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RECAP : mieux connaître les personnes
accueillies
Christophe Palle, Laure Vaissade *
RECAP, ou Recueil commun sur les addictions et les prises en charge, est l’un
des outils de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT)
pour mieux cerner l’évolution, les problèmes, les besoins des personnes accueillies dans les structures spécialisées de soins en addictologie (toxicomanie,
alcoolisme). Il prend la succession de “l’enquête de novembre” qui n’était plus
adaptée aux questions du Protocole Européen et ne couvrait pas les différentes
sortes de structures spécialisées dans ce champ : les Centres de soins spécialisés aux toxicomanes (CSST) et les Centres de cure ambulatoire en alcoologie
(CCAA)…
L’observation de la situation dans le domaine des drogues dans un espace géographique donné repose sur un certain nombre
d’indicateurs de base : consommations de
substances psychoactives dans l’ensemble
de la population (ou dans certains sous-ensembles), mortalité et morbidité liées à la
consommation de substances, nombre et
caractéristiques des consommateurs venus
chercher de l’aide auprès de professionnels
de la prise en charge. Ce dernier indicateur,
qui est l’objet même de RECAP, doit fournir aux pouvoirs publics au niveau national
et régional et aux professionnels de la prise
en charge des éléments d’appréciation sur
l’évolution du nombre de personnes accueillies, leurs caractéristiques socio-démographiques et les produits avec lesquels
elles sont en difficulté.
$ESQUESTIONSETUNRECUEIL
SIMPLES
Il est en effet indispensable de pouvoir répondre à certaines questions simples, notamment en termes d’évolution : le nombre
de patients venus chercher de l’aide auprès
de professionnels est-il en augmentation ?
Les personnes accueillies sont-elles de plus
en plus jeunes ou de plus en plus âgées ?
* Responsable du pôle indicateur à l’OFDT, chargée
d’études à l’OFDT.
Leur situation socio-économique se dégrade-t-elle ou s’améliore-t-elle ? Les personnes accueillies sont-elles en difficulté avec
les mêmes produits ou voit-on s’opérer des
changements ? Les modes de consommation
se transforment-ils ? Au-delà des moyennes
nationales, il est également primordial de
disposer d’éléments permettant d’évaluer
l’existence de disparités suivant la région,
l’âge, le sexe, l’ancienneté dans le traitement, les produits consommés. L’ensemble
de ces éléments, s’ils sont connus suffisamment rapidement, doit permettre de nourrir
la réflexion pour mieux adapter les prises en
charge et les politiques de santé nationales
et régionales aux besoins des personnes présentant des problèmes d’addiction.
En France, comme dans la plupart des
pays, ce type de recueil d’informations
a pendant longtemps constitué le socle
principal du dispositif d’observation en
raison de la relative facilité de sa mise
en œuvre. L’accueil d’un patient dans
une structure de prise en charge s’accompagne en principe d’un ou plusieurs
entretiens au cours desquels le soignant
est amené à prendre connaissance de
la situation de la personne en demande
d’aide. Un certain nombre d’informations nécessaires à la prise en charge
sont ainsi généralement consignées et
peuvent être collectées, soit a posteriori
à partir des notes informelles figurant
dans le dossier du patient, soit directement sur un questionnaire structuré.
Le Courrier des addictions (8) – n° 4 – octobre-novembre-décembre 2006
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#OMPATIBLEAVECLEPROTOCOLE
EUROPmEN
RECAP se situe dans le droit fil de ces
enquêtes et succède ainsi en partie à celle
réalisée sur la prise en charge des usagers
de drogues menée chaque année (sauf en
1998) au cours du mois de novembre entre
1987 et 1999 (1). Cette enquête a été suspendue suite à la mise en place d’un groupe
de travail chargé de concevoir un nouveau
recueil d’informations visant les objectifs décrits ci-dessus et compatible avec le
protocole d’enquête pour “l’indicateur de
demande de traitement” défini au niveau
européen. Cette exigence a conduit à refondre très sensiblement “l’enquête de novembre” en ce qui concerne le questionnement
et la méthode.
En effet, le questionnaire devait, d’une part,
être compatible avec le noyau commun de
questions du protocole européen (2) adopté
par l’ensemble des pays de l’Union européenne ce qui a conduit à reformuler certaines questions et à en ajouter d’autres qui
étaient manquantes. Il devait, d’autre part,
être commun à l’ensemble des structures
spécialisées du champ de l’addictologie
(CSST et CCAA) qui doivent à terme être
regroupées sous un même statut (CSAPA).
Aucune collecte d’information similaire à
l’enquête toxicomanie du mois de novembre n’avait été réalisée auparavant dans le
domaine de l’alcoologie. Cependant les
structures affiliées au réseau Association
nationale de prévention en alcoologie et
addictologie (ANPAA) utilisaient, depuis
la fin des années 1990, un dossier patient
informatisé permettant de collecter, tout au
long de l’année, des informations sur les
patients accueillis et de publier des données
nationales annuelles (3). C’est précisément
ce mode continu de collecte qui est préconisé par le protocole européen et que le groupe de travail a souhaité mettre en place.
0OURLAPLUPARTUNEMISEgJOUR
Sur le plan de la méthode, la conformité au
protocole européen supposait d’étendre à
l’année entière la période d’enquête. Cela
implique de remplir pour chaque nouveau
patient accueilli ou d’actualiser, pour les
patients déjà connus, une fiche d’accueil
comportant au moins les questions du
noyau commun RECAP. La majorité des
CSST et des CCAA avait adopté, bien
avant l’existence de RECAP, un modèle de
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fonctionnement de ce type et saisissait leurs
données dans un logiciel spécialisé de gestion de dossier patient permettant d’éditer
les rapports d’activité et de répondre à différentes enquêtes (dont celle de novembre).
L’introduction de RECAP a donc reposé sur
l’ajout et la modification de certaines questions de la fiche d’accueil et sur la mise à
jour des logiciels utilisés par ces structures.
À l’heure actuelle, ces mises à jour ont été
réalisées pour les logiciels les plus répandus
et permettent de générer automatiquement
un fichier d’export contenant les données
anonymes RECAP, à envoyer à l’OFDT sur
une disquette ou par courrier électronique.
Le problème s’est posé, et se pose encore,
pour les structures qui ont développé leur
propre logiciel ou pour les structures en
gestion hospitalière qui utilisent celui de
l’hôpital ou encore pour les centres n’utilisant pas de logiciel spécialisé ou pas d’outil
informatique. La participation à RECAP
suppose d’adapter les logiciels existants,
– cas sans doute le plus complexe, – ou d’en
acquérir un qui soit compatible avec lui. En
termes de coûts, il existe aujourd’hui des
solutions adaptées à la plupart des situations. L’OFDT s’est efforcé de fournir une
information sur les logiciels et de répondre
à toutes les demandes de conseil et d’assistance qui lui sont adressées.
,šANONYMATGARANTI
La mise en place de RECAP procède d’une
volonté d’harmonisation des recueils de
l’échelon régional à l’échelon européen et
d’accélération de la mise à disposition des
résultats. Les avantages liés à cette harmonisation ne sont pas sans contreparties :
contraintes liées au recueil continu, plus
petit commun dénominateur au niveau du
questionnement. Certains pourront s’interroger sur le choix d’un recueil exhaustif. Le
recours à un échantillon de structures a été
envisagé. L’utilisation de cette méthode se
heurte cependant au souhait de disposer de
statistiques régionales et au petit nombre de
structures existantes dans plusieurs régions.
Solliciter deux centres dans une région qui
n’en compte que quatre ou cinq expose
au risque d’avoir des résultats influencés
par les caractéristiques des structures sélectionnées et ensuite à la possibilité de
défaillance de ces structures qu’il est impossible de remplacer dans l’échantillon,
une fois l’absence de données constatées.
L’échantillonnage pourrait se faire au sein
de chaque structure (tirage au sort d’un patient sur deux, par exemple) mais le recueil
n’en serait pas allégé pour autant, toutes les
structures étant sollicitées. L’exhaustivité
peut faire surgir des craintes sur le plan
du respect de l’anonymat. On peut rappeler qu’aucune donnée identifiante n’est
recueillie. Ainsi l’année de naissance a été
préférée à la date de naissance afin de ne
pas permettre l’identification indirecte des
patients. Les identifiants des structures sont
cryptées dans le fichier global et la lecture
ne permet pas de savoir dans quelle structure ont été recueillis les enregistrements.
Une demande d’autorisation a été déposé
auprès de la CNIL et obtenue en 2004.
L’OFDT ne publiera aucune donnée attribuable à une structure en particulier. Des
résultats départementaux ou régionaux ne
seront fournis que si les données agrégées
proviennent d’au moins deux structures.
DIFFmRENCIERDESRAPPORTS
DšACTIVITm
D’autres interrogations peuvent surgir à
propos de l’existence simultanée du rapport
d’activité et de RECAP. Les mêmes données
de base, celles figurant dans les fiches d’accueil et de suivi, sont en effet utilisées dans
les deux cas. Le rapport d’activité procède
cependant d’une logique organisationnelle :
rendre compte, en tant que structure, de son
activité à une tutelle et/ou à un financeur.
Des informations relativement nombreuses
sont demandées pour caractériser le type de
public accueilli dans la structure, ces données pouvant constituer un élément d’appréciation de l’activité et de son adéquation
à un projet thérapeutique. Cette dernière
problématique n’entre pas dans les missions
courantes de l’OFDT, qui reste néanmoins
intéressé par une exploitation “secondaire”
des données sur les patients pour améliorer
les connaissances sur le plan épidémiologique. Cependant, les données du rapport
d’activité étant agrégées par structure, leur
exploitation statistique ne peut aller au-delà
de la sommation des réponses, au niveau
national ou régional. Il est en revanche impossible de croiser les informations pour
connaître, par exemple, le pourcentage de
consommateurs de cannabis parmi les hommes ou parmi les plus jeunes. Une analyse
complète ne peut être menée qu’à partir des
données par patient.
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"IENTxTLESPREMIERSRmSULTATS
Le questionnement peut être considéré
comme trop lourd par certains, incomplets
par d’autres. Il est le résultat d’un double
compromis entre systèmes d’information
existants au niveau européen, recueils dans
les centres d’alcoologie et dans les centres spécialisés en toxicomanie. Ce noyau
commun ne prétend en tout cas pas épuiser
l’ensemble des besoins de connaissance sur
la situation des patients en difficulté avec
leur consommation de substances. Des programmes ou modules de questions visant
à éclairer plus spécifiquement un domaine
particulier peuvent être utilisés par des
structures volontaires (par exemple le programme OPPIDUM).
L’ensemble des CSST et CCAA ont été
sollicités pour fournir des données RECAP sur l’année 2005. Les données reçues
permettent de décrire la situation d’environ 43 500 patients reçus dans 140 lieux
d’accueil dépendant de CSST et de 41 000
patients vus dans 259 lieux d’accueil dépendant de CCAA. Les résultats complets
seront publiés par l’OFDT en janvier 2007.
Ce premier exercice national a demandé un
investissement important de la part des personnels de ces structures à qui il a été demandé de modifier leurs questionnements
habituels, d’installer pour certains de nouveaux logiciels et pour d’autres de procéder
à des mises à jour.
L’OFDT les remercie pour cet effort. Sur
la base de cette première expérience, une
réflexion sera menée en commun avec les
associations et institutions du champ des
addictions sur l’intérêt et la pertinence
des questions du noyau commun et sur
les évolutions éventuelles du système à
envisager.
N
Références bibliographiques
1. Tellier S. La prise en charge des toxicomanes
dans les structures sanitaires et sociales en novembre 1999. Documents statistiques, Paris, DREES,
2001:47 p.
2. EMCDDA. Treatment demand indicator, Standard Protocol 2.0, EMCDDA Scientific Report,
Lisbon, European Monitoring Centre for Drug and
Drug Addiction, 2000:36 p.
3. Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA), Consultants des
CCAA 2002, Paris, ANPAA, 2003:28 p.
Le Courrier des addictions (8) – n° 4 – octobre-novembre-décembre 2006
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