Cahiers de Recherche CEREBEM BEM – Bordeaux Management School
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Introduction
L’espace méditerranéen, région d’échanges, berceau de riches cultures et d’histoires
croisées, fut marqué de tout temps par des conflits, des discordes, des tensions et des crises de
plus ou moins forte intensité. Au XXIe siècle, les Européens, à la recherche de stabilité, ont un
intérêt stratégique direct à voir leurs voisins vivre en paix dans un environnement de
prospérité. Ainsi, la déclaration de Barcelone en novembre 1995 a lancé un processus de
coopération régionale sur trois axes : politique et sécuritaire ; économique et libre-échange ;
culturel, social et humain. Des actions communes ont été engagées sur les questions de
sécurité et de migration tandis que les domaines culturels et éducatifs ont fait l’objet de
rencontres, de forums et de partenariats. Pourtant le processus de Barcelone suscite de
nombreuses critiques notamment dans le domaine de la sécurité. M. Fathallah Sigilmassi,
ambassadeur du Maroc à Paris aurait ainsi déclaré : « si l’agenda de l’UM, c’est freiner
l’immigration et lutter contre le terrorisme, et s’il s’agit essentiellement de préserver la
sécurité de l’Europe, alors je ne pourrai pas vendre le projet à mon pays »1. Il faut dire que
l’OTAN par son attitude unilatérale a laissé peu de place dans la préparation et la
participation à l’élaboration d’une vision stratégique gagnant-gagnant. D’autre part l’OSCE,
dont le Maroc est membre, présente un bilan plutôt négatif. Les principaux reproches portent
sur la faiblesse du dialogue, sur des soucis de financement et sur des perspectives limitées
d’évolution. Si les préoccupations militaires et d’interopérabilité entre les partenaires de la
rive sud et ceux du Nord restent toujours plus pertinentes, l’appréciation des réels facteurs de
stabilité doit s’élargir aux champs politique, économique, environnemental et sociétal.
Repensé, le concept de sécurité englobe les nouveaux défis et les risques du monde
contemporain en recherchant un état de sûreté dont puissent bénéficier les divers partenaires.
Mais aujourd’hui certains indicateurs font craindre une marginalisation de la zone
méditerranéenne dans l’économie mondiale. Des flux d’investissement à hauteur de 2% des
IDE, des dépôts de brevets insignifiants, la fuite des cerveaux, un investissement réduit dans
la R&D, des échanges intra régionaux les plus faibles du monde sont autant de causes qui ont
pour effet la pauvreté, un fort taux de chômage et des risques d’instabilité sociale. Des
retombées exogènes se concrétisent notamment sur l’Europe, en termes d’augmentation de
flux migratoires irréguliers, d’exportation des conflits internes, de crispations identitaires2. Le
Nord et le Sud partagent la responsabilité d’un bilan décevant de dix années de mise en
œuvre du processus de Barcelone, malgré les 20 milliards d’euros au total engagés sur la
période. « Le sud de la Méditerranée demeure une zone où les réformes politiques et
économiques restent à faire et où le développement économique et social est insuffisant »3. Le
volet culturel devrait être développé et la fondation Anna Lindh pour le dialogue entre les
cultures revitalisée de façon à ce que l’Europe et les pays du sud de la Méditerranée
constituent un exemple réussi d’« Alliance de civilisations ».
Cependant l’Europe, préoccupée par la fin de la Guerre froide, par la réunification
allemande, par son élargissement progressif, et par des questions identitaires et
institutionnelles intrinsèques, n’a pas su mettre en place des politiques capables de tirer les
pays de la Méditerranée, de promouvoir des projets qui conduisent à une intégration
productive et de suffisamment favoriser des réseaux de firmes transméditerranéennes. La
1 Bichara KHADER. « Réactions à l’initiative française », Diplomatie, n° 31, mars-aril 2008, pp. 38-41 citant Katrin
Bennhold, « Mediterranean Union Plan : lofty and vague », International Herald Tribune, 25 October 2007.
2Bichara KHADER. « L’Union méditerranéenne : un beau discours ou une belle idée », Diplomatie, mars-avril 2008, pp. 34-
37.
3 Abu Ali Husayn Ibn Sine, connu sous le nom d’Avicenne. Rapport Maghreb – moyen orient, contribution pour une
politique volontariste de la France. 23 avril 2007. www.ifri.org/files/Moyen_Orient/Avicenne_DBauchard0407.pdf.