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et pourraient être secondaires à l’apoptose de
près de 80 % des cellules initialement trans-
plantées. Les arythmies pourraient donc être
une réaction précoce à la réaction inflammatoi-
re et aux remaniements locaux induits initiale-
ment et disparaître ultérieurement. Ces troubles
du rythme initiaux pourraient être un peu
superposables aux manifestations rythmiques
observées à la phase aiguë des myocardites
aiguës et qui disparaissent ensuite. D’ailleurs, il
semble y avoir un parallélisme entre l’impor-
tance du nombre de cellules transplantées et le
risque arythmogène. Dans l’essai de phase 1 de
thérapie cellulaire, qui avait pour but initial
d’évaluer la faisabilité de la technique, les
complications rythmiques ont été les seules
complications observées. Ainsi dans l’essai de
phase 2, qui devrait démarrer au début 2002,
nous avons décidé de prévenir systématiquement
la survenue de ces troubles du rythme par la pres-
cription d’amiodarone et de limiter le nombre
de cellules transplantées à 700 000 cellules.
CMV : Pouvez-vous nous préciser, d’un
point de vue pratique, comment s’effectue
cette transplantation de cellules souches
périphériques, quelles sont, dans l’avenir,
les possibilités que l’on pourrait envisager
autres que chirurgicales, et est-il notamment
envisageable de traiter ces patients par voie
endocavitaire de façon à éviter une chirur-
gie chez ces patients déjà fragiles ?
MD : Du point de vue pratique, le Pr Philippe
Menasché prélève sous anesthésie locale, au
niveau de la cuisse, une dizaine de grammes
de muscle périphérique. Ensuite, l’équipe de
Jean-Thomas Villequin et Jean-Pierre Marolleau,
après dissociation des cellules, les met en
culture de façon à obtenir jusqu’à 500 mil-
lions à un milliard de cellules, en une quin-
zaine de jours. Soulignons que le succès de
notre traitement repose grandement sur cette
expertise dans l’expansion des myoblastes
obtenus par cette équipe. Dans notre étude,
les patients ont été inclus s’ils étaient candi-
dats à une revascularisation coronaire dans un
autre territoire que celui nécrosé pouvant
bénéficier d’une transplantation cellulaire. Il
s’agissait donc d’une chirurgie coronaire
classique avec circulation extracorporelle à
cœur arrêté, et, au cours de cette procédure
sur le territoire préalablement démontré
comme étant non viable, le chirurgien injecte
localement directement en intramusculaire
les cellules par 20 à 30 petites injections. Cela
allonge l’acte chirurgical d’environ 15 minutes.
Il n’y a jamais eu de dilacération du muscle
cardiaque, d’embolies systémiques, d’héma-
tomes ou de perforation du cœur.
CMV : Peut-on envisager pour demain l’in-
jection de ces cellules en dehors d’un acte
de chirurgie conventionnelle ?
MD : Bien sûr, une des limites à l’heure
actuelle est la nécessité d’une chirurgie car-
diaque. Certes, on peut envisager des mini-
thoracotomies, de la chirurgie vidéo-assistée
ou à cœur battant, mais, surtout sur ce terrain,
la morbi-mortalité de la chirurgie restera
toujours un problème. La technique la plus
évaluée est la possibilité d’envisager des
injections endoventriculaires, par ponction
artérielle périphérique et cathétérisme car-
diaque rétrograde. Cela reste néanmoins, à
l’heure actuelle, une technique difficile pour
l’injection intramyocardique en de multiples
points d’une paroi ventriculaire pathologique
et amincie par la fibrose. Par ailleurs, la
seconde grande indication de ces thérapies
cellulaires pourrait être les cardiomyopathies
dilatées non coronariennes, pour lesquelles il
n’y a pas d’indication de revascularisation,
donc de chirurgie, et pour lesquelles l’injec-
tion diffuse intramyocardique par voie intra-
cavitaire avec l’aide d’un mapping du ventri-
cule serait très intéressante. D’autres voies
sont en cours d’évaluation chez l’animal,
péricardique, systémique périphérique et par
injection directe intracoronaire.
CMV : Enfin, pour terminer, il s’agissait
d’un essai de phase 1, donc de faisabilité,
ce que vous avez démontré. Malgré tout,
avez-vous pu déjà objectiver des améliora-
tions de la fonction ventriculaire sur les
zones akinétiques traitées ?
MD : Cet essai de phase 1 n’avait pas pour
rôle d’évaluer une amélioration de la contrac-
tilité ou de l’état clinique des patients, mais
d’étudier la faisabilité et la sécurité de cette
technique. Bien entendu, nous avons regardé
aussi par échocardiographie la cinétique ven-
triculaire. Ainsi, chez certains patients, Albert
Hagège a pu observer un certain degré de
contraction cardiaque, alors qu’avant la pro-
cédure, la paroi était akinétique. L’essai de
phase 2, randomisé, multicentrique et euro-
péen que nous envisageons maintenant aura
pour objectif prioritaire d’évaluer l’évolution
de la cinétique de la zone transplantée par des
cellules musculaires.
Entretien
Entretien
Le Courrier de Médecine Vasculaire (2), n° 1, janvier, février, mars 2002