Le cabinet de conseil en stratégie
franco-allemand Cepton Stra-
tégies a passé au crible les treize
pays (voir encadré) composant
la région d’Europe Centrale et de l’Est
(ECE). Si Cepton relève le dynamisme
de la gion, il nen pointe pas moins
du doigt ses faiblesses : un taux de na-
talité parmi les plus bas d’Europe, une
population vieillissante et le développe-
ment des « lifestyle disease ». Ces ma-
ladies liées aux excès de la vie moderne
(alcool, nicotine, malnutrition) repré-
sentent 55% de la mortalité en Europe
de l’Est, comparé à 15% en Europe de
l’Ouest, selon l’Organisation mondiale
de la santé (OMS). Ces changements
structurels off rent un panorama très
diversifi é de situations et de marchés
qui pro tent au développement d’une
industrie de la santé solide. Pour ré-
pondre à une demande de soins en
forte croissance, les pays ont engagé de
profondes formes de leurs systèmes
de santé. Des eff orts de nancements
publics ont été mis en œuvre prenant
exemple sur l’Occident, avec en paral-
lèle une progression rapide de la part
des fonds d’assurance individuels.
Un marché de 27 milliards
de dollars
La part des dépenses publiques consa-
crées à la santé va de 50 % en Lettonie à
plus de 90 % en République Tchèque.
Selon l’OMS, la Slovénie, qui est aussi
le pays le plus économiquement avan
de la zone, affi che le taux de pense
de santé le plus élevé (8 % du PIB), à
comparer avec les niveaux
atteints en Europe de
l’Ouest comme en Alle-
magne (10,3 %) ou en
Norvège (10,3 %).
Des c hi f f res e n
hausse constante
qui laissent préfi -
gurer un potentiel
énorme de déve-
loppement. Selon
Cepton, le taux de
croissance des mé-
dicaments dans les
pays de l’ECE dépasse
aujourd’hui celui des
pays d’Europe de l’Ouest.
Le marché pharmaceutique
a plus que doublé en l’espace
de cinq ans, atteignant 27 milliards
de dollars en 2005. Surtout, avec un
taux de croissance moyen des ventes de
20 %, la région apparaît pour les big
pharma comme l’une des plus attracti-
ves parmi les marchés émergents, après
la Chine et le Brésil. Pour compléter le
tableau, deux segments thérapeutiques
sont particulièrement dynamiques : les
soins cardiovasculaires et les traitements
visant le système nerveux central. Si l’on
y ajoute les thérapies contre le cancer,
ces trois marchés devraient représenter
60 % de la demande de médicaments
de la zone d’ici 2011.
La consolidation est en marche
Cette demande croissante d’inno-
vations devrait se poursuivre à un
rythme soutenu au cours des prochai-
nes années. Ce qui explique aussi le
changement de cap pris par les big
pharma, dont les stratégies d’expan-
sion sont déjà résolument tournées
vers les marchés émergents et les
produits de spécialité. A l’image de
GSK en Pologne et de Sanofi -Aven-
tis en Russie, la plupart affichent
aujourd’hui des positions dominantes
dans les pays de l’ECE. Autre trait des
évolutions en cours dans la région :
la montée en puissance des médica-
ments génériques, dont la consom-
mation est encouragée par la plupart
des gouvernements. Selon Cepton, les
volumes de ventes sont conséquents
et atteignent 70 à 90 % du marché
pharmaceutique dans la zone ECE.
32
PHARMACEUTIQUES - NOVEMBRE 2008
Croissance à deux chiff res, augmentation des pouvoirs d’achats, réformes des
systèmes de santé, forte demande de produits innovants, essor des génériques
et de la parapharmacie… L’Europe Centrale et de l’Est off rent de nouvelles
opportunités de croissance à la pharma.
Politique de santé International
Europe de la pharma
A l’Est du nouveau
34
PHARMACEUTIQUES - NOVEMBRE 2008
Politique de santé International
Dernière manœuvre en la matière
illustrant l’attractivité du secteur, le
numéro un mondial, l’israélien Teva,
a repris en 2006 Ivax, un fabricant
local appartenant au polonais Polfa
Kutno. S’il est vrai que la possibi-
lité de produire à bas coût attire en
nombre les investissements étrangers
dans la région, l’avantage compétitif
a aussi permis l’émergence de cham-
pions nationaux, tels que Gedeon
Richter en Hongrie, dont les deux
tiers de l’activité proviennent
aujourd’hui de l’international. Deux
autres acteurs nationaux se distin-
guent aussi en Slovénie : Lek, repris
en 2002 par Novartis, et Krka, dont
les productions dopent les exporta-
tions nationales. La Slovénie est ainsi
le seul pays de la région ECE qui af-
che un profi l d’exportateur net de
médicaments. Parmi les autres leviers
de croissance fi gurent les produits de
médication familiale ou OTC (over-
the-counter). La majorité des pays de
l’ECE affi chent des taux de croissan-
ce supérieurs à 10% sur ce marché,
notamment la Russie, la République
Tchèque et la Pologne. Des perfor-
mances plus élevées que partout
ailleurs en Europe.
Nouvel eldorado
Last but not the least, l’étude Cep-
ton aborde la question de la réparti-
tion dans la zone ECE. Les grossistes
répartiteurs internationaux tels que
les allemands Phoenix, Celesio et le
britannique Alliance Boots, ont déjà
anticipé les mutations en cours dans
la région et ont avancé leurs pions en
conséquence. Les causes sont claire-
ment identifi ées : le système de xa-
tion des prix varie grandement d’un
pays à un autre. Les prix des médica-
ments ne sont pas bas et même bien
supérieurs à ceux pratiqués en Euro-
pe de l’Ouest. Résultat : comparé aux
taux de rentabilité de 3 % à 5 % qu’ils
perçoivent en Europe de l’Ouest, les
grossistes bénéfi cient sur place de
marges plus élevées, allant jusqu’à
12 % à 15 % en Russie. Sans oublier
la possibilité d’intégration verticale
de pharmacies. Malgré certaines
restrictions légales, qui devraient à
terme disparaître selon Cepton, la
propriémultiple de pharmacies est
en e et autorisée dans la zone ECE,
excepté en Bulgarie, Hongrie, Slova-
quie et Slovénie. Aujourd’hui, tous
les grossistes répartiteurs possèdent
donc leurs propres réseaux. Phoenix
détient des chaînes de pharmacies en
Estonie et Lituanie, Celesio en Rou-
manie, en République Tchèque et en
Russie, l’allemand Anzag en Rouma-
nie. Les grossistes répartiteurs na-
tionaux ne sont pas en reste sur leur
marcrespectif. PGF, en Pologne, a
récemment racheté trois chaînes de
pharmacies, et Sanita, une chaîne de
pharmacie bulgare, a créé son propre
réseau Sanita Franchise. Au nal, la
propriété multiple de pharmacies
est en progression constante dans
la zone ECE, représentant 10 % du
marc de la pharmacie en Pologne
et jusqu’à 65 % en Lituanie.
« La population profi te et apprécie les
grandes opportunités qui s’off rent à
elle, de la nouvelle pharmacie à Vla-
divostok jusqu’à l’hôpital universi-
taire rénové de Budapest », conclut
Cepton. Dans ce contexte fortement
concurrentiel, il reste aux sociétés
pharmaceutiques à adapter leurs
stratégies de marketing et de ventes
pour satisfaire ces nouveaux viviers de
croissance.
Marion Baschet-Vernet
Les dix premières sociétés pharmaceutiques dans le monde et en Europe Centrale et de l’Est
(ECE) (ventes en millions de dollars)
Groupes leaders dans le monde en 2005 Groupes leaders dans la région ECE
Sociétés Ventes
(Millions de dollars) Sociétés Ventes
(Millions de dollars)
1- Pfi zer 47,7 1- Novartis(1) 1,183
2- GlaxoSmithKline 34,7 2- Sanofi -Aventis 969
3- Sanofi -Aventis 30,1 3- GlaxoSmithKline 850
4- Novartis 28,5 4- Pfi zer 740
5- Johnson & Johnson 25,4 5- Roche 532
6- AstraZeneca 24,1 6- Servier 515
7- Merck & Co. 23,5 7- Gedeon-Richter 488
8- Roche 19,8 8- Zentiva(2) 448
9- Abbott 15,9 9- Berlin-Chemie/Men 444
10- Bristol-Myers Squibb 14,7 10 - Krka 409
(1)Sandoz et Lek compris - (2)Sicomed compris
Légende : Dans un contexte fortement concurrentiel, le classement des entreprises pharmaceutiques de la
zone ECE diffère de celui du marché mondial. Les pays de la zone ECE offrent un panorama varié de si-
tuations concurrentielles où cohabitent les big pharma, souvent en position dominante, avec la présence
de champions nationaux solides. Cepton cite ainsi les cas du hongrois Gedeon Richter, du slovène Krka,
du Tchèque Zentiva et du slovène Lek qui a récemment été repris par Novartis. Avec leur positionnement
de leader, ces sociétés font l’objet de toutes les convoitises de la part des big pharma. Le mouvement de
consolidation est en marche et va perdurer encore quelques années dans la région. Affaire à suivre.
L’ECE : repère
En 2008, la Russie, l’Ukraine, la Pologne, la Hongrie, la République Tchè-
que, la Slovaquie, la Croatie, la Roumanie, la Bulgarie et les Etats Baltes
(Lituanie, Lettonie et Estonie) regroupent une population de 186 millions
de personnes, qui sont engagées depuis les années 90 et la chute de l’empi-
re soviétique, dans de profondes transformations socio-démographiques et
économiques. De 1999 à 2006, la croissance annuelle moyenne du Produit
intérieur brut (PIB) par habitant de ces pays montre un taux record de 13% !
SOURCE : IMS/CEPTON
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