ONZIÈME RÉUNION DES MINISTRES DE LA SANTÉ DES PAYS OCÉANIENS PIC11/7 Île de Yanuca (Fidji) 15-17 avril 2015 7 avril 2015 ORIGINAL : ANGLAIS PROMOUVOIR UN ÉQUILIBRE ÉCOLOGIQUE L'écosystème fait partie de l'identité culturelle des États et Territoires insulaires du Pacifique. Toutefois, l’équilibre écologique de la région se trouve menacé par des éléments moteurs et des pressions extérieures, tels que les catastrophes naturelles, le changement climatique, la mondialisation des systèmes alimentaires et l’urbanisation, qui peuvent avoir une incidence négative sur la santé et le développement économique. La plupart des États et Territoires insulaires du Pacifique ont amélioré l’accès de leurs populations à l'eau potable et aux services d’assainissement au cours des vingt dernières années. Il faut cependant intensifier les efforts pour faciliter l’accès à l’eau propre et aux moyens d'assainissement dans les établissements de santé et pour les populations rurales et mal desservies, notamment dans les situations de catastrophe et d'urgence. Le changement climatique a entraîné la montée du niveau de la mer et l’accroissement du nombre et de l'intensité des phénomènes météorologiques extrêmes touchant les États et Territoires insulaires du Pacifique, détruisant vies et biens, et multipliant les risques de maladies. La plupart des États et Territoires insulaires du Pacifique ont mis en évidence la vulnérabilité du secteur de la santé face au changement climatique, et élaborent à ce titre des plans visant à augmenter la résilience de leurs systèmes sanitaires. PIC11/7 page 2 Les approches pangouvernementales à l’égard de l’adaptation au changement climatique doivent être renforcées en mettant l'accent sur la santé, au travers d’évaluations des risques sanitaires liés à l’environnement menées dans chaque pays et dans des contextes spécifiques. Il importe de promouvoir l'équilibre écologique afin de prévenir toute nouvelle dégradation des ressources hydriques et alimentaires et de préserver l'activité économique dérivée du tourisme. La modernisation et la délocalisation des établissements de santé sont des éléments cruciaux du renforcement de la résilience aux effets du changement climatique. L’accès à un approvisionnement durable en eau salubre et à des infrastructures d'assainissement adéquates pour tous les peuples du Pacifique permettra de réduire les risques sanitaires et de protéger les populations en cas de situations d'urgence ou de changements environnementaux. PIC11/7 page 3 1. CONTEXTE Les îles-santé sont des lieux où l'équilibre écologique est source de fierté. Cet équilibre fait partie de l’identité culturelle du Pacifique mais est menacé par certains éléments moteurs et pressions extérieures, tels que les catastrophes naturelles, le changement climatique, la mondialisation des systèmes alimentaires et l’urbanisation. Les États et Territoires insulaires du Pacifique doivent supporter le triple fardeau des maladies transmissibles, des maladies non transmissibles (MNT) et des répercussions sanitaires du changement climatique, des catastrophes et des risques environnementaux1. Les États et Territoires insulaires du Pacifique sont écologiquement fragiles. Quatre des quinze principaux pays les plus souvent menacés dans le monde par des phénomènes naturels extrêmes, tels que tremblements de terre, tempêtes, inondations, sécheresses et élévation du niveau de la mer, sont situés dans le Pacifique. Le changement climatique a entraîné la montée du niveau des mers et l’accroissement du nombre et de l'intensité des phénomènes météorologiques extrêmes dans les États et Territoires insulaires du Pacifique, détruisant vies et biens, et multipliant les risques de maladies. Outre le danger qu’elle représente pour la santé physique et la survie des communautés affectées, la vulnérabilité des systèmes écologiques augmente également les risques psychosociaux, l’incertitude quant à l'avenir pouvant conduire à l’anxiété et à la dépression. À moins de réduire considérablement l’utilisation des combustibles fossiles dans le monde, les températures moyennes en surface augmenteront de 2,6 à 4,8 °C et le niveau moyen des océans s’élèvera de 52 à 98 cm d’ici 2100. Pour les populations vivant dans les zones côtières ou les atolls de faible altitude, l’élévation du niveau marin menace l’existence même de leurs habitations et de leurs terres. La mondialisation des systèmes alimentaires conduit à la prolifération des produits alimentaires riches en calories et pauvres en nutriments, ce qui a des répercussions sur la demande d'aliments produits localement. Il devient plus facile pour les communautés d’importer de la nourriture plutôt que de protéger leurs ressources naturelles limitées et de produire leurs vivres sur place. L'urbanisation rapide et non planifiée a pour conséquence les embouteillages, les implantations sauvages, les déchets non gérés et l'exposition à des matières dangereuses. En raison de l'urbanisation et d’autres activités économiques, environ le quart de la charge de morbidité dans le 1 Organisation mondiale de la Santé. Stratégie de coopération de l’OMS avec les pays du Pacifique 2013-2017. Manille. 2013. (http://www.wpro.who.int/southpacific/who_pacific_mccs.pdf?ua=1, consulté le 12 février 2015). PIC11/7 page 4 Pacifique peut être attribué à des facteurs de risque environnementaux modifiables. La proportion de la charge de morbidité liée à l’environnement est encore plus élevée chez les groupes vulnérables tels que les personnes à faible statut socio-économique, les enfants et les personnes âgées. Même dans les établissements de santé, les systèmes d'élimination des déchets sont souvent inadéquats. Les agents de santé et la communauté sont donc exposés à des substances dangereuses et à des risques d’infection. Les bâtiments et les canalisations d'eau/d’égout construits ou installés entre 1945 et le début des années 1970 peuvent contenir de l'amiante. Dans certains pays, l'amiante est présent dans les plaquettes et garnitures de freins des véhicules. Tous ces facteurs créent des conditions susceptibles de générer des résultats médiocres en matière de santé : déplacement, pénurie en eau et en services d'assainissement, exposition et risques de maladies, et problèmes sanitaires psychosociaux. 2. RÉALISATIONS ET PROGRÈS 2.1 Anticiper et préparer les effets du changement climatique sur la santé De nombreux États et Territoires insulaires du Pacifique sont mieux préparés pour renforcer la résilience de leurs systèmes de santé. Treize d’entre eux ont réalisé des évaluations de la vulnérabilité de leurs services de santé, ce qui leur a permis d’élaborer des plans d'action pour l’adaptation du secteur de la santé aux effets du changement climatique : Fidji, Îles Cook, Îles Marshall, Îles Salomon, Kiribati, États fédérés de Micronésie, Nauru, Nioué, Palaos, Samoa, Tonga, Tuvalu et Vanuatu. Tokélaou a également lancé un programme national en vue d’augmenter la résilience du secteur de la santé au changement climatique. Des programmes de santé publique visant à lutter contre certaines maladies liées au changement climatique comme la leptospirose, la fièvre typhoïde, la dengue et la diarrhée ont été également adoptés dans de nombreux pays. 2.2 Mieux répondre aux catastrophes naturelles et aux situations d’urgence Des groupes nationaux de responsabilité sectorielle Santé ont été mis en place aux Fidji, aux Îles Salomon, à Samoa, et au Vanuatu. Les Fidji ont adopté le Plan sanitaire national de gestion des situations d’urgence et des catastrophes, créant également une unité chargée de la gestion des catastrophes. Le concept et les composantes de la gestion des risques sanitaires liés aux catastrophes ont été présentés aux responsables nationaux de la gestion des catastrophes et aux hauts responsables du Ministère de la Santé. Un cadre d’action régional pour la gestion des risques sanitaires liés aux catastrophes a été approuvé par l’ensemble des États et Territoires insulaires du Pacifique en PIC11/7 page 5 octobre 2014. Les Îles Salomon, les Tonga et le Vanuatu s’emploient à élaborer des plans nationaux pour la gestion des risques sanitaires liés aux catastrophes. 2.3 Évaluer les risques sanitaires liés à l’environnement afin d’y remédier et de lutter contre leur exposition L’évaluation de l’impact sanitaire (EIS) permet de mesurer les effets potentiels des politiques, des plans et des projets sur la santé d'une population. L’évaluation des risques sanitaires liés à l’environnement permet d’apprécier ces effets, en tenant compte également des facteurs environnementaux et écologiques. Nauru, par exemple, s’emploie à gérer les risques sanitaires des particules produites par l'extraction du phosphate. En 2013, le Ministère de la santé et des services médicaux de Nauru, ainsi que le Ministère du commerce, de l’industrie et de l’environnement ont réalisé une rapide évaluation de l’impact sanitaire de la poussière produite par l'extraction du phosphate. Suite aux recommandations de l’EIS, la compagnie de mines de phosphate a accepté d'installer de nouveaux équipements afin de réduire les émissions de poussières. En 2012, des profils nationaux sur l'amiante ont été réalisés dans les Îles Mariannes du Nord, à Guam, aux Palaos et dans deux États fédérés de Micronésie. Ces profils fournissent des informations sur la production et l’importation d'amiante, l’utilisation actuelle et passée de ce matériau, l’exposition à l’amiante, les incidences sanitaires liées à l'amiante et la capacité des systèmes de santé à traiter les maladies induites par l'amiante. 2.4 Améliorer l’accès à l’approvisionnement en eau potable et à l’assainissement de base L’accès à l’eau potable et à l'assainissement de base est un droit humain fondamental. La plupart des États et Territoires insulaires du Pacifique ont élargi l’accès de leurs populations à l'eau potable et aux services d’assainissement au cours des vingt dernières années. Il existe néanmoins des disparités entre les zones urbaines et rurales. Depuis 2006, le Partenariat pour la planification de la gestion de la sécurité sanitaire de l’eau a permis d’intégrer des plans de gestion de la sécurité sanitaire de l'eau. Onze États et Territoires insulaires du Pacifique ont adopté cette approche pour prévenir les maladies d’origine hydrique. Il s’agit d’une démarche axée sur le renforcement des capacités des fournisseurs d'eau en milieu rural et sur l’élaboration de normes de qualité de l'eau à l’échelon national. Des approches multisectorielles ont également été adoptées afin d’améliorer les résultats en matière d’eau, d’assainissement et d’hygiène (WASH) et de réduire les pressions pesant sur les ressources d’eau douce et côtières, déjà fragiles. Ainsi, depuis 2009, le Programme de gestion intégrée des PIC11/7 page 6 ressources en eau (GIRE) dans le Pacifique apporte son soutien aux États et Territoires insulaires du Pacifique pour qu’ils atteignent leurs objectifs en matière de santé, de développement et d’environnement. 3. ENJEUX 3.1 Vulnérabilité géographique, économique et écologique face au changement climatique et aux catastrophes Compte tenu de leur géographie et de leurs systèmes économiques uniques, les États et Territoires insulaires du Pacifique doivent relever des défis spécifiques afin de renforcer leur résilience au changement climatique. La plupart de ces pays sont limités par la petite taille de leurs économies, les coûts élevés des matériaux et des services, et les problèmes inhérents au renforcement des capacités et à la rétention du personnel. Les coûts importants associés à la conduite d’activités commerciales dans le Pacifique entravent également l’aptitude des pays à se préparer et à surmonter les enjeux écologiques et environnementaux pour la santé, en particulier lors de catastrophes et de situations d'urgence. Alors même que des progrès ont été accomplis en matière d’alimentation en eau et d’assainissement, des efforts supplémentaires doivent être déployés pour atteindre les populations rurales et mal desservies. La plupart des systèmes de santé des États et Territoires insulaires du Pacifique sont fragiles et vulnérables face au changement climatique. De nombreux hôpitaux, par exemple, sont situés à proximité de la mer. Beaucoup d’établissements de santé ne disposent pas d’un approvisionnement en eau et de services d'assainissement adéquats – une condition essentielle pour assurer la prestation de services de santé satisfaisants – notamment lors des catastrophes et des situations d'urgence. La majorité des États et Territoires insulaires du Pacifique n’a pas encore adopté une approche globale de la gestion des risques sanitaires liés aux catastrophes incluant des stratégies pour la prévention, la préparation, la riposte et le relèvement. Une telle approche doit se traduire par la mise en place de politiques et de mesures prévoyant la modernisation des établissements de santé (y compris des dossiers de santé) et la délocalisation des communautés et des bâtiments publics, sur la base des tendances et des projections scientifiques. PIC11/7 page 7 3.2 L’évaluation des risques sanitaires liés à l’environnement n’est pas encore généralisée La mise en œuvre d’approches globales à l’égard de l’adaptation au changement climatique et de la gestion des risques liés aux catastrophes exige l'institutionnalisation et l’adoption généralisée des évaluations des risques sanitaires liés à l’environnement. Ces évaluations sont également essentielles en ce qui concerne la gestion des déchets hospitaliers, l'amiante et l’exposition aux dangers liés à l'exploitation minière, au tourisme et autres projets de développement. L’application du principe de « reconstruire mieux » dans une situation de relèvement après une catastrophe exige de prendre en compte les liens réciproques entre la santé, l’environnement et le développement. La plupart des États et Territoires insulaires du Pacifique sont dotés de politiques, stratégies, règlementations et normes permettant de prévenir, d’atténuer et de gérer les effets sur la santé des risques liés à l’environnement. Mais leur mise en œuvre est inégale, et leur suivi et leur évaluation sont limités. Les plans doivent être mis en adéquation avec les tendances projetées et les conséquences de la montée du niveau marin. Les besoins psychosociaux peuvent être pris en compte dans le cadre des actions de relèvement post-catastrophe et de riposte du secteur de la santé aux effets du changement climatique. 3.3 Il faut poursuivre les efforts pour atteindre l’accès universel à l’eau potable et à l’assainissement Tandis que l’ensemble des États et Territoires insulaires du Pacifique s’efforcent d'améliorer l'accès à l'eau potable et à l'assainissement, on constate que dans de nombreux pays ces efforts ne suivent pas le rythme de la croissance démographique. Certains États et Territoires insulaires du Pacifique ne devraient pas pouvoir atteindre les objectifs de l'OMD 7 relatif à l'eau et à l'assainissement. En 2012, encore environ 47 % et 69 % des personnes vivant dans la région du Pacifique utilisaient respectivement des sources d'eau non potable et des systèmes insalubres d’évacuation des excréments. La situation est particulièrement grave concernant les habitants des zones rurales, des îles périphériques isolées ou des implantations urbaines sauvages qui sont en expansion. Le taux de mortalité des moins de cinq ans est remarquablement plus élevé dans les pays dotés d’un faible taux de couverture en eau potable et en assainissement2. Les États et Territoires insulaires du Pacifique peuvent surmonter les problèmes liés à la sécurité sanitaire de l'eau grâce à la maintenance des infrastructures et à la mise en place d’opérations visant les systèmes d’approvisionnement en eau par le biais d’une gestion communautaire, en particulier dans les communautés rurales et les îles périphériques. 2 La cible de l’OMD 7 vise à « réduire de moitié d’ici 2015 le pourcentage de la population qui n’a pas accès de façon durable à une source d’eau potable et à des infrastructures sanitaires de base ». PIC11/7 page 8 En vue d’assurer l’accès à l'eau potable, l’assainissement et l’hygiène, on peut avoir recours aux approches intégrées « Ridge to Reef » (« de la montagne au récif ») pour mieux gérer les connections entre la terre, l'eau et les systèmes côtiers. De telles approches permettront d'améliorer les réponses multisectorielles face aux nouveaux enjeux et dangers auxquels est soumise la gestion de l’environnement et des ressources naturelles. La participation proactive du secteur de la santé sera vitale dans le cadre de ces efforts. 4. ORIENTATIONS FUTURES Les approches pangouvernementales à l’égard de l’adaptation au changement climatique doivent être renforcées en mettant l'accent sur la santé, au travers d’évaluations des risques sanitaires liés à l’environnement menées dans chaque pays et dans des contextes spécifiques. Il est essentiel de promouvoir l'équilibre écologique pour prévenir toute nouvelle dégradation des ressources hydriques et alimentaires et pour préserver l'économie touristique. 4.1 Les gouvernements peuvent envisager : (1) D’accroître leurs capacités pour faire face aux risques sanitaires liés à l’environnement afin de maintenir et d’améliorer l’équilibre écologique : Généraliser l’utilisation des évaluations des risques sanitaires liés à l’environnement pour recueillir des données aux fins d’élaboration des politiques. Mettre en place des actions multisectorielles pour prendre en compte les plans nationaux d’adaptation au changement climatique en matière de santé. Créer des approches innovantes pour développer le tourisme sans perturber l’équilibre écologique de l’environnement (par exemple, l’écotourisme). « Reconstruire mieux » en prévoyant des interventions pour répondre aux besoins psychosociaux des communautés. S’assurer de la résilience des établissements de santé aux effets du changement climatique grâce à la modernisation et la délocalisation, le cas échéant. Prévenir l’exposition aux matières toxiques et dangereuses, y compris l’amiante et les pesticides. (2) De renforcer les capacités de gestion des risques sanitaires liés aux catastrophes : PIC11/7 page 9 Élaborer, actualiser et mettre en œuvre des plans d’action nationaux pour la gestion des risques sanitaires liés aux catastrophes comprenant toutes les phases (prévention, préparation, riposte et relèvement). Créer des systèmes globaux de surveillance sanitaire et d’alerte précoce pour permettre une riposte et un relèvement rapides en vue de réduire les incidences sanitaires liées aux catastrophes. Sécuriser les établissements de santé (y compris les dossiers médicaux) pour garantir une prestation ininterrompue des services lors de catastrophes. (3) De prendre des mesures pour assurer un accès universel à l’eau potable et à l’assainissement : Impliquer les parties prenantes de différent contextes – les ménages, les écoles et les établissements de santé - dans la mise en œuvre des programmes relatifs à l’eau et à l’assainissement, y compris l’élimination de la défécation en plein air. Promouvoir la gestion communautaire intégrée de l’eau, des terres, des forêts et des ressources côtières. Mettre en œuvre des plans de gestion de la sécurité sanitaire de l’eau dans les communautés rurales et les îles périphériques. 4.2 Les partenaires du développement peuvent envisager : (1) D’appuyer l’alignement des plans pour la santé, l’environnement et le développement en prévision des conséquences négatives du changement climatique et des catastrophes. (2) D’inscrire les questions de santé et d’environnement à l’ordre du jour de toutes les interventions visant à renforcer le secteur de la santé afin de permettre aux établissements de santé des États et Territoires insulaires du Pacifique de devenir les modèles et les défenseurs de l’équilibre écologique dans le contexte des îles-santé.