Les pédiatres n’ont pas été oubliés… SFE 2012

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Échos
des
congrès
SFE 2012
Les pédiatres n’ont pas été oubliés…
Mireille Castanet*
Les secrets de la fabrication
de la thyroïde… une nouvelle thérapie
pour l’hypothyroïdie congénitale ?
(Antonica F et al. Nature 2012;491[7422]:66-71)
L’hypothyroïdie congénitale est l’une des pathologies endocriniennes congénitales les plus fréquentes.
Elle est le plus souvent secondaire à une anomalie
du développement de la glande thyroïde, dont les
mécanismes restent encore très discutés. Sabine
Costagliola, chercheur à l’Institut de recherche
interdisciplinaire en biologie humaine et moléculaire (IRIBHM) à l’Université libre de Bruxelles a longtemps étudié les mécanismes responsables de ce
développement et a mis en évidence le rôle majeur
de 2 facteurs de transcription, Pax8 et Nkx2.1. Sur la
base de ces observations, elle a, avec son équipe, pour
la première fois, réussi à mettre au point un protocole révolutionnaire permettant, à partir de cellules
souches, de générer in vitro des cellules folliculaires
thyroïdiennes différenciées, capables de produire des
hormones thyroïdiennes. Ces cellules nouvellement
produites ont de plus démontré leur fonctionnalité in
vivo. En effet, lorsque ces dernières ont été transplantées chez des souris dépourvues de glande thyroïde
fonctionnelle, des taux sanguins normaux d’hormones
thyroïdiennes ont pu être détectés chez ces souris
4 semaines plus tard. Ces résultats révolutionnaires,
agrémentés d’images magnifiques, ouvrent de nouvelles perspectives, non seulement dans la compréhension des mécanismes du développement de la
© alexandre ménard
Le congrès annuel de la Société française d’endocrinologie s’est tenu à Toulouse
du 10 au 13 octobre 2012. La douceur de la Ville rose, la qualité du programme
scientifique composé par les Prs Bruno Fève et Véronique Kerlan et l’organisation
du congrès parfaitement orchestrée par le Pr Philippe Caron ont fait de ce rendez-vous un véritable succès. Toulouse peut s’enorgueillir de son orchestre, de
son équipe de rugby et de son congrès de la SFE. Pour ce cru 2012, les pédiatres
ont eu une place de choix.
glande thyroïde, mais également pour le traitement
des patients atteints d’hypothyroïdie congénitale
ainsi que pour le remplacement du tissu thyroïdien
chez des patients souffrant de cancer de la thyroïde.
L’adolescence, une période de transition
critique pour les maladies chroniques
endocriniennes
L’adolescence, phase critique de transition entre l’enfance et le monde adulte, a eu une place de choix dans
ce congrès, contentant à la fois les endocrinopédiatres
et les endocrinologues adultes. Cet engouement n’a pas
été sans poser quelques problèmes “d’ordre stérique”,
puisque la capacité des salles n’autorisa pas l’entrée de
tous ceux qui étaient intéressés, même si 2 sessions ont
été consacrées à ce sujet d’actualité.
✓✓ Dans la première session, 3 sujets relatifs à l’hypophyse ont été abordés.
•• Tout d’abord, une revue sur l’histiocytose langheransienne, par E. Jeziorski, de Montpellier, a souligné
l’importance de la base de données nationale pédiatrique au sein du centre de référence labellisé en 2006.
L’analyse de cette base a permis de montrer que, même
si cette maladie est très rare (4,6 sujets/1 million d’habitants), elle est l’une des causes les plus fréquentes
du diabète insipide (1 cas/5). Vingt-deux cas sur 26
rapportés dans cette base présentaient de plus des
atteintes extrapituitaires associées au diabète insipide
apparaissant dans les 5 ans suivant le diagnostic, ce
Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVII - n° 2 - février 2013
* Département de
pédiatrie, hôpital CharlesNicolle, CHU de Rouen.
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qui justifie donc un suivi multidisciplinaire. L’atteinte
extra-hypophysaire la plus fréquente est l’atteinte
osseuse. Une surveillance radiologique au minimum
tous les 5 ans est donc recommandée. À l’inverse, en
cas d’histiocytose sans atteinte hypophysaire initiale,
le risque de diabète insipide est de 25 % dans les 5 ans
suivant le diagnostic.
•• L’exposé d’Antoine Tabarin, de Bordeaux, sur le
syndrome de Cushing de l’adolescent, soulignait
l’importance d’une exploration régulière de la courbe
staturopondérale, notamment à l’adolescence. Un
ralentissement statural associé à une prise de poids
doit en effet systématiquement alerter et évoquer le
diagnostic de syndrome de Cushing. En effet, ce mode
de révélation rend compte de plus de 80 % des cas de
syndrome de Cushing et ne doit pas être confondu
avec un retard pubertaire “simple”, même si ce dernier est fréquemment associé. Par ailleurs, le retard
au diagnostic entraîne fréquemment une altération
du pronostic, le délai de récupération d’une fonction
somatotrope normale étant en moyenne de 19 mois.
Ainsi, la place du traitement freinateur de la puberté
ou de l’aromatase en association avec l’hormone de
croissance pour optimiser ce rattrapage statural a été
discutée. A été également abordée la question de la
génétique, 2 gènes étant actuellement en cause dans
cette pathologie. Toutefois, la fréquence des mutations
reste faible : 3 cas de NEM1/19 et 2 mutations du gène
AIP sur 220 sujets étudiés. L’enquête génétique doit-elle
être systématique ? Enfin, la fréquence des séquelles
cognitives par atrophie de l’hippocampe due à une
surcharge en corticoïdes a été rappelée. Ces atteintes
cognitives requièrent un soutien et un suivi à long
terme, notamment en pédiatrie, et renforce la nécessité d’un diagnostic précoce.
•• La dernière partie de cette session a été consacrée à
la génétique du déficit hypophysaire. Rachel Reynaud,
du réseau GenHypopiT, a clairement exposé la stratégie génétique en fonction des phénotypes clinique,
hormonal et radiologique. De ce fait, elle a insisté sur
la description précise de ces 3 éléments afin de mieux
orienter l’étude génétique. En effet, de nombreux gènes
responsables du développement et de la différenciation hypophysaires sont maintenant identifiés, et une
corrélation entre génotype et phénotype commence
à apparaître. Par exemple, un déficit somatotrope et
thyréotrope oriente vers une mutation de POU1. Une
mutation de PROP1 n’est jamais retrouvée en cas de
déficit somatotrope isolé. Par ailleurs, la présence de
malformations associées oriente vers une mutation
de facteurs de transcription, tels que LHX3 en cas de
surdité ou d’anomalie de la rotation du cou, OTX2 en
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cas d’anomalies oculaires ou LHX4 en cas de posthypophyse ectopique. Enfin, il a été rappelé que, malgré une
démarche de plus en plus stratégique, près de 90 % des
cas de déficit hypophysaire restent inexpliqués, ce qui
laisse encore la place à de nombreuses recherches génétiques dans le cadre du réseau GenHypopiT. Notons
que, récemment, le gène PROKR2 a été rajouté à la
liste et semble responsable de près de 3 % des déficits
avec posthypophyse ectopique (Reynaud R. et al. J Clin
Endocrinol Metab 2012;97[6]:E1068-73).
✓✓ La seconde session a été présentée sous forme de
symposium organisé par les laboratoires Merck Serono
et animé par les Prs Maïté Tauber, endocrinopédiatre,
et Philippe Caron, endocrinologue adulte.
•• Le premier thème était celui de l’hypothyroïdie
congénitale à l’adolescence. Mon exposé a souligné l’importance d’un suivi dans cette tranche d’âge
souvent “délaissée” pour cette pathologie néonatale,
dépistée depuis maintenant plus de 30 ans. Si le développement psychomoteur et la taille adulte se sont
presque normalisés, de légères difficultés d’apprentissage, de coordination, de motricité fine, de lenteur et
de troubles de la mémoire et de l’attention persistent,
qu’il est nécessaire de dépister et de suivre. De plus,
il a été constaté chez des adultes jeunes une diminution de la qualité de vie et de l’estime de soi, ainsi
qu’un niveau scolaire et socioéconomique plus faible
en moyenne que dans la population générale. Il a été
montré que le contrôle de la fonction thyroïdienne
est un des facteurs pronostiques majeurs. Des taux de
TSH supérieurs à 10 U/l mesurés à plus de 3 reprises
signent un risque de séquelles. L’adolescence, qui est
une période critique pour l’observance, est un moment
charnière durant lequel une attention redoublée doit
être demandée au médecin qui suit l’enfant. De plus,
ont été discutés dans cette session les risques potentiels de surpoids, de dysfonction cardiovasculaire et
d’altération de la fertilité, qui justifient un suivi attentif,
optimisé et prolongé au-delà de la période de croissance et de développement neurologique. Enfin, ont
été rappelées l’importance de la remise en question
du traitement en cas d’hypothyroïdie avec glande en
place inexpliquée et la recommandation actuelle de
tenter, dans ces cas particuliers, une diminution des
doses de L-T4 après les 2-3 premières années de vie,
suivie d’une réévaluation de la fonction thyroïdienne
dans le mois qui suit.
•• Le deuxième exposé, de T. Edouard, de Toulouse,
portait sur le traitement par hormone de croissance
à l’adolescence, sujet de discussion fréquent pour
les pédiatres et pour les endocrinologues adultes.
Initialement, l’objectif du traitement était de cor-
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riger les anomalies de croissance et de permettre
l’obtention d’une taille adulte comparable à celle de
la population générale. Cet objectif justifiait l’arrêt
du traitement à la fin de la croissance après la fusion
des cartilages. Cependant, depuis les années 1990, ce
principe est remis en question, notamment du fait des
répercussions du déficit en hormone de croissance
sur la répartition de la masse grasse et de la masse
maigre, la masse osseuse, le bilan lipidique, la fonction
cardiaque et la qualité de vie. Ces répercussions sont
notamment liées au fait que, à la fin de la croissance
staturale, la maturation des différents composants de
la masse corporelle n’est pas totalement terminée. De
nouvelles recommandations ont été mises en place
chez l’adolescent, stipulant de réévaluer la fonction
somatotrope à la fin de la croissance et de poursuivre
le traitement substitutif en cas de déficit persistant.
Le choix du test de stimulation le plus approprié et
des valeurs seuils de taux d’hormone de croissance
(GH), ainsi que la dose optimale à administrer pour
améliorer les paramètres métaboliques liés au déficit
en GH, ont été discutés dans cette session. E. Thomas
a rappelé que, à l’heure actuelle, les recommandations
indiquent de traiter les adolescents présentant un
pic de GH inférieur à 5 mU/l avec une dose entre 0,3
et 1 mg/j.
•• Le dernier sujet a traité de l’hyperplasie congénitale des surrénales à cet âge charnière de la vie. A.
Brac de la Perrière, de Lyon, a rappelé la difficulté du
traitement, notamment dans les formes classiques.
Le traitement vise à atteindre des doses suffisantes
pour éviter l’insuffisance surrénale aiguë et contrôler l’hyperandrogénie, et des doses minimales pour
éviter le ralentissement statural et la prise de poids
importante. À l’adolescence viennent se rajouter les
risques fracturaire et cardiovasculaire, justifiant de
se reposer la question des doses de glucocorticoïdes
optimales et des moyens de surveillance (surveillance
biologique mais également radiologique régulière telle
que l’ostéodensitométrie osseuse). Les études récentes
s’intéressent de plus à la qualité de vie et à la fertilité,
notamment chez les femmes, toutes 2 souvent altérées
dans cette pathologie. Ces études remettent en question l’intérêt des traitements contraceptifs oraux et des
médicaments à visée antiandrogénique, ainsi que la
place de la dexaméthasone. À Lyon, A. Brac de Perrière
rapporte l’évolution plutôt satisfaisante d’une petite
cohorte féminine âgée actuellement de 20 à 30 ans,
notamment dans le cas des formes classiques. Cette
cohorte compte 60 % de jeunes femmes ayant une vie
sexuelle régulière et aucune complication métabolique
ou surrénalienne. Elle a, à cette occasion, montré les
effets potentiellement délétères à long terme des glucocorticoïdes et donc conseillé de bien veiller à revoir à
la baisse les doses d’hydrocortisone, notamment après
les premières années de vie.
Conclusion
Pour conclure sur l’adolescent, nous rappellerons que
la qualité de la transition entre le pédiatre et l’endocrinologue adulte au cours de cette période de la vie
marquée par de nombreux changements et la fin de
la supervision des soins par les parents, ainsi que la
continuité dans la prise en charge, ont été évoquées
dans chacune des sessions comme un élément clé de
la réussite du suivi des patients. Ainsi, ces sessions,
véritables collaborations entre les sociétés d’endocrinologie pédiatrique (Société française d’endocrinologie
et diabétologie pédiatrique [SFEDP]) et adulte (Société
française d’endocrinologie [SFE]), montrent bien l’intérêt
prêté par chacun à l’enjeu de la période de transition
dans les pathologies endocriniennes.
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