L Prothèses œsophagiennes et coliques : bénéfices/risques DOssIeR ThÉmATIque

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dossier thématique
XXIIIe Journée scientifique
FFCD-PRODIGE
Prothèses œsophagiennes
et coliques : bénéfices/risques
Stenting of the gastrointestinal tract : benefits/risks
T. Lecomte1, 2, J.P. Barbieux2
L
es endoprothèses digestives œsophagiennes et
entérales (gastroduodénales et colorectales)
sont dorénavant d’usage courant dans la prise
en charge des patients qui présentent une sténose
digestive maligne obstruant la lumière digestive
de façon symptomatique (1). Les indications princeps de ces dispositifs médicaux, qui ont abouti à
leur utilisation en pratique courante, concernent
essentiellement les patients en situation palliative.
Le développement de la gamme des prothèses
métalliques autoexpansibles a permis d’élargir
leurs indications à des situations cliniques et
anatomiques de plus en plus nombreuses et
complexes (2). Dans les situations palliatives les
plus communes de sténose tumorale symptomatique œsophagienne, gastroduodénale ou colique,
la faisabilité, la faible morbidité et les bons résultats
symptomatiques à court terme de ces dispositifs
médicaux ne sont plus à démontrer. De plus, la
relative facilité de mise en place de ces dispositifs
fait qu’ils peuvent être posés dans presque tous
les centres médicochirurgicaux dotés d’un équipement endoscopique relativement standard et
d’une équipe entraînée.
1 Université François-Rabelais, Tours.
2 Service d’hépato-gastroentérologie
et de cancérologie digestive, hôpital
Trousseau, CHU de Tours.
Historiquement, les prothèses ont été développées dans le cadre de la prise en charge du cancer
de l’œsophage en situation palliative. Dans les
sténoses malignes de l’œsophage, les premières
prothèses utilisées étaient de nature plastique.
Comme pour les sténoses malignes des voies
biliaires, les prothèses métalliques autoexpansibles
se sont imposées dans les sténoses malignes de
l’œsophage en raison de leurs meilleurs résultats
comparativement aux prothèses plastiques (3).
Pour les cancers du tube digestif haut, une prothèse
est généralement indiquée en situation palliative,
après qu’ait été écartée une stratégie curative
fondée essentiellement sur une exérèse chirurgicale ou sur une radiochimiothérapie dans le cas du
cancer de l’œsophage. Dans ce type de situation,
et en particulier pour le cancer de l’œsophage,
cette technique s’est imposée du fait de sa faible
morbidité, de son impact positif à court terme
sur la dysphagie chez la plupart des patients et sur
la qualité de vie (4). Les taux de succès technique
rapportés dans les études vont de 90 à 100 %,
et ceux de succès clinique varient entre 80 et 90 %.
Notons que le traitement de la dysphagie au moyen
d’une endoprothèse en situation palliative semble
peu améliorer à lui seul l’état nutritionnel des
patients et ne dispense pas d’une prise en charge
diététique (5). Le seul traitement palliatif alternatif
susceptible de se montrer plus efficace en cas de
cancer de l’œsophage avancé est la radiothérapie
endocavitaire, mais elle est d’accès très difficile.
La radiothérapie endocavitaire (12 Gy en 1 séance)
est plus efficace que la pose d’une prothèse sur
le contrôle de la dysphagie à long terme et sur
l’amélioration de la qualité de vie (6). La fistule
œsotrachéale maligne symptomatique est une indication de choix du traitement endoprothétique.
Récemment, ce traitement est devenu une option
de plus en plus souvent proposée en cas de fistule
anastomotique postopératoire œsogastrique ou
œsojéjunale, en particulier, après une chirurgie pour
cancer de l’œsophage. Cette dernière indication
a été possible grâce au développement d’endo­
prothèses extractibles. Peu de données sont disponibles actuellement sur l’association endoprothèse
et radiochimiothérapie dans le traitement du cancer
de l’œsophage localisé en situation non palliative.
Les études pilotes et celles de phase II publiées
montrent que cette association est faisable,
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Points forts
»» Les endoprothèses digestives sont utiles en situation palliative en cas de cancer digestif obstructif.
»» L’endoprothèse colique est une alternative à la chirurgie en urgence, et elle n’apporte un bénéfice
a priori que pour un sous-groupe de patients qui reste à définir.
»» La place de l’endoprothèse dans le cadre de la stratégie thérapeutique des cancers digestifs est encore
à définir de façon plus précise.
tout en comportant un risque augmenté de migration de l’endoprothèse, risque prévisible car lié à la
réponse tumorale au traitement. Les endoprothèses
peuvent également être indiquées pour traiter les
sténoses œsophagiennes postradiques réfractaires
aux dilatations.
Dans le cas d’une sténose gastroduodénale maligne
symptomatique ne permettant pas une chirurgie
d’exérèse, le traitement endoscopique par endoprothèse est souvent l’option thérapeutique palliative de choix (7). En alternative à une chirurgie de
dérivation, l’endoprothèse est clairement indiquée
chez les patients dont l’espérance de vie est limitée
à quelques mois (8). Une sténose duodénale liée à
un cancer du pancréas avancé est actuellement une
indication relativement fréquente d’endoprothèse
duodénale. Il s’agit d’une situation à laquelle est
souvent associée une problématique de sténose
biliaire, ce qu'il convient de prendre en compte
dans la stratégie endoscopique thérapeutique de
la sténose duodénale.
Les endoprothèses ont été évaluées dans le cadre
d’une prise en charge palliative ou curative du cancer
colorectal obstructif. Elles obtiennent des taux de
succès technique allant de 85 à 100 % et des taux
de succès clinique de 80 à 100 % rapportés dans des
études pour la plupart non comparatives et souvent
mono- ou paucicentriques (9). Les taux de morbidité
et de mortalité dont font état ces mêmes études sont
très en faveur de cette technique : ceux de perforation sont inférieurs à 10 % et ceux de mortalité liée
à la technique sont inférieurs à 1 % (10). Les limites
de ce traitement endoscopique sont les sténoses
du bas et du moyen rectum à cause du risque de
syndrome rectal lié à l’endoprothèse, les sténoses
longues et/ou sinueuses, les cancers du côlon droit et
les sténoses extrinsèques. Du fait du risque de perforation diastatique, une endoprothèse est classiquement contre-indiquée en cas de distension colique
d’amont, a fortiori si le côlon d’amont présente des
signes de souffrance au scanner.
En situation curative, le traitement endoprothétique a pour objectif de lever l’occlusion, d’éviter une
stomie provisoire et de différer la chirurgie d’exérèse
qui pourra être réalisée le plus souvent en 1 temps,
avec une moindre morbidité que celle qui est
observée lors d’une chirurgie première en urgence.
Les bons résultats obtenus dans les séries prospectives initialement rapportées et dans 2 études randomisées de faibles effectifs n’ont pas été confirmés
dans 2 études randomisées multicentriques récentes
de méthodologie plus rigoureuse (11-13). En conséquence, il est impossible d’affirmer que, en situation
curative, une chirurgie d’exérèse différée après la
pose d’une endo-prothèse est supérieure au standard qui repose sur une prise en charge chirurgicale
première du syndrome occlusif avec une exérèse
en 1 ou 2 temps de la lésion. D’autres études, dont les
objectifs sont peut-être à revoir, sont nécessaires afin
de mieux préciser la place de l’endoprothèse comme
alternative à la chirurgie dans le cancer colorectal
occlusif accessible à une chirurgie d’exérèse curative. L’innocuité carcinologique de ce type de geste,
associé à une manipulation de la tumeur avant son
exérèse et à un risque de perforation symptomatique ou silencieuse susceptible d’induire un facteur
de mauvais pronostic supplémentaire au cancer,
est aussi à évaluer. Dans les situations palliatives
liées au caractère très avancé de la maladie ou au
terrain, le recours au traitement endoscopique d’un
cancer colorectal occlusif est une alternative de choix
à la chirurgie pour traiter à court terme et de façon
satisfaisante le syndrome occlusif (14, 15). Les conséquences à plus long terme de ce choix thérapeutique sur l’ensemble de l­’histoire de la maladie
demeurent mal documentées et suscitent encore
de nombreuses interrogations. Aussi, l’indication
d’une endoprothèse colique doit s’intégrer dans
la stratégie thérapeutique globale du patient, et
tenir compte de son opérabilité, de son état général,
de l’extension de la maladie et de la perspective
d’une chimiothérapie ainsi que des objectifs se référant à ce dernier élément décisionnel (objectifs en
termes de réponse tumorale et de profil de tolérance). En considérant les données préliminaires
rapportées dans la littérature, qui suggèrent fortement qu’un traitement à base de bévacizumab est
associé à un risque important de perforation chez
les patients porteurs d’une endoprothèse colique,
l’association endoprothèse colique et bévacizumab
doit être a priori contre-indiquée (10, 16, 17).
Mots-clés
Cancers digestifs
Dysphagie
Occlusion intestinale
Endoprothèse
digestive
Highlights
»» Gastrointestinal stenting
is an available option to the
patient with a malignant
gastrointestinal obstruction.
»» Colonic stenting has no
decisive clinical advantages
to emergency surgery and it
could be used as an alternative
treatment in as yet undefined
subsets of patients.
»» Therapeutic strategy of
endoscopic stenting in the
management of gastrointestinal cancer is not yet well
defined.
Keywords
Gastrointestinal cancers
Dysphagia
Bowel obstruction
Gastrointestinal stent
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XXIIIe Journée scientifique
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Prothèses œsophagiennes et coliques : bénéfices/risques
Conclusion
Le traitement endoscopique par endoprothèse
des cancers obstructifs et symptomatiques du
tube digestif est indiqué principalement en situation palliative. À court terme, le rapport bénéfice
symptomatique/risques d’une endoprothèse paraît
satisfaisant, mais des données complémentaires
sur l’évolution à plus long terme sont nécessaires
afin d’identifier les sous-groupes de patients qui
bénéficient le plus de ce type de traitement. Le choix
d’un traitement endoscopique par endoprothèse
doit se discuter dans le cadre de la stratégie de prise
en charge globale du patient, en tenant compte du
terrain et des solutions thérapeutiques envisageables
une fois le syndrome occlusif traité.
■
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Claudie Damour-Terrasson
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