NOTE
SUR
LE COMBAT QUI
A
PRÉCÉDÉ
LE
SIÈGE D'ALÉSIA
PAR LE LIEUTENANT-COLONEL 11. DE COVNART; MEMBRE TITULAIRE.
On pouvait penser que la question d'Alésia était résolue, après toutes les
considérations sérieuses énoncées sur l'emplacement de la ville célèbre,
après la démonstration militaire topographique et matérielle sur l'impossi-
bilité absolue de trouver près de Salins les dispositions clairement indiquées
par César. Il paraît qu'il n'en est rien et que les partisans d'Alaise se croient
maîtres du champ de bataille. Je leur ai prouvé la profonde erreur où ils
sont tombés, et je ne poursuivrai pas la discussion. La cause est entendue et
l'arrêt définitif rendu.
Toutefois, il est un point d'un haut intérêt qui n'a pas été jugé, c'est le
lieu où les Romains ont battu les Gaulois venus de Bibracte, sous les ordres
de Vercingétorix, et campés à dix mille pas de leur ennemi ; les uns ont mis
cette bataille sur la Brenne, près de Perrigny ; d'autres l'ont placée sur
l'Ource(duc d'Aumale), sur la Coquille (général de Gœler), à Dijon
(M.
Gouget),
en dernier lieu sur la Vingeanne ; je ne parle pas du mont Colombin, ni
de l'Ognon où l'auteur de l'Alésia franc-comtoise suppose l'action engagée.
Le combat décrit aux chapitres LXVI à LXVIII du septième livre des
Commentaires ne peut pas plus avoir été livré sur ce terrain, qu'il n'a
été possible d'enfermer les 22,000 mètres de pourtour du massif d'Alaise
dans la conlrevallation de 12,588 mètres donnée par le général romain.
19
142 NOTE SUR LE COMBAT
Bien que
j'aie
examiné depuis longtemps les conditions topographiques
du champ de bataille et que
j'aie
indiqué son emplacement, adopté par la
Commission de la topographie des Gaules, je reprends ici la question à son
origine afin de la traiter complètement.
Voici la traduction comparée du texte latin :
« LXVI. Pendant que ces choses se passaient, les troupes envoyées par
» les Arvernes se rassemblèrent ainsi que les cavaliers demandés à toute la
» Gaule. Quand ces forces considérables furent réunies, et tandis que César
» se rendait chez les Séquanes par l'extrême frontière du pays des Lingons,
» pour porter plus facilement secours à la province, Vercingétorix, en
» trois journées de marche, vint s'établir à dix mille pas des Romains;
» il réunit en conseils les commandants de la cavalerie et leur démontre
» que le jour de la victoire est arrivé : « Les Romains fuient vers leur
» province et abandonnent la Gaule. Cela suffit pour la liberté du moment,
» mais c'est trop peu pour la paix et le repos de l'avenir, car ils reviendront
» après avoir réuni de plus grandes forces et ils ne cesseront pas leurs
» attaques. Il faut les attaquer dans l'embarras de leur marche. Si l'infan-
» terie s'arrête pour protéger la retraite, les Romains ne pourront pas
» avancer;
s'ils
abandonnent leurs bagages, ce qui lui paraît le plus
» probable, ils perdront à la fois l'honneur et les choses les plus néces-
» saires. Quant à leurs cavaliers, pas un seul d'entre eux n'osera seulement
» s'avancer hors des lignes, on ne doit point en douter. Pour leur inspirer
» encore plus de confiance, il rangera toutes ses troupes en avant du camp,
» ce qui épouvantera l'ennemi. Les cavaliers s'écrient que a. chacun doit
» s'engager par les serments les plus sacrés à ne point se retirer sous son
» toit, à ne point approcher de ses enfants, de ses parents, de sa femme,
» avant d'avoir fait passer son cheval à.travers les rangs de l'ennemi. »
» LXVII. Cet avis fut approuvé
;
tous prêtèrent le serment. Le lendemain,
» Vercingétorix partage sa cavalerie en trois corps; deux de ces corps
» se montrent sur nos ailes ; le troisième se présente de front à l'avant-
» garde pour lui fermer le passage. César forme également trois divisions
» de sa cavalerie et l'envoie contre l'ennemi. Le combat s'engage sur tous
QUI A PRÉCÉDÉ LE SIÈGE n'ALÉSIA. 143
* les points
;
l'armée fait halte ; les bagages sont placés entre les légions.
» Partout où les nôtres fléchissent ou sont trop vivement pressés, César
» fait porter de ce côté les enseignes et y fait marcher les cohortes. Cette
» manœuvre ralentit la poursuite et ranime les nôtres par l'espoir d'un
» prompt secours. Enfin les Germains gagnent le haut de la colline qui
» était à droite, en chassent les ennemis, les poursuivent jusqu'à la rivière
» Vcrcingétorix s'était placé avec son infanterie et en tuent un grand
» nombre. A la vue de cette déroute, les autres craignent d'être enveloppés
» et prennent la fuite. Ce n'est plus alors que carnage : Trois Eduens de la
» plus haute distinction sont pris et amenés à César : Cotus, chef de la
» cavalerie, qui, dans la dernière élection, avait disputé la souveraine
» magistrature à Convictolitan, Cavarillus, qui, depuis la défection de
» Litavicus, commandait l'infanterie, et Eporédorix que les Eduens avaient
» eu pour chef dans leur guerre contre les Séquanais, avant l'arrivée de
» César. »
« LXVIII. Vercingétorix voyant toute sa cavalerie en fuite, fit rentrer les
» troupes qu'il avait rangées à la tête du camp, et prit aussitôt le chemin
» d'Alésia, place forte des Mandubiens, en même temps il se fit suivre par ses
» bagages. César laissa les siens sur une hauteur voisine, sous la garde de
» deux légions; il poursuit l'ennemi tant que dure le jour, lui tue environ
» 3,000 hommes. Le lendemain il campe devant Alésia, il reconnaît la
» situation de la ville, et comme l'ennemi était démoralisé parce que la
» cavalerie sur laquelle il comptait principalement avait été battue, César
» exhorta ses soldats au travail et il fit commencer les travaux de circon-
» vallation. »
II me serait difficile de ne pas répéter ici ce que j'ai dit dans le mémoire
relatif à l'hypothèse émise par M. Defay, adoptée dans la Vie de César, et
qui place la bataille à Prauthoy ; ce mémoire est publié dans votre huitième
volume. Il est inévitable, à propos d'Alésia, de redire toujours la même chose,
car c'est toujours la même chose.
Les Romains, marchant par l'extrême frontière des Lingons, suivaient une
ligne parallèle à la rivière du Serein, qui était elle-même une portion de cette
NOTE SUR LE COMBAT
limite, César avait rallié Labienus non loin de la même ligne et se dirigeait
au sud-est. Les Gaulois étaient campés à dix mille pas après trois jours de
marche ; les armées devaient se rapprocher soit par un double mouvement,
soit par celui de l'un des deux, et très probablement la marche des Romains.
J'ai expliqué ailleurs pourquoi César a voulu dire par trinis castris trois
campements ou étapes et non trois
camps
; je ne reviendrai pas sur ce
point.
En étudiant avec attention la topographie indiquée dans le texte, ce qui est
toujours important avec les Commentaires de César, il est facile de conclure
que les Romains n'ont pas trouvé les Gaulois en bataille sur leur route, ils
ont été attaqués par les trois corps de cavalerie de Vercingétorix dont l'un
« en se portant vers la tête des colonnes romaines commença à fermer le
» passage. » Le passage paraissait donc libre à César ; l'armée gauloise
n'était pas, elle était alors sur un des flancs, dans une position telle
qu'en se retirant le soir elle put arriver à, ou près d'Alésia. Ces conditions
placent les Gaulois à l'est, et près de l'extrême frontière des Lingons.
Vercingétorix avait annoncé aux chefs de sa cavalerie que, « pour leur
» inspirer encore plus de confiance, il rangerait toutes ses troupes en avant
» du camp, ce qui épouvanterait Vennemi. »
Pour que ces paroles aient un sens, il faut que les camps soient placés
de façon à être vus de la route que suivaient les Romains, car on ne peut
être épouvanté de ce qu'on ne voit pas. Au chapitre suivant, il est dit que
la cavalerie gauloise est « chassée par les Germains » d'une hauteur à la
droite de César, poursuivie
«
jusqu'à la rivière près de laquelle Vercingétorix
» s'était posté avec les troupes de pied... »
Autant de mots, autant de données topographiques nettes et précises qui
peuvent se résumer en ces termes :
Un cours d'eau à peu près parallèle à la direction du Serein ; à l'est,
une chaîne de collines assez élevées pour offrir des avantages à la défense,
tout en favorisant l'assiette des camps. A l'ouest du cours d'eau, un
terrain en pente douce, reliant la limite des Lingons prolongée au fond de
la vallée et permettant d'apercevoir celui-ci du haut de la pente. Au sud
QUI
A
PRÉCÉDÉ
LE
SIÈGE D'ALÉSIA.
145
(vers la droite du spectateur placé sur le terrain en pente douce), une
hauteur, mamelon ou contre-fort d'un relief sensible et dont les versants
soient praticables à la cavalerie.
On peut tracer la carte de ce terrain ; les données sont suffisantes, on
pourrait même évaluer les reliefs en reprenant les indications du texte. Les
hauteurs à l'est peuvent avoir jusqu'à 200 mètres au-dessus de la vallée ; la
partie supérieure à l'ouest doit avoir une altitude inférieure ; la distance au
mont Auxois ne doit pas être de plus de 20 kilomètres. Avec ces éléments,
les camps gaulois peuvent soutenir et repousser une attaque ; les troupes
rangées près de la rivière seraient vues de tout le terrain situé à l'ouest ; la
routet paru libre aux Romains et la défaite des Gaulois sur la hauteur à
droite serait possible ; enfin la retraite de Vercingétorix sur Alésia, pour
laquelle on a écartelé l'expression infortunée : altero die, qui signifiait,
jusqu'aux discussions actuelles : le lendemain, et dont on a fait, suivant les
besoins de la cause, le surlendemain ou même un jour plus éloigné ; la
retraite, dis-je, serait possible et rationnelle. Quel terrain autour d'Alésia
satisferait à de telles conditions
?
C'est ce que nous devons chercher en nous
servant de tous les moyens possibles d'investigations.
Le premier, le principal de ces moyens, est l'étude de la carte topographique
dite de l'état-major, carte dont l'exactitude est incontestable, malgré les
critiques violentes des partisans d'Alaise, qui s'en prennent à ce travail de ce
que leur terrain ne peut s'accorder avec le texte des Commentaires.
J'ai dit plus haut que le Serein était la limite du territoire lingon ; l'objectif
de César étant la Séquanie, il devait éviter de se porter sur le territoire
éduen et son itinéraire était naturellement la ligne de partage entre le Serein
et l'Armançon, à peu près par Sarry, Châtel-Girard et Vassy ; il devait
descendre à Moutier-Saint-Jean, gagner Vic-de-Chassenay et l'espèce de
plaine onduleuse qui se dirige vers le sud, en la quittant à Vitteaux pour
arriver sur la Saône sans passer près d'Autun ni s'engager dans le massif du
mont Afrique.
Le voisinage de la limite d'une contrée est certifié, près de Moutier-Saint-
Jean, par le nom de F«m-lès-Moutier, que porte un village situé à 2 kilomètres
vers le nord.
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