
des données génétiques et typologiques par rapport à la définition même de l'aire balkanique.
2.1. L'ensemble grec, sans précision particulière, peut-être défini par sa situation géographique. De ce point de vue,
on observe une remarquable stabilité sur plusieurs millénaires. Centré sur la partie méridionale de la péninsule des
Balkans, l'Archipel et l'arc insulaire (Sicile, Italie du Sud, Cythère, Crète, Chypre), ainsi que sur la périphérie du
continent anatolien, l'espace grécophone a connu une remarquable extension à l'époque hellénistique et romaine
(Égypte, Proche-Orient, Plateau anatolien, etc.).
Cet espace, où les diverses variétés de grec étaient en contact avec des langues diverses (iraniennes, sémitiques,
latin, celtique, etc.), a été le centre de l'Empire romain oriental, durant la période proto-byzantine. L'expansion de
l'islâm arabe au début du VIIème siècle a eu pour conséquences une rétraction sensible de la grécophonie orientale.
Dans la même période, l'installation des populations slaves au sud du Danube a créé une configuration nouvelle du
domaine en séparant le roman oriental des zones grécophones et albanophones.
Au XIème siècle, la pénétration des Turcs en Asie Mineure a réduit encore l'espace grécophone. Cela dit, la période
ottomane a favorisé la grécophonie dans certaines zones. Ainsi, on observe, en Macédoine centrale, une lente
progression de la langue grecque vers le nord. Le cas de l'Évangéliaire de Kulakja (voir Vaillant et Mazon 1938)
illustre bien une dynamique que la modernité allait accélérer. On doit, du reste, souligner le fait que la rétraction
géographique peut être associée à une augmentation du nombre des locuteurs, comme on le voit en Grèce depuis la
catastrophe d'Asie Mineure et les échanges de populations des années 1923-1926.
2.2. Du point de vue sociolinguistique, l'aire balkano-anatolienne a été toujours plus ou moins polyglossique. La
situation langagière du grec est à cet égard exemplaire et cela depuis la fin de l'Empire romain. Aux dialectes
littéraires classiques (ionien, dorien, éolien, grec homérique, etc.) le mouvement atticiste vient ajouter une variété
écrite nouvelle que l'on pourrait qualifier de "néo-attique". L'expansion du judaïsme gréco-phone, puis du
christianisme, a fait passer à l'écrit une variété de la κοινής διαλέκτου de l'époque hellénistique. Le corpus chrétien
(i.e. orthodoxe) ajoute, au cours des siècles, des variétés supplémentaires, souvent archaïsantes par rapport à la
langue de la Septante ou des Évangiles. La katharévusa moderne a utilisé la pluralité des références normatives
héritée de la période médiévale.
Le modèle du rapport oral/écrit que nous signalons ici a été très important pour tous les groupes ethniques qui
appartenaient à la millet grecque-orthodoxe. Souvent les premières ébauches d'écritures des variétés vernaculaires
ont été réalisées au moyen des graphèmes grecs. C'est le cas pour l'albanais, le bulgare de Macédoine et même, ici
ou là, pour l'aroumain (koutsovalaque).
Cette question de l'écriture à base grecque pratiquée à côté de l'écriture arabo-persane et osmanlie, est importante
dans la mesure où elle a justifié l'hypothèse, assez courante, que le grec aurait influencé les autres langues
balkaniques parce qu'il représentait une culture savante et prestigieuse (Sandfeld 1930).
Aux variétés écrites correspondent les variétés orales qui se répartissent en un certain nombre de dialectes plus ou
moins différents entre eux (Drettas 1986; 1997).
2.3. Du point de vue méthodologique, l'existence des variétés dialectales est très importante, tant pour évaluer le
caractère général d'un trait considéré comme un "balkanisme", que pour proposer une hypothèse diachronique
vraisemblable.
Par exemple, le parfait formé avec l'auxiliaire "avoir" et une forme verbale invariable, comme έχω γράψει 'j'ai
écrit', n'existe pas dans tous les dialectes. Par endroits on trouve à sa place la forme έχω γραμμένω. Dans la langue
littéraire actuelle les deux formes existent, mais elles ne sont pas synonymes.
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