + 1)T ) = 0, tous les coefficients de P − (X 2 + 1)T sont divisibles par p, autrement dit il existe S ∈ Z[X] tel que P − (X 2 + 1)T = pS. On a donc P = pS + (X 2 + 1)T ∈ I. Ainsi, Ker(g) ⊆ I. Par passage au quotient, g va donc induire un isomorphisme d’anneaux de Z[X]/I sur Fp [X]/(X 2 + [1]p )Fp [X]. En composant f −1 par g, on obtient un isomorphisme d’anneaux g ◦ f −1 de Z[i]/pZ[i] sur Fp [X]/(X 2 + [1]p )Fp [X]. Exercice 4. Soit α ∈ F27 avec α ∈ / {−1, 0, 1}. Montrer que {−α, α} contient un générateur ∗ de F27 . Solution. On a |F∗27 | = 26. Tout élément de F∗27 est donc d’ordre 1, 2, 13 ou 26. On sait que 1 est le seul élément d’ordre 1 et que −1 est le seul élément d’ordre 2. Par conséquent, si α ∈ / {−1, 0, 1}, alors α est d’ordre 13 où 26. Si l’ordre de α est 26, alors α est un générateur de F∗27 . Si l’ordre de α est 13, alors | − α| = ppcm(|α|, | − 1|) = ppcm(13, 2) = 26, (où |x| désigne l’ordre de x ∈ k ∗ pour la multiplication dans k) car −α = α · (−1) et pgcd(|α|, | − 1|) = 1. Ainsi, −α est un générateur de F∗27 . Donc dans les deux cas, {−α, α} contient un générateur de F∗27 .