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LE DÉPLACEMENT PROLONGÉ
RMF33
Réfugiés : atout ou fardeau ?
Patricia A Ongpin
Entre 1993 et 2000, la Tanzanie abritait près
d’1,5 millions de réfugiés. Depuis la n des
années 1990, les eorts pour rapatrier les
réfugiés ont été multipliés ; malgré tout, il se
trouve aujourd’hui encore plus de 320 000
réfugiés et demandeurs d’asile en Tanzanie.
Même avec la présence d’organisations
internationales participant aux eorts
d’assistance, un si grand nombre de réfugiés
a eu des répercussions inévitables sur
la situation économique intérieure de la
Tanzanie. Le gouvernement a ouvertement
annoncé son mécontentement vis-à-vis des
pressions que la présence de réfugiés exerce
sur les ressources, ainsi que des menaces que
ces derniers sont sensés représenter pour
la stabilité intérieure.
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Toutefois, certains
s’opposent à ces déclarations en soulignant
les bienfaits que la présence des réfugiés
a apportés, et qui n’auraient pas eu lieu
sans eux. Il est important de comprendre
ces deux points de vue an de garantir
que ; les politiques en faveur des réfugiés
soutiennent la croissance économique.
Conséquences économiques
Le gouvernement tanzanien arme que
la population de réfugiés qu’il accueille
est devenue un fardeau pour la nation et
qu’elle exacerbe la rareté des ressources,
voire même qu’elle en est à l’origine.
Il arme en outre que la qualité des
programme nationaux, tels que l’aide
sociale et la stratégie nationale de réduction
de la pauvreté, a été compromise par
la réallocation de fonds destinés au
gouvernement vers des programmes
destinés aux réfugiés. Il arme encore
que le partage des biens communs et des
infrastructures exerce non seulement
des pressions sur les ressources mais
nuit aussi aux relations entre réfugiés et
citoyens, qui se trouvent en compétition
pour ces biens. Cela se manifeste surtout
dans l’utilisation des pâturages, des
ressources en eau et de voies de transport.
En opposition au point de vue du
gouvernement, certains chercheurs arment
que l’activité de la population de réfugiés
a stimulé l’économie nationale. Ils pensent
que les organisations internationales ont
augmenté la capacité nancière nationale
en nançant les projets des réfugiés et
augmenté le revenu national (qui en a bien
besoin) en payant des taxes sur l’aide et les
biens importés dans le pays. De plus, elles
ont aussi investi de larges sommes dans le
développement des infrastructures an de
pouvoir mener ecacement leurs opérations
sur le terrain, améliorant ainsi les services et
les infrastructures qui sont disponibles aux
autochtones tout autant qu’aux réfugiés.
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Le débat est également plus stimulé par les
conséquences que les réfugiés ont eu sur
le marché de l’emploi et sur les prix. Les
réfugiés sont devenus une source de main-
d’œuvre bon marché qui a fait perdre leur
emploi à leurs homologues tanzaniens.
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Cependant, cela a aussi eu un impact positif
sur les possibilités de renforcement des
capacités dans les communautés, grâce
à un plus grand nombre de travailleurs
disponibles pour les industries qui ont un
fort besoin de main-d’œuvre, telles que
l’exploitation minière et l’agriculture.
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Une telle dichotomie des conséquences
se manifeste aussi dans les prix des biens
et des services. L’arrivée des réfugiés
et, dans leur sillage, des travailleurs
humanitaires internationaux a provoqué
l’augmentation des prix des aliments
de base et de l’immobilier, diminuant
ainsi le pouvoir d’achat des réfugiés et
des autochtones. Toutefois, même avec
la montée des prix, la qualité de l’aide
sociale s’est améliorée, favorisant ainsi une
amélioration relative des conditions de vie.
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Un bilan nancier
En débit de la quantité limitée de preuves
quantiables disponibles et de la diculté
de déterminer les coûts et les avantages
exacts de la présence des réfugiés, il est
possible de comprendre leur impact
relatif en eectuant un bilan nancier.
En synthétisant les diverses preuves
d’avantages et de coûts, puis en comparant
les arguments les uns contre les autres, il est
possible de donner un score hypothétique,
positif ou négatif, à l’impact économique
des réfugiés. Selon cee méthode, un
bilan nancier apparaît suggérant que la
population de réfugiés en Tanzanie a un
impact économique négatif sur la sécurité
intérieure ainsi que sur l’accès au logement
et à la nourriture, un impact positif sur les
nances du gouvernement et les entreprises,
et un impact neutre sur l’emploi, les
ressources communes et l’infrastructure.
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partie de leur vie en exil et un grand nombre
d’entre eux sont même nés en exil ; et
l’intégration locale n’est pas une option qui
se présente à eux, et ils sont soit incapables,
soit non disposés à rentrer chez eux.
Toutefois, cela a créé un facteur d’araction
pour les réfugiés burundais de 1993, qui
vivent toujours dans des camps de Tanzanie
et n’ont pas compris pourquoi ils n’étaient
pas eux aussi éligibles pour la réinstallation.
Bien que la diérence de prol et de besoins
de ces derniers puisse sembler évidente
vue de l’extérieur, ces deux groupes sont
toutefois intégrés aux mêmes camps de
réfugiés du nord-ouest de la Tanzanie et
plusieurs d’entre eux font face aux mêmes
dés dans cee situation prolongée.
Conclusion
Les eorts actuels pour résoudre la situation
de déplacement prolongée dans cee région
sont impressionnants et se composent d’un
certain nombre d’éléments innovants. La
participation des réfugiés eux-mêmes, par
le biais d’un recensement et d’un exercice
d’enregistrement, a permis de garantir
que tout rapatriement se fasse de manière
librement consentie. Il s’agit d’un exemple,
dont nous pouvons tous nous inspirer,
d’un équilibre délicat entre le partage
des responsabilités et la responsabilité
des États pour soutenir le rapatriement
librement consenti, l’insertion locale
et la réinstallation. En outre, des outils
tels que le Fonds pour la consolidation
de la paix et l’initiative « Unis dans
l’action » de l’ONU ont ouvert la voie à
de nouvelles possibilités de collaboration
interorganisationnelle et intersectorielle.
Jessie Thomson (jessiecthomson@yahoo.
ca) est chargée de recherche sur la jeunesse
mondiale pour la Fondation Walter et
Duncan Gordon (hp://www.gordonfn.org).
1. L’Honorable Lawrence Mesha, Ministre des Aaires
étrangères, République unie de Tanzanie, Entretien
personnel, 9 octobre 2008.
2. ibid.
3. Voir encadré <<Burundi: sept ans de retour des
réfugiés>>.
4. 50 000 francs burundais (environ 30 euros).
5. hp://www.issafrica.org/AF/proles/Burundi/arusha.
pdf
UNHCR/A Kirchhof
Étudier l’impact d’une population de réfugiés sur l’économie de son
pays d’accueil est important pour évaluer et mettre au point les
stratégies du gouvernement concernant ces réfugiés, en particulier
dans les situations de déplacement prolongées.