La déclaration obligatoire des infections nosocomiales

LA DÉCLARATION OBLIGATOIRE DES
INFECTIONS NOSOCOMIALES
SES RAISONS SES OBJECTIFS
Par Jacques Besson, MD
ADVIN
Association des victimes d’infections nosocomiales
JANVIER 2012
www.advin.org
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«POUR VRAIMENT DIMINUER LE NOMBRE
D’INFECTIONS NOSOCOMIALES, IL FAUT
POUVOIR LES IDENTIFIER ET EN
CONNAÎTRE PRÉCISÉMENT LE NOMBRE, ET
CELA PASSE PAR LA DÉCLARATION
OBLIGATOIRE ET UNE PRIORITÉ DE SANTÉ
PUBLIQUE»
(Conclusion du Colloque sur les infections nosocomiales
CIRANO RISQ+H Montréal (18-19 mars 2010)
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1 – AVANT-PROPOS
« DÉCLARER POUR AMÉLIORER LA SÉCURITÉ DES PATIENTS
ET L’EFFICIENCE DU SYSTÈME DE SANTÉ »
Ce document ne prétend pas être exhaustif au regard des milliers de publications
consacrées ces dernières années aux infections nosocomiales (IN) et aux autres
« événements indésirables associés aux soins » (EIAS). La prise de conscience de
l’importance de la gestion des risques en santé a provoqué en effet un regain d’intérêt
pour la recherche en épidémiologie, en microbiologie et sur la prévention des EIAS.
La véritable révolution technologique que connaît la médecine depuis plus de 50 ans a
entrainé une autre révolution dans la gestion des soins, la place de l’hôpital dans la
société et la relation soignant-soigné.
La gestion historique traditionnelle des soins de santé que nous connaissons encore, au
Québec comme ailleurs, n’est plus adaptée aux exigences de la médecine moderne et
de la sécurité des patients. Ici au Québec, l’encombrement des urgences et les milliers
de patients inscrits sur les listes d’attente en sont les témoins. Et il ne suffit plus d’offrir
aux patients les techniques médicales les plus performantes s’ils doivent souffrir et/ou
mourir dans les semaines suivantes d’une infection liée aux soins, alors que nous
disposons des connaissances et des moyens qui auraient pu l’éviter. Cela n’est plus
acceptable parce qu’on entre à l’hôpital pour être soigné. La gestion des risques est
devenue une priorité de santé publique pour tous les pays, que leurs systèmes de san
soient privés, publics ou mixtes associant public et privé.
L’hôpital n’est plus comme autrefois le lieu, « l’asile » (du grec asulon : refuge sacré), où
l’on accueillait pour les soigner les plus démunis de nos sociétés, et qui était financé par
la charité publique ou des fondations caritatives.
C’est maintenant une véritable entreprise de haute technologie, équipée des outils les
plus modernes et des plus performants. Il emploie de nombreux corps d’emploi de plus
en plus spécialisés. Il est financé par les taxes et les impôts des citoyens, ou les
cotisations à des assureurs privés ou des associations caritatives sans but lucratif.*1
*1 Dans tous les cas, au final, ce sont les citoyens qui financent et qui ont droit à une reddition de compte.
Mais c’est aussi une entreprise à haut risque. Car ce n’est pas une entreprise comme les
autres. La médecine en effet consiste d’abord à soigner des malades et non pas
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seulement des maladies. Chaque malade est unique et ne se résume pas à la maladie
qui l’amène à l’hôpital. C’est une « personne humaine » qui se distingue des autres par
ses gènes, mais aussi tout autant par son histoire propre, sa famille, son travail, ses
besoins et ses attentes. Son point de vue ne peut se confondre avec celui de ceux qui le
soignent. Il est conditionné par ce qui fait son identité, mais aussi par les médias. Sa
perception du risque lui est propre.
Le patient n’est plus comme autrefois un « bénéficiaire passif » sans véritable droit à la
parole, face à un professionnel supposé toujours savoir ce qui est bon pour son patient
et prendre toujours les bonnes décisions le concernant. C’est maintenant un « usager »,
un citoyen responsable qui finance le système de santé par ses taxes et ses impôts. Il
arrive aussi souvent devant le professionnel qui le soigne plus ou moins bien renseigné
sur sa maladie, grâce à Internet. De plus le système lui reconnaît enfin des droits :
droit à des soins accessibles à tous et conformes aux normes optimales de
qualité et de sécurité;
droit aussi à la parole et à sa participation à la gestion des soins, par lui-même
et/ou les associations qui le représentent.
La participation des usagers à la gestion des soins est maintenant reconnue comme
incontournable aussi bien par l’OMS(1), que par « l’Institute of Medicine » aux États-
Unis(2) ou l’Académie de médecine en France(3). Elle est effective, au moins dans les
textes de loi, dans des pays comme la Grande-Bretagne avec les « Patient and Public
Involvement Forum »; l’Allemagne avec le « Centre allemand pour la qualité de la
médecine »; ou encore la France où les associations d’usagers participent aux Comités
de lutte contre les IN (CLIN) dans les établissements, et aux autres organismes de
gestion au niveau local, régional et national. Au Québec, la participation des usagers est
inscrite dans la loi sur la Santé et les Services sociaux.
La révolution technologique a aussi des conséquences sur la relation soignant-soigné
fondée sur la transparence, la communication et la confiance. Or, actuellement, cette
communication se fait mal et ce manque de transparence est à l’origine de la plupart
des conflits entre soignant et soigné. Les causes de cette carence sont multiples (4) :
multiplication des spécialistes, et cette hyper-technicité est déshumanisante et
dépersonnalisante pour la médecine;
insuffisance d’écoute et de parole du médecin qui sous-estime l’anxiété du
malade;
manque de temps du médecin trop souvent surchargé de tâches administratives,
etc.
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Le résultat est la dégradation de la relation de confiance entre soignant et soigné,
pourtant indispensable à la qualité des soins.
Outre ces 2 aspects, la sécurité des patients est également dépendante des risques liés
aux soins. Il y a plus de 30 ans, on estimait qu’environ 30 % des IN étaient évitables.
Actuellement, nous avons la connaissance et les moyens pour éviter la plupart d’entre
elles(5) et même « viser leur élimination »(6). Cela signifie arrêter de donner comme
références des moyennes locales, régionales ou nationales pour adopter une politique
de « tolérance zéro » et viser l’objectif « théorique » de zéro infection. Cela veut dire
viser l’élimination des « conséquences » du risque infectieux, les IN, soit ramener leur
taux au niveau le plus bas accessible par nos connaissances et nos moyens. Chaque IN
doit être considérée comme inacceptable et il faut en rechercher les causes pour éviter
qu’elle se reproduise. C’est là que se situe le véritable « changement de culture » (5). Ce
sont la santé et la vie de milliers de patients qui sont en jeu, mais aussi des économies
importantes et des milliers de lits libérés.
Une des conclusions du rapport Aucouin en 2005 disait(7) :
« Non seulement la prévention et le contrôle des IN s’autofinancent, mais dégagent
des économies substantielles pouvant être réinvesties dans l’accessibilité aux soins »
En 2011, le Plan d’action 2010-2015 du MSSS pour la prévention et le contrôle des IN
précise lui aussi :
« En plus de couvrir largement les frais d’un programme de prévention et de contrôle
des infections nosocomiales, les sommes économisées au chapitre des infections
évitables pourraient être réinvesties ailleurs dans la réponse à d’autres besoins en
santé. La prévention des infections nosocomiales représente donc un bénéfice au
profit de toute la population du Québec ».
Pour prévenir les IN, il faut pouvoir les connaître, les identifier, les qualifier, les
quantifier, les localiser… Le moyen, l’indicateur, c’est la déclaration obligatoire :
On ne déclare pas dans une perspective disciplinaire, à la recherche d’éventuels
coupables et de sanctions, même si toute faute professionnelle dûment prouvée
doit être sanctionnée.
On déclare pour savoir et pour comprendre ce qui s’est passé pour éviter que
cela se reproduise.
On déclare pour mieux connaître l’importance réelle des IN, pour mieux gérer ce
risque et améliorer la performance de chaque établissement.
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