Cahiers de Recherche CEREBEM BEM – Bordeaux Management School
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Cahiers
de recherche
Working papers
REGARD SUR L’INTELLIGENCE ECONOMIQUE
MAROCAINE : LA PRISE EN COMPTE D’UN
DEVENIR SOCIAL INSCRIT DANS UN CONTEXTE
DE SECURITE GLOBALE
Claude DELESSE
Professeur, BEM
& Membre associé du Groupe de recherche sur la sécurité
et la gouvernance GRSG - Université Toulouse 1 Capitole
CEREBEM, CEntre de REcherche de Bordeaux Ecole de Management.
n°136-10, février 2010
Cahiers de Recherche CEREBEM BEM – Bordeaux Management School
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Claude DELESSE
est Professeur d'intelligence économique à BEM-Bordeaux Management School, docteur en
Sciences de l'information et de la Communication (1983), auditrice 11ème cycle intelligence
économique de l’Institut des hautes études de défense nationale (2001) et auditrice 156 ème
session régionale Défense IHEDN (2004). Ancienne membre de l'équipe de recherche du
Centre d’analyse politique comparée, de géostratégie et de relations internationales
(CAPCGRI) Université Montesquieu Bordeaux (2003-2007), elle est aujourd'hui membre du
Groupe de recherche sur la sécurité et la gouvernance de l'Université Toulouse 1 Capitole.
Elle intervient également à l'Université Montaigne Bordeaux III depuis janvier 1993
et à l'Ecole nationale supérieure d'électronique, informatique, télécommunications,
mathématiques et mécanique de Bordeaux (ENSEIRB-MATHMECA). Elle a créé et animé
l'Informathèque du Groupe ESC Bordeaux jusqu'en 2000 après une expérience dans une PME
locale exportatrice. Elle est chef d'escadron dans la réserve citoyenne de la Gendarmerie
Nationale. Ses thèmes d’intérêt sont l’intelligence économique et stratégique, la sécurité
globale, la contre-intelligence, l’infosphère et la guerre de l’information, l'intelligence du
risque, le risque-pays, les systèmes d'intelligence économique étrangers, le renseignement…
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Regard sur l’intelligence économique marocaine : la prise en compte d’un
devenir social inscrit dans un contexte de sécurité globale
Claude DELESSE
Résumé
Ecartelé entre les enjeux méditerranéens et européens, plongé dans la guerre économique,
bousculé sur son territoire par des mouvements terroristes, tiraillé entre des valeurs
historiques et la modernité, le Maroc est au cœur de stratégies indirectes menées par des
puissances étrangères qui risquent de menacer sa liberté économique. Des initiatives
particulièrement avancées en matière d’intelligence économique et de veille laissent penser
qu’il peut s’imposer dans la modernité et développer une véritable doctrine qui impulse
auprès des acteurs du secteur public et auprès du monde entrepreneurial une culture adaptée à
des enjeux bien identifiés. Les efforts de promotion et de sécurisation des atouts stratégiques
sont indissociables d’un esprit d’ouverture visant à favoriser les interdépendances porteuses
d’avenir et l’émergence d’une intelligence sociale. Une politique d’intelligence économique
concertée stimulée par un discours ambitieux et étayée par la formation se doit d’atteindre un
état de sécurité globale en concertation avec des pays et des interlocuteurs de la proximité
méditerranéenne, cela en prenant en compte toutes les dimensions endogènes et exogènes.
Mots Clés : Maroc ; Intelligence Economique ; guerre économique ; Union pour la
Méditerranée ; sécurité économique ; intelligence sociale
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SOMMAIRE
Introduction
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1. Un pays contrasté tiraillé entre modernité et tradition 7
1.1 Le Maroc oscille entre modernité, ouverture et tradition 7
1.1.1. Des avancées dans la modernité 7
1.1.2. Les forces de la tradition et les manœuvres étrangères 10
1.2 L’Émergence de l’intelligence économique marocaine 12
1.2.1. Un engouement pour la veille 12
1.2.2. Des initiatives portées par de fortes personnalités 14
2. Une avancée vers une intelligence globale porteuse de sécurité
et de progrès social 17
2. 1 L’intelligence stratégique, une transformation culturelle portée par
l’ambition d’une stratégie nationale de sécurité globale 18
2.1.1. De l’opportunité de concevoir une intelligence
économique propre à l’identité marocaine 18
2.1.2. De la nécessité de développer un système national
d'intelligence économique 20
2.2 Développer une intelligence sociale capitalisant sur le renseignement
et la compréhension 23
2.2.1. Repenser le renseignement 23
2.2.2. Dynamiser les intelligences territoriales et la formation 26
Conclusion 28
Bibliographie 30
Annexes
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Introduction
L’espace méditerranéen, région d’échanges, berceau de riches cultures et d’histoires
croisées, fut marqué de tout temps par des conflits, des discordes, des tensions et des crises de
plus ou moins forte intensité. Au XXIe siècle, les Européens, à la recherche de stabilité, ont un
intérêt stratégique direct à voir leurs voisins vivre en paix dans un environnement de
prospérité. Ainsi, la déclaration de Barcelone en novembre 1995 a lancé un processus de
coopération régionale sur trois axes : politique et sécuritaire ; économique et libre-échange ;
culturel, social et humain. Des actions communes ont été engagées sur les questions de
sécurité et de migration tandis que les domaines culturels et éducatifs ont fait l’objet de
rencontres, de forums et de partenariats. Pourtant le processus de Barcelone suscite de
nombreuses critiques notamment dans le domaine de la sécurité. M. Fathallah Sigilmassi,
ambassadeur du Maroc à Paris aurait ainsi déclaré : « si l’agenda de l’UM, c’est freiner
l’immigration et lutter contre le terrorisme, et s’il s’agit essentiellement de préserver la
sécurité de l’Europe, alors je ne pourrai pas vendre le projet à mon pays »1. Il faut dire que
l’OTAN par son attitude unilatérale a laissé peu de place dans la préparation et la
participation à l’élaboration d’une vision stratégique gagnant-gagnant. D’autre part l’OSCE,
dont le Maroc est membre, présente un bilan plutôt négatif. Les principaux reproches portent
sur la faiblesse du dialogue, sur des soucis de financement et sur des perspectives limitées
d’évolution. Si les préoccupations militaires et d’interopérabilité entre les partenaires de la
rive sud et ceux du Nord restent toujours plus pertinentes, l’appréciation des réels facteurs de
stabilité doit s’élargir aux champs politique, économique, environnemental et sociétal.
Repensé, le concept de sécurité englobe les nouveaux défis et les risques du monde
contemporain en recherchant un état de sûreté dont puissent bénéficier les divers partenaires.
Mais aujourd’hui certains indicateurs font craindre une marginalisation de la zone
méditerranéenne dans l’économie mondiale. Des flux d’investissement à hauteur de 2% des
IDE, des dépôts de brevets insignifiants, la fuite des cerveaux, un investissement réduit dans
la R&D, des échanges intra régionaux les plus faibles du monde sont autant de causes qui ont
pour effet la pauvreté, un fort taux de chômage et des risques d’instabilité sociale. Des
retombées exogènes se concrétisent notamment sur l’Europe, en termes d’augmentation de
flux migratoires irréguliers, d’exportation des conflits internes, de crispations identitaires2. Le
Nord et le Sud partagent la responsabilité d’un bilan décevant de dix années de mise en
œuvre du processus de Barcelone, malgré les 20 milliards d’euros au total engagés sur la
période. « Le sud de la Méditerranée demeure une zone où les réformes politiques et
économiques restent à faire et où le développement économique et social est insuffisant »3. Le
volet culturel devrait être développé et la fondation Anna Lindh pour le dialogue entre les
cultures revitalisée de façon à ce que l’Europe et les pays du sud de la Méditerranée
constituent un exemple réussi d’« Alliance de civilisations ».
Cependant l’Europe, préoccupée par la fin de la Guerre froide, par la réunification
allemande, par son élargissement progressif, et par des questions identitaires et
institutionnelles intrinsèques, n’a pas su mettre en place des politiques capables de tirer les
pays de la Méditerranée, de promouvoir des projets qui conduisent à une intégration
productive et de suffisamment favoriser des réseaux de firmes transméditerranéennes. La
1 Bichara KHADER. « Réactions à l’initiative française », Diplomatie, n° 31, mars-aril 2008, pp. 38-41 citant Katrin
Bennhold, « Mediterranean Union Plan : lofty and vague », International Herald Tribune, 25 October 2007.
2Bichara KHADER. « L’Union méditerranéenne : un beau discours ou une belle idée », Diplomatie, mars-avril 2008, pp. 34-
37.
3 Abu Ali Husayn Ibn Sine, connu sous le nom d’Avicenne. Rapport Maghreb – moyen orient, contribution pour une
politique volontariste de la France. 23 avril 2007. www.ifri.org/files/Moyen_Orient/Avicenne_DBauchard0407.pdf.
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