La Lettre de l’Infectiologue - Tome XVII - n
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RÉUNIONS
INFECTIONS OSTÉO-ARTICULAIRES (IOA)
Les infections profondes sur prothèses articulaires du membre
inférieur sont rares et peu documentées. Elles sont cependant
graves et entraînent des antibiothérapies au long cours, avec par-
fois la nécessité de réintervenir chirurgicalement. Les séquelles
et la létalité de ces infections amènent à se reposer la question
des protocoles d’antibioprophylaxie. C’est cette question qui a
été abordée dans les deux études présentées par M. Eveillard
et al. (Amiens, 26 et 28/C5). Le but de ces études était de
déterminer l’incidence des IOA sur les prothèses articulaires et
l’effet de la mise en place de protocoles d’antibioprophylaxie.
La première étude, prospective et réalisée de novembre 1995
à mai 1999, a concerné 790 patients qui avaient bénéficié d’une
première prothèse totale de hanche. L’âge moyen des patients
était de 64 ± 13 ans, et 49 % d’entre eux étaient obèses.
L’infection profonde était définie par la mise en évidence de
micro-organismes sur au moins deux échantillons prélevés en
peropératoire lors de la reprise chirurgicale après un délai de
pose de prothèse d’au moins un an. L’antibioprophylaxie avait
était faite par céfamandole dans 49,2 % des cas et par oxacil-
line dans 35 % des cas. Toutefois, 5,5 % des patients n’avaient
pas reçu d’antibioprophylaxie. Une infection a été observée
14 fois, donnant une incidence globale de 1,77 infection pro-
fonde pour 100 interventions (IC95 :0,84-2,70). Cette incidence
est supérieure à ce que l’on trouve en général dans les autres
études (0,5 à 1,5 %). Cette différence tient peut-être au fait que
la surveillance a été prolongée d’un mois à quatre ans, avec plus
de 50 % des patients surveillés pendant au moins deux ans après
la pose de la prothèse. Il est à noter que presque une infection
sur cinq est survenue après un délai d’un an. Les seuls facteurs
de risque associés de manière significative en analyse univariée
à l’infection étaient l’absence d’antibioprophylaxie systéma-
tique (RR = 4,74 ; p = 0,03) et l’écoulement des redons pendant
plus de 48 heures (RR = 3,62 ; p = 0,02). Les autres facteurs de
risque (obésité, corticothérapie, survenue d’un hématome)
n’étaient pas associés de manière significative. Cette étude
souligne donc bien l’efficacité de l’antibioprophylaxie, la néces-
sité de rédiger des protocoles écrits d’antibioprophylaxie et de
les appliquer à tous les patients.
La seconde étude, également prospective et couvrant la période
de novembre 1995 à mai 1999, concernait les infections
profondes survenues sur une première prothèse totale de genou
(PTGPI). L’infection profonde était définie par la mise en
évidence de micro-organismes sur au moins deux échantillons
prélevés en peropératoire lors de la reprise chirurgicale, mais
cette fois sans précision de délai d’apparition.
L’utilisation d’un ciment imprégné de gentamicine était
fréquente dans cette intervention sur le genou.
Parmi les 210 PTGPI colligées, 9 infections profondes ont été
diagnostiquées, correspondant à une incidence de 4,29 %
(IC95 :1,49-7,09). Le délai d’apparition de l’infection variait
de 3 semaines à 32 mois.
Même si l’incidence n’est que de 2,36 % pour les infections
survenues dans l’année suivant la pose de la prothèse (4 infec-
tions pour 9 mises en évidence plus d’un an après l’interven-
tion), elle reste supérieure aux incidences habituellement
décrites (0,5 % à 1,5 %).
Le seul risque associé de manière significative à l’infection sur
PTGPI était l’absence d’utilisation de ciment imprégné de gen-
tamicine (RR=7; p<0,05 ).
Les résultats de cette étude montrent l’intérêt de poursuivre la
surveillance des patients après le délai d’un an. Des études ran-
domisées avec analyses multivariées sont nécessaires afin d’étu-
dier l’intérêt de l’utilisation du ciment imprégné de gentamicine.
Néanmoins, les objectifs de ces deux études d’observation ont
été atteints, puisque leur réalisation a conduit à une modifica-
tion des pratiques dans les services de chirurgie et à la mise en
pratique d’un protocole d’antibioprophylaxie associé à un pro-
tocole de préparation cutanée.
Les IOA ont fait l’objet de recherches sur plusieurs modèles
animaux expérimentaux. Sur un modèle de prothèse infectée
chez le lapin, A.C. Crémieux et al. (Paris, 25/C5) ont étudié
l’intérêt d’une prothèse siliconée imprégnée de péfloxacine, sur
le plan de la multiplication et de l’adhérence des bactéries in
vitro et in vivo. L’imprégnation par la fluoroquinolone dimi-
nue l’adhérence bactérienne, aussi bien in vitro que chez l’ani-
mal. Ces implants sont donc susceptibles d’avoir une certaine
efficacité dans la prévention des infections sur prothèse à
Staphylococcus aureus. De leur côté, A. Hamel et al. (Nantes,
27/C5) ont étudié l’influence du matériel d’ostéosynthèse sur
l’efficacité du traitement antibiotique. Le maintien du matériel
d’ostéosynthèse diminue l’efficacité de la vancomycine, ce qui
confirme l’intérêt d’un retrait précoce de ce matériel en cas
d’infection post-traumatique ou postopératoire à staphylocoque
résistant à la méticilline.
Enfin, bien que rarement incriminés dans les IOA, certains
micro-organismes peuvent être responsables d’infections tor-
pides sur prothèses articulaires. C’est le cas de Propionibacte-
rium acnes. S. Djebbour-Lévy et al. (Paris, 29/C5) ont rap-
porté 35 cas d’infections de prothèses articulaires à P. acnes
diagnostiqués entre 1986 et 2000. P. acnes a été isolé chez
ces 35 patients dans au moins deux prélèvements faits en per-
opératoire avant toute antibioprophylaxie. Toutefois, en
préopératoire, l’infection sur prothèse n’a été suspectée que
21eRéunion interdisciplinaire
de chimiothérapie anti-infectieuse (RICAI)*
* Paris, 6-7 décembre 2001.
chez 23 patients, alors que pour les 12 autres, le descellement
de la prothèse avait été considéré comme aseptique. La
moyenne des prélèvements peropératoires était de 5,4
(3-11), avec en moyenne 4,3 (2-11) prélèvements positifs à
P. acnes. L’isolement par culture du germe s’est fait dans un
délai moyen de 8,6 jours (4-15 jours). Cette étude souligne
combien il est important d’une part de faire de nombreux pré-
lèvements peropératoires et avant toute antibioprophylaxie, et
d’autre part de conserver relativement longtemps les prélève-
ments en culture au laboratoire.
La durée moyenne du traitement intraveineux (principalement :
rifampicine + bêtalactamine) a été de 4,6 semaines (2-
8semaines) après ablation de la prothèse, relayé par la voie orale
pendant 3,2 mois en moyenne (1-6 mois). P. acnes ne doit pas
être négligé, car même s’il s’agit d’un germe sensible aux
antibiotiques, il est responsable d’infections torpides et
douloureuses.
Alors que les IOA à Bacillus cereus sont classiquement éti-
quetées d’origine nosocomiale, la série présentée par
A. Dubouix et al. (Toulouse,30/C5)plaide en faveur d’un por-
tage de Bacillus dès l’admission chez certains patients trau-
matisés, et propose donc un dépistage systématique de ce
germe. Cette étude a porté sur 30 cas d’infections du site opé-
ratoire (ISO) à B. cereus diagnostiqués entre août 1997 et
mars 2000. Les patients, âgés en moyenne de 39 ± 17 ans,
présentaient initialement des fractures ouvertes prédominant
aux membres inférieurs. Ces fractures étaient souvent souillées
par de la terre, et ont nécessité la mise en place de fixateurs
externes. Tous les patients ont reçu une antibioprophylaxie par
Augmentin®i.v. (non actif sur B. cereus). La recherche systé-
matique de B. cereus a permis d’identifier 30 patients sur 200
(5 %) avec une infection liée à B. cereus. L’équipe toulousaine
recommande tout particulièrement de rechercher B. cereus en
cas de fracture ouverte, et propose d’ajouter à l’association
classique une fluoroquinolone active sur ce germe, en cas de
fracture ouverte souillée par de la terre, en raison de l’extrême
gravité des complications.
IMPACT DE LA RÉSISTANCE BACTÉRIENNE
SUR L’UTILISATION DES ANTIBIOTIQUES
L’impact de l’utilisation des antibiotiques sur l’apparition des
résistances bactériennes est bien connu. À l’inverse, l’impact
de cette résistance bactérienne sur l’utilisation des antibiotiques
est moins documenté. Une session complète a été consacrée
aux conséquences de cette résistance sur l’utilisation des anti-
biotiques en ville et à l’hôpital, ainsi que sur le développement
des antibiotiques et sur le coût des soins.
En ville, l’impact de la résistance bactérienne sur l’utilisation
des antibiotiques a fait l’objet d’une étude présentée par
D. Guillemot (Paris, 2/S1). L’augmentation de la résistance
bactérienne peut être envisagée comme un problème de iatro-
génie médicamenteuse, le principal déterminant de la progres-
sion de la résistance bactérienne aux antibiotiques étant l’usage
des antibiotiques.
L’efficacité thérapeutique des antibiotiques a été maximisée
étape par étape en fonction de l’apparition de nouveaux méca-
nismes de résistance. Face à l’apparition des Haemophilus
influenzae producteurs de pénicillinase, un inhibiteur de péni-
cillinase a été ajouté à l’amoxicilline. Les doses d’amoxicilline
ont ensuite été augmentées face à l’apparition des pneumocoques
de sensibilité diminuée à la pénicilline G et, plus récemment,
une adaptation galénique a été proposée par l’Augmentin®. De
1940 à 1975, est apparu un nouveau mécanisme de résistance
après chaque commercialisation d’un nouvel antibiotique. Cela
a notamment été le cas pour S. aureus, qui a développé une résis-
tance à l’amoxicilline en 1945, à l’érythromycine en 1950, à
l’oxacilline en 1965 et aux fluoroquinolones en 1975.
L’usage d’un antibiotique constitue la cause de la progression
de la résistance bactérienne à cet antibiotique et les taux de
résistance observés dans la communauté sont très étroitement
liés au volume des antibiotiques utilisés. Si la France et l’Es-
pagne sont les leaders en matière de résistance, ils sont aussi
les plus grands consommateurs d’antibiotiques.
Par ailleurs, depuis 50 ans, la progression de la résistance des
principales bactéries communautaires pathogènes aux antibio-
tiques commercialisés a conduit à faire évoluer les recomman-
dations thérapeutiques.
La prescription est l’aboutissement de la relation exclusive qui
existe entre médecin-prescripteur et patient. La difficulté est d’in-
tervenir au sein de cette relation “malade-médecin” afin de modi-
fier la prescription. Les études sociologiques concernant l’usage
des antibiotiques en ville et à l’hôpital ont principalement été
réalisées chez le médecin. L’antibiotique est reconnu par celui-
ci comme un symbole de puissance et de capacité thérapeutique.
Le médecin se sent dans l’obligation de satisfaire le patient,
assimilé à un consommateur, ce dernier étant imprégné d’une
logique concurrentielle (un généraliste pour 800 patients). De
plus, la notion d’antibiotique induisant une résistance est plus
abstraite en ville, la résistance bactérienne étant plutôt considé-
rée comme un problème de médecine hospitalière. Enfin, le
contexte général impliquant l’industrie pharmaceutique, l’assu-
rance maladie, les leaders d’opinion, les comités du médicament
sont autant de facteurs venant s’imbriquer dans cette relation
malade-médecin avec, par conséquent, une influence sur la pres-
cription. Il y a donc d’un côté des enjeux individuels et de l’autre
des enjeux collectifs. L’élément clé serait peut-être de situer
l’intérêt du prescripteur et d’imaginer des solutions nouvelles.
La question du générique et la baisse des prix des antibiotiques
ne peuvent être présentées de la même manière que pour les
autres médicaments. L’auteur a rappelé que certains proposent,
à l’inverse, d’élever le prix des antibiotiques au niveau de celui
de la chimiothérapie pour forcer à une vraie réflexion.
Il est également possible de modifier la prescription en interve-
nant sur les patients, mais peu d’études les concernent à ce jour.
Des études sociologiques devraient être à l’avenir consacrées à
la population grande consommatrice d’antibiotiques.
À l’hôpital, la résistance bactérienne a également un impact sur
le choix des nouvelles molécules, la posologie des antibiotiques
et leur mode d’administration.
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J.P. Sollet (Argenteuil, 1/S1) a rappelé que l’impact de la résis-
tance de Streptococcus pneumoniae à la pénicilline G a conduit,
après la conférence de 1991, à une augmentation des posolo-
gies des molécules habituellement proposées dans le traitement
des pneumopathies communautaires. Le choix d’autres molé-
cules comme les céphalosporines de troisième génération ou les
nouvelles fluoroquinolones à activité antipneumococcique a éga-
lement été proposé. En effet, il fallait tenir compte de deux faits :
d’une part de la production de bêtalactamases par certains micro-
organismes, et, d’autre part, de l’émergence de pneumocoques
de sensibilité diminuée à la pénicilline (PSDP), vis-à-vis des-
quels les bêtalactamines ont une activité variable.
Dans les méningites purulentes communautaires, la stratégie
recommandée face aux phénomènes de résistance a surtout été
le choix d’une autre molécule (céphalosporines de troisième
génération) plutôt que l’augmentation des posologies d’amoxi-
cilline. Depuis 1996, dans les méningites communautaires de
l’enfant de plus de 3 mois et chez l’adulte ayant des facteurs
de risque d’infection à PSDP, on assiste à une forte augmenta-
tion des posologies des céphalosporines de troisième généra-
tion (céfotaxime 200 à 300 mg/kg/j ou ceftriaxone 70 à
100 mg/kg/j) associée à la prescription de vancomycine (40 à
60 mg/kg/j si perfusion i.v. ou perfusion continue après dose
de charge de 15 mg/kg/j).
La résistance de S. aureus à la méticilline (SARM) dans les
hôpitaux français concerne environ 35 % des souches isolées
de staphylocoques dorés. Le choix de la vancomycine s’est
imposé en traitement probabiliste des infections nosocomiales
sévères (suspectées à SARM) et lorsque la bactérie est identi-
fiée. Des S. aureus de sensibilité diminuée aux glycopeptides
(GISA) sont apparus dans les services de soins intensifs, l’im-
pact de la prescription des glycopeptides sur cette apparition
étant pour le moment difficile à évaluer.
En ce qui concerne l’antibioprophylaxie en chirurgie, les gly-
copeptides sont utilisés en cas d’allergie aux bêtalactamines,
lorsque la colonisation à SARM est prouvée ou suspectée, en
cas de réintervention chez un patient hospitalisé ou s’il y a eu
une antibiothérapie antérieure.
L’apparition des résistances bactériennes a donc eu aussi un
important impact sur la prescription d’antibiotiques en pro-
phylaxie.
La maîtrise de la consommation d’antibiotiques se situe à un
double niveau : individuel et collectif. Au niveau individuel,
elle nécessite un meilleur diagnostic de l’infection, et doit
conduire à utiliser les antibiotiques les mieux adaptés et les
plus efficaces. Elle doit également se situer au niveau collec-
tif, avec d’une part une amélioration de la prescription basée
sur le respect des règles de “bon usage” et, d’autre part, avec
la prévention de la transmission croisée des bactéries multiré-
sistantes basée sur des mesures d’hygiène. En aval, l’existence
de résistances ne doit pas conduire à une surprescription d’anti-
biotiques. Le “bon usage des antibiotiques” doit s’accompa-
gner d’une plus grande volonté de documentation bactériolo-
gique et de la distinction entre colonisation et infection. Enfin,
la surveillance de l’évolution de la résistance et l’étude de la
relation avec la consommation des antibiotiques sont impéra-
tives dans chaque hôpital, au niveau régional et national.
La collaboration des cliniciens, microbiologistes, pharmaciens
et hygiénistes est devenue indispensable.
Le taux des résistances reste inconnu : est-il en hausse ou en
cours de stabilisation ? Pour autant, il est rassurant de consta-
ter que des molécules de référence conservent leur activité
contre certains germes comme Streptococcus pneumoniae.
Qu’en sera-t-il des molécules nouvelles ?
Le développement des antibiotiques est la résultante de la
recherche et de la sélection d’une molécule en fonction des
besoins médicaux non résolus et à venir. A. Bryskier(Romain-
ville, 3/S1) a souligné le risque important pris par les indus-
triels lors du développement des nouvelles molécules. L’im-
pact de la résistance bactérienne sur le développement fait appel
à un phénomène complexe. La résistance bactérienne à l’anti-
biotique est régie par des phénomènes complexes qui sont liés
aux bactéries elles-mêmes, au système de défense de l’hôte, à
la consommation des antibiotiques, mais aussi à l’environne-
ment. L’utilisation dans l’environnement de bactéricides
comme l’oritavancine (ayant pourtant un pouvoir sélectionnant
très faible) a une incidence sur la flore oropharyngée. Les pro-
duits de lessive contenant des antibactériens sont également
incriminés… L’utilisation du triclosan, qui a la même cible bac-
térienne que l’isoniazide, a induit une résistance à l’isoniazide
par mécanisme d’efflux. Certains médicaments “non antibio-
tiques” possèdent aussi une activité bactérienne (inhibiteurs de
la pompe à proton, inhibiteurs de l’enzyme de conversion). La
surpopulation, l’urbanisation, les crèches sont aussi des fac-
teurs de risque pour la diffusion des bactéries résistantes. Enfin,
une mauvaise connaissance de l’antibiothérapie, les prescrip-
tions empiriques en l’absence de preuves bactériologiques, l’ap-
parition des génériques et l’automédication augmentent encore
le risque de résistance. Même si de nouvelles molécules inno-
vantes sur le plan du mécanisme d’action existent, un partena-
riat important est souhaitable pour leur développement. Il faut
douze ans pour développer un médicament, et durant ce laps
de temps, l’épidémiologie aura changé ; le challenge est de
devancer le problème de la résistance.
L’émergence des bactéries multirésistantes a enfin un impact
médico-économique ; le premier aspect concerne le coût de
l’infection nosocomiale, mais les programmes de prévention
ont également un coût non négligeable.
I. Durand-Zaleski (Créteil, 4/S1) a rappelé que le coût global
des infections nosocomiales était estimé à environ 760 millions
d’euros par an en moyenne pour les pays européens au début
des années 90 et à 4,2 milliards d’euros aux États-Unis en 1992.
Le coût médical par infection et par patient était estimé de
manière globale à 2 000 euros aux États-Unis et entre 610 et
1370 euros en Europe. Une réduction de 6 % du taux
d’infections rembourse les coûts engendrés par la prévention
(Centers for Disease Control and Prevention. Public health :
surveillance, prevention, and control of nosocomial infections.
MMWR 1992 ; 41 : 783-7).
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Un programme de prévention coûtant 60 000 euros pour 250 lits
est capable de réduire d’au moins 6 % la prévalence des infec-
tions nosocomiales, et permet à l’hôpital de réduire ses coûts
médicaux liés au traitement des infections nosocomiales.
Estimer l’impact économique de la multirésistance bactérienne
revient à rechercher quelle est la part de cette multirésistance
dans les infections nosocomiales en réanimation. Si ces infec-
tions se substituent aux infections à “germes sensibles”, repré-
sentent-elles alors un coût supérieur ?
Les résultats des études de coûts des infections nosocomiales
et de la résistance bactérienne présentés ici ont été obtenus
après revue de la littérature à partir des bases de données :
Medline (1992-2001) et des bases disponibles localement
(CCLIN et dossiers personnels). Parmi les 300 articles sélec-
tionnés, seuls 40 permettaient d’analyser à la fois des données
de durée de séjour et de coût dans des hôpitaux ayant des carac-
téristiques proches de celles habituellement rencontrées en
France. Les résultats ont été calculés sur des populations
différentes, ce qui explique leur importante hétérogénéité. Les
études ont été réalisées dans des hôpitaux universitaires avec
une grande diversité au niveau des services hospitaliers, des
sites d’infection et des germes impliqués chez des patients
souvent multi-infectés.
Cette variabilité des résultats est accrue par les méthodes dif-
férentes utilisées pour estimer les coûts attribuables à l’infec-
tion : comparaison à un groupe de témoins non infectés appa-
riés, modélisation (en réanimation médicale néonatale), plus
rarement analyse individuelle de l’imputabilité des soins.
Le surcoût médical par patient infecté varie de 1 500 à
27 340 euros selon la nature du germe, le type d’infection et la
pathologie sous-jacente. Le coût de l’antibiothérapie seule a été
estimé à 900 euros (avec une fourchette de 150 à 2 000 euros).
Le surcoût lié à la seule augmentation de la durée moyenne de
séjour varie de 900 à 25 000 euros, le coût de l’antibiothérapie
représentant environ 7 % du coût total. Les coûts réels de l’in-
fection sont sous-estimés, les coûts non médicaux étant excep-
tionnellement valorisés. L’allongement de la durée de séjour,
qui représente deux tiers à trois quarts du surcoût global, varie
de une à trois semaines, atteignant un mois en médiane pour
les infections multiples à germes résistants.
Les travaux publiés sur le coût des infections nosocomiales per-
mettent difficilement d’identifier les coûts de la multirésistance
bactérienne par rapport aux infections à germes sensibles.
Quelques études suggèrent que les infections à germes multi-
résistants sont associées à une durée de séjour plus prolongée
et des coûts plus élevés : les pneumopathies à Pseudomonas et
à SARM sont associées à une durée de séjour allongée de 6 jours
en moyenne et de 14 jours pour les survivants (Fagon JY et al.
Am J Med 1993 ; 94 : 281-8). Mais une seule équipe a
comparé spécifiquement le surcoût et la part respective de ses
composantes imputables à une infection à SARM par rapport
à une infection à SASM (Wakefield DS et al. Am J Infect Control
1998 ; 16 : 185-92).
L’allongement de la durée de séjour est supérieure de 71 % dans
le groupe SARM versus SASM. Le coût des examens augmente
de 33 % et celui des antibiotiques de 43 % ; le surcoût moyen
d’une infection nosocomiale à SARM est estimé à 5 104 euros.
Si les coûts en antibiotiques induits spécifiquement par le trai-
tement des infections à germes résistants apparaissent très supé-
rieurs à ceux du traitement des infections à germes sensibles,
ils ne représentent que 10 à 15 % de l’ensemble des coûts induits
par l’infection.
Enfin, l’étude de l’impact des recommandations de pratique cli-
nique cherchant à réduire le taux des infections nosocomiales
a montré que toutes les infections nosocomiales, à germe sen-
sible comme à germe résistant, étaient réduites de façon
significative, et les coûts de l’antibiothérapie, calculés pour
1000 patients-jours, étaient réduits d’environ 40 % (Lem-
men SW et al. Infection 2000 ; 28 : 384-7 ; Evans ME et al.
Infect Control Hosp Epidemiol 1999 ; 20 : 417-20).
Globalement, on peut estimer que les infections nosocomiales
allongent la durée de séjour de 6 jours à plus de 20 jours dans
certaines infections pulmonaires et bactériémies à germes
résistants.
INFECTIONS RESPIRATOIRES DE L’ENFANT
Bactériennes
Il y a peu de données concernant la flore oropharyngée de
l’enfant de plus de 3 ans atteint de rhinosinusite. Le but de
l’étude présentée par R. Cohen et al. (Paris, 213/C20) était
de définir le portage et le niveau de résistance de S. pneumo-
niae, Haemophilus influenzae et Branhamella catarrhalis.
L’étude a permis de retenir 241 patients (âge moyen 4,7 ans)
inclus par 26 pédiatres. Le portage de S. pneumoniae et
H. influenzae est extrêmement élevé chez les enfants de plus
de 3 ans, avec respectivement 43,7 % de S. pneumoniae et
51,4 % de H. influenzae. Il est encore plus élevé en cas de
signes radiologiques de sinusite, avec 55,8 % de S. pneumo-
niae et 65,9 % de H. influenzae. Ces germes ont un niveau de
résistance élevé. Pour 11,1 % des S. pneumoniae, la CMI de
la pénicilline G est supérieure à 1 mg/l et 37,7 % des
H. influenzae sont producteurs de bêtalactamases. Ce niveau
élevé de résistance doit être pris en compte lors de la
prescription d’antibiotiques.
Virales
Les données concernant l’incidence des infections respiratoires
virales nosocomiales (IRVN) chez les nouveau-nés (NN) et les
enfants hospitalisés en réanimation sont rares. L’objectif de
l’étude présentée par A. Gagneur(Québec [Canada], 214/C20)
était de déterminer l’incidence des IRVN chez les NN et les
enfants hospitalisés en réanimation ainsi que la prévalence des
infections respiratoires virales chez le personnel soignant. Au
total, 120 patients (64 NN et 56 enfants) ont été inclus de
novembre 1997 à avril 1998. Parmi eux, 20 avaient des prélè-
vements positifs (13 enfants et 7 NN), ce qui représente une
incidence globale de 16,7 %.
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RÉUNIONS
Chez les 13 enfants, 15 échantillons étaient positifs à l’ad-
mission (VRS : 7, influenza : 5, adénovirus : 3) ; chez les NN,
sept échantillons étaient positifs à Coronavirus humains
(HcoV) (incidence 11 %). Aucune IRVN n’a été diagnostiquée
chez les enfants. Le rôle pathogène des HcoV chez les NN
semble se confirmer, alors que la prophylaxie contre le VRS
reste discutable. Le personnel pourrait être impliqué dans la
transmission des IRVN à HcoV (prévalence mensuelle des
infections virales chez le personnel comprise entre 0 et 10,5 %).
LA GRIPPE
Surveillance de la grippe
A. Mosnier et al. (Neuilly-sur-Seine, 43/C8) ont rapporté les
résultats d’un an d’expérience de surveillance de la grippe avec
les tests de diagnostic rapide.
La surveillance de la grippe par les GROG (Groupes régionaux
d’observation de la grippe) est basée sur la confrontation heb-
domadaire d’indicateurs d’activité médicale et des résultats de
prélèvements rhinopharyngés effectués en ville. Un test rapide
de surveillance (TRS) de la grippe a récemment été développé
et permet le dépistage de la grippe A et B sur un prélèvement
pharyngé en 15 minutes. Lors d’une étude de faisabilité, ces
tests ont été proposés à 114 médecins dans onze grandes villes
françaises (médecins appartenant au GROG ville). Parmi eux,
83,3 % ont utilisé les TSR. Sur 1 441 TSR effectués, 205 (soit
14,2 %) étaient positifs. L’utilisation du test a permis de rac-
courcir le délai d’information de la coordination nationale et
de donner au médecin une connaissance plus fine de l’épidé-
miologie locale de la grippe.
La grippe chez l’enfant
Une étude nationale prospective a été réalisée auprès de
174 médecins généralistes et pédiatres, en période d’épidémie
de grippe (R. Cohen et al.,Créteil 44/C8).
Les patients vus par les pédiatres étaient plus jeunes (70 % < 6 ans)
que ceux vus par les médecins généralistes (47 % < 6 ans ;
moyenne : 5,8 ans ) et avaient plus souvent des pathologies
chroniques (17 % versus 10 %). Onze pour cent présentaient une
complication d’emblée, dont la moitié étaient des otites.
Au total, 23 % des patients ont reçu des antibiotiques, les pres-
criptions d’antibiotiques étant deux fois plus importantes chez
les médecins généralistes que chez les pédiatres (29 % versus
15 %). La grippe de l’enfant est fréquente, elle entraîne sou-
vent une antibiothérapie et certains symptômes durent plus de
deux semaines. La complication la plus fréquente est l’otite.
Dans presque un cas sur cinq, elle entraîne un arrêt de l’activité
professionnelle parentale.
Traitement de la grippe
Les modalités d’utilisation du zanamivir pendant l’épidémie de
grippe de 2000-2001 ont fait l’objet d’une étude d’observation
auprès de 507 médecins, présentée par H. Portier (Dijon,
45/C8).
Parmi les 8 328 patients ayant consulté leur médecin entre janvier
et fin mars 2001 pour un syndrome grippal ou une grippe pré-
sumée, 202 ont reçu du zanamivir. Parmi les patients traités,
63,5 % ont consulté leur médecin dans les 24 heures suivant
les premiers symptômes (94 % dans les 48 heures), 9,5 % ont
reçu des antibiotiques contre 37 % dans le groupe non traité par
zanamivir, et 43 % ont eu un arrêt de travail contre 52 % dans
le groupe non traité.
Cette différence peut s’expliquer par le fait que les médecins
donnant un antiviral prescrivent moins d’antibiotiques. De plus,
les deux groupes ne sont pas de la même taille (202 patients
traités versus 8 126 non traités), les deux populations sont dif-
férentes (il y a proportionnellement plus de cadres dans le
groupe traité), et il existe sûrement d’autres biais…
Les conclusions sont donc à prendre avec quelques réserves, et
le sujet mériterait une étude en double aveugle.
Prévention de la grippe
La prévention de la grippe repose sur la vaccination anti-
grippale, qui est efficace et bien tolérée. Elle reste insuffisante
chez le personnel de santé en contact avec les malades, qui peut
à la fois être contaminé ou contaminant. Une campagne a été
menée à l’hôpital Ambroise-Paré (472 lits) en octobre et
novembre 2000 auprès de 1 880 employés (1 085 personnels
soignants, 535 médecins, 171 administratifs, 80 ouvriers).
B. Page (Boulogne, 46/C8) a rapporté les résultats de cette
campagne. L’information du personnel sur l’intérêt de la vac-
cination a été faite par lettres, posters, réunions et e-mails.
La vaccination a été proposée gratuitement par la médecine du
travail, à des horaires adaptés. Entre 1999 et 2000, le nombre
de vaccinations a doublé, passant de 7 % à 15 % avec un nombre
total de vaccinés de 269 en 2000. Le nombre de médecins vac-
cinés est resté peu élevé, même s’il a été multiplié par deux,
passant de 28 à 56 sur 535 médecins, soit de 5 % à 11 %.
Malgré tous les arguments plaidant en faveur de la vaccination
antigrippale, le personnel de santé reste insuffisamment vac-
ciné (15 %). Néanmoins, cette campagne d’information a per-
mis de multiplier par deux le nombre de vaccinations, et l’on
constate que certaines catégories professionnelles telles que les
élèves infirmières sont vaccinées dans 90 % des cas.
Faut-il essayer d’accrocher plus agressivement la population
visée ? Quel est le rôle joué par les médias lors des campagnes
anti-vaccination à chaque début d’hiver ?
INFECTIONS RESPIRATOIRES BASSES DE LADULTE
C. Perrone et al. (Garches, 48/C8) ont rapporté les résultats
de deux enquêtes concernant la prise en charge des infections
respiratoires basses de l’adulte par les médecins généralistes
(MG). La première était une enquête par sondage sur la per-
ception, les attitudes et les connaissances des médecins géné-
ralistes concernant les infections respiratoires basses (IRB). La
seconde rapportait les résultats d’une étude épidémiologique
sur la prise en charge réelle des IRB.
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XVII - n
os
1-2 - janvier-février 2002
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RÉUNIONS
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