Marges linguistiques
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penser que la plupart des lecteurs maîtrisent suffisamment bien l’anglais écrit, pour pouvoir le
lire et le comprendre. Je ne propose donc pas de traduction littérale pour cette langue. Par
contre pour le polonais et le russe, la traduction littérale permet au lecteur, qui n’a pas de
connaissances dans ces langues, de suivre le déroulement de la phrase en langue source. Au-
trement dit, l’utilisation de la traduction littérale permet de montrer l’ordre des mots dans la
phrase et cela est particulièrement important lorsqu’on étudie les procédés de thématisa-
tion/rhématisation. Toutefois la traduction des occurrences en polonais et en russe, ne
concerne que la phrase correspondant au clivage français ou anglais.
La traduction littérale peut également être enrichie d’informations morphosyntaxiques.
Cela permet de faire apparaître les changements de catégories d’une langue à l’autre lors de la
traduction. Il est ainsi possible de voir que la particule c’est … qu- en français langue source se
trouve souvent remplacée en polonais et en russe par un adverbe (ou un autre lexème), de-
vant l’élément extrait en français ; ou inversement, un adverbe précédant un élément en polo-
nais langue source déclenche l’emploi de la phrase clivée dans la traduction française.
Bien qu’elle constitue un outil précieux pour montrer la structure phrastique dans une lan-
gue, la traduction littérale se heurte parfois, dans la présentation du corpus, à des difficultés
formelles. Elles tiennent fréquemment, d’une part, du fonctionnement de la catégorie verbale
dans les langues étudiées : absence du subjonctif, fréquence très élevée de la forme réfléchie
du verbe en polonais ; et, d’autre part, à l’existence en polonais et en russe d’une grande
classe de particules très variées, tant du point de vue morphosyntaxique que fonctionnel, qui
ne trouvent d’équivalent en français et en anglais que dans la phrase clivée. En d’autres ter-
mes, il n’est pas possible de rendre compte de la diversité morphosyntaxique des particules
polonaises et russes autrement qu’en créant, dans la traduction littérale, des formes qui
n’existent pas au départ en français (la particule russe etix-to sera traduite en français stan-
dard, dans la traduction littéraire, par le tour c’est … qu-, mais elle apparaîtra dans la traduc-
tion littérale comme une création du type ces-ce). Ainsi, dans la présentation, la traduction
littérale sert essentiellement à marquer la structure morphosyntaxique de la séquence étudiée.
1.3. Interprétation du corpus
Le dernier aspect concernant l’étude de la phrase clivée et de ses équivalents dans un cor-
pus multilingue est en rapport avec l’interprétation de données multilingues. Quel est le type
de connaissances nécessaires pour travailler en linguistique contrastive ? Quel est le niveau de
compétences dans les différentes langues ? Quel est le rapport entre différentes langues ?
Telles sont les questions que l’on peut se poser, entre autres, à propos de l’analyse d’un cor-
pus multilingue.
Premièrement l’étude d’un corpus multilingue implique la question du type de compéten-
ces nécessaires pour prendre en considération les spécificités de chaque langue. De ce point de
vue, il est possible de distinguer, dans un premier temps, deux types des connaissances :
– le premier concerne la connaissance d’une langue, c’est-à-dire des connaissances sur la
langue et/ou en langue nécessaires pour pouvoir décrire cette langue du point de vue de son
fonctionnement linguistique à l’écrit ou à l’oral, il s’agit alors d’un savoir-faire plutôt théorique
qui ne s’accompagne parfois d’aucune pratique ;
– l’autre type des connaissances concerne un savoir-faire pratique, il s’agit alors de maîtri-
ser une langue sans forcément connaître sa description linguistique et le métalangage employé
pour ce faire (cas de chaque locuteur natif et du bilingue précoce).
Il est évident que la situation idéale, pour travailler en linguistique comparée, consiste à
connaître et pratiquer les langues étudiées, ce qui n’est pas toujours le cas, ne serait ce que
dans des travaux comparatistes sur les langues mortes (latin ou grec ancien), qui ne sont pas
pratiquées par les chercheurs les étudiant. Il semblerait ainsi qu’une bonne connaissance
théorique suffise pour analyser le corpus multilingue du point de vue linguistique.
La distinction entre les deux types de connaissances permet de poser la question du ni-
veau des compétences dans les différentes langues. Le niveau de compétences linguistiques
est plus élevé lorsqu’un savoir-faire pratique est doublé d’un savoir-faire théorique dans les
langues étudiées, cela est parfois le cas, en linguistique contrastive, pour ceux qui comparent
deux langues. Cependant le niveau de compétences dans les différentes langues étudiées est
bien souvent inégal, d’une langue à l’autre, en particulier lorsqu’il s’agit d’une étude compara-
tiste sur plus de deux langues, comme dans mon cas, car les types de connaissances ne sont
pas les mêmes et, de plus, ils possèdent des degrés d’approfondissement variables. Je ne