Un iris étrange… Cas clinique Unusual iris

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Cas clinique
Un iris étrange…
Unusual iris
C. Nadel, S. Milazzo, D. Brémond-Gignac
(Service d’ophtalmologie, centre Saint-Victor, CHU d’Amiens)
Tumeur de l’iris • Carcinome
bronchique • Chimiothérapie.
Iris tumor • Lung carcinoma •
Chemotherapy.
Cas clinique
Un homme, âgé de 78 ans, est adressé en consultation pour une tache sur l’iris au
niveau de l’œil droit, apparue récemment, sans gêne fonctionnelle particulière. Dans
ses antécédents, il a présenté un angor avec pose de stent ainsi qu’une hypertension
artérielle. Un mois auparavant, un carcinome pulmonaire à petites cellules a été diagnostiqué, pour lequel le patient va bénéficier d’une chimiothérapie dans les prochains
jours. Son traitement actuel comporte, entre autres, par voie générale, une corticothérapie, un antiacide à visée gastrique, un diurétique, un antilipémiant, un antihypertenseur et un antiagrégant plaquettaire. L’acuité visuelle corrigée avec ses lunettes est
de 7/10 P6 à droite et de 10/10 P2 à gauche. Le tonus oculaire est à 8 mmHg à droite
et à 10 mmHg à gauche. L’examen de l’iris de l’œil droit retrouve un nodule inférieur
blanc vascularisé, développé à partir de la pupille au niveau du méridien horizontal,
ainsi que plusieurs autres petits nodules localisés en inféronasal (figure 1). Il existe de
plus une synéchie iridocristallinienne inférieure et une tuméfaction inférieure moins
visible, plus petite, d’un aspect grisâtre plus opalescent et localisé dans l’angle iridocornéen à 7 heures (figure 2). L’examen à la lampe à fente montre des milieux clairs
et transparents avec absence de Tyndall. Il n’est pas noté d’hypopion, ni d’hyphéma.
Le fond d’œil ne retrouve pas de lésion choroïdienne. L’examen de l’œil gauche est
sans anomalie. Un bilan d’imagerie local est entrepris. Des photographies du segment
antérieur, une tomographie par cohérence optique (OCT) Visante® (figures 3 et 4) ainsi
qu’une angiographie du segment antérieur (figures 5 et 6) et postérieur sont alors
réalisées. Après un bilan général ainsi qu’une réunion de concertation pluridisciplinaire, un traitement médical est entrepris. La prise en charge consiste en une
chimiothérapie de type cisplatine + étoposide. Le patient est revu 2 mois plus tard,
après 3 cures de chimiothérapie. L’examen ophtalmologique met en évidence une
acuité visuelle avec verres correcteurs normalisée à 10/10 P2 aux 2 yeux. Le tonus
oculaire est toujours stable à 10 mmHg aux 2 yeux. L’examen à la lampe à fente montre
une nette régression des tumeurs iriennes (figures 7 à 9), et l’OCT Visante® met en
évidence une disparition du bombement irien (figure 10). L’angiographie du segment
antérieur montre une persistance d’anomalies de perfusion en inférieur au temps
précoce, une diffusion de colorant en inférieur au temps plus tardif (figure 11). Le
scanner thoracique de contrôle postchimiothérapie retrouve une quasi-disparition de
la pleurésie et une régression des adénopathies.
Discussion
Les métastases iriennes des carcinomes sont les moins fréquentes des métastases
uvéales. J.A. Shields a rapporté seulement 40 cas de métastases touchant l’iris dans
une série de 512 patients ayant une métastase uvéale, ce qui représente 7,8 % des
malades (1). Les métastases iriennes ne représentent que 3 % des lésions de l’iris.
Les métastases carcinomateuses constituent la première cause de tumeur maligne
intraoculaire (2). Les carcinomes du sein, de la thyroïde et du poumon (3-5) sont ceux
qui métastasent le plus souvent au niveau de l’iris (1). Au moment du diagnostic, les
deux tiers des patients rapportent une histoire de cancer primitif. Ainsi, dans un tiers
des cas, l’étiologie n’est pas évidente et l’origine primitive de la métastase irienne
doit être recherchée. Dans l’étude de A.P. Ferry, les signes cliniques observés correspondent à une baisse d’acuité visuelle dans 80 % des cas, à une tuméfaction visible
dans 72 % des cas, à un œil rouge dans 56 % des cas, à un glaucome dans 56 %
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Légendes
Figure 1. Photographie en lampe à fente à
l’examen initial : le nodule irien principal est
de couleur crème, bourgeonnant, vascularisé
s’étant développé aux dépens du sphincter de
l’iris en inférieur. Il existe aussi de multiples
petits nodules de localisation nasale.
Figure 2. Sur cette photographie en lampe
à fente à l’examen initial, la tuméfaction
inférieure est moins visible, plus petite, d’un
aspect grisâtre plus opalescent, et développée aux dépens de l’angle iridocornéen
à 7 heures.
Figure 3. Tomographie par cohérence
optique Visante® au diagnostic initial : coupe
passant par la tumeur principale et montrant
l’aspect exophytique.
Figure 4. Tomographie par cohérence
optique Visante® au diagnostic initial : aspect
bombé de l’iris dans 4 plans de coupe.
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Figure 5. Angiographie du segment antérieur au diagnostic initial : temps précoce. Il
existe des anomalies de perfusion au niveau
de l’iris inférieur.
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Figure 6. Angiographie du segment antérieur au diagnostic initial : temps plus tardif.
Les tumeurs iriennes sont hypofluorescentes,
inhomogènes et vascularisées.
Figure 7. Photographie en lampe à fente
après chimiothérapie : régression totale de
la tumeur principale laissant une lésion cicatricielle au niveau de l’iris inférieur.
Figure 8. Photographie en lampe à fente
après chimiothérapie : absence de lésion
tumorale résiduelle.
Figure 9. Photographie en lampe à fente
après chimiothérapie et après dilatation :
persistance de synéchies iridocristalliniennes
séquellaires inférieures.
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des cas, à une uvéite dans 44 % des cas ou à un hyphéma dans 24 % des cas (3, 6). Ces
métastases sont souvent unilatérales. Les diagnostics différentiels à évoquer sont
les tumeurs primitives de l’iris, dont le mélanome, les granulomes inflammatoires
et les corps étrangers. Dans ce cas, le diagnostic positif est fondé sur la clinique et
l’histoire de la maladie seule, le risque d’essaimage par une biopsie étant important.
Dans certains cas, lorsque le primitif n’est pas retrouvé, une biopsie à l’aiguille fine
peut être réalisée. Le traitement dépend de multiples facteurs. Habituellement, si
le cancer est évolué et la métastase peu symptomatique, un traitement général par
chimiothérapie suffit. Dans notre cas, le patient a été sensible à la chimiothérapie,
avec une bonne récupération visuelle, mais le pronostic vital reste sombre du fait du
carcinome pulmonaire primitif et initial. Cependant, il est également possible d’effectuer un traitement local par radiothérapie externe ou chirurgie conservatrice. L’énucléation employée par le passé n’est plus indiquée de nos jours. Ainsi, le pronostic
visuel est généralement bon, mais les patients ont une médiane de survie courte, de
l’ordre de quelques mois (5).
Ce cas clinique illustre un exemple de métastase irienne asymptomatique ayant bien
régressé sous traitement par chimiothérapie, bien que le pronostic à moyen terme
II
reste sombre.
Légendes
Références bibliographiques
1. Shields JA, Shields C, Kiralti H, de Potter P. Metastatic tumors to the iris in 40 patients.
Am J Ophthalmol 1995;119(4):422-30.
2. De Rivas P, Marti T, Andreu D, Carreras M, Quintana M. Metastatic bronchogenic carcinoma of the
iris and ciliarly body. Arch Ophthalmol 1991;109(4):470.
3. Ferry AP, Font RL. Carcinoma metastatic to the eye and orbit II. A clinicopathological study of
26 patients with carcinoma metastatic to the anterior segment of the eye. Arch Ophthalmol
1975;93(7):472-82.
4. Ferry AP, Font RL. Carcinoma metastatic to the eye and orbit I. A clinicopathologic study of
227 cases. Arch Ophthalmol 1974;92(4):276-86.
5. Subiger L, Breton JL, Poulin G. [Iris metastasis of bronchial carcinoma: a case report].
J Fr Ophtalmol 2008;31(5):527-32.
6. Giuliari GP, Sadaka A. Uveal metastatic disease: current and new treatment options (review). Oncol
Rep 2012;27(3):603-7.
Figure 10. OCT Visante® après chimiothérapie : disparition du bombement irien.
Figure 11. Angiographie du segment
antérieur après chimiothérapie : persistance d’anomalies de perfusion en inférieur au temps précoce ; au temps plus
tardif, il existe une diffusion de colorant en
inférieur.
Les auteurs n’ont pas précisé
leurs éventuels liens d’intérêts.
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