Images en Ophtalmologie
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Vol. VIII
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mars-avril 2014
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Cas clinique
Un iris étrange…
Unusual iris
C. Nadel, S. Milazzo, D. Brémond-Gignac
(Service d’ophtalmologie, centre Saint-Victor, CHU d’Amiens)
Cas clinique
Un homme, âgé de 78ans, est adressé en consultation pour une tache sur l’iris au
niveau de l’œil droit, apparue récemment, sans gêne fonctionnelle particulière. Dans
ses antécédents, il a présenté un angor avec pose de stent ainsi qu’une hyper tension
artérielle. Un mois auparavant, un carcinome pulmonaire à petites cellules a été dia-
gnostiqué, pour lequel le patient va bénéfi cier d’une chimiothérapie dans les prochains
jours. Son traitement actuel comporte, entre autres, par voie générale, une cortico-
thérapie, un antiacide à visée gastrique, un diurétique, un antilipémiant, un antihyper-
tenseur et un antiagrégant plaquettaire. L’acuité visuelle corrigée avec ses lunettes est
de 7/10P6 à droite et de 10/10P2 à gauche. Le tonus oculaire est à 8mmHg à droite
et à 10mmHg à gauche. L’examen de l’iris de l’œil droit retrouve un nodule inférieur
blanc vascularisé, développé à partir de la pupille au niveau du méridien horizontal,
ainsi que plusieurs autres petits nodules localisés en inféronasal
(fi gure1)
. Il existe de
plus une synéchie iridocristallinienne inférieure et une tuméfaction inférieure moins
visible, plus petite, d’un aspect grisâtre plus opalescent et localisé dans l’angle irido-
cornéen à 7heures
(fi gure2)
. L’examen à la lampe à fente montre des milieux clairs
et transparents avec absence de Tyndall. Il n’est pas noté d’hypopion, ni d’hyphéma.
Le fond d’œil ne retrouve pas de lésion choroïdienne. L’examen de l’œil gauche est
sans anomalie. Un bilan d’imagerie local est entrepris. Des photographies du segment
antérieur, une tomographie par cohérence optique (OCT) Visante®
(fi gures3 et4)
ainsi
qu’une angiographie du segment antérieur
(fi gures5 et6)
et postérieur sont alors
réalisées. Après un bilan général ainsi qu’une réunion de concertation pluridisci-
plinaire, un traitement médical est entrepris. La prise en charge consiste en une
chimiothérapie de type cisplatine+ étoposide. Le patient est revu 2mois plus tard,
après 3cures de chimiothérapie. L’examen ophtalmologique met en évidence une
acuité visuelle avec verres correcteurs normalisée à 10/10 P2 aux 2yeux. Le tonus
oculaire est toujours stable à 10mmHg aux 2yeux. L’examen à la lampe à fente montre
une nette régression des tumeurs iriennes
(fi gures7 à9)
, et l’OCT Visante
®
met en
évidence une disparition du bombement irien
(fi gure10)
. L’angiographie du segment
antérieur montre une persistance d’anomalies de perfusion en inférieur au temps
précoce, une diffusion de colorant en inférieur au temps plus tardif
(fi gure11)
. Le
scanner thoracique de contrôle postchimiothérapie retrouve une quasi-disparition de
la pleurésie et une régression des adénopathies.
Discussion
Les métastases iriennes des carcinomes sont les moins fréquentes des métastases
uvéales. J.A.Shields a rapporté seulement 40cas de métastases touchant l’iris dans
une série de 512patients ayant une métastase uvéale, ce qui représente 7,8 % des
malades
(1)
. Les métastases iriennes ne représentent que 3 % des lésions de l’iris.
Les métastases carcinomateuses constituent la première cause de tumeur maligne
intraoculaire
(2)
. Les carcinomes du sein, de la thyroïde et du poumon
(3-5)
sont ceux
qui métastasent le plus souvent au niveau de l’iris
(1)
. Au moment du diagnostic, les
deux tiers des patients rapportent une histoire de cancer primitif. Ainsi, dans un tiers
des cas, l’étiologie n’est pas évidente et l’origine primitive de la métastase irienne
doit être recherchée. Dans l’étude de A.P.Ferry, les signes cliniques observés corres-
pondent à une baisse d’acuité visuelle dans 80 % des cas, à une tuméfaction visible
dans 72 % des cas, à un œil rouge dans 56 % des cas, à un glaucome dans 56 %
Tumeur de l’iris • Carcinome
bronchique • Chimiothérapie.
Iris tumor • Lung carcinoma •
Chemotherapy.
Légendes
Figure 1. Photographie en lampe à fente à
l’examen initial : le nodule irien principal est
de couleur crème, bourgeonnant, vascularisé
s’étant développé aux dépens du sphincter de
l’iris en inférieur. Il existe aussi de multiples
petits nodules de localisation nasale.
Figure 2. Sur cette photographie en lampe
à fente à l’examen initial, la tuméfaction
inférieure est moins visible, plus petite, d’un
aspect grisâtre plus opalescent, et déve-
loppée aux dépens de l’angle iridocornéen
à 7 heures.
Figure 3. Tomographie par cohérence
optique Visante® au diagnostic initial : coupe
passant par la tumeur principale et montrant
l’aspect exophytique.
Figure 4. Tomographie par cohérence
optique Visante® au diagnostic initial : aspect
bombé de l’iris dans 4 plans de coupe.