Forum Jacques Garello Les Occidentaux ont perdu la foi dans leur civilisation… Les valeurs de l’Occident L’Occident est souvent ciblé par les terroristes. Y aurait-il quelque chose en Occident qui attirerait la haine et justifierait la violence ? De leur côté les Occidentaux connaissent-ils les valeurs morales et spirituelles fondatrices de leur civilisation ? Questions qui méritent sans doute un forum… epuis le 11 septembre 2001 au moins, une guerre sans merci est apparemment déclarée à l’Occident. Qui sont ces ennemis irréductibles et qu’est-ce qui les anime? Le fanatisme religieux? Les intérêts économiques comme l’accès aux richesses naturelles? La redistribution de la puissance politique mondiale? Je n’ai pas la réponse, et les géopoliticiens ne s’accordent pas. Il y a, en revanche, quelque chose qui apparaît clairement: les Occidentaux ont perdu la foi dans leur civilisation. Les plus hautes autorités morales ont vu dans la récente crise financière et économique une crise de la foi, parce que dans la tradition occidentale les relations entre les hommes sont sous le signe de la confiance:“Sociétés de confiance” disait Alain Peyrefitte, contre “Sociétés de puissance” ajoutait Fukuyama. Or, la confiance a été trahie ou ébranlée depuis plusieurs années. Le doute s’est inscrit dans tous les esprits, souvent amplifié par des marchands de peur: crainte pour les emplois, crainte pour les finances publiques, craintes pour l’environnement, crainte pour tout (exprimé par le principe de précaution). Celui qui doute ne peut survivre. Nous ne savons pas toujours d’où viennent les attaques contre l’Occident, mais nous savons qu’aucune cause ne peut être défendue si les gens n’y croient pas. D 48 Lion n° 631 février 2011 Jérusalem, Athènes et Rome Pourtant l’Occident a une belle histoire, que nous devrions avoir en tête et qui devrait nous donner fierté et courage. La Méditerranée a été le berceau de la civilisation, disent les Occidentaux. Et de fait les valeurs de l’Occident se sont développées grâce à trois apports majeurs. Celui de Jérusalem, c’est la dignité de l’être humain, créé par Dieu et à son image. La tradition judéo-chrétienne est celle du respect de l’individu, de sa liberté et de sa responsabilité personnelle. L’apport d’Athènes, c’est l’importance de la Cité, car l’homme est un animal social, il vit et s’épanouit au sein d’une communauté naturelle ou politique qui a ses règles. Mais Antigone se révolte contre les lois de la Cité qui écraseraient l’individu. Enfin Rome invente le droit, la justice : l’obligation de respecter les droits d’autrui et notamment la propriété, et la nécessité d’une autorité pour cela. Individualité, citoyenneté, légalité: socle sur lequel l’Occident s’est bâti. Évidemment tout cela est caricatural, d’autant plus que l’articulation entre les valeurs d’origine ne se fera que très lentement. L’Occident ne s’est pas bâti en un jour, ni même en un siècle. Il a fallu plusieurs poussées de civilisation pour le mûrir. La révolution grégorienne, et la révolution du droit* ont per- État et des hommes à sa dévotion pour empêcher les hommes de s’entre-déchirer. Mais qui limite un État doté du monopole de la coercition et de la violence? La “société de puissance” est l’exact opposé de la “société de confiance”: c’est la loi du plus fort qui règne, comme dans la meute ou la horde. Quand les Occidentaux n’honorent plus leurs valeurs de civilisation, ils se déconsidèrent aux yeux du reste du monde et deviennent la proie facile des ambitions et des fanatismes. Si les Occidentaux abandonnent toute dignité, l’Occident perd toute estime et tout respect. En serions-nous là aujourd’hui? L’Occident indifférent Pendant les “années folles”, l’Occident a voulu oublier le cauchemar de la Première Guerre mondiale puis la grande panique de la Grande Dépression. Excellente occasion pour oublier aussi les valeurs éthiques: le bien et le mal n’intéressent personne. Du coup, les totalitarismes de Lénine, Staline et Hitler ont pu tranquillement se mettre en place. Une infime partie de l’élite éclairée a eu conscience des périls et a mis ses contemporains en alerte: voilà la “trahison des clercs” (Benda). L’Occident était-il visé? mis d’ouvrir les “temps modernes”, où les idées de droit à la vie, à la liberté et à la propriété ont pu se développer et se concrétiser. L’Occident infidèle Si les valeurs de l’Occident se sont conjuguées et affinées au fil des siècles, ce n’est pas selon un processus continu. Dans l’histoire de l’Occident, il y a eu de dramatiques ruptures, et les Occidentaux ont fait régulièrement retour à la barbarie. Le XXe siècle demeurera l’un des plus sombres de l’Histoire, avec deux guerres mondiales, une succession de régimes totalitaires et une répétition de génocides et de massacres. Les Occidentaux n’ont pas toujours été les seuls en cause: le Japon, Mao, Pol Pot, se sont illustrés dans la barbarie. Mais les dirigeants occidentaux ont été tantôt les initiateurs, tantôt les complices ou les témoins impassibles de ces horreurs. C’est que les valeurs de l’Occident ont leurs contre-valeurs et par priorité la recherche du pouvoir. Pouvoir politique, pouvoir religieux, pouvoir économique: volonté d’exercer sa domination, de montrer sa puissance et sa gloire, de s’emparer des biens d’autrui, de jouir de l’impunité. C’est toute la cohorte des vices qui dégradent l’homme pour laisser émerger ce qui reste d’animal en lui: “L’homme est un loup pour l’homme”, disait Hobbes. Hobbes est l’inspirateur de tous les régimes dictatoriaux et policiers contemporains, car il faut un D’où viennent l’indifférence, l’ignorance volontaire, à l’égard des valeurs de l’Occident? On peut incriminer matérialisme et relativisme.Tous deux débouchent sur le nihilisme, sur la négation des valeurs morales et spirituelles. Le matérialisme règne quand les hommes ne comprennent plus que toute activité humaine, toute liberté, tout progrès, doit s’ordonner à la dignité de la personne. Certes le progrès matériel peut aller plus vite que le progrès humain. En une génération on peut devenir riche ; mais il faut parfois plus d’une génération pour vivre riche, c’est-à-dire apprendre à maîtriser la richesse. Conscients de ce décalage, certains voient la solution dans le ralentissement de la croissance. On entend beaucoup de discours sur les méfaits moraux de la réussite économique, sur les tares de la “société de consommation”, sur l’urgence de penser au “bonheur national brut” plutôt qu’au “produit national brut”. À entendre ces prêches, il faudrait freiner le progrès pour le mettre au pas de l’homme. Cette solution est à désespérer de l’être humain, qui est au contraire capable de hâter le pas pourvu qu’il reçoive l’éducation morale voulue. Ce n’est pas le progrès matériel qu’il faut freiner, c’est le progrès moral qu’il faut accélérer. L’éducation morale se fait au cœur des deux foyers de vie que sont la famille et l’école. Elles traversent malheureusement toutes deux une grave crise dans la plupart de nos pays “avancés”. La famille a éclaté en Occident, et l’école devient apprentissage de la grégarité, et préparation à la massification. Quant au relativisme, il a atteint depuis fort longtemps la classe intellectuelle.“Le poisson pourrit par la tête”, aurait dit Mao. Les clercs de la folle époque étaient indifférents et inconscients. Nos intellectuels excellent aujourd’hui dans le reLion n° 631 février 2011 49 Forum Jacques Garello lativisme. Le relativisme est destructeur de la foi, car il pose le principe qu’il n’y a pas de vérité unique, et que chacun peut avoir sa vérité. Il est donc refus de valeurs communes, donc négation des valeurs.“Quand tout se vaut rien ne vaut.” Le relativisme ne se confond pas avec la liberté individuelle, car il demeure incontestable que si la vérité est unique, le chemin pour trouver la vérité est affaire personnelle, bien qu’un peu de grâce puisse y aider. L’homme a toujours été libre de ne pas prendre le chemin et de rejeter la vérité. politique pourtant très minoritaire a refusé de mentionner les racines chrétiennes de l’Europe. Était-il criminel de se référer aux valeurs de civilisation que la chrétienté a apportées à la culture de nos pays? Il y a en fait des interdits contre l’éthique, et ce qui est criminel c’est de dépouiller la jeunesse et les nations de toute référence aux valeurs de l’Occident. Cette attitude conduit au nihilisme et au désespoir. Elle montre le défaut de la cuirasse des Occidentaux aux ennemis de l’Occident. Ayons le courage de conforter et d’affirmer nos valeurs J’ai coutume de dire qu’il nous faut connaître la valeur de nos valeurs, et donner de la valeur à nos valeurs. Connaître la valeur de nos valeurs, c’est se persuader que les valeurs de l’Occident sont en fait la seule et la vraie réponse aux défis du mondialisme, à l’affrontement des cultures. La dignité de la personne humaine, des principes de bon gouvernement, l’état de droit, valeurs apprises de Jérusalem, Athènes et Rome, sont les seuls moyens d’arriver à la compréhension entre les peuples, à la liberté, sauvegarde de la paix. Forts de nos valeurs, nous sommes protégés de la barbarie. Sans nos valeurs, nous sommes livrés aux barbares. Donner de la valeur à nos valeurs, c’est les enseigner, les faire connaître, en particulier à la jeunesse qui est en attente et en recherche. C’est les pratiquer, car l’exemplarité est encore la meilleure forme de prosélytisme. Nous sommes ainsi appelés à une vraie croisade. L’éthique, repère de la vie Le matérialisme et le relativisme conduisent à cacher ou brouiller le sens et l’importance des valeurs éthiques. Il y a là danger pour la civilisation, mais il y a là aussi danger pour la vie personnelle. Car l’être humain a besoin de donner un sens à sa vie; c’est la seule façon pour lui de s’épanouir, d’exprimer ses talents, son individualité, de montrer à ceux qu’il aime ce dont il est capable, ce qu’il apporte à la communauté. Ce besoin est particulièrement intense chez les jeunes, qui sont prêts pour la vie mais ne lui ont pas encore donné un sens. Qui les aide en leur fournissant le guide de l’éthique? Le devoir des hommes et des femmes de bonne volonté est d’accompagner les jeunes qui se lancent dans l’aventure de la vie, de la famille, du métier, en les munissant du viatique des valeurs. Mais où trouver ces valeurs, sinon dans les racines de l’Occident? “Pour savoir où l’on va, il faut savoir d’où l’on vient.” Mais pouvons-nous assumer cette mission si nous-mêmes ignorons ou méprisons ces valeurs? Récemment, quand l’Union européenne a voulu se donner une Constitution, la classe * Évoquées respectivement par Philippe Nemo Qu’est-ce que l’Occident? et Harold Berman La Révolution du Droit " Bulletin d’abonnement à la revue Lion en français Je soussigné : Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Prénom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .............................................................................. 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