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Correspondances en Onco-hématologie - Vol. V - n° 3 - juillet-août-septembre 2010
Myélome et thrombose
(tableau I) [32, 33]. Ce risque diminuait à moins
de 10 % dans les essais recommandant l’utilisa-
tion d’une prophylaxie thrombotique (34). Enfi n,
l’association thalidomide et cyclophosphamide
induisait 3 % à 9 % de thromboses veineuses
(35).
La survenue de cet effet indésirable n’est pas
associée à une perte de chance pour les patients
Un essai a analysé l’impact de la survenue d’une
complication thrombo-embolique veineuse sur
la survie chez 668 patients traités à partir du
diagnostic avec ou sans thalidomide (36). La
majorité (95 %) des événements thrombo-embo-
liques sont survenus dans les 12 premiers mois
suivant l’instauration du traitement. La survie
globale et la survie sans événement des patients
ayant présenté une complication thrombotique
n’étaient pas inférieures par comparaison aux
patients n’ayant pas présenté ces complications.
Il est intéressant de constater que le thalidomide
a été réintroduit sans augmenter le risque throm-
botique chez 75 % des patients recevant une anti-
coagulation effi cace.
✔
Incidence des événements thrombotiques
chez les patients traités par lénalidomide
Le lénalidomide est maintenant reconnu comme
un agent thérapeutique ciblant majeur du MM. La
gestion des effets indésirables, la compréhension
des mécanismes de résistance, la défi nition des
meilleures associations avec le lénalidomide sont
autant d’expériences acquises qui permettront
de mieux prendre en charge les patients. Pour
bien comprendre le risque thrombo-embolique
associé au lénalidomide, il faut tout d’abord tenir
compte du fait que cette molécule appartient à
la famille des IMiDS et qu’elle est, à ce titre, un
agent potentiellement thrombogène, même si
les mécanismes responsables de ce risque sont
mal connus.
L’incidence des événements thrombotiques est
très faible lorsque le lénalidomide est utilisé
en monothérapie, à l’image de ce qui est décrit
avec le thalidomide (tableau II, p. 144) [50]. Dans
les deux essais de phase III multicentriques qui
ont étudié la place du lénalidomide en mono-
thérapie dans le MM en entretien (lénalidomide
utilisé aux doses de 10 à 15 mg/j), récemment
présentés à l’ASCO 2010, il est rapporté moins de
1 % d’événements thrombotiques, alors qu’une
prophylaxie du risque thrombotique n’était pas
recommandée (51, 52).
Le lénalidomide a été enregistré en Europe
d’emblée en association avec la dexamétha-
sone, déjà connue pour augmenter signifi cati-
vement le risque thrombotique en association
avec le thalidomide. Les deux essais de phase
III conduits dans le MM en rechute et réfractaire,
qui ont permis cet enregistrement (53, 54), uti-
lisaient la dexaméthasone à la dose de 40 mg
aux jours 1-4, 9-12 et 17-20 pour les 4 premiers
cycles, ce qui est considéré comme de la dexa-
méthasone à haute dose, puis à 40 mg aux
jours 1-4 pour les cycles suivants (tableau II).
Une prophylaxie thrombo-embolique n’était
pas recommandée dans ces deux essais. Les
effets indésirables de grade supérieur ou égal
à 3 les plus fréquents incluaient les événements
thrombo-emboliques veineux, de l’ordre de 13 %
dans les deux essais. L’incidence de survenue de
ces complications n’était pas dépendante d’un
traitement préalable avec le thalidomide (55),
ni du nombre de lignes thérapeutiques anté-
rieures (56). De même, la durée du traitement
par l’association lénalidomide + dexaméthasone
n’infl uait pas sur la survenue des complications
thrombotiques. Ces résultats ont depuis été
confi rmés par une étude observationnelle mul-
ticentrique réalisée aux États-Unis et au Canada
chez 1 500 patients atteints de MM en rechute ou
réfractaires, qui recevaient cette association pen-
dant une durée médiane de 15 semaines (57).
Dans cet essai, une prophylaxie thrombo-embo-
lique était recommandée mais non obligatoire,
et l’incidence des complications thrombotiques
a chuté à 8 %.
Depuis, plusieurs associations ont été dévelop-
pées avec le lénalidomide, notamment avec les
anthracyclines et le cyclophosphamide, et le
risque de complications thrombotiques reste infé-
rieur à 10 % si une prophylaxie thrombo-embo-
lique veineuse est recommandée (58, 59). Des
résultats similaires d’incidence des complications
thrombotiques sont rapportés avec l’utilisation
du lénalidomide en première ligne thérapeutique
du MM. Le lénalidomide est utilisé dans cette
indication surtout aux États-Unis, et le risque
de complications thrombotiques varie de 3 %
à 26 % selon que les patients reçoivent ou non
une prophylaxie thrombo-embolique veineuse
(60, 61). Au-delà de la nécessité de proposer
une prophylaxie à tous les patients traités par
lénalidomide en association, il a également été
montré que la diminution des doses de dexa-
méthasone reçues par le patient, notamment
dans les premiers mois, lorsque le risque throm-