U Une lésion blanche rétinienne Cas clinique A retinal white dot

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Cas clinique
Rétine
Une lésion blanche rétinienne
A retinal white dot
A. Matet, C. Giraud, C. Faure, J.-A. Sahel, Y. Le Mer
(Service d’ophtalmologie, service du Pr Sahel, fondation ophtalmologique A. de Rothschild, Paris)
U
Tomographie à cohérence
optique • Uvéite postérieure •
Bartonellose • Toxoplasmose.
Optical coherence tomo­graphy
• Posterior uveitis • Bartonellosis • Toxoplasmosis.
ne femme de 46 ans consulte en urgence pour une baisse d’acuité
visuelle de l’œil gauche évoluant depuis 2 jours. Elle présente comme
seul antécédent une hypertension artérielle traitée.
Examen
L’examen de l’œil gauche retrouve une acuité visuelle à 5/10 P4, une hyalite très
discrète, sans effet Tyndall de chambre antérieure. Au fond d’œil, on observe une
lésion blanche unique, en temporal de la fovéa, jouxtée par une petite hémorragie
(figure 1). La tension intraoculaire est de 14 mmHg. L’examen de l’œil droit est normal.
La tomographie en cohérence optique (OCT) révèle un œdème maculaire cystoïde
(OMC) [figure 2a], un décollement séreux rétinien (DSR) fovéolaire et une lésion focale
hyperréflective intéressant la rétine interne (figure 2b). L’angiographie à la fluorescéine
montre une hypofluorescence aux temps précoces de cette lésion, puis une prise de
contraste tardive en cocarde, sans diffusion (figure 3).
Un foyer de choriorétinite toxoplasmique est évoqué, par argument de fréquence.
Un traitement antiparasitaire oral est donc entrepris, associant pyriméthamine, azithromycine et acide folinique. Une corticothérapie intraveineuse puis orale est commencée
48 h après.
Évolution
Après 1 semaine de traitement, l’acuité visuelle remonte à 6/10 P3. Le fond d’œil ne
révèle aucune pigmentation. Des exsudats stellaires sont apparus (figure 4), correspondant à la résorption de l’OMC, ce que confirme l’OCT.
Un bilan à visée étiologique est réalisé. Les sérologies de la syphilis, de la toxocarose
et du VIH sont négatives. Deux sérologies toxoplasmiques à 3 semaines d’intervalle
sont faiblement positives en IgG et négatives en IgM. En revanche, la sérologie de
Bartonella henselae s’avère fortement positive.
Le diagnostic de maladie des griffes du chat est donc retenu. L’interrogatoire retrouve
des contacts quotidiens avec des chats. L’acuité visuelle à 6 semaines remonte à 10/10
P2, et l’OCT retrouve alors un profil fovéolaire normal, ainsi qu’une séquelle du foyer
(figure 5). Aucun traitement additionnel n’a été réalisé, puisque le schéma antibiotique
initial comprenait de l’azithromycine.
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Images en Ophtalmologie • Vol. VI • no 2 • avril-mai-juin 2012
Légendes
Figure 1. Photographie couleur du fond d’œil
gauche montrant une lésion blanche unique
parafovéolaire.
Figure 2. Coupes SD-OCT verticale (a) et
horizontale (b) montrant un œdème macu­
laire cystoïde, un décollement séreux réti­
nien et une volumineuse lésion des couches
internes.
Figure 3. Angiographie à la fluorescéine,
aux temps tardifs, visualisant une prise du
colorant en cocarde et un effet masque dû
à une couronne d’exsudats.
Figure 4. Photographie couleur du fond d’œil
gauche à 1 semaine, révélant des exsudats
stellaires.
Figure 5. Coupe SD-OCT horizontale à
6 semaines montrant la régression du foyer.
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Discussion
La maladie des griffes du chat est une infection due à Bartonella henselae, bacille
Gram négatif ubiquitaire. Un contact avec un chat, réservoir principal, est retrouvé
dans la quasi-totalité des cas, avec morsure ou griffure fréquente. Une transmission
par piqûre de puce ou de tique a également été évoquée (1).
Les atteintes oculaires postérieures les plus fréquentes sont : un ou plusieurs foyers
blancs rétiniens ou choroïdiens (83 %), œdème papillaire (46 %), étoile maculaire (43 %),
occlusions vasculaires à proximité des foyers (14 %) [2]. Huit à 20 % se manifestent
par une unique lésion de choriorétinite, comme dans le cas présenté ici (3). Ces foyers
peuvent contenir des bacilles de Bartonella henselae, notamment chez les patients
immunodéprimés (4).
Plusieurs antibiotiques sont efficaces, dont la ciprofloxacine, la doxycycline, l’azithro­
mycine, l’association triméthoprime + sulfaméthoxazole, la gentamicine, la rifamycine (5). En première intention, le traitement habituel des atteintes oculaires est
l’azithromycine orale 250 mg/j.
Conclusion
L’évolution serait comparable avec ou sans traitement. Elle est généralement
favorable, sauf en cas de neurorétinite, auquel cas une neuropathie séquellaire
est possible.
II
Références bibliographiques
1. Cunningham ET, Koehler JE. Ocular bartonellosis. Am J Ophthalmol 2000;130(3):340-9.
2. Solley WA, Martin DF, Newman NJ et al. Cat scratch disease: posterior segment manifestations.
Ophthalmology 1999;106(8):1546-53.
3. Ormerod LD, Skolnick KA, Menosky MM, Pavan PR, Pon DM. Retinal and choroidal manifestations of
cat-scratch disease. Ophthalmology 1998;105(6):1024-31.
4. Warren K, Goldstein E, Hung VS, Koehler JE, Richardson W. Use of retinal biopsy to diagnose Bartonella
(formerly Rochalimaea) henselae retinitis in an HIV-infected patient. Arch Ophthalmol 1998;116(7):937-40.
5. Florin TA, Zaoutis TE, Zaoutis LB. Beyond cat scratch disease: widening spectrum of Bartonella henselae
infection. Pediatrics 2008;121(5):e1413-25.
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