Le point de vue d’un Parasitologiste – Claude COMBES, François RENAUD et Nathalie LE BRUN
BIOSYSTEMA 6, J.-P. Hugot ed., SFS, 1991
SYSTEMATIQUE ET ECOLOGIE: LE POINT DE VUE D'UN PARASITOLOGISTE
Claude COMBES1, François RENAUD2 et Nathalie LE BRUN2
La relation habituelle et nécessaire entre systématique et écologie s'impose
lorsque le sujet d'étude est une population de parasites, comme elle s'impose pour
les populations d'animaux libres. En ce sens, le point de vue du parasitologiste n'a
rien d'original.
Cependant, le parasite vit dans un milieu vivant, donc mortel, hétérogène,
reproductible, variable, discontinu et agressif (EUZET et COMBES, 1980; COMBES,
1991). Ceci autorise un certain nombre de réflexions propres à la relation
systématique/écologie dans le parasitisme.
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1 Centre de biologie et d'Ecologie Tropicale et Méditerranéenne, Université, Avenue de Villeneuve, 66
860, Perpignan Cedex
2 Laboratoire de Parasitologie Comparée, Universi des Sciences et Techniques du Languedoc, 34
095, Montpellier Cedex 2
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PREMIERE REFLEXION.
Le parasitologiste-écologue étudie des systèmes parasite/hôte. Il est donc
attentif à la fois à la systématique des parasites et à celle des hôtes. De la qualité de
cette analysepend toute conclusion sur la spécificité parasitaire.
Généralement rapportée comme une caractéristique de chaque espèce parasite
(distinction entre parasites oïoxènes, sténoxènes, euryxènes, voir EUZET et COMBES,
1980), la spécificité est très sensible à une mise en évidence correcte des isolements re-
producteurs:
- quand la systématique des hôtes s'affine, le spectre d'hôtes s'agrandit;
- quand la systématique des parasites s'affine, le spectre d'hôtes se rétrécit.
Au cours des dernières années, c'est presque toujours la seconde de ces alternatives
qui s'est produite, probablement parce que la paration des espèces d'hôtes n'a pas subi
de grands bouleversements alors que celle des parasites a été véritablement renouvelée par
les techniques moléculaires (méthode des iso-enzymes) permettant l'analyse des flux
géniques dans et entre les populations. Ainsi s'est dessiné un déplacement quasi-néral de
la spécificité vers la sténoxénie et l'oïoxénie.
Cette tendance s'est affirmée dans tous les groupes. Nous citerons l'exemple suivant,
très caractéristique: RENAUD (1988) montre que le Cestode, connu sous le nom
de"Bothriocephalus scorpii", supposé parasite à l'état adulte de Téléostéens variés, est en
fait un complexe d'au moins quatre espèces parfaitement isolées reproductivement (fig. 1) et
apparemment oïoxènes.
Il faut noter bien sûr que l'oïoxénie n'est pas nécessairement le résultat des re-
cherches utilisant les iso-enzymes. Le plus souvent me, l'éclatement du taxon initial se
fait en des unités à spectres d'hôtes d'amplitudes différentes. Les nouveaux spectres d'hôtes
peuvent de plus être juxtaposés ou recouvrants. Nous illustrons les spectres juxtaposés (fig.
2) par l'exemple des Diplozoon (d'après LE BRUN et al., 1988), et les spectres recouvrants
(fig. 3) par celui des Helicometra (d'après REVERSAT et al., 1990). D'autres exemples de
spectres juxtaposés ont été révélés par l'électrophorèse des enzymes dans d'autres groupes
de parasites tels que Acanthocéphales (de BURON et al., 1986) et Copépodes (ZEDDAM et
al., 1988).
Parfois enfin, l'affinement des méthodes aboutit à séparer de nouvelles espèces,
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mais ne change rien à la spécificité. Tel est le cas des Bothrimonus (fig. 4): RENAUD et
GABRION (1988) ont montré que le Cestode connu sous le nom de Bothrimonus nylandicus,
parasite de Solea lascaris et S. impar était en fait composé de deux taxons jumeaux repro-
ductivement isolés, mais qui parasitent tous les deux les deux espèces de soles. La sépa-
ration de niche des deux Bothrimonus adultes (chez l'hôte définitif) se fait dans le temps
(saison) et non dans l'espace (espèce de poisson).
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DEUXIEME REFLEXION.
La systématique des hôtes n'intéresse le parasitologiste que parce que celle-ci
intéresse le parasite: aucun parasite ne se développe indifféremment chez tous les
organismes vivants. Cependant, tout comme chez les biologistes, il existe chez les
parasites de bons et de mauvais systématiciens: être sténoxène ou, pire, euryxène,
est tout à fait équivalent à mettre dans le même bocal plusieurs échantillons de
taxons difrents…
L'existence de spectres d'hôtes d'amplitude très variable est connue depuis long-
temps.
Il était déjà difficile d'expliquer que les espèces du genre Schistosoma aient des
spectres d'hôtes aussi contrastés: S. haematobium ne parasite que l'homme, tandis que S.
mansoni parasite l'homme plus divers Rongeurs, et que S. japonicum a un spectre remar-
quablement large, comprenant homme, Rongeurs, Ongulés, Carnivores, etc.
Les acquisitions récentes, dues comme précédemment à l'utilisation de nouvelles
techniques, montrent qu'il existe des différences étonnantes de spécificité entre des espèces
extrêmement voisines.
Le cas des Helicometra, déjà cité, est exemplaire à ce sujet. REVERSAT et al. (1990)
montrent que trois Trématodes du genre Helicometra, vivant en sympatrie et indistinguables
morphologiquement, ont des spectres d'hôtes définitifs très différents (fig. 2 et 3). Ces
Helicometra, isolés reproductivement, répondent aux critères habituels d'espèces jumelles
récemmentparées, de sorte que leur caractère distinctif le plus sûr est leur spécificité!
Si ces résultats récents posent plus que jamais le problème de la signification de la
spécificité en tant que stratégie écologique, il faut rappeler que les spécialistes ont toujours
considéré le spectre d'hôtes comme un critère de l'espèce en parasitologie. Comme l'écri-
vent EUZET et COMBES (1980) "il n'a jamais paru inutile de faire suivre le nom du parasite
de celui de l'hôte où il a été trouvé"…
La notion me de sysme parasite-hôte a pour conséquence que les parasites sont
des marqueurs de la sysmatique des animaux libres et réciproquement.
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