LA DÉCLARATION OBLIGATOIRE DES INFECTIONS NOSOCOMIALES SES RAISONS – SES OBJECTIFS Par Jacques Besson, MD ADVIN Association des victimes d’infections nosocomiales JANVIER 2012 www.advin.org Janvier 2012 – ADVIN «POUR VRAIMENT DIMINUER LE NOMBRE D’INFECTIONS NOSOCOMIALES, IL FAUT POUVOIR LES IDENTIFIER ET EN CONNAÎTRE PRÉCISÉMENT LE NOMBRE, ET CELA PASSE PAR LA DÉCLARATION OBLIGATOIRE ET UNE PRIORITÉ DE SANTÉ PUBLIQUE» (Conclusion du Colloque sur les infections nosocomiales – CIRANO – RISQ+H – Montréal (18-19 mars 2010) 2 Janvier 2012 – ADVIN 1 – AVANT-PROPOS « DÉCLARER POUR AMÉLIORER LA SÉCURITÉ DES PATIENTS ET L’EFFICIENCE DU SYSTÈME DE SANTÉ » Ce document ne prétend pas être exhaustif au regard des milliers de publications consacrées ces dernières années aux infections nosocomiales (IN) et aux autres « événements indésirables associés aux soins » (EIAS). La prise de conscience de l’importance de la gestion des risques en santé a provoqué en effet un regain d’intérêt pour la recherche en épidémiologie, en microbiologie et sur la prévention des EIAS. La véritable révolution technologique que connaît la médecine depuis plus de 50 ans a entrainé une autre révolution dans la gestion des soins, la place de l’hôpital dans la société et la relation soignant-soigné. La gestion historique traditionnelle des soins de santé que nous connaissons encore, au Québec comme ailleurs, n’est plus adaptée aux exigences de la médecine moderne et de la sécurité des patients. Ici au Québec, l’encombrement des urgences et les milliers de patients inscrits sur les listes d’attente en sont les témoins. Et il ne suffit plus d’offrir aux patients les techniques médicales les plus performantes s’ils doivent souffrir et/ou mourir dans les semaines suivantes d’une infection liée aux soins, alors que nous disposons des connaissances et des moyens qui auraient pu l’éviter. Cela n’est plus acceptable parce qu’on entre à l’hôpital pour être soigné. La gestion des risques est devenue une priorité de santé publique pour tous les pays, que leurs systèmes de santé soient privés, publics ou mixtes associant public et privé. L’hôpital n’est plus comme autrefois le lieu, « l’asile » (du grec asulon : refuge sacré), où l’on accueillait pour les soigner les plus démunis de nos sociétés, et qui était financé par la charité publique ou des fondations caritatives. C’est maintenant une véritable entreprise de haute technologie, équipée des outils les plus modernes et des plus performants. Il emploie de nombreux corps d’emploi de plus en plus spécialisés. Il est financé par les taxes et les impôts des citoyens, ou les cotisations à des assureurs privés ou des associations caritatives sans but lucratif.* 1 Mais c’est aussi une entreprise à haut risque. Car ce n’est pas une entreprise comme les autres. La médecine en effet consiste d’abord à soigner des malades et non pas 1 * Dans tous les cas, au final, ce sont les citoyens qui financent et qui ont droit à une reddition de compte. 3 Janvier 2012 – ADVIN seulement des maladies. Chaque malade est unique et ne se résume pas à la maladie qui l’amène à l’hôpital. C’est une « personne humaine » qui se distingue des autres par ses gènes, mais aussi tout autant par son histoire propre, sa famille, son travail, ses besoins et ses attentes. Son point de vue ne peut se confondre avec celui de ceux qui le soignent. Il est conditionné par ce qui fait son identité, mais aussi par les médias. Sa perception du risque lui est propre. Le patient n’est plus comme autrefois un « bénéficiaire passif » sans véritable droit à la parole, face à un professionnel supposé toujours savoir ce qui est bon pour son patient et prendre toujours les bonnes décisions le concernant. C’est maintenant un « usager », un citoyen responsable qui finance le système de santé par ses taxes et ses impôts. Il arrive aussi souvent devant le professionnel qui le soigne plus ou moins bien renseigné sur sa maladie, grâce à Internet. De plus le système lui reconnaît enfin des droits : droit à des soins accessibles à tous et conformes aux normes optimales de qualité et de sécurité; droit aussi à la parole et à sa participation à la gestion des soins, par lui-même et/ou les associations qui le représentent. La participation des usagers à la gestion des soins est maintenant reconnue comme incontournable aussi bien par l’OMS(1), que par « l’Institute of Medicine » aux ÉtatsUnis(2) ou l’Académie de médecine en France(3). Elle est effective, au moins dans les textes de loi, dans des pays comme la Grande-Bretagne avec les « Patient and Public Involvement Forum »; l’Allemagne avec le « Centre allemand pour la qualité de la médecine »; ou encore la France où les associations d’usagers participent aux Comités de lutte contre les IN (CLIN) dans les établissements, et aux autres organismes de gestion au niveau local, régional et national. Au Québec, la participation des usagers est inscrite dans la loi sur la Santé et les Services sociaux. La révolution technologique a aussi des conséquences sur la relation soignant-soigné fondée sur la transparence, la communication et la confiance. Or, actuellement, cette communication se fait mal et ce manque de transparence est à l’origine de la plupart des conflits entre soignant et soigné. Les causes de cette carence sont multiples (4) : multiplication des spécialistes, et cette hyper-technicité est déshumanisante et dépersonnalisante pour la médecine; insuffisance d’écoute et de parole du médecin qui sous-estime l’anxiété du malade; manque de temps du médecin trop souvent surchargé de tâches administratives, etc. 4 Janvier 2012 – ADVIN Le résultat est la dégradation de la relation de confiance entre soignant et soigné, pourtant indispensable à la qualité des soins. Outre ces 2 aspects, la sécurité des patients est également dépendante des risques liés aux soins. Il y a plus de 30 ans, on estimait qu’environ 30 % des IN étaient évitables. Actuellement, nous avons la connaissance et les moyens pour éviter la plupart d’entre elles(5) et même « viser leur élimination »(6). Cela signifie arrêter de donner comme références des moyennes locales, régionales ou nationales pour adopter une politique de « tolérance zéro » et viser l’objectif « théorique » de zéro infection. Cela veut dire viser l’élimination des « conséquences » du risque infectieux, les IN, soit ramener leur taux au niveau le plus bas accessible par nos connaissances et nos moyens. Chaque IN doit être considérée comme inacceptable et il faut en rechercher les causes pour éviter qu’elle se reproduise. C’est là que se situe le véritable « changement de culture » (5). Ce sont la santé et la vie de milliers de patients qui sont en jeu, mais aussi des économies importantes et des milliers de lits libérés. Une des conclusions du rapport Aucouin en 2005 disait(7) : « Non seulement la prévention et le contrôle des IN s’autofinancent, mais dégagent des économies substantielles pouvant être réinvesties dans l’accessibilité aux soins » En 2011, le Plan d’action 2010-2015 du MSSS pour la prévention et le contrôle des IN précise lui aussi : « En plus de couvrir largement les frais d’un programme de prévention et de contrôle des infections nosocomiales, les sommes économisées au chapitre des infections évitables pourraient être réinvesties ailleurs dans la réponse à d’autres besoins en santé. La prévention des infections nosocomiales représente donc un bénéfice au profit de toute la population du Québec ». Pour prévenir les IN, il faut pouvoir les connaître, les identifier, les qualifier, les quantifier, les localiser… Le moyen, l’indicateur, c’est la déclaration obligatoire : On ne déclare pas dans une perspective disciplinaire, à la recherche d’éventuels coupables et de sanctions, même si toute faute professionnelle dûment prouvée doit être sanctionnée. On déclare pour savoir et pour comprendre ce qui s’est passé pour éviter que cela se reproduise. On déclare pour mieux connaître l’importance réelle des IN, pour mieux gérer ce risque et améliorer la performance de chaque établissement. 5 Janvier 2012 – ADVIN On déclare pour améliorer la transparence, la communication avec les usagers parce que le public a le droit de connaître la qualité sécuritaire des soins de chaque établissement qu’il finance par ses taxes et impôts. On déclare pour améliorer l’efficience du système de santé. Plusieurs obstacles décrits ci-après s’opposent pourtant à cette déclaration. Ils ne sont pas particuliers au Québec et se retrouvent dans tous les pays. Il est important de les connaître et les analyser pour y remédier, en collaboration avec toutes les parties intéressées – professionnels, gestionnaires, décideurs et usagers – en évitant que les intérêts corporatifs, aussi légitimes soient-ils, prennent le pas sur ceux du patient. C’est dans cet esprit que ce document se veut un outil de réflexion dans le nécessaire débat sur une nouvelle approche dans la gestion de notre système de santé que l’on veut centré sur le patient. 2- L’IN : UNE PRIORITÉ DE SANTÉ PUBLIQUE - BRÈVE REVUE DE L’ÉTAT DES LIEUX Il ne s’agit pas ici de présenter un état des lieux exhaustif des IN au Québec et dans le monde. Mais il est important de dégager des données disponibles les éléments de réflexion sur la nécessité de leur déclaration obligatoire comme outil indispensable pour mieux les gérer. Et dans cette perspective, il est tout aussi important de connaître ce qui existe ailleurs. « Dans un domaine à contenu scientifique et technique comme les infections nosocomiales, l’on aurait avantage à tirer profit des efforts et de la créativité des autres et de l’argent investi ailleurs. Au lieu de la réinventer, adoptons la roue à notre contexte spécifique et améliorons-la » (Comité Aucouin)(7). 2.1 • • LA SITUATION AILLEURS DANS LE MONDE « L’impact des IN au niveau mondial est inconnu en raison des difficultés à rassembler des données diagnostiques fiables. Cela est dû au fait que les systèmes de surveillance des infections associées aux soins (IAS) sont totalement inexistants dans la plupart des pays » (OMS Prévention des IN - 2008). Malgré ces lacunes, les données partielles dont nous disposons montrent que : ces infections sont en augmentation constante depuis plus de 30 ans et qu’elles sont devenues la complication la plus fréquente des soins hospitaliers, mais aussi 6 Janvier 2012 – ADVIN ambulatoires et même à domicile. Par leur morbidité et leur mortalité, elles remettent en question l’innocuité de la médecine moderne et la sécurité des patients(9); nous avons les connaissances et les moyens pour en éviter la plupart et « viser leur élimination »(6); la notion même d’infection « nosocomiale » doit être revue et intégrée dans le concept plus général « d’événement indésirable associé aux soins » (EIAS). I. Données de l’OMS dans les pays développés(10) • Incidence moyenne : 5 % à 15 % des patients hospitalisés morbidité : 1 % à 10 % • Soins intensifs : 9 % à 37 % des patients hospitalisés morbidité : 12 % à 80 % • Europe(10) : Incidence : 4.6 % à 9.5 % des patients hospitalisés Plus de 5 millions de cas/an. Environ 135,000 décès 25 millions de journées d’hospitalisation supplémentaires II. • • • • • • France (Enquête de prévalence 2006)(11) 2,337 établissements publics et privés concernés (95 % des lits d’hospitalisation) 358,467 patients évalués Incidence : 4.9 % 700,000 à 800,000 cas/an. 4,000 décès directement liés à l’IN Principaux sites d’IN : urinaire : 30.3 % pneumopathies : 14.7 % site opératoire : 14.2 % peau-tissus mous : 10.2 % bactériémies : 6.4 % Principaux micro-organismes concernés sur 15,803 isolés escherichia coli (E.Coli) : 24.7 % staphylococcus aureus : 18.9 % dont SARM : 52.4 % pseudomonas aeruginosa : 10.7 % clostridium difficile (C.difficile) : 1.1 % 7 Janvier 2012 – ADVIN III. • États-Unis Total des IN : (12) 2002 : données du CDC (12) plus de 300 hôpitaux concernés dans 42 états Incidence : 5 % des patients hospitalisés Environ 2 millions de cas/an et 100,000 décès 2007 : Klevens et Col. (12) : analyse critique des résultats de 2002 : les 300 hôpitaux concernés ne sont pas représentatifs de l’ensemble des hôpitaux les critères de recueil des données varient suivant les établissements les chirurgies ambulatoires ne sont pas comptabilisées total des IN : plus de 1.7 million/an = plus de 99,000 décès 68.8 % des IN surviennent en dehors des soins intensifs 6.9 % surviennent chez les nouveau-nés Principaux sites d’IN : urinaires : 36 % site opératoire : 20 % bactériémies : 11 % pneumonie : 11 % autres : 22 % Aucune donnée sur les micro-organismes Depuis 2007, c’est ce chiffre de 1.7 million qui est retenu officiellement. • En 2007 et 2009, l’APIC*2 a publié les résultats de deux enquêtes de prévalence sur les IN au SARM et au C.Difficile. SARM : incidence moyenne 3.4 % de patients infectés ; 1.2 % de colonisés; soit environ plus de 1.2 million de cas/an d’infections(13). C.Difficile : incidence moyenne 13/1,000 admissions; 7,187 patients le jour de l’enquête, soit plus de 2.6 millions/an (14). En 2007, une revue de la littérature de 1993 à 2003 fait état aussi d’environ 3 millions de cas/an(15). Au total ces deux seules IN représenteraient donc près de 4 millions de cas/an. 2 * APIC : Association for Professionals in Infection Control and Epidemiology. 8 Janvier 2012 – ADVIN 2.2 - LA SITUATION AU QUÉBEC I. Rapport Aucouin(7) • • • Incidence = 10 % des patients hospitalisés, soit : 80,000 à 90,000 cas/an Mortalité moyenne = 1 % à 10 % suivant l’IN, soit : Environ plus de 4,000 décès/an Ces chiffres sont comparables aux données publiées pour le reste du Canada(16). S’y ajoutent que 40 % des cancéreux adultes et enfants sous chimiothérapie contractent une infection directement liée à ce traitement avec 3.5 % de décès(16). On sait que beaucoup des patients atteints de cancer ou de cardiopathie meurent d’une IN plutôt que de leur maladie(16). II. Cet ensemble de chiffres est basé sur des données déjà anciennes publiées en 2003(17) et qui ne concernent que les établissements de soins de courte durée Et depuis il y a eu l’épidémie de C.difficile. Au Québec, les dernières données de l’INSPQ montrent qu’elle n’est toujours pas réellement contrôlée(18), mais qu’un certain nombre d’hôpitaux ont réalisé des progrès indiscutables maintenus depuis 4 ans. En l’absence de déclaration réellement obligatoire, il est difficile de connaître la réalité de la situation des IN au Québec et donc de les prévenir. 2.3 – LES ÉVÉNEMENTS INDÉSIRABLES ASSOCIÉS AUX SOINS (EIAS) Nous les citons pour mémoire, car ils relèvent de la déclaration obligatoire • • Un EIAS est défini comme : «un événement défavorable pour le patient, consécutif aux stratégies et actes de diagnostic et de traitement, et qui ne relève pas d’une évolution naturelle de la maladie*3. On les appelait jusqu’à récemment «accidents ou incidents médicaux», mais le terme «médical» n’est plus approprié, car il implique un «acte de soins» pratiqué par un professionnel. Nous savons maintenant que ces EIAS relèvent le plus souvent de causes systémiques, de problèmes de gestion, plutôt que «d’erreurs» d’un professionnel isolément. Deux études récentes publiées en France et aux États-Unis viennent d’en rappeler l’importance. 9 Janvier 2012 – ADVIN I. En France (Enquête nationale sur les EIAS graves)(19) Il y en a chaque année entre 270,000 et 390,000, un tous les 5 jours dans un service de 30 lits. La plupart relèvent de problèmes systémiques; entre 95,000 et 180,000 sont considérés comme évitables. II. Aux États-Unis Selon le rapport de novembre 2010 du HHS(20) : - En octobre 2008, sur 1 million de patients hospitalisés bénéficiaires du Médicare, 13.5 % ont subi un EIAS grave, soit 134,000 pour ce seul mois avec 1.5 % de décès soit 15 000 morts. - 13.5 % supplémentaires ont subi un EIAS qui a nécessité des soins, mais sans conséquence grave ultérieure. - 43.5 % étaient évitables; 27 % de ces patients ont subi « en cascade » plusieurs EIAS. Pour ce seul mois d’octobre, le coût de ces EIAS est évalué à 324 millions $ US. Pour une année, le coût serait de 4.4 milliards $ US, compte tenu du nombre d’hospitalisations. En janvier 2012, un nouveau rapport du même HHS(21) révèle que ces chiffres sont sous-évalués. En effet, 86 % des EIAS subis n’ont pas été rapportés par les équipes hospitalières responsables de ce signalement en raison de leur mauvaise perception de la définition de ces événements et de l’ignorance de la catégorie dans laquelle les rapporter. III Au Québec Le premier Rapport semestriel des incidents et accidents survenus lors de la prestation des soins et des services de santé au Québec a été publié en octobre 2011 et concerne la période du 1er avril au 30 septembre 2011. 179 011 EIAS ont été signalés dont 116 657 sont des accidents avec atteinte à la sécurité des patients. Il y a eu 75 décès. Ce rapport lui-même constate que malheureusement 30 % des hôpitaux n’ont pas, soit complété leur déclaration, soit n’y ont pas participé, ce qui le rend difficilement exploitable. Dans ce rapport, les IN ne sont toujours pas comptabilisées. 10 Janvier 2012 – ADVIN 2.4 - • • • Nous ne disposons à ce jour que d’estimations sur ces coûts. Les plus récentes montrent qu’ils sont largement supérieurs aux estimations antérieures. En 2005, « en l’absence de données fiables », le Comité Aucouin les avait estimés à 180 millions $/an au Québec. En 2006, à Montréal, le CHUM(23) a évalué à plus de 151 millions $ le coût des 4,716 infections du site opératoire et de bactériémies associées aux cathéters vasculaires centraux. En 2009, l’AETMIS(24) donne le chiffre de 16,717 $ pour le coût moyen/patient d’une IN au C.difficile. Les plus de 28,000 cas signalés entre 2004 et 2010 auraient donc coûté plus de 481 millions $ dans les seuls 95 hôpitaux de soins de courte durée* 3. 2.5 • • • LES COÛTS DE CES INFECTIONS PÈSENT LOURDEMENT SUR LES BUDGETS DE LA SANTÉ ET, PARCE QU’ELLES SONT ÉVITABLES, REPRÉSENTENT UN VÉRITABLE GASPILLAGE DES RESSOURCES AFFECTÉES À CES BUDGETS (22) CE QUE NOUS APPRENNENT CES DONNÉES La plupart de ces données ne concernent que les soins de courte durée. Les estimations que l’on peut en tirer sont donc probablement sous-évaluées dans l’ignorance de la situation dans les soins ambulatoires, de longues durées, et des récidives. Elles mettent en évidence l’importance des IN et de leur intégration dans la déclaration des EIAS pour développer une véritable culture de la sécurité des soins. L’IN se définit d’abord par son site, chaque site peut être infecté par diverses bactéries et un même patient peut subir plusieurs IN. 3- LA DÉCLARATION OBLIGATOIRE LA SITUATION AILLEURS DANS LE MONDE • À notre connaissance la plupart des pays ne déclarent que les IN les plus importantes ou qui posent un problème de santé publique. Ce sont surtout le SARM, le C.difficile, ou encore les bactériémies ou autres sites d’IN. Le plus souvent 3 * Il s’agit de l’ensemble des cas signalés, acquis dans le centre hospitalier déclarant ou d’une autre origine nosocomiale. 11 Janvier 2012 – ADVIN il s’agit d’ailleurs de signalement sans véritable déclaration obligatoire avec publication des résultats. • Nous disposons en revanche de données intéressantes pour les États-Unis et la France. 3.1 - AUX ÉTATS-UNIS • Depuis plusieurs années, la « Consumer Union » et des associations d’usagers telles que le « Committee to Reduce Infection Death » (RID) mènent une campagne pour obtenir la publication des taux d’IN de chaque établissement de santé à partir de normes standardisées pour tous. • Les diverses associations de spécialistes se prononcent aussi pour le droit du public à connaître la qualité sécuritaire des soins. Par exemple : En 2005, la « Society for Healthcare Epidemiology of America » se prononce pour la publication des infections associées aux soins(25). En 2006, APIC, SHEA et IDSA* 4 (26) publient un modèle de législation pour cette déclaration. En juillet 2009, les mêmes associations se prononcent une nouvelle fois sur cette déclaration à partir de critères standardisés pour tous les établissements(27). • Actuellement, 28 états ont voté des lois en faveur de cette publication, mais les critères et les normes retenus varient suivant chacun d’eux. C’est la Pennsylvanie(28) qui depuis 2006 publie les résultats les plus complets. Les hôpitaux de soins de courte durée sont classés en quatre catégories suivant leur nombre de lits, les services offerts, la clientèle desservie. Pour chaque hôpital sont publiés le nombre, la morbidité, la mortalité, la durée moyenne d’hospitalisation et le coût moyen pour chaque site d’infection. 3.2 • EN FRANCE Depuis 2001, est obligatoire, dans tous les établissements publics et privés, le signalement des « infections nosocomiales », des « affections iatrogènes » et des « accidents médicaux ». Tout médecin, infirmière, pharmacien, chirurgien-dentiste, sage-femme ou membre du personnel paramédical qui constate un ou plusieurs cas 4 * Infections Diseases Society of America. 12 Janvier 2012 – ADVIN d’infection doit les signaler au médecin responsable du service où les cas sont apparus et à l’équipe opérationnelle d’hygiène (EOH). • Les IN ayant un caractère rare ou particulier doivent être signalées à l’Agence régionale de santé (ARS) et au Comité de coordination de lutte contre les IN (CCLIN). Ce sont: les espèces rares de micro-organismes; les localisations particulières; celles liées à l’utilisation d’un matériel médical suspect ou à l’exposition d’autres personnes; les décès liés à une IN; les IN liées à un germe présent dans l’eau ou l’air de l’environnement; les maladies nosocomiales devant faire l’objet d’une transmission obligatoire des données individuelles; toute épidémie nouvelle. • L’objectif de ce signalement externe est : alerter les autorités sanitaires qui s’assurent de la mise en œuvre des investigations et des mesures correctives nécessaires; analyser et surveiller l’évolution de ces événements, qui peuvent conduire l’Institut national de veille sanitaire (InVS) à alerter, à tout moment, pour un risque les concernant, tous les établissements de santé et de proposer au Ministère de la Santé les recommandations nécessaires à l’échelle nationale. • Éventuellement, ces signalements peuvent être transmis aux divers organismes européens de surveillance des infections. • Depuis 2006, le Ministère de la Santé publie un tableau annuel de tous les établissements de santé publics et privés, classés selon leur performance dans la prévention des IN. Et depuis 2008, d’autres indicateurs de la sécurité et la qualité des soins ont été ajoutés à ceux des IN. Actuellement ces indicateurs sont au nombre de douze(29) : Six concernent les IN : ICALIN : indice composite des activités de lutte contre les IN; ICSHA2 : indicateur de consommation des produits ou solutions hydroalcooliques pour l’hygiène des mains; SURVISO : indicateur de surveillance des infections du site opératoire; 13 Janvier 2012 – ADVIN ICATB : indice composite du bon usage des antibiotiques; Score agrégé élaboré à partir des résultats de chacun des indicateurs précédents; Indice triennal de SARM sur la situation du SARM dans chaque établissement. Il reflète l’écologie microbienne de l’établissement et sa capacité à la maîtriser. Six autres indicateurs concernent la qualité de la prise en charge du patient : tenue du dossier du patient; délai d’envoi du compte-rendu de fin d’hospitalisation; traçabilité de l’évaluation de la douleur; dépistage des troubles nutritionnels; tenue du dossier anesthésique; prise en charge médicamenteuse de l’infarctus du myocarde après la phase aiguë. • Chaque indicateur est testé auparavant par une équipe de recherche avec des établissements expérimentateurs. Les établissements sont classés en plusieurs catégories suivant leur importance, les services offerts, etc. Ils sont notés de A à D selon leur performance. • Depuis 2009, les établissements qui ne respectent pas leurs obligations peuvent être sanctionnés par une réduction de leur dotation financière. • À partir de janvier 2012, en plus du tableau annuel du Ministère de la Santé, chaque établissement doit mettre à la disposition du public les résultats le concernant. • Enfin, depuis octobre 2011, l’InVS met en place un outil électronique de surveillance des IN. Il allège considérablement la charge de travail de chaque acteur et il permet de diffuser le signalement sur un site internet sécurisé à tous les acteurs concernés et à tous les niveaux du système de santé : établissement, C-CLIN, Agences régionales, etc. Le système permet une réactivité et une interactivité dans la transmission rapide des données des informations, la gestion des alertes et la prise en charge d’un épisode aigu (source : InVS.e.SIN). 14 Janvier 2012 – ADVIN 4- AU QUÉBEC : UNE SITUATION PARADOXALE LES IN NE FONT PAS PARTIE DE LA DÉCLARATION OBLIGATOIRE DES INCIDENTS ET ACCIDENTS AU COURS DES SOINS ET SONT DÉCLARÉES À PART. ELLES NE FONT DONC L’OBJET D’AUCUNE ÉVALUATION GOUVERNEMENTALE. 3.1 LES TEXTES DE LOI • En décembre 2002, l’adoption du projet de Loi 113 sur la Protection sécuritaire des soins de santé prévoit que : un usager a le droit d’être informé de tout accident survenu au cours de la prestation des services qu’il a reçus et susceptible d’entraîner des conséquences sur son état de santé ou son bien-être. une personne exerçant des fonctions dans un établissement a l’obligation de déclarer tout incident ou accident qu’elle a constaté, le plus tôt possible après cette constatation. l’obligation pour tout établissement de mettre en place un comité de gestion des risques, lequel aura pour fonctions de rechercher, de développer et de promouvoir des moyens visant à assurer la sécurité des usagers et à réduire l’incidence des effets indésirables et des accidents liés à la prestation des services de santé et des services sociaux. De plus, le conseil d’administration d’un établissement doit prévoir les règles relatives à la divulgation à un usager de toute l’information nécessaire lorsque survient un accident ainsi que des mesures de soutien mises à la disposition de l’usager et des mesures visant à prévenir la récurrence d’un tel accident. confie aux régies régionales la responsabilité, dans leur région, d’assurer aux usagers la prestation sécuritaire de services de santé et de services sociaux. • En 2005, le projet de Loi 83 précise que le Comité de gestion des risques a notamment pour mission : « De prévenir l’apparition et de contrôler la récurrence des infections nosocomiales » • Loi SSSS : la déclaration au sein des ES se fait à l’aide du formulaire AH-223, révisé et entériné en 2007 +et dont l’usage est rendu obligatoire depuis le 1er avril 2008. Un guide d’utilisation de ce formulaire est publié par le Ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS). Les IN ne font pas partie de cette déclaration. Elles doivent être signalées au Service de prévention suivant les modalités de chaque établissement. 15 Janvier 2012 – ADVIN Le registre national : après mise en place des registres locaux, le registre national est entré en vigueur le 1er mai 2011. • En août 2004, le MSSS a rendu obligatoire la déclaration des IN au C.difficile. 4.2 - LES RECOMMANDATIONS DU RAPPORT AUCOUIN (7) « Elles sont toujours d’actualité pour servir de références ». • • • « Le public a le droit de connaître le niveau de qualité et de sécurité des soins dispensés par chaque établissement ». « Les taux d’infections nosocomiales de chaque établissement, après vérification de la standardisation et de la comparaison des données, doivent être rendus publics sur une base régulière » Quatre autres conclusions et recommandations de ce rapport méritent d’être rappelées : « Même si les connaissances évoluent rapidement dans le domaine de la prévention et du contrôle des infections nosocomiales, des normes et des lignes directrices reconnues et efficaces sont disponibles sinon au Québec, du moins ailleurs. » « Nous avons été témoins, tant au niveau local que régional, de la propension à « réinventer la roue…… ». Nous jugeons que dans un domaine à contenu scientifique et technique, comme les infections nosocomiales, l’on aurait avantage à tirer profit des efforts et de la créativité des autres et de l’argent investi ailleurs. Au lieu de la réinventer, adoptons la roue à notre contexte spécifique et améliorons-la. » « Une des faiblesses paradoxales du réseau de la santé est sa difficulté de fonctionner en réseau… Les établissements font encore du chacun pour soi, partagent peu leurs informations, se conduisent parfois davantage comme des rivaux que comme des partenaires poursuivant des objectifs communs et ayant des missions complémentaires. » Et enfin : « Le Comité considère que c’est d’abord l’établissement qui est responsable de la prévention des infections et que la responsabilité première en incombe au Directeur général et au Conseil d’administration. » 4.3 - LE PLAN D’ACTION 2006-2009 DU MSSS : 16 Janvier 2012 – ADVIN • Il reconnait l’importance de la surveillance généralisée de toutes les IN : « La surveillance généralisée de toutes les infections nosocomiales, en tout temps, pour tous les patients, est de loin la plus complète. Elle seule permet de repérer rapidement les éclosions d’infections dans un centre, de mesurer l’importance relative du problème et de mesurer les incidences de base ». « Il est préférable de procéder à une surveillance prospective et continue plutôt que rétrospective, afin de procéder à une analyse et des rapports en temps réel ». • Malgré ces constatations ce plan reste dans un cadre rétroactif. Il ne fait que recommander la surveillance de quelques IN sans y ajouter la déclaration obligatoire et la publication des résultats, comme il le fait pourtant pour le C.difficile depuis août 2004. 4.4 – LE PLAN D’ACTION 2010-2015 DU MSSS • Il faut ajouter d’autres IN à la surveillance. Mais il n’y est toujours pas question de déclaration obligatoire. 4.5 – LA DÉCLARATION OBLIGATOIRE DES IN ASSOCIÉES AU C.DIFFICILE • Nous faisons état des données publiées par l’INSPQ sous deux formes : Données de « surveillance des infections à Clostridium difficile dans les centres hospitaliers du Québec ». Elles sont publiées 3 à 4 fois par an sous la forme de tableaux statistiques donnant le taux d’incidence par 10,000 patients/jour pour chaque mois et pour chacun des 95 établissements de soins de courte durée. La présentation de ces données est difficilement compréhensible pour la très grande majorité de la population. On les trouve sur le site du MSSS. « Surveillance des diarrhées associées à Clostridium difficile au Québec ». Il s’agit d’études statistiques très élaborées pour chaque établissement et pour chaque année à partir d’août 2004. La dernière publication concerne l’année d’août 2009 à août 2010. Toutes sont publiées sur le site de l’INSPQ. 17 Janvier 2012 – ADVIN Dans les deux cas, il s’agit d’études rétrospectives qui ne répondent pas aux exigences d’une surveillance telle que présentées par le MSSS dans le premier plan d’action. • Ces documents démontrent que: après une diminution incontestable entre 2008 et 2010, il y a à nouveau une augmentation de l’incidence de ces IN en 2010-2011, qui nous ramène au taux de 2007-2008(18). Il n’y a donc pas véritablement de contrôle de l’épidémie de C.difficile. cette diminution n’est pas généralisée aux 95 hôpitaux concernés. Plusieurs d’entre eux ont obtenu une diminution importante du nombre de ces IN, avec des taux proches de 1/10,000 patients-jour, maintenus pour certains depuis le début de la déclaration obligatoire. Les autres, en revanche, ont vu leur taux augmenter. Il est infiniment regrettable que le travail remarquable de ces hôpitaux n’apparaisse pas dans les médias comme ils le méritent. les données sur le C.difficile viennent confirmer la nécessité de la déclaration obligatoire de toutes les IN pour une prévention efficace. 4.6 QUE FAIRE ? • C’est dans ce contexte international et québécois, qu’en tant qu’association représentative des usagers du système de santé nous devons agir pour obtenir que cette déclaration soit rendue obligatoire, au même titre que les EIAS et sur le même formulaire. Cela fait partie de notre mission de défendre le droit des patients à des soins sécuritaires. C’est un droit qui nous est reconnu dans le projet de Loi 113. Pour y parvenir nous devons comprendre ce qu’est une IN, ses conséquences, ses facteurs de risque, les problèmes médico-légaux qu’elle soulève, pourquoi cette déclaration n’est toujours pas obligatoire et les obstacles qu’elle rencontre. • Ces obstacles sont réels : Ils sont d’abord d’ordre épidémiologique : comment et sur quel critère peut-on dire qu’une infection est nosocomiale, comment la définir. Ils sont aussi techniques : lourdeur et coûts de la surveillance de toutes les IN. Ils relèvent aussi de l’opposition de tout ou partie du milieu de la santé pour des raisons autres que les précédentes. Qu’elle soit justifiée ou non, elle existe et 18 Janvier 2012 – ADVIN doit être comprise, car sans l’adhésion des médecins, des infirmières et des paramédicaux, cette déclaration reste inefficace. 5 - QU’EST-CE QU’UNE IN ? L’IN : UN NOUVEAU CONCEPT : L’INFECTION ASSOCIÉE AUX SOINS Si l’on veut que toutes les personnes impliquées dans l’article 233.1 de la LSSSS déclarent les IN, il faut qu’elles puissent les reconnaître à partir d’une définition claire, basée sur des critères standardisés pour tous les établissements, et qui permettent en cas de litige d’éviter la multiplication des expertises au détriment de la victime. À titre d’exemple : En 2005, au regard des connaissances alors reconnues, le Comité Aucouin mentionne que « l’IN est un accident médical au sens de la loi ». Deux ans plus tard, en 2007, le rapport de la coroner sur les décès dus au C.difficile à l’hôpital H. Mercier de St-Hyacinthe, précise : « Les infections nosocomiales sont des complications d’une prestation de soins dans un établissement de santé. Jamais elles ne pourront être évitées complètement. En faire systématiquement un accident au sens de la loi serait inutile. » Faudra-t-il alors dans chaque cas une expertise médicale, ou éventuellement, une enquête de coroner pour définir l’origine nosocomiale d’une infection? 5.1 CES DERNIÈRES ANNÉES L’ÉVOLUTION DES CONNAISSANCES A PERMIS DE CONSTATER : • l’existence d’infections associées aux soins en dehors des hôpitaux, ce qui amène à un nouveau concept élargi de l’infection « nosocomiale ». • l’importance des facteurs de risques autres que « l’acte médical » proprement dit à l’origine de ces infections. • On a donc adopté internationalement le concept « d’Événements indésirables associés aux soins » (EIAS), qui englobe toutes les conséquences des risques générés par la prestation des soins de santé, quels que soient leur nature, le lieu où ils sont pratiqués et le professionnel ou autre personne impliquée. 19 Janvier 2012 – ADVIN • Parmi ces EIAS on peut maintenant distinguer : « L’infection associée aux soins » (IAS) où l’acte médical n’est pas le seul facteur de risque. La maladie ou affection « iatrogène »* 5, qui est l’effet secondaire indésirable occasionné par un traitement « médical » ou des médicaments. Le terme « médical » est ici important, car il implique le professionnel qui a prescrit ou pratiqué le traitement sans qu’il y ait obligatoirement une erreur ou une faute professionnelle. « Les autres indicateurs de sécurité des patients» (PSI : Patient Safety Indicator), dont une vingtaine, sont actuellement reconnus comme significatifs aux ÉtatsUnis ou en France par exemple. 5.2 UN NOUVEAU CONCEPT DE L’INFECTION « NOSOCOMIALE » • Parce que l’infection dite jusqu’ici « nosocomiale » n’est plus seulement hospitalière (d’où son nom* 6), on doit parler maintenant « d’infection associée aux soins » (IAS). • Cette IAS est alors : « nosocomiale » (IN) quand elle est acquise dans un ES quel qu’il soit; « communautaire » (IAS-C) quand elle survient en dehors d’un ES, au cours de soins ambulatoires ou même à domicile. • L’IN peut aussi apparaître après la sortie du patient de l’hôpital, par exemple, après une chirurgie, la pose d’un implant ou d’une prothèse, ou tout traitement ambulatoire. Pour que l’infection soit considérée comme « nosocomiale », elle ne doit être ni « présente » ni en « incubation » au moment de l’admission dans l’établissement. C’est la notion épidémiologique fondamentale pour la dire nosocomiale, et qui peut poser problème parce que la durée « d’incubation » d’une infection peut durer de quelques heures à quelques jours suivant le germe en cause et l’état immunitaire du patient. 5 * Iatrogène : du grec « iatros » qui signifie médecin. 6 * Nosocomiale : vient du grec « nosokomeion » qui signifie hôpital. 20 Janvier 2012 – ADVIN De plus on voit maintenant de plus en plus de patients porteurs d’un germe pathogène au moment de l’admission. Sont-ils en incubation d’une infection ou simplement « colonisés », c’est-à-dire porteurs d’un germe potentiellement pathogène sans présenter de symptômes cliniques d’infection? • Pour pallier cette situation, on a adopté généralement la définition suivante: Lorsque le statut infectieux du patient n’est pas connu à l’admission, l’infection est considérée comme nosocomiale si elle survient au moins 48 heures après l’admission; dans les 30 jours après une chirurgie; ou dans l’année qui suit la pose d’une prothèse ou d’un implant. 5.3 L’ÉVOLUTION DES CONNAISSANCES SUR LES FACTEURS DE RISQUE DOIT AUSSI ÊTRE PRISE EN COMPTE DANS LA COMPRÉHENSION ET LA DÉFINITION DES IN • Ils doivent être inscrits dans cette définition pour la compléter et répondre aux problèmes médico-légaux que posent ces infections. • Les trois principaux actuellement reconnus sont : l’environnement hospitalier; le patient lui-même; l’acte de soins. • L’environnement hospitalier Le simple fait d’être admis et de séjourner dans un établissement de santé peut entraîner la contamination d’un patient et éventuellement son infection par des germes dont certains peuvent survivre pendant des semaines et parfois des mois dans cet environnement. La contamination se fait par l’eau, l’air, les aliments, les surfaces planes, le mobilier, la literie, le linge, etc. Son rôle apparaît de plus en plus important. Il concerne aussi bien la conception architecturale de l’hôpital, que les problèmes d’hygiène ou l’organisation des soins. o La conception architecturale de l’hôpital : le rôle des chambres individuelles dans la prévention des IN 21 Janvier 2012 – ADVIN On sait qu’héberger un patient dans une chambre à plusieurs lits peut augmenter jusqu’à 20 fois le risque d’IN(30). Au CUSM 7, à Montréal, la construction de chambres individuelles a permis de réduire de 50 % le nombre d’IN aux soins intensifs(31). Des résultats semblables sont signalés aux États-Unis(32). o Les problèmes d’hygiène L’entretien du sol et des autres surfaces : « Un seul bon préposé à l’entretien peut prévenir plus de maladies qu’une douzaine de médecins peuvent en soigner »(33). les normes actuelles d’entretien et de désinfection des locaux ne sont pas toujours efficaces pour éliminer certaines bactéries multi-résistantes, de même pour les vêtements de travail, nettoyés aux domiciles des employés avec des moyens pas forcément appropriés... o L’organisation des soins en général(34) Organisation et surveillance du circuit du linge propre et sale. Organisation et surveillance du circuit des déchets. Traitement des déchets. Hygiène de l’alimentation. Traitement et surveillance des installations de l’air et de l’eau. Maîtrise du risque infectieux en cas de travaux dans l’hôpital, etc. o L’adhésion du personnel à l’hygiène des mains dépend aussi de la disponibilité, l’entretien du matériel et des produits qui doivent être disposés à portée de main du personnel. o L’organisation des ressources humaines(34) Un ratio infirmière/patient en soins intensifs supérieur à 2.2 amène une diminution de 26.7 % du nombre d’IN. Une rotation (« turnover ») du personnel trop élevée entraîne, au contraire, leur augmentation. 7 Centre universitaire de santé McGill. 22 Janvier 2012 – ADVIN Le nombre d’heures passées auprès des patients par les infirmières/iers : une heure de soins de plus par patient et par jour réduit de 12 % le nombre d’IN. Un taux trop important d’occupation des lits augmente aussi le nombre d’infections. • toutes ces données confirment que la prévention des IN est d’abord et avant tout un problème de gestion(7). Le nombre d’IN témoigne que cette gestion ne répond pas aux exigences de la médecine moderne et de la sécurité du patient. Elles indiquent aussi que les IN et les EIAS ne peuvent être assimilés à un « accident médical », au sens strict du terme. C’est un point important pour comprendre les responsabilités. • Le patient lui-même est un facteur de risque important Les patients au système immunitaire affaibli par l’âge, la maladie ou le traitement sont plus à risque de contracter une IN. Ils doivent être isolés en chambre individuelle, éventuellement à pression d’air positive. De plus en plus de patients sont colonisés au moment de l’admission par un germe potentiellement pathogène. Ils sont des foyers de contamination pour l’environnement, les autres patients, le personnel ou les visiteurs. Eux aussi doivent être isolés en chambre individuelle. Ces deux situations rappellent le rôle majeur de l’environnement et des structures hospitalières dans l’acquisition d’une infection nosocomiale ainsi que la responsabilité des directions générales et des conseils d’administration. • L’acte de soins L’acte de soins pour sa part englobe tous les soins requis par le patient : diagnostic, traitement initial et de suivi, soins palliatifs, prévention, rééducation, etc. • Cette multiplicité de facteurs de risques, souvent associés, a les conséquences suivantes : la prévention des IN « concerne l’ensemble du personnel et des services qui participent à la prestation des soins », tant au niveau des ES que des autorités sanitaires régionales et nationale(10). les problèmes systémiques des IN sont plus souvent dommageables pour les patients que les professionnels individuellement. En cas d’IN, c’est l’ES qui doit 23 Janvier 2012 – ADVIN être présumé responsable sauf à apporter la preuve d’une cause extérieure. Les professionnels, médecins et infirmières, ne peuvent être tenus responsables qu’en cas d’erreur ou de faute professionnelle dûment prouvée comme portant atteinte à la sécurité du patient. Ces notions doivent apparaître dans le guide d’utilisation du formulaire de déclaration. 5.5 POUR CONCLURE CE RAPPEL DES PROBLÈMES POSÉS PAR LA DÉFINITION DES IN ET L’IMPORTANCE DES DIVERS FACTEURS DE RISQUE, L’IN PEUT SE DÉFINIR AINSI : « Une infection associée aux soins qui survient au cours ou au décours de la prise en charge d’un patient par un établissement de santé pour des soins à visée diagnostique, thérapeutique, palliative, de prévention, de rééducation.» Elle est considérée comme nosocomiale si elle n’est ni présente ni en incubation au moment de la prise en charge. Lorsque le statut infectieux du patient au moment de cette prise en charge n’est pas connu, elle est nosocomiale si elle survient au moins 48 heures après le début de cette prise en charge, ou dans les 30 jours après une chirurgie, ou dans l’année qui suit la mise en place d’une prothèse ou d’un implant. 6 - LES PROBLÈMES TECHNIQUES Ils sont réels, mais évitables. Ce sont la lourdeur du processus de surveillance généralisée et son coût. C’est une objection souvent évoquée dans le milieu de la santé. 6.1 LA LOURDEUR DU PROCESSUS • Quelle que soit la personne ayant déclaré l’infection, son origine « nosocomiale » doit être confirmée par le personnel en prévention des infections. C’est une procédure qui prend beaucoup du temps de ce personnel au détriment du travail en prévention sur le terrain. Elle est de ce fait souvent mal acceptée, apparaît comme une procédure « bureaucratique » dont l’intérêt et les résultats n’apparaissent pas évidents parce que non publiés et ne permettant pas de ce fait d’en apprécier l’impact sur l’amélioration des IN. • Se limiter à la surveillance et à la déclaration de quelques IN connues pour leur gravité ou leur éclosion, si elle économise du temps, risque de produire des résultats 24 Janvier 2012 – ADVIN avec une précision insuffisante et des erreurs dommageables à l’efficacité recherchée de la prévention. • Nous disposons de l’expérience d’études sur la surveillance électronique des IN publiées en 2009 à la Conférence annuelle de l’APIC(35). Elle diminue considérablement le temps nécessaire à cette surveillance. À titre d’exemple, en soins intensifs, celle des IN urinaires sur cathéters prend 8 heures/semaine à une infirmière en prévention, mais seulement 1 heure 30 avec la surveillance électronique. Aux États-Unis, on constate que de plus en plus d’hôpitaux adoptent cette nouvelle technique. En France, l’InVS, nous l’avons vu, met en place une surveillance électronique des IN. • Au Québec, en septembre 2011, la Direction de la Santé publique de Montréal* 8 vient de recommander « l’implantation d’outils informatiques facilitant le réveil et l’analyse des données portant sur les ISO* 9 selon le risque, permettant aux établissements de comparer leur performance aux standards nord-américains, de quantifier le nombre d’infections évitables ou leurs complications pour en prévenir un plus grand nombre ». 6.2 LES COÛTS • S’agissant d’un investissement en prévention, ils ne doivent pas être un obstacle. Ils seraient largement amortis par les économies générées par la diminution des IN et des coûts d’opération. C’est une des conclusions du Rapport Aucouin(4), tout comme de l’INSPQ(12) et du dernier Plan d’action du MSSS (février 2011). 7 - L’OPPOSITION DU MILIEU DE LA SANTÉ • C’est dans la réalité le problème majeur qui n’est d’ailleurs pas particulier au Québec. On l’a constaté aux États-Unis ou en Europe et avec les mêmes arguments, parce que la résistance au changement est propre à tous les groupes, organismes ou sociétés. 8 * Direction de la Santé publique de Montréal. Infections nosocomiales. Problématique. 14 septembre 2011. 9 * ISO : Infections du site opératoire. 25 Janvier 2012 – ADVIN • En France, cette résistance au signalement vient d’être analysée par une sociologue(36). Elle relève : les difficultés diagnostiques sur l’origine nosocomiale de l’infection; la faible participation des médecins et des paramédicaux; l’assimilation de l’IN à une faute; un échec mal perçu par les cliniciens; le signalement considéré comme une délation; la lourdeur du processus; la mauvaise perception du risque infectieux nosocomial. • Au Québec, malgré les recommandations du Rapport Aucouin et les textes législatifs, les IN n’ont pas été introduites dans la déclaration des incidents et accidents. L’opposition du milieu de la santé en est-elle la cause ? C’est une question que nous devons analyser pour la comprendre et y répondre. Et il est de l’intérêt aussi bien des usagers que des différents intervenants dans la prestation des soins de santé que ce problème soit abordé sans a priori. Ce sont la sécurité et souvent la vie des patients dans nos hôpitaux qui sont en jeu. • Selon notre expérience et les données de la littérature, en particulier du Journal de l’Association médicale canadienne, les principaux arguments contre cette déclaration sont, en dehors des problèmes techniques évoqués ci-dessus : la difficulté de définir des normes standardisées, applicables à tous les établissements trop différents les uns des autres. « On ne peut comparer des pommes et des oranges », avons-nous souvent entendu. La crainte d’une multiplication des litiges, d’une judiciarisation excessive et injustifiée de la pratique des soins. Le coût des indemnisations consécutives à ces litiges et qui mettraient en danger l’assurabilité des établissements. Et surtout la difficulté du milieu de la santé de s’adapter à une nouvelle « culture » de la gestion des soins rendus nécessaires par l’évolution de la médecine moderne et les risques qu’elle engendre. C’est aussi la conclusion du Colloque sur les IN de mars 2010 à propos de cette déclaration : « C’est tout un changement de culture, une évolution et une transformation du comportement humain, impliquer le patient…. apprendre des erreurs, responsabiliser tout un chacun. » 26 Janvier 2012 – ADVIN 7.1 « ON NE PEUT COMPARER DES POMMES ET DES ORANGES » • C’est un faux argument. Au Québec, l’INSPQ publie déjà depuis 2004 pour le C.difficile et 2007 pour les bactériémies au SARM, les taux d’IN de chacun des 95 ES de soins de courte durée. Et en juin 2011, l’AQESSS vient de publier les performances de chaque hôpital dans la qualité de la prestation des soins. • Nous venons de voir qu’aux États-Unis ou en France le signalement de toutes les IN est maintenant adopté, et qu’il est possible de publier des tableaux comparatifs des résultats de chaque établissement. • D’autres pays européens, Suède, Pays-Bas ou Allemagne, publient aussi les performances de leurs ES à partir d’indicateurs de qualité des soins. 7.2 L’AUGMENTATION DES LITIGES – UNE JUDICIARISATION INJUSTIFIÉE DE LA PRESTATION DES SOINS 7.2.1 Rien non plus ne justifie cette crainte Dans la mesure où la déclaration obligatoire a pour objectif l’amélioration de la prévention, on doit s’attendre à une diminution des IN et par conséquent des plaintes. 7.2.2 L’expérience des pays qui ont un système d’indemnisation sans égard à la faute des IN – Danemark, Suède, Nouvelle-Zélande L’expérience de ces pays montre que c’est le plus souvent le manque d’information des patients et de leur famille qui est à l’origine des plaintes. En Nouvelle-Zélande, depuis 1998, on a constaté que 50 % des plaignants ne souhaitaient pas une compensation financière, mais voulaient que leur propre cas serve à améliorer la qualité des soins en obligeant les établissements à mettre en œuvre les mesures nécessaires pour éviter que leur accident se reproduise(37). 7.2.3 En France, nous disposons d’un important rapport de l’Assemblée nationale de 2009 sur le régime d’indemnisation des IN mis en place en 2002(38) Ce régime favorise le règlement des plaintes par une procédure de conciliation entre les parties devant des « Commissions régionales de conciliation et d’indemnisation ». Sur plus de 20,000 dossiers déposés 27 Janvier 2012 – ADVIN devant ces Commissions, 5,000 seulement ont abouti à des plaintes dont 24 % pour IN. Ce rapport révèle également qu’aussi bien les usagers que les professionnels et les établissements sont satisfaits de ce système dont ils demandent néanmoins l’amélioration. 7.3 L’AUGMENTATION DES COÛTS D’INDEMNISATION ET L’ASSURABILITÉ DES ÉTABLISSEMENTS • Nous n’avons trouvé aucune statistique pour justifier cette crainte. Et, ici encore, il faut rappeler que les économies générées par la diminution des IN et des coûts d’opération peuvent être utilisées en partie dans ce domaine. • C’est une des conclusions du Rapport Aucouin : « La prévention et le contrôle des infections nosocomiales non seulement s’autofinancent, mais dégagent des économies substantielles pouvant être réinvesties dans l’amélioration de l’accessibilité aux soins. » • La même constatation est faite dans le dernier Plan d’Action du MSSS de février 2011 : • « En plus de couvrir largement les frais d’un programme de prévention et de contrôle des infections nosocomiales, les sommes économisées au chapitre de ces infections nosocomiales évitables pourront être investies ailleurs, dans la réponse à d’autres besoins en santé. La prévention des infections nosocomiales représente donc un investissement au bénéfice de toute la population du Québec. » 7.4 UNE NOUVELLE CULTURE DE LA GESTION DES SOINS • C’est le principal problème lié à la difficulté de tout organisme ou groupe social de s’adapter aux changements. Plusieurs éditoriaux et articles récents du Journal de l’Association médicale canadienne ont été consacrés au manque de transparence de notre système de santé, et à la difficulté pour les professionnels de signaler leurs « erreurs ». Nous retrouvons ici les mêmes difficultés qu’en France(39). 28 Janvier 2012 – ADVIN • Ils mentionnent : « la crainte des médecins d’être impliqués et éventuellement poursuivis pour des événements indésirables associés aux soins et leur crainte d’être abandonnés par leurs pairs en cas de poursuite »(39). « En soins de santé lorsqu’il se produit une erreur médicale, la crainte de poursuite l’emporte souvent sur la divulgation et les excuses… La divulgation intégrale constitue la solution responsable sur les plans éthiques et professionnels. Elle est aussi vitale pour l’amélioration de la sécurité des patients et de la qualité des soins »(40). « La publication des taux d’IN est urgente. Le véritable potentiel de changement repose sur un changement de comportement des professionnels de la santé. C’est un gros défi »(41). « Mesurer les performances est essentiel dans un système de santé centré sur le patient… Un changement de paradigme est nécessaire pour avoir un système de santé véritablement centré sur les besoins des patients. Ce changement ne se produira que si les patients ont accès à la nécessaire information leur permettant de prendre leur décision concernant leurs soins de santé… C’est un problème d’éthique, d’honnêteté, d’ouverture et de respect des usagers »(42). • La transparence, l’évaluation des performances, la reconnaissance des erreurs et la reddition de compte, considérer le patient comme un partenaire ne font toujours pas partie de la culture médicale, au Québec comme ailleurs. Médecins, infirmières, mais aussi gestionnaires, acceptent difficilement de voir leur pratique quotidienne remise en question et confrontée à des litiges. Même si cela remet en question la nécessaire relation de confiance entre soignant et soigné. • En 2002 déjà, aux États-Unis, le rapport de l’Institute of Medicine, « To Err is Human », avait montré la nécessité d’une nouvelle approche dans la relation patient-soignant . « Le patient et sa famille doivent être considérés comme des partenaires de leur équipe de soins »(2). • En 2005, en France, l’Académie de Médecine rappelait que « l’éducation du grand public fait partie de la gestion scientifique et sociale du risque infectieux nosocomial »(3). Et en juin 2006, elle insistait sur l’importance de la transparence dans la relation soignant-soigné : « La plupart des conflits entre soignant et soigné sont liés à une carence de la communication. La confiance que le malade place en son médecin s’en trouve altérée »(4). 29 Janvier 2012 – ADVIN 7.5 EN TANT QU’ASSOCIATIONS REPRÉSENTATIVES DES USAGERS DE NOTRE SYSTÈME DE SANTÉ, NOUS DEVONS CLAIREMENT EXPOSER NOTRE POSITION SUR CE SUJET : La situation actuelle est contre-productive. Elle est contraire aussi bien aux intérêts et aux droits des usagers qu’à ceux des professionnels. Promouvoir la transparence est dans l’intérêt de tous. • L’objectif de la déclaration obligatoire des IN n’est pas la recherche d’erreurs ou de fautes. On ne déclare pas dans une perspective disciplinaire. Cela ne veut pas dire qu’il faut absoudre toutes les fautes. Les établissements et les professionnels doivent admettre que lorsqu’il y a eu prise de risque délibérée mettant en danger la sécurité des patients, il doit y avoir sanction. Il appartient aux autorités responsables d’en décider. Et cela fait aussi partie de la prévention. • L’objectif de la déclaration obligatoire est d’abord la prévention des IN Elle est la base de tout programme de « surveillance prospective » sans lequel il n’y a pas de prévention efficace. Elle entre dans le cadre d’une politique de « Tolérance Zéro » justifiée par l’efficacité des mesures de prévention qui permettent maintenant de « viser l’élimination des IN ». Cela signifie : la reconnaissance de l’importance et de la permanence du risque infectieux lié aux soins. Parce que les bactéries et autres germes font partie de notre environnement, de notre écosystème chaque IN doit être considérée comme inacceptable parce que potentiellement évitable, pour en rechercher les causes et éviter qu’elle se reproduise. et pour cela toute IN doit être connue et donc déclarée. • Les usagers et le public en général comprennent que les défaillances et les erreurs sont toujours possibles dans une pratique de soins à risque élevé Il est évident que médecins et infirmières ne se rendent pas à l’hôpital chaque matin dans l’intention de nuire à leurs patients. Chacune et chacun pensent respecter les règles de bonne pratique dans la mesure des moyens qui leur sont donnés. On ne peut leur reprocher de n’avoir pas isolé un patient en l’absence de chambres 30 Janvier 2012 – ADVIN individuelles. L’hygiène et la désinfection des locaux ne sont pas de leur responsabilité. Mais on est en droit de leur reprocher de ne pas dénoncer l’absence des moyens qu’ils savent nécessaires à une sécurité optimale des soins et d’en informer les usagers. • Ce que les usagers et le public n’acceptent plus est qu’on leur cache la vérité Professionnels, gestionnaires, décideurs doivent comprendre le sentiment de frustration, d’angoisse, d’injustice et souvent de colère que ressentent les patients et leurs familles face à une infection acquise au cours des soins et sans rapport avec la maladie qui les a amenés à l’hôpital. Parce que si chaque maladie est souvent ressentie comme injuste, l’infection nosocomiale est encore plus injuste. Parce qu’on entre à l’hôpital pour être soigné. Ils veulent savoir pourquoi, pour que cela ne se reproduise pas. Et les informations publiées par le MSSS et l’INSPQ sur les IN ne répondent pas à cette attente parce que publiées sous une forme difficilement compréhensible pour le public. Ce que nous demandons, et notre message est clair, c’est la promotion d’une politique de gestion des risques fondée sur la transparence et la participation effective des usagers telle qu’elle est inscrite dans le projet de Loi 113, et telle qu’elle est recommandée par l’OMS, la plupart des spécialistes, l’Institute of Medicine aux États-Unis ou l’Académie de médecine en France. Nous savons que les infections nosocomiales sont devenues un problème majeur et une priorité de santé publique au Québec comme ailleurs dans le monde. Mais nous savons aussi qu’elles ne sont pas une fatalité. Nous disposons des connaissances et des moyens pour en éviter au moins 70 % et parfois plus pour certaines d’entre elles. Cela a été encore démontré au Colloque sur les infections nosocomiales de mars 2010, à Montréal. Au Québec, comme ailleurs, des hôpitaux y parviennent. Alors pourquoi pas les autres? Et viser leur élimination est maintenant possible. Nous savons encore que cette prévention passe d’abord par la surveillance de toutes les IN et par conséquent par leur déclaration obligatoire. • Nous demandons qu’on applique les recommandations du rapport Aucouin sur le droit des usagers et du public de connaître le taux d’IN de chaque établissement et la qualité sécuritaire de leur prestation des soins. Seule cette publication permettra 31 Janvier 2012 – ADVIN aux établissements de se comparer et de tirer parti de l’expérience des autres pour améliorer leur performance dans la gestion des risques associés aux soins. • Et elle est aussi indispensable pour permettre l’indemnisation des dommages liés à ces IN. Elle est actuellement pratiquement impossible dans le cadre du régime de responsabilité civile du Québec. En raison de la multiplicité des facteurs de risques, seule cette déclaration obligatoire permet au patient de dire l’origine nosocomiale de son infection en évitant la multiplication d’expertises longues, coûteuses et aléatoires. CONCLUSION • Depuis l’éclosion de l’épidémie de C.difficile et sa médiatisation en 2002-2004, des progrès indiscutables ont été accomplis dans la prévention des IN. Mais ils ne sont pas suffisants. • Beaucoup trop d’établissements ont encore des résultats décevants selon les dernières données statistiques de l’INSPQ, qui démontrent par la même l’intérêt de la déclaration obligatoire. • Rien ne justifie la non -intégration actuelle des infections nosocomiales dans la déclaration obligatoire des « incidents et accidents médicaux » par chaque établissement de santé. • Le formulaire AH223 de cette déclaration et son guide d’utilisation doivent donc être révisés pour inclure ces infections. • Mais ils doivent aussi tenir compte de l’évolution des connaissances dans le domaine des risques associés aux soins de santé. L’importance maintenant reconnue des facteurs de risque autres que « l’acte de soins » proprement dit, et en particulier l’environnement hospitalier, amène à élargir la notion de risque au-delà de celle d’accident « médical ». On doit maintenant parler « d’événements indésirables associés aux soins » qui doivent être déclarés et dont ne peuvent être dissociées les « infections nosocomiales », qui sont des « infections associées aux soins » acquises au cours ou au décours du séjour dans un établissement de santé quel qu’il soit. 32 Janvier 2012 – ADVIN • Enfin, pour faciliter cette déclaration, le guide d’utilisation doit donner une définition des divers « événements indésirables » qui doivent être déclarés. Et pour les infections nosocomiales, cette définition doit tenir compte de leur caractère multifactoriel qui implique la responsabilité première de l’établissement dans leur prévention. La définition des principaux facteurs de risque à l’origine de ces infections doit également être partie dans ce guide d’utilisation. • Définir et évaluer la qualité et la sécurité des soins est une démarche fondamentale pour améliorer notre système de santé. Pour y parvenir, il faut entre autres, recueillir de manière systématique les données sur les risques associés aux soins et en particulier le risque infectieux. C’est le rôle de la déclaration obligatoire de toutes les IN. 33 Janvier 2012 – ADVIN RÉFÉRENCES 1. OMS : Déclaration d’Alma-Ata (1978). Bangkok (2005) Charte d’Ottawa (1986). Charte de 2. Institute of Medicine (USA): « To Err is Human »: Building a Safer Care System. Washington, D.C. National Academy Press – 2001 3. Académie de Médecine (France) – Rapport: La lutte contre les infections nosocomiales - 28 juin 2005 4. Académie de Médecine (France) : Importance de la communication dans la relation soignant-soigné - 20 juin 2006 5. Cirano-RISQ+H – Colloque sur les infections nosocomiales. Communication du Réseau. Vol. 1, no.1 6. Cardo D. MD et col. – Moving Toward Elimination of Health Care-Associated Infections: A Call to Action. AJIC White Paper 2010: 1-5 7. Aucouin L., Besson J., Delage G. et col. – D’abord ne pas nuire… Les infections nosocomiales au Québec. Un problème majeur de santé, une priorité. Rapport du Comité d’examen sur la prévention et le contrôle des infections nosocomiales – 2005, 89 p 8. Ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) – Québec. Plan d’action 2010-2015 sur la prévention et le contrôle des infections nosocomiales 9. Pittet D. et Col. – « Clean Care is Safer Care »: l’OMS consacre le ler défi mondial pour la sécurité des patients à la prévention des infections. SWISS-NOSO – vol.16, no.1, 2010 10. OMS – Résumé des recommandations pour l’hygiène des mains au cours des soins – 2010 11. France – Institut national de veille sanitaire. Enquête nationale sur la prévalence des infections nosocomiales - Juin 2006. Résultats préliminaires - 12 janvier 2007. 12. Klevens M. et col. – Estimating Health Care-Associated Infections and Deaths in U.S. Hospitals, 2002. Public Health Reports / March-April 2007 / Volume: 122 34 Janvier 2012 – ADVIN 13. Association for Professionals in Infection Control and Epidemiology (APIC): National Prevalence Study of Methicillin – Resistant Staphylococcus Aureus in U.S. Health Care Facilities – June 25-2007 14. IDEM: The National Prevalence Study of Clostridium Difficile in U.S. Healthcare Facilities. AJIC – Vol.37-4: 261-348. May 2009 15. Ricciardi et Col.: Increasing Prevalence and Severity of Clostridium Difficile Colitis in Hospitalized Patients in the United States. Arch.of.Surg. 2007; 142: 624-631 16. Journée nationale des maladies infectieuses. www.nidd.com 17. Zoutman et col. : The State of Infection Surveillance and Control at Canadian Acute Care Hospitals. American Journal of Infection Control. 2003: 31.266-275 18. Institut national de la Santé publique (INSPQ) – Flash Vigie – Septembre 2011 19. Michel P., Quenon J.L. : Événements indésirables associés aux soins (ENEIS). Colloque «la sécurité du patient». Ministère du travail, de l’emploi et de la santé, France-24 nov. 2010 20. Department of Health and Human Services (HHS) : November 2010 : Adverse Events in Hospitals National Incidence Among Medicare Beneficiaries 21. Department of Health and Human Services (HHS) : January 2012: Hospital incident reporting systems do not capture most patient harm. 22. OMS – ler Défi mondial pour la sécurité des patients (2005) 23. Lemay A. – Centre hospitalier universitaire de Montréal (CHUM): Soins de santé plus sécuritaires maintenant. Mesures de performance en santé. Conférence: « Insight Information ». Montréal. 19-20 sept.2006 24. Agence d’évaluation des technologies et des modes d’intervention en santé (AETMIS) : Analyse comparative des équipements de traitement des bassins de lits. Faits saillants. Vol.5, no.4, 20 mai 2009 25. Society for Healthcare Epidemiology of America (SHEA). Position Paper: Public Disclosure of Healthcare Associated Infections: The Role of SHEA. February 2005 26. APIC, SHEA, IDSA: Model Legislation on Public Reporting of HealthcareAssociated Infections – January 17, 2006 Ottawa, 18 octobre 2007. 35 Janvier 2012 – ADVIN 27. APIC, SHEA, IDSA, CSTE, TAH: Experts Support National Public Reporting of Healthcare-Associated Infections – July 20-2009 28. Pennsylvania Healthcare Costs Containment Council (PHC4): Hospital-Acquired Infection in Pennsylvania 2009 29. Haute autorité de santé (HAS) – France. La diffusion publique des indicateurs de qualité et de sécurité des soins 2010 sur le site Platines - Conférence de Presse du 22 sept.2011 30. Institut national de la Santé publique du Québec (INSPQ) – Proportion de chambres individuelles avec salle de toilette non partagée devant être disponibles dans les établissements de santé physique du Québec. Août 2010 31. Teltsch D.Y. et col.: Infection Acquisition Following Intensive Care Unit Room Privatization – Arch. Int. Med., Vol. 171, no.1, January 10-2011 32. Howard County General Hospital (Johns Hopkins Medicine) Private Rooms Reduce Healthcare-Associated Infections. March 16-2010 33. Rose E. – Environmental Services and Fighting Healthcare-Associated Infection. ICT Today - Magazine April 2010 34. Rothan-Tondeur M. : Impact de l’organisation des soins sur la prévention des infections. Société française d’hygiène hospitalière : Séminaire recherche – 24 mai 2011 35. APIC 2009 Annual Conference. Les présentations ont été publiées dans « American Journal of Infection Control (AJIC) 2009 » 36. Senechal H. - Le signalement des IN. Centre de coordination de lutte contre les IN (C-CLIN-OUEST) 13-oct.2011 37. Bismark M. et col.: Accountability Sought by Patients Following Adverse Events From Medical Care: The New-Zealand Experience (JAMC – Oct.10-2006. 175(8)) 38. Assemblée nationale (France): Rapport d’information sur l’indemnisation des victimes d’infections nosocomiales et l’accès au dossier médical. Juillet 2009 39. Gagnon L. – Infection Prevention Measures May Limit Liability – CMAJ-JAMC – June 3, 2008 – 178 (12) 36 Janvier 2012 – ADVIN 40. MacDonald N. MD, MSC et col. – Erreurs médicales, excuses et lois sur les excuses. Éditorial – CMAJ-JAMC – January 6, 2009 – 180 (1) 41. CMAJ-JAMC – EWS – Public Reporting of Infection Rates Urged – September 21, 2009 42. Fault/No Fault: Bearing the Brunt of Medical Mishaps – CMAJ-JAMC – August 12, 2008 – 179(4) et August 26, 2008; 179 (5) Pour toute information sur ce document : www.advin.org – ou [email protected] 37