Échos des congrès Réunion de restitution du premier contrôle de qualité externe national en pathologie moléculaire des tumeurs : détection des mutations sur le codon V600 de BRAF dans les mélanomes © Fabien R.C. Paris, 3 juillet 2012 J.F. Emile* D epuis 2006, l’Institut national du cancer (INCa) soutient le développement de plateformes de pathologie moléculaire des tumeurs sur tout le territoire français. Il existe actuellement un réseau de 28 plateformes, dont certaines correspondent à l’association de plusieurs laboratoires. Cette action a permis de répondre sans délai à une augmentation brutale du besoin en tests moléculaires pour les tumeurs solides. Une particularité des plateformes françaises est d’utiliser, dans la grande majorité des cas, des méthodes de détection développées et validées au sein même de leurs laboratoires. Cela présente l’avantage d’une grande réactivité et de faibles coûts de fonctionnement. Ainsi, les besoins en détection des mutations de KRAS dans les carcinomes colorectaux métastatiques, puis de l’EGFR dans les carcinomes pulmonaires non à petites cellules et, plus récemment, de BRAF dans les mélanomes avancés ou métastatiques ont pu être satisfaits pour l’ensemble des patients traités en France, et ce de façon totalement gratuite pour eux. Le développement exponentiel des thérapies ciblées permet de prévoir que des analyses de plus en plus nombreuses et réalisées sur des types tumoraux de plus en plus variés seront nécessaires dans les années à venir. Après ces phases de structuration des plateformes et de croissance importante de l’activité, il est apparu nécessaire de s’assurer de la qualité des tests réalisés. Dans un premier temps, plusieurs experts ont travaillé, à la demande de l’INCa, à la rédaction de référentiels. La deuxième étape consistait naturellement à s’assurer de la qualité des tests et de la compliance de chaque laboratoire à ces référentiels nationaux. Au cours de ces dernières années, plusieurs laboratoires ont participé à des programmes de contrôle de qualité externe (CQE) régionaux ou européens, mais aucun CQE national n’avait été organisé avant 2012. Le laboratoire Roche a invité, le 3 juillet dernier, des représentants de tous les laboratoires français de pathologie moléculaire des tumeurs soutenus par l’INCa à assister à la réunion de restitution du premier CQE national. Mme N. Varoqueaux (Roche) puis Mme F. Nowak (INCa) ont ouvert cette journée, et les présentations des Prs P. Hofman (Nice), M. Denis (Nantes) et M.R. Leguy (Cofrac) ont permis d’alimenter la discussion des résultats présentés par le Pr J.F. Emile (Boulogne). Le CQE portait sur la détection de mutations dans le codon V600 de BRAF dans les mélanomes métastatiques. Au total, 45 laboratoires français, représentant les 28 plateformes françaises, et 4 laboratoires européens (Allemagne, Belgique, Suisse et Espagne) s’étaient volontairement inscrits pour participer à ce CQE. Le test consistait à envoyer des coupes histologiques de 6 cas de métastases ganglionnaires de mélanome à chacun des 49 laboratoires. Ces mélanomes pouvaient contenir des mutations de type V600E ou V600K ou aucune mutation sur le codon V600 de BRAF. Les coupes des mêmes cas ont été transmises à l’ensemble des 49 laboratoires (avec des numéros d’identification différents), et les logistiques d’envoi et de récupération des résultats assuraient un anonymat complet. La quantité d’ADN obtenue à partir des lames s’est avérée extrêmement hétérogène, variant d’un facteur 1 à 200 pour chaque cas. Le principal facteur de variations était le laboratoire qui avait réalisé l’extraction : certains ont obtenu en moyenne 25 fois plus d’ADN que d’autres. Plusieurs facteurs peuvent expliquer en partie ces résultats. En premier lieu, bien que la spectrophotométrie soit la méthode la plus répandue, les techniques de dosage de l’ADN varient suivant les laboratoires. En particulier, certains préfèrent Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. I - n° 3 - juillet-août-septembre 2012 * Service de pathologie, hôpital Ambroise-Paré (AP-HP), Boulogne, et EA4340, université de Versailles – Saint-Quentin-en-Yvelines. 127 Échos L I E N S d ’ i nt é r êt S L’auteur déclare avoir des liens ­d ’intérêts avec Roche et GSK sur la détection des mutations BRAF et participer à des formations ou communications sur ce thème. des congrès quantifier l’ADN double-brin plutôt que l’ADN total. De plus, quelques laboratoires ont utilisé 1 ou parfois 2 des lames reçues pour le contrôle morphologique, et seule la troisième a été utilisée pour l’extraction. Enfin, plusieurs laboratoires ont disséqué les coupes reçues afin d’enrichir l’échantillon analysé en ADN de cellules tumorales. Ces éléments n’expliquent toutefois pas l’amplitude des écarts constatés. Les discussions lors de la journée de restitution ont porté notamment sur l’intérêt de mettre en commun le savoir-faire de certains laboratoires, et de réaliser des études comparatives. Bien entendu, la quantité d’ADN n’est pas le seul paramètre important, notamment lorsqu’il s’agit d’ADN extrait de blocs de tissus fixés et inclus en paraffine. L’utilisation de techniques de PCR quantitative avec plusieurs tailles d’amplicons serait la plus appropriée pour une étude comparative. Le délai de réponse était défini comme le nombre de jours écoulés entre la remise par le transporteur des coupes à analyser et la réception du compte-rendu de pathologie moléculaire par le centre d’anonymisation. Les coupes étaient adressées au médecin responsable qui avait été signalé par le laboratoire au moment de son inscription et validé après saisie. Le délai médian de réponse a été de 22 jours. Ce délai est significativement différent des 9 jours calculés par l’INCa à partir des données déclaratives collectées en 2011. Les recommandations nationales sont de transmettre les résultats de pathologie moléculaire d’une tumeur dans les 3 semaines suivant la réception de l’échantillon. Au cours de ce CQE, la moitié des laboratoires seulement ont réussi à tenir ce délai. Le respect des autres recommandations du CQE a été variable : ✓✓ le nom du pathologiste manquait dans 16 % des cas, et le pourcentage de cellules tumorales, dans 23 % des cas ; ✓✓ l’identification du prescripteur manquait dans 16 % des cas, et son adresse, dans 44 % des cas, ce qui peut être une cause de retard de la réception du compterendu et donc du traitement du patient ; ✓✓ la sensibilité de la méthode utilisée n’était clairement indiquée que dans 40 % des cas ; ✓✓ la conclusion du compte-rendu, exigée par la norme 15189, n’était pas individualisée dans 22 % des cas. Cette journée de restitution du premier CQE national de pathologie moléculaire des tumeurs a été riche en discussions et a permis d’identifier plusieurs axes d’amélioration. Les spécialistes des différents laboratoires qui étaient présents ont également profité des temps de pause pour échanger sur leurs réussites, échecs et développements techniques, ainsi que sur les aspects logistiques et la démarche qualité. Le temps a manqué pour aborder de façon concrète les solutions aux principales faiblesses identifiées, mais les résultats de ce premier test national ont été considérés comme satisfaisants par la majorité des participants. ■ bloc-NoTes Carrefour Pathologie 2012 Le préprogramme est en ligne et les inscriptions sont ouvertes sur le site Internet www.sfpathol.org Pour toute information complémentaire, un e-mail peut être adressé à [email protected] 128 Paris (Maison de la Chimie), du lundi 19 au vendredi 23 novembre. •• La Société française de pathologie organise chaque année cet événement, dont le comité d’organisation est présidé par le Pr Jean-Yves Scoazec et le comité scientifique par le Pr Frédérique Penault-Llorca. Sont ciblés les problèmes concrets de pratique quotidienne, particulièrement, cette année, en pathologie thoracique, en pathologie digestive et en pathologie cutanée. Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. I - n° 3 - juillet-août-septembre 2012 PUB A4