La déclaration obligatoire des infections nosocomiales

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LA DÉCLARATION OBLIGATOIRE DES
INFECTIONS NOSOCOMIALES
SES RAISONS – SES OBJECTIFS
Par Jacques Besson, MD
ADVIN
Association des victimes d’infections nosocomiales
JANVIER 2012
www.advin.org
Janvier 2012 – ADVIN
«POUR VRAIMENT DIMINUER LE NOMBRE
D’INFECTIONS NOSOCOMIALES, IL FAUT
POUVOIR LES IDENTIFIER ET EN
CONNAÎTRE PRÉCISÉMENT LE NOMBRE, ET
CELA PASSE PAR LA DÉCLARATION
OBLIGATOIRE ET UNE PRIORITÉ DE SANTÉ
PUBLIQUE»
(Conclusion du Colloque sur les infections nosocomiales –
CIRANO – RISQ+H – Montréal (18-19 mars 2010)
2
Janvier 2012 – ADVIN
1 – AVANT-PROPOS
« DÉCLARER POUR AMÉLIORER LA SÉCURITÉ DES PATIENTS
ET L’EFFICIENCE DU SYSTÈME DE SANTÉ »
Ce document ne prétend pas être exhaustif au regard des milliers de publications
consacrées ces dernières années aux infections nosocomiales (IN) et aux autres
« événements indésirables associés aux soins » (EIAS). La prise de conscience de
l’importance de la gestion des risques en santé a provoqué en effet un regain d’intérêt
pour la recherche en épidémiologie, en microbiologie et sur la prévention des EIAS.
La véritable révolution technologique que connaît la médecine depuis plus de 50 ans a
entrainé une autre révolution dans la gestion des soins, la place de l’hôpital dans la
société et la relation soignant-soigné.
La gestion historique traditionnelle des soins de santé que nous connaissons encore, au
Québec comme ailleurs, n’est plus adaptée aux exigences de la médecine moderne et
de la sécurité des patients. Ici au Québec, l’encombrement des urgences et les milliers
de patients inscrits sur les listes d’attente en sont les témoins. Et il ne suffit plus d’offrir
aux patients les techniques médicales les plus performantes s’ils doivent souffrir et/ou
mourir dans les semaines suivantes d’une infection liée aux soins, alors que nous
disposons des connaissances et des moyens qui auraient pu l’éviter. Cela n’est plus
acceptable parce qu’on entre à l’hôpital pour être soigné. La gestion des risques est
devenue une priorité de santé publique pour tous les pays, que leurs systèmes de santé
soient privés, publics ou mixtes associant public et privé.
L’hôpital n’est plus comme autrefois le lieu, « l’asile » (du grec asulon : refuge sacré), où
l’on accueillait pour les soigner les plus démunis de nos sociétés, et qui était financé par
la charité publique ou des fondations caritatives.
C’est maintenant une véritable entreprise de haute technologie, équipée des outils les
plus modernes et des plus performants. Il emploie de nombreux corps d’emploi de plus
en plus spécialisés. Il est financé par les taxes et les impôts des citoyens, ou les
cotisations à des assureurs privés ou des associations caritatives sans but lucratif.* 1
Mais c’est aussi une entreprise à haut risque. Car ce n’est pas une entreprise comme les
autres. La médecine en effet consiste d’abord à soigner des malades et non pas
1
* Dans tous les cas, au final, ce sont les citoyens qui financent et qui ont droit à une reddition de compte.
3
Janvier 2012 – ADVIN
seulement des maladies. Chaque malade est unique et ne se résume pas à la maladie
qui l’amène à l’hôpital. C’est une « personne humaine » qui se distingue des autres par
ses gènes, mais aussi tout autant par son histoire propre, sa famille, son travail, ses
besoins et ses attentes. Son point de vue ne peut se confondre avec celui de ceux qui le
soignent. Il est conditionné par ce qui fait son identité, mais aussi par les médias. Sa
perception du risque lui est propre.
Le patient n’est plus comme autrefois un « bénéficiaire passif » sans véritable droit à la
parole, face à un professionnel supposé toujours savoir ce qui est bon pour son patient
et prendre toujours les bonnes décisions le concernant. C’est maintenant un « usager »,
un citoyen responsable qui finance le système de santé par ses taxes et ses impôts. Il
arrive aussi souvent devant le professionnel qui le soigne plus ou moins bien renseigné
sur sa maladie, grâce à Internet. De plus le système lui reconnaît enfin des droits :
 droit à des soins accessibles à tous et conformes aux normes optimales de
qualité et de sécurité;
 droit aussi à la parole et à sa participation à la gestion des soins, par lui-même
et/ou les associations qui le représentent.
La participation des usagers à la gestion des soins est maintenant reconnue comme
incontournable aussi bien par l’OMS(1), que par « l’Institute of Medicine » aux ÉtatsUnis(2) ou l’Académie de médecine en France(3). Elle est effective, au moins dans les
textes de loi, dans des pays comme la Grande-Bretagne avec les « Patient and Public
Involvement Forum »; l’Allemagne avec le « Centre allemand pour la qualité de la
médecine »; ou encore la France où les associations d’usagers participent aux Comités
de lutte contre les IN (CLIN) dans les établissements, et aux autres organismes de
gestion au niveau local, régional et national. Au Québec, la participation des usagers est
inscrite dans la loi sur la Santé et les Services sociaux.
La révolution technologique a aussi des conséquences sur la relation soignant-soigné
fondée sur la transparence, la communication et la confiance. Or, actuellement, cette
communication se fait mal et ce manque de transparence est à l’origine de la plupart
des conflits entre soignant et soigné. Les causes de cette carence sont multiples (4) :
 multiplication des spécialistes, et cette hyper-technicité est déshumanisante et
dépersonnalisante pour la médecine;
 insuffisance d’écoute et de parole du médecin qui sous-estime l’anxiété du
malade;
 manque de temps du médecin trop souvent surchargé de tâches administratives,
etc.
4
Janvier 2012 – ADVIN
Le résultat est la dégradation de la relation de confiance entre soignant et soigné,
pourtant indispensable à la qualité des soins.
Outre ces 2 aspects, la sécurité des patients est également dépendante des risques liés
aux soins. Il y a plus de 30 ans, on estimait qu’environ 30 % des IN étaient évitables.
Actuellement, nous avons la connaissance et les moyens pour éviter la plupart d’entre
elles(5) et même « viser leur élimination »(6). Cela signifie arrêter de donner comme
références des moyennes locales, régionales ou nationales pour adopter une politique
de « tolérance zéro » et viser l’objectif « théorique » de zéro infection. Cela veut dire
viser l’élimination des « conséquences » du risque infectieux, les IN, soit ramener leur
taux au niveau le plus bas accessible par nos connaissances et nos moyens. Chaque IN
doit être considérée comme inacceptable et il faut en rechercher les causes pour éviter
qu’elle se reproduise. C’est là que se situe le véritable « changement de culture » (5). Ce
sont la santé et la vie de milliers de patients qui sont en jeu, mais aussi des économies
importantes et des milliers de lits libérés.
Une des conclusions du rapport Aucouin en 2005 disait(7) :
« Non seulement la prévention et le contrôle des IN s’autofinancent, mais dégagent
des économies substantielles pouvant être réinvesties dans l’accessibilité aux soins »
En 2011, le Plan d’action 2010-2015 du MSSS pour la prévention et le contrôle des IN
précise lui aussi :
« En plus de couvrir largement les frais d’un programme de prévention et de contrôle
des infections nosocomiales, les sommes économisées au chapitre des infections
évitables pourraient être réinvesties ailleurs dans la réponse à d’autres besoins en
santé. La prévention des infections nosocomiales représente donc un bénéfice au
profit de toute la population du Québec ».
Pour prévenir les IN, il faut pouvoir les connaître, les identifier, les qualifier, les
quantifier, les localiser… Le moyen, l’indicateur, c’est la déclaration obligatoire :
 On ne déclare pas dans une perspective disciplinaire, à la recherche d’éventuels
coupables et de sanctions, même si toute faute professionnelle dûment prouvée
doit être sanctionnée.
 On déclare pour savoir et pour comprendre ce qui s’est passé pour éviter que
cela se reproduise.
 On déclare pour mieux connaître l’importance réelle des IN, pour mieux gérer ce
risque et améliorer la performance de chaque établissement.
5
Janvier 2012 – ADVIN
 On déclare pour améliorer la transparence, la communication avec les usagers
parce que le public a le droit de connaître la qualité sécuritaire des soins de
chaque établissement qu’il finance par ses taxes et impôts.
 On déclare pour améliorer l’efficience du système de santé.
Plusieurs obstacles décrits ci-après s’opposent pourtant à cette déclaration. Ils ne sont
pas particuliers au Québec et se retrouvent dans tous les pays. Il est important de les
connaître et les analyser pour y remédier, en collaboration avec toutes les parties
intéressées – professionnels, gestionnaires, décideurs et usagers – en évitant que les
intérêts corporatifs, aussi légitimes soient-ils, prennent le pas sur ceux du patient.
C’est dans cet esprit que ce document se veut un outil de réflexion dans le nécessaire
débat sur une nouvelle approche dans la gestion de notre système de santé que l’on
veut centré sur le patient.
2- L’IN : UNE PRIORITÉ DE SANTÉ PUBLIQUE - BRÈVE REVUE DE L’ÉTAT DES
LIEUX
Il ne s’agit pas ici de présenter un état des lieux exhaustif des IN au Québec et dans le
monde. Mais il est important de dégager des données disponibles les éléments de
réflexion sur la nécessité de leur déclaration obligatoire comme outil indispensable pour
mieux les gérer. Et dans cette perspective, il est tout aussi important de connaître ce
qui existe ailleurs.
« Dans un domaine à contenu scientifique et technique comme les infections
nosocomiales, l’on aurait avantage à tirer profit des efforts et de la créativité des autres
et de l’argent investi ailleurs. Au lieu de la réinventer, adoptons la roue à notre contexte
spécifique et améliorons-la » (Comité Aucouin)(7).
2.1 •
•
LA SITUATION AILLEURS DANS LE MONDE
« L’impact des IN au niveau mondial est inconnu en raison des difficultés à
rassembler des données diagnostiques fiables. Cela est dû au fait que les systèmes
de surveillance des infections associées aux soins (IAS) sont totalement inexistants
dans la plupart des pays » (OMS Prévention des IN - 2008).
Malgré ces lacunes, les données partielles dont nous disposons montrent que :
 ces infections sont en augmentation constante depuis plus de 30 ans et qu’elles
sont devenues la complication la plus fréquente des soins hospitaliers, mais aussi
6
Janvier 2012 – ADVIN
ambulatoires et même à domicile. Par leur morbidité et leur mortalité, elles
remettent en question l’innocuité de la médecine moderne et la sécurité des
patients(9);
 nous avons les connaissances et les moyens pour en éviter la plupart et « viser
leur élimination »(6);
 la notion même d’infection « nosocomiale » doit être revue et intégrée dans le
concept plus général « d’événement indésirable associé aux soins » (EIAS).
I.
Données de l’OMS dans les pays développés(10)
•
Incidence moyenne : 5 % à 15 % des patients hospitalisés
 morbidité : 1 % à 10 %
•
Soins intensifs : 9 % à 37 % des patients hospitalisés
 morbidité : 12 % à 80 %
•
Europe(10) : Incidence : 4.6 % à 9.5 % des patients hospitalisés
 Plus de 5 millions de cas/an. Environ 135,000 décès
 25 millions de journées d’hospitalisation supplémentaires
II.
•
•
•
•
•
•
France (Enquête de prévalence 2006)(11)
2,337 établissements publics et privés concernés (95 % des lits d’hospitalisation)
358,467 patients évalués
Incidence : 4.9 %
700,000 à 800,000 cas/an. 4,000 décès directement liés à l’IN
Principaux sites d’IN :
 urinaire : 30.3 %
 pneumopathies : 14.7 %
 site opératoire : 14.2 %
 peau-tissus mous : 10.2 %
 bactériémies : 6.4 %
Principaux micro-organismes concernés sur 15,803 isolés
 escherichia coli (E.Coli) : 24.7 %
 staphylococcus aureus : 18.9 %
 dont SARM : 52.4 %
 pseudomonas aeruginosa : 10.7 %
 clostridium difficile (C.difficile) : 1.1 %
7
Janvier 2012 – ADVIN
III.
•
États-Unis
Total des IN : (12)
 2002 : données du CDC (12)
 plus de 300 hôpitaux concernés dans 42 états
 Incidence : 5 % des patients hospitalisés
 Environ 2 millions de cas/an et 100,000 décès
 2007 : Klevens et Col. (12) : analyse critique des résultats de 2002 :
 les 300 hôpitaux concernés ne sont pas représentatifs de l’ensemble des
hôpitaux
 les critères de recueil des données varient suivant les établissements
 les chirurgies ambulatoires ne sont pas comptabilisées
 total des IN : plus de 1.7 million/an = plus de 99,000 décès
 68.8 % des IN surviennent en dehors des soins intensifs
 6.9 % surviennent chez les nouveau-nés
 Principaux sites d’IN :
 urinaires : 36 %
 site opératoire : 20 %
 bactériémies : 11 %
 pneumonie : 11 %
 autres : 22 %
 Aucune donnée sur les micro-organismes
 Depuis 2007, c’est ce chiffre de 1.7 million qui est retenu officiellement.
•
En 2007 et 2009, l’APIC*2 a publié les résultats de deux enquêtes de prévalence sur les IN
au SARM et au C.Difficile.
 SARM : incidence moyenne 3.4 % de patients infectés ; 1.2 % de colonisés; soit
environ plus de 1.2 million de cas/an d’infections(13).
 C.Difficile : incidence moyenne 13/1,000 admissions; 7,187 patients le jour de
l’enquête, soit plus de 2.6 millions/an (14). En 2007, une revue de la littérature de
1993 à 2003 fait état aussi d’environ 3 millions de cas/an(15).
 Au total ces deux seules IN représenteraient donc près de 4 millions de cas/an.
2
* APIC : Association for Professionals in Infection Control and Epidemiology.
8
Janvier 2012 – ADVIN
2.2 -
LA SITUATION AU QUÉBEC
I.
Rapport Aucouin(7)
•
•
•
Incidence = 10 % des patients hospitalisés, soit :
 80,000 à 90,000 cas/an
Mortalité moyenne = 1 % à 10 % suivant l’IN, soit :
 Environ plus de 4,000 décès/an
Ces chiffres sont comparables aux données publiées pour le reste du Canada(16). S’y
ajoutent que 40 % des cancéreux adultes et enfants sous chimiothérapie contractent
une infection directement liée à ce traitement avec 3.5 % de décès(16). On sait que
beaucoup des patients atteints de cancer ou de cardiopathie meurent d’une IN
plutôt que de leur maladie(16).
II. Cet ensemble de chiffres est basé sur des données déjà anciennes publiées en
2003(17) et qui ne concernent que les établissements de soins de courte durée
Et depuis il y a eu l’épidémie de C.difficile. Au Québec, les dernières données de l’INSPQ
montrent qu’elle n’est toujours pas réellement contrôlée(18), mais qu’un certain nombre
d’hôpitaux ont réalisé des progrès indiscutables maintenus depuis 4 ans.
En l’absence de déclaration réellement obligatoire, il est difficile de connaître la réalité
de la situation des IN au Québec et donc de les prévenir.
2.3 – LES ÉVÉNEMENTS INDÉSIRABLES ASSOCIÉS AUX SOINS (EIAS)
Nous les citons pour mémoire, car ils relèvent de la déclaration obligatoire
•
•
Un EIAS est défini comme : «un événement défavorable pour le patient, consécutif
aux stratégies et actes de diagnostic et de traitement, et qui ne relève pas d’une
évolution naturelle de la maladie*3. On les appelait jusqu’à récemment «accidents
ou incidents médicaux», mais le terme «médical» n’est plus approprié, car il
implique un «acte de soins» pratiqué par un professionnel. Nous savons maintenant
que ces EIAS relèvent le plus souvent de causes systémiques, de problèmes de
gestion, plutôt que «d’erreurs» d’un professionnel isolément.
Deux études récentes publiées en France et aux États-Unis viennent d’en rappeler
l’importance.
9
Janvier 2012 – ADVIN
I.
En France (Enquête nationale sur les EIAS graves)(19)
Il y en a chaque année entre 270,000 et 390,000, un tous les 5 jours dans un service
de 30 lits. La plupart relèvent de problèmes systémiques; entre 95,000 et 180,000
sont considérés comme évitables.
II.
Aux États-Unis
Selon le rapport de novembre 2010 du HHS(20) :
- En octobre 2008, sur 1 million de patients hospitalisés bénéficiaires du Médicare,
13.5 % ont subi un EIAS grave, soit 134,000 pour ce seul mois avec 1.5 % de décès
soit 15 000 morts.
- 13.5 % supplémentaires ont subi un EIAS qui a nécessité des soins, mais sans
conséquence grave ultérieure.
- 43.5 % étaient évitables; 27 % de ces patients ont subi « en cascade » plusieurs
EIAS.
Pour ce seul mois d’octobre, le coût de ces EIAS est évalué à 324 millions $ US. Pour
une année, le coût serait de 4.4 milliards $ US, compte tenu du nombre
d’hospitalisations.
En janvier 2012, un nouveau rapport du même HHS(21) révèle que ces chiffres sont
sous-évalués. En effet, 86 % des EIAS subis n’ont pas été rapportés par les équipes
hospitalières responsables de ce signalement en raison de leur mauvaise
perception de la définition de ces événements et de l’ignorance de la catégorie
dans laquelle les rapporter.
III
Au Québec
Le premier Rapport semestriel des incidents et accidents survenus lors de la
prestation des soins et des services de santé au Québec a été publié en octobre
2011 et concerne la période du 1er avril au 30 septembre 2011. 179 011 EIAS ont été
signalés dont 116 657 sont des accidents avec atteinte à la sécurité des patients. Il y
a eu 75 décès. Ce rapport lui-même constate que malheureusement 30 % des
hôpitaux n’ont pas, soit complété leur déclaration, soit n’y ont pas participé, ce qui
le rend difficilement exploitable.
Dans ce rapport, les IN ne sont toujours pas comptabilisées.
10
Janvier 2012 – ADVIN
2.4 -
•
•
•
Nous ne disposons à ce jour que d’estimations sur ces coûts. Les plus récentes
montrent qu’ils sont largement supérieurs aux estimations antérieures. En 2005,
« en l’absence de données fiables », le Comité Aucouin les avait estimés à 180
millions $/an au Québec.
En 2006, à Montréal, le CHUM(23) a évalué à plus de 151 millions $ le coût des 4,716
infections du site opératoire et de bactériémies associées aux cathéters vasculaires
centraux.
En 2009, l’AETMIS(24) donne le chiffre de 16,717 $ pour le coût moyen/patient d’une
IN au C.difficile. Les plus de 28,000 cas signalés entre 2004 et 2010 auraient donc
coûté plus de 481 millions $ dans les seuls 95 hôpitaux de soins de courte durée* 3.
2.5 •
•
•
LES COÛTS DE CES INFECTIONS PÈSENT LOURDEMENT SUR LES BUDGETS DE LA
SANTÉ ET, PARCE QU’ELLES SONT ÉVITABLES, REPRÉSENTENT UN VÉRITABLE
GASPILLAGE DES RESSOURCES AFFECTÉES À CES BUDGETS (22)
CE QUE NOUS APPRENNENT CES DONNÉES
La plupart de ces données ne concernent que les soins de courte durée. Les
estimations que l’on peut en tirer sont donc probablement sous-évaluées dans
l’ignorance de la situation dans les soins ambulatoires, de longues durées, et des
récidives.
Elles mettent en évidence l’importance des IN et de leur intégration dans la
déclaration des EIAS pour développer une véritable culture de la sécurité des soins.
L’IN se définit d’abord par son site, chaque site peut être infecté par diverses
bactéries et un même patient peut subir plusieurs IN.
3- LA DÉCLARATION OBLIGATOIRE
LA SITUATION AILLEURS DANS LE MONDE
•
À notre connaissance la plupart des pays ne déclarent que les IN les plus
importantes ou qui posent un problème de santé publique. Ce sont surtout le
SARM, le C.difficile, ou encore les bactériémies ou autres sites d’IN. Le plus souvent
3
* Il s’agit de l’ensemble des cas signalés, acquis dans le centre hospitalier déclarant ou d’une autre
origine nosocomiale.
11
Janvier 2012 – ADVIN
il s’agit d’ailleurs de signalement sans véritable déclaration obligatoire avec
publication des résultats.
•
Nous disposons en revanche de données intéressantes pour les États-Unis et la
France.
3.1 -
AUX ÉTATS-UNIS
•
Depuis plusieurs années, la « Consumer Union » et des associations d’usagers telles
que le « Committee to Reduce Infection Death » (RID) mènent une campagne pour
obtenir la publication des taux d’IN de chaque établissement de santé à partir de
normes standardisées pour tous.
•
Les diverses associations de spécialistes se prononcent aussi pour le droit du public à
connaître la qualité sécuritaire des soins. Par exemple :
 En 2005, la « Society for Healthcare Epidemiology of America » se prononce
pour la publication des infections associées aux soins(25).
 En 2006, APIC, SHEA et IDSA* 4 (26) publient un modèle de législation pour
cette déclaration.
 En juillet 2009, les mêmes associations se prononcent une nouvelle fois sur
cette déclaration à partir de critères standardisés pour tous les
établissements(27).
•
Actuellement, 28 états ont voté des lois en faveur de cette publication, mais les
critères et les normes retenus varient suivant chacun d’eux. C’est la Pennsylvanie(28)
qui depuis 2006 publie les résultats les plus complets. Les hôpitaux de soins de
courte durée sont classés en quatre catégories suivant leur nombre de lits, les
services offerts, la clientèle desservie. Pour chaque hôpital sont publiés le nombre,
la morbidité, la mortalité, la durée moyenne d’hospitalisation et le coût moyen pour
chaque site d’infection.
3.2 •
EN FRANCE
Depuis 2001, est obligatoire, dans tous les établissements publics et privés, le
signalement des « infections nosocomiales », des « affections iatrogènes » et des
« accidents médicaux ». Tout médecin, infirmière, pharmacien, chirurgien-dentiste,
sage-femme ou membre du personnel paramédical qui constate un ou plusieurs cas
4
* Infections Diseases Society of America.
12
Janvier 2012 – ADVIN
d’infection doit les signaler au médecin responsable du service où les cas sont
apparus et à l’équipe opérationnelle d’hygiène (EOH).
•
Les IN ayant un caractère rare ou particulier doivent être signalées à l’Agence
régionale de santé (ARS) et au Comité de coordination de lutte contre les IN (CCLIN). Ce sont:
 les espèces rares de micro-organismes; les localisations particulières; celles
liées à l’utilisation d’un matériel médical suspect ou à l’exposition d’autres
personnes; les décès liés à une IN; les IN liées à un germe présent dans l’eau
ou l’air de l’environnement; les maladies nosocomiales devant faire l’objet
d’une transmission obligatoire des données individuelles; toute épidémie
nouvelle.
•
L’objectif de ce signalement externe est :
 alerter les autorités sanitaires qui s’assurent de la mise en œuvre des
investigations et des mesures correctives nécessaires;
 analyser et surveiller l’évolution de ces événements, qui peuvent conduire
l’Institut national de veille sanitaire (InVS) à alerter, à tout moment, pour un
risque les concernant, tous les établissements de santé et de proposer au
Ministère de la Santé les recommandations nécessaires à l’échelle nationale.
•
Éventuellement, ces signalements peuvent être transmis aux divers organismes
européens de surveillance des infections.
•
Depuis 2006, le Ministère de la Santé publie un tableau annuel de tous les
établissements de santé publics et privés, classés selon leur performance dans la
prévention des IN. Et depuis 2008, d’autres indicateurs de la sécurité et la qualité
des soins ont été ajoutés à ceux des IN. Actuellement ces indicateurs sont au
nombre de douze(29) :
 Six concernent les IN :
 ICALIN : indice composite des activités de lutte contre les IN;
 ICSHA2 : indicateur de consommation des produits ou solutions hydroalcooliques pour l’hygiène des mains;
 SURVISO : indicateur de surveillance des infections du site opératoire;
13
Janvier 2012 – ADVIN
 ICATB : indice composite du bon usage des antibiotiques;
 Score agrégé élaboré à partir des résultats de chacun des indicateurs
précédents;
 Indice triennal de SARM sur la situation du SARM dans chaque
établissement. Il reflète l’écologie microbienne de l’établissement et sa
capacité à la maîtriser.
 Six autres indicateurs concernent la qualité de la prise en charge du patient :






tenue du dossier du patient;
délai d’envoi du compte-rendu de fin d’hospitalisation;
traçabilité de l’évaluation de la douleur;
dépistage des troubles nutritionnels;
tenue du dossier anesthésique;
prise en charge médicamenteuse de l’infarctus du myocarde après la
phase aiguë.
•
Chaque indicateur est testé auparavant par une équipe de recherche avec des
établissements expérimentateurs. Les établissements sont classés en plusieurs
catégories suivant leur importance, les services offerts, etc. Ils sont notés de A à D
selon leur performance.
•
Depuis 2009, les établissements qui ne respectent pas leurs obligations peuvent être
sanctionnés par une réduction de leur dotation financière.
•
À partir de janvier 2012, en plus du tableau annuel du Ministère de la Santé, chaque
établissement doit mettre à la disposition du public les résultats le concernant.
•
Enfin, depuis octobre 2011, l’InVS met en place un outil électronique de surveillance
des IN. Il allège considérablement la charge de travail de chaque acteur et il permet
de diffuser le signalement sur un site internet sécurisé à tous les acteurs concernés
et à tous les niveaux du système de santé : établissement, C-CLIN, Agences
régionales, etc. Le système permet une réactivité et une interactivité dans la
transmission rapide des données des informations, la gestion des alertes et la prise
en charge d’un épisode aigu (source : InVS.e.SIN).
14
Janvier 2012 – ADVIN
4- AU QUÉBEC : UNE SITUATION PARADOXALE
LES IN NE FONT PAS PARTIE DE LA DÉCLARATION OBLIGATOIRE DES INCIDENTS ET
ACCIDENTS AU COURS DES SOINS ET SONT DÉCLARÉES À PART. ELLES NE FONT DONC
L’OBJET D’AUCUNE ÉVALUATION GOUVERNEMENTALE.
3.1 LES TEXTES DE LOI
•
En décembre 2002, l’adoption du projet de Loi 113 sur la Protection sécuritaire des
soins de santé prévoit que :
 un usager a le droit d’être informé de tout accident survenu au cours de la
prestation des services qu’il a reçus et susceptible d’entraîner des conséquences
sur son état de santé ou son bien-être.
 une personne exerçant des fonctions dans un établissement a l’obligation de
déclarer tout incident ou accident qu’elle a constaté, le plus tôt possible après
cette constatation.
 l’obligation pour tout établissement de mettre en place un comité de gestion des
risques, lequel aura pour fonctions de rechercher, de développer et de
promouvoir des moyens visant à assurer la sécurité des usagers et à réduire
l’incidence des effets indésirables et des accidents liés à la prestation des services
de santé et des services sociaux. De plus, le conseil d’administration d’un
établissement doit prévoir les règles relatives à la divulgation à un usager de
toute l’information nécessaire lorsque survient un accident ainsi que des mesures
de soutien mises à la disposition de l’usager et des mesures visant à prévenir la
récurrence d’un tel accident.
 confie aux régies régionales la responsabilité, dans leur région, d’assurer aux
usagers la prestation sécuritaire de services de santé et de services sociaux.
•
En 2005, le projet de Loi 83 précise que le Comité de gestion des risques a
notamment pour mission :
« De prévenir l’apparition et de contrôler la récurrence des infections
nosocomiales »
•
Loi SSSS :
 la déclaration au sein des ES se fait à l’aide du formulaire AH-223, révisé et
entériné en 2007 +et dont l’usage est rendu obligatoire depuis le 1er avril
2008. Un guide d’utilisation de ce formulaire est publié par le Ministère de la
Santé et des Services sociaux (MSSS). Les IN ne font pas partie de cette
déclaration. Elles doivent être signalées au Service de prévention suivant les
modalités de chaque établissement.
15
Janvier 2012 – ADVIN
 Le registre national : après mise en place des registres locaux, le registre
national est entré en vigueur le 1er mai 2011.
•
En août 2004, le MSSS a rendu obligatoire la déclaration des IN au C.difficile.
4.2 - LES RECOMMANDATIONS DU RAPPORT AUCOUIN (7)
« Elles sont toujours d’actualité pour servir de références ».
•
•
•
« Le public a le droit de connaître le niveau de qualité et de sécurité des soins
dispensés par chaque établissement ».
« Les taux d’infections nosocomiales de chaque établissement, après vérification de
la standardisation et de la comparaison des données, doivent être rendus publics sur
une base régulière »
Quatre autres conclusions et recommandations de ce rapport méritent d’être
rappelées :
 « Même si les connaissances évoluent rapidement dans le domaine de la
prévention et du contrôle des infections nosocomiales, des normes et des lignes
directrices reconnues et efficaces sont disponibles sinon au Québec, du moins
ailleurs. »
 « Nous avons été témoins, tant au niveau local que régional, de la propension à
« réinventer la roue…… ». Nous jugeons que dans un domaine à contenu
scientifique et technique, comme les infections nosocomiales, l’on aurait
avantage à tirer profit des efforts et de la créativité des autres et de l’argent
investi ailleurs. Au lieu de la réinventer, adoptons la roue à notre contexte
spécifique et améliorons-la. »
 « Une des faiblesses paradoxales du réseau de la santé est sa difficulté de
fonctionner en réseau… Les établissements font encore du chacun pour soi,
partagent peu leurs informations, se conduisent parfois davantage comme des
rivaux que comme des partenaires poursuivant des objectifs communs et ayant
des missions complémentaires. »
Et enfin :
 « Le Comité considère que c’est d’abord l’établissement qui est responsable de
la prévention des infections et que la responsabilité première en incombe au
Directeur général et au Conseil d’administration. »
4.3 - LE PLAN D’ACTION 2006-2009 DU MSSS :
16
Janvier 2012 – ADVIN
•
Il reconnait l’importance de la surveillance généralisée de toutes les IN :
 « La surveillance généralisée de toutes les infections nosocomiales, en tout
temps, pour tous les patients, est de loin la plus complète. Elle seule permet de
repérer rapidement les éclosions d’infections dans un centre, de mesurer
l’importance relative du problème et de mesurer les incidences de base ».
 « Il est préférable de procéder à une surveillance prospective et continue plutôt
que rétrospective, afin de procéder à une analyse et des rapports en temps
réel ».
•
Malgré ces constatations ce plan reste dans un cadre rétroactif. Il ne fait que
recommander la surveillance de quelques IN sans y ajouter la déclaration obligatoire
et la publication des résultats, comme il le fait pourtant pour le C.difficile depuis
août 2004.
4.4 – LE PLAN D’ACTION 2010-2015 DU MSSS
•
Il faut ajouter d’autres IN à la surveillance. Mais il n’y est toujours pas question de
déclaration obligatoire.
4.5 – LA DÉCLARATION OBLIGATOIRE DES IN ASSOCIÉES AU C.DIFFICILE
•
Nous faisons état des données publiées par l’INSPQ sous deux formes :
 Données de « surveillance des infections à Clostridium difficile dans les centres
hospitaliers du Québec ». Elles sont publiées 3 à 4 fois par an sous la forme de
tableaux statistiques donnant le taux d’incidence par 10,000 patients/jour pour
chaque mois et pour chacun des 95 établissements de soins de courte durée. La
présentation de ces données est difficilement compréhensible pour la très
grande majorité de la population. On les trouve sur le site du MSSS.
 « Surveillance des diarrhées associées à Clostridium difficile au Québec ». Il
s’agit d’études statistiques très élaborées pour chaque établissement et pour
chaque année à partir d’août 2004. La dernière publication concerne l’année
d’août 2009 à août 2010. Toutes sont publiées sur le site de l’INSPQ.
17
Janvier 2012 – ADVIN
 Dans les deux cas, il s’agit d’études rétrospectives qui ne répondent pas aux
exigences d’une surveillance telle que présentées par le MSSS dans le premier
plan d’action.
•
Ces documents démontrent que:
 après une diminution incontestable entre 2008 et 2010, il y a à nouveau une
augmentation de l’incidence de ces IN en 2010-2011, qui nous ramène au taux
de 2007-2008(18). Il n’y a donc pas véritablement de contrôle de l’épidémie de
C.difficile.
 cette diminution n’est pas généralisée aux 95 hôpitaux concernés. Plusieurs
d’entre eux ont obtenu une diminution importante du nombre de ces IN, avec
des taux proches de 1/10,000 patients-jour, maintenus pour certains depuis le
début de la déclaration obligatoire. Les autres, en revanche, ont vu leur taux
augmenter.
 Il est infiniment regrettable que le travail remarquable de ces hôpitaux
n’apparaisse pas dans les médias comme ils le méritent.
 les données sur le C.difficile viennent confirmer la nécessité de la déclaration
obligatoire de toutes les IN pour une prévention efficace.
4.6 QUE FAIRE ?
•
C’est dans ce contexte international et québécois, qu’en tant qu’association
représentative des usagers du système de santé nous devons agir pour obtenir que
cette déclaration soit rendue obligatoire, au même titre que les EIAS et sur le même
formulaire. Cela fait partie de notre mission de défendre le droit des patients à des
soins sécuritaires. C’est un droit qui nous est reconnu dans le projet de Loi 113.
Pour y parvenir nous devons comprendre ce qu’est une IN, ses conséquences, ses
facteurs de risque, les problèmes médico-légaux qu’elle soulève, pourquoi cette
déclaration n’est toujours pas obligatoire et les obstacles qu’elle rencontre.
•
Ces obstacles sont réels :
 Ils sont d’abord d’ordre épidémiologique : comment et sur quel critère peut-on
dire qu’une infection est nosocomiale, comment la définir.
 Ils sont aussi techniques : lourdeur et coûts de la surveillance de toutes les IN.
 Ils relèvent aussi de l’opposition de tout ou partie du milieu de la santé pour des
raisons autres que les précédentes. Qu’elle soit justifiée ou non, elle existe et
18
Janvier 2012 – ADVIN
doit être comprise, car sans l’adhésion des médecins, des infirmières et des
paramédicaux, cette déclaration reste inefficace.
5 - QU’EST-CE QU’UNE IN ?
L’IN : UN NOUVEAU CONCEPT : L’INFECTION ASSOCIÉE AUX SOINS
Si l’on veut que toutes les personnes impliquées dans l’article 233.1 de la LSSSS
déclarent les IN, il faut qu’elles puissent les reconnaître à partir d’une définition claire,
basée sur des critères standardisés pour tous les établissements, et qui permettent en
cas de litige d’éviter la multiplication des expertises au détriment de la victime.
À titre d’exemple :
 En 2005, au regard des connaissances alors reconnues, le Comité Aucouin
mentionne que « l’IN est un accident médical au sens de la loi ».
 Deux ans plus tard, en 2007, le rapport de la coroner sur les décès dus au
C.difficile à l’hôpital H. Mercier de St-Hyacinthe, précise :
« Les infections nosocomiales sont des complications d’une prestation de soins
dans un établissement de santé. Jamais elles ne pourront être évitées
complètement. En faire systématiquement un accident au sens de la loi serait
inutile. »
 Faudra-t-il alors dans chaque cas une expertise médicale, ou éventuellement,
une enquête de coroner pour définir l’origine nosocomiale d’une infection?
5.1 CES DERNIÈRES ANNÉES L’ÉVOLUTION DES CONNAISSANCES A PERMIS DE
CONSTATER :
•
l’existence d’infections associées aux soins en dehors des hôpitaux, ce qui amène à
un nouveau concept élargi de l’infection « nosocomiale ».
•
l’importance des facteurs de risques autres que « l’acte médical » proprement dit à
l’origine de ces infections.
•
On a donc adopté internationalement le concept « d’Événements indésirables
associés aux soins » (EIAS), qui englobe toutes les conséquences des risques générés
par la prestation des soins de santé, quels que soient leur nature, le lieu où ils sont
pratiqués et le professionnel ou autre personne impliquée.
19
Janvier 2012 – ADVIN
•
Parmi ces EIAS on peut maintenant distinguer :
 « L’infection associée aux soins » (IAS) où l’acte médical n’est pas le seul facteur
de risque.
 La maladie ou affection « iatrogène »* 5, qui est l’effet secondaire indésirable
occasionné par un traitement « médical » ou des médicaments. Le terme
« médical » est ici important, car il implique le professionnel qui a prescrit ou
pratiqué le traitement sans qu’il y ait obligatoirement une erreur ou une faute
professionnelle.
 « Les autres indicateurs de sécurité des patients» (PSI : Patient Safety Indicator),
dont une vingtaine, sont actuellement reconnus comme significatifs aux ÉtatsUnis ou en France par exemple.
5.2 UN NOUVEAU CONCEPT DE L’INFECTION « NOSOCOMIALE »
•
Parce que l’infection dite jusqu’ici « nosocomiale » n’est plus seulement hospitalière
(d’où son nom* 6), on doit parler maintenant « d’infection associée aux soins » (IAS).
•
Cette IAS est alors :
 « nosocomiale » (IN) quand elle est acquise dans un ES quel qu’il soit;
 « communautaire » (IAS-C) quand elle survient en dehors d’un ES, au cours de
soins ambulatoires ou même à domicile.
•
L’IN peut aussi apparaître après la sortie du patient de l’hôpital, par exemple, après
une chirurgie, la pose d’un implant ou d’une prothèse, ou tout traitement
ambulatoire.
Pour que l’infection soit considérée comme « nosocomiale », elle ne doit être ni
« présente » ni en « incubation » au moment de l’admission dans l’établissement. C’est
la notion épidémiologique fondamentale pour la dire nosocomiale, et qui peut poser
problème parce que la durée « d’incubation » d’une infection peut durer de quelques
heures à quelques jours suivant le germe en cause et l’état immunitaire du patient.
5
* Iatrogène : du grec « iatros » qui signifie médecin.
6
* Nosocomiale : vient du grec « nosokomeion » qui signifie hôpital.
20
Janvier 2012 – ADVIN
De plus on voit maintenant de plus en plus de patients porteurs d’un germe pathogène
au moment de l’admission. Sont-ils en incubation d’une infection ou simplement
« colonisés », c’est-à-dire porteurs d’un germe potentiellement pathogène sans
présenter de symptômes cliniques d’infection?
•
Pour pallier cette situation, on a adopté généralement la définition suivante:
Lorsque le statut infectieux du patient n’est pas connu à l’admission, l’infection est
considérée comme nosocomiale si elle survient au moins 48 heures après l’admission;
dans les 30 jours après une chirurgie; ou dans l’année qui suit la pose d’une prothèse
ou d’un implant.
5.3 L’ÉVOLUTION DES CONNAISSANCES SUR LES FACTEURS DE RISQUE DOIT AUSSI
ÊTRE PRISE EN COMPTE DANS LA COMPRÉHENSION ET LA DÉFINITION DES IN
•
Ils doivent être inscrits dans cette définition pour la compléter et répondre aux
problèmes médico-légaux que posent ces infections.
•
Les trois principaux actuellement reconnus sont :
 l’environnement hospitalier;
 le patient lui-même;
 l’acte de soins.
•
L’environnement hospitalier
 Le simple fait d’être admis et de séjourner dans un établissement de santé
peut entraîner la contamination d’un patient et éventuellement son infection
par des germes dont certains peuvent survivre pendant des semaines et parfois
des mois dans cet environnement. La contamination se fait par l’eau, l’air, les
aliments, les surfaces planes, le mobilier, la literie, le linge, etc.
 Son rôle apparaît de plus en plus important. Il concerne aussi bien la conception
architecturale de l’hôpital, que les problèmes d’hygiène ou l’organisation des
soins.
o La conception architecturale de l’hôpital : le rôle des chambres individuelles
dans la prévention des IN
21
Janvier 2012 – ADVIN
On sait qu’héberger un patient dans une chambre à plusieurs lits peut augmenter
jusqu’à 20 fois le risque d’IN(30). Au CUSM 7, à Montréal, la construction de chambres
individuelles a permis de réduire de 50 % le nombre d’IN aux soins intensifs(31). Des
résultats semblables sont signalés aux États-Unis(32).
o Les problèmes d’hygiène
 L’entretien du sol et des autres surfaces : « Un seul bon préposé à l’entretien
peut prévenir plus de maladies qu’une douzaine de médecins peuvent en
soigner »(33).
 les normes actuelles d’entretien et de désinfection des locaux ne sont pas
toujours efficaces pour éliminer certaines bactéries multi-résistantes, de même
pour les vêtements de travail, nettoyés aux domiciles des employés avec des
moyens pas forcément appropriés...
o L’organisation des soins en général(34)






Organisation et surveillance du circuit du linge propre et sale.
Organisation et surveillance du circuit des déchets.
Traitement des déchets.
Hygiène de l’alimentation.
Traitement et surveillance des installations de l’air et de l’eau.
Maîtrise du risque infectieux en cas de travaux dans l’hôpital, etc.
o L’adhésion du personnel à l’hygiène des mains dépend aussi de la
disponibilité, l’entretien du matériel et des produits qui doivent être disposés
à portée de main du personnel.
o L’organisation des ressources humaines(34)
 Un ratio infirmière/patient en soins intensifs supérieur à 2.2 amène une
diminution de 26.7 % du nombre d’IN.
 Une rotation (« turnover ») du personnel trop élevée entraîne, au contraire, leur
augmentation.
7
Centre universitaire de santé McGill.
22
Janvier 2012 – ADVIN
 Le nombre d’heures passées auprès des patients par les infirmières/iers : une
heure de soins de plus par patient et par jour réduit de 12 % le nombre d’IN.
 Un taux trop important d’occupation des lits augmente aussi le nombre
d’infections.
•
toutes ces données confirment que la prévention des IN est d’abord et avant tout un
problème de gestion(7). Le nombre d’IN témoigne que cette gestion ne répond pas
aux exigences de la médecine moderne et de la sécurité du patient. Elles indiquent
aussi que les IN et les EIAS ne peuvent être assimilés à un « accident médical », au
sens strict du terme. C’est un point important pour comprendre les responsabilités.
•
Le patient lui-même est un facteur de risque important
 Les patients au système immunitaire affaibli par l’âge, la maladie ou le
traitement sont plus à risque de contracter une IN. Ils doivent être isolés en
chambre individuelle, éventuellement à pression d’air positive.
 De plus en plus de patients sont colonisés au moment de l’admission par un
germe potentiellement pathogène. Ils sont des foyers de contamination pour
l’environnement, les autres patients, le personnel ou les visiteurs. Eux aussi
doivent être isolés en chambre individuelle.
 Ces deux situations rappellent le rôle majeur de l’environnement et des
structures hospitalières dans l’acquisition d’une infection nosocomiale ainsi que
la responsabilité des directions générales et des conseils d’administration.
•
L’acte de soins
 L’acte de soins pour sa part englobe tous les soins requis par le patient :
diagnostic, traitement initial et de suivi, soins palliatifs, prévention, rééducation,
etc.
•
Cette multiplicité de facteurs de risques, souvent associés, a les conséquences
suivantes :
 la prévention des IN « concerne l’ensemble du personnel et des services qui
participent à la prestation des soins », tant au niveau des ES que des autorités
sanitaires régionales et nationale(10).
 les problèmes systémiques des IN sont plus souvent dommageables pour les
patients que les professionnels individuellement. En cas d’IN, c’est l’ES qui doit
23
Janvier 2012 – ADVIN
être présumé responsable sauf à apporter la preuve d’une cause extérieure. Les
professionnels, médecins et infirmières, ne peuvent être tenus responsables
qu’en cas d’erreur ou de faute professionnelle dûment prouvée comme portant
atteinte à la sécurité du patient. Ces notions doivent apparaître dans le guide
d’utilisation du formulaire de déclaration.
5.5 POUR CONCLURE CE RAPPEL DES PROBLÈMES POSÉS PAR LA DÉFINITION DES IN ET
L’IMPORTANCE DES DIVERS FACTEURS DE RISQUE, L’IN PEUT SE DÉFINIR AINSI :
« Une infection associée aux soins qui survient au cours ou au décours de la prise en
charge d’un patient par un établissement de santé pour des soins à visée diagnostique,
thérapeutique, palliative, de prévention, de rééducation.»
Elle est considérée comme nosocomiale si elle n’est ni présente ni en incubation au
moment de la prise en charge. Lorsque le statut infectieux du patient au moment de
cette prise en charge n’est pas connu, elle est nosocomiale si elle survient au moins 48
heures après le début de cette prise en charge, ou dans les 30 jours après une chirurgie,
ou dans l’année qui suit la mise en place d’une prothèse ou d’un implant.
6 - LES PROBLÈMES TECHNIQUES
Ils sont réels, mais évitables. Ce sont la lourdeur du processus de surveillance
généralisée et son coût. C’est une objection souvent évoquée dans le milieu de la santé.
6.1 LA LOURDEUR DU PROCESSUS
•
Quelle que soit la personne ayant déclaré l’infection, son origine « nosocomiale »
doit être confirmée par le personnel en prévention des infections. C’est une
procédure qui prend beaucoup du temps de ce personnel au détriment du travail en
prévention sur le terrain. Elle est de ce fait souvent mal acceptée, apparaît comme
une procédure « bureaucratique » dont l’intérêt et les résultats n’apparaissent pas
évidents parce que non publiés et ne permettant pas de ce fait d’en apprécier
l’impact sur l’amélioration des IN.
•
Se limiter à la surveillance et à la déclaration de quelques IN connues pour leur
gravité ou leur éclosion, si elle économise du temps, risque de produire des résultats
24
Janvier 2012 – ADVIN
avec une précision insuffisante et des erreurs dommageables à l’efficacité
recherchée de la prévention.
•
Nous disposons de l’expérience d’études sur la surveillance électronique des IN
publiées en 2009 à la Conférence annuelle de l’APIC(35).
Elle diminue
considérablement le temps nécessaire à cette surveillance. À titre d’exemple, en
soins intensifs, celle des IN urinaires sur cathéters prend 8 heures/semaine à une
infirmière en prévention, mais seulement 1 heure 30 avec la surveillance
électronique. Aux États-Unis, on constate que de plus en plus d’hôpitaux adoptent
cette nouvelle technique. En France, l’InVS, nous l’avons vu, met en place une
surveillance électronique des IN.
•
Au Québec, en septembre 2011, la Direction de la Santé publique de Montréal* 8
vient de recommander « l’implantation d’outils informatiques facilitant le réveil et
l’analyse des données portant sur les ISO* 9 selon le risque, permettant aux
établissements de comparer leur performance aux standards nord-américains, de
quantifier le nombre d’infections évitables ou leurs complications pour en prévenir
un plus grand nombre ».
6.2 LES COÛTS
•
S’agissant d’un investissement en prévention, ils ne doivent pas être un obstacle. Ils
seraient largement amortis par les économies générées par la diminution des IN et
des coûts d’opération. C’est une des conclusions du Rapport Aucouin(4), tout comme
de l’INSPQ(12) et du dernier Plan d’action du MSSS (février 2011).
7 - L’OPPOSITION DU MILIEU DE LA SANTÉ
•
C’est dans la réalité le problème majeur qui n’est d’ailleurs pas particulier au
Québec. On l’a constaté aux États-Unis ou en Europe et avec les mêmes arguments,
parce que la résistance au changement est propre à tous les groupes, organismes ou
sociétés.
8
* Direction de la Santé publique de Montréal. Infections nosocomiales. Problématique. 14 septembre
2011.
9
* ISO : Infections du site opératoire.
25
Janvier 2012 – ADVIN
•
En France, cette résistance au signalement vient d’être analysée par une
sociologue(36). Elle relève :






les difficultés diagnostiques sur l’origine nosocomiale de l’infection;
la faible participation des médecins et des paramédicaux;
l’assimilation de l’IN à une faute; un échec mal perçu par les cliniciens;
le signalement considéré comme une délation;
la lourdeur du processus;
la mauvaise perception du risque infectieux nosocomial.
•
Au Québec, malgré les recommandations du Rapport Aucouin et les textes législatifs,
les IN n’ont pas été introduites dans la déclaration des incidents et accidents.
L’opposition du milieu de la santé en est-elle la cause ? C’est une question que
nous devons analyser pour la comprendre et y répondre. Et il est de l’intérêt aussi
bien des usagers que des différents intervenants dans la prestation des soins de
santé que ce problème soit abordé sans a priori. Ce sont la sécurité et souvent la vie
des patients dans nos hôpitaux qui sont en jeu.
•
Selon notre expérience et les données de la littérature, en particulier du Journal de
l’Association médicale canadienne, les principaux arguments contre cette
déclaration sont, en dehors des problèmes techniques évoqués ci-dessus :
 la difficulté de définir des normes standardisées, applicables à tous les
établissements trop différents les uns des autres. « On ne peut comparer des
pommes et des oranges », avons-nous souvent entendu.
 La crainte d’une multiplication des litiges, d’une judiciarisation excessive et
injustifiée de la pratique des soins.
 Le coût des indemnisations consécutives à ces litiges et qui mettraient en danger
l’assurabilité des établissements.
 Et surtout la difficulté du milieu de la santé de s’adapter à une nouvelle
« culture » de la gestion des soins rendus nécessaires par l’évolution de la
médecine moderne et les risques qu’elle engendre. C’est aussi la conclusion du
Colloque sur les IN de mars 2010 à propos de cette déclaration : « C’est tout un
changement de culture, une évolution et une transformation du comportement
humain, impliquer le patient…. apprendre des erreurs, responsabiliser tout un
chacun. »
26
Janvier 2012 – ADVIN
7.1 « ON NE PEUT COMPARER DES POMMES ET DES ORANGES »
•
C’est un faux argument. Au Québec, l’INSPQ publie déjà depuis 2004 pour le
C.difficile et 2007 pour les bactériémies au SARM, les taux d’IN de chacun des 95 ES
de soins de courte durée. Et en juin 2011, l’AQESSS vient de publier les
performances de chaque hôpital dans la qualité de la prestation des soins.
•
Nous venons de voir qu’aux États-Unis ou en France le signalement de toutes les IN
est maintenant adopté, et qu’il est possible de publier des tableaux comparatifs des
résultats de chaque établissement.
•
D’autres pays européens, Suède, Pays-Bas ou Allemagne, publient aussi les
performances de leurs ES à partir d’indicateurs de qualité des soins.
7.2 L’AUGMENTATION DES LITIGES – UNE JUDICIARISATION INJUSTIFIÉE DE LA
PRESTATION DES SOINS
7.2.1 Rien non plus ne justifie cette crainte
 Dans la mesure où la déclaration obligatoire a pour objectif l’amélioration de
la prévention, on doit s’attendre à une diminution des IN et par conséquent
des plaintes.
7.2.2 L’expérience des pays qui ont un système d’indemnisation sans égard à la faute
des IN – Danemark, Suède, Nouvelle-Zélande
 L’expérience de ces pays montre que c’est le plus souvent le manque
d’information des patients et de leur famille qui est à l’origine des plaintes.
En Nouvelle-Zélande, depuis 1998, on a constaté que 50 % des plaignants ne
souhaitaient pas une compensation financière, mais voulaient que leur
propre cas serve à améliorer la qualité des soins en obligeant les
établissements à mettre en œuvre les mesures nécessaires pour éviter que
leur accident se reproduise(37).
7.2.3 En France, nous disposons d’un important rapport de l’Assemblée nationale de
2009 sur le régime d’indemnisation des IN mis en place en 2002(38)
 Ce régime favorise le règlement des plaintes par une procédure de
conciliation entre les parties devant des « Commissions régionales de
conciliation et d’indemnisation ». Sur plus de 20,000 dossiers déposés
27
Janvier 2012 – ADVIN
devant ces Commissions, 5,000 seulement ont abouti à des plaintes dont
24 % pour IN. Ce rapport révèle également qu’aussi bien les usagers que les
professionnels et les établissements sont satisfaits de ce système dont ils
demandent néanmoins l’amélioration.
7.3 L’AUGMENTATION DES COÛTS D’INDEMNISATION ET L’ASSURABILITÉ DES
ÉTABLISSEMENTS
•
Nous n’avons trouvé aucune statistique pour justifier cette crainte. Et, ici encore, il
faut rappeler que les économies générées par la diminution des IN et des coûts
d’opération peuvent être utilisées en partie dans ce domaine.
•
C’est une des conclusions du Rapport Aucouin :
 « La prévention et le contrôle des infections nosocomiales non seulement s’autofinancent, mais dégagent des économies substantielles pouvant être réinvesties
dans l’amélioration de l’accessibilité aux soins. »
•
La même constatation est faite dans le dernier Plan d’Action du MSSS de février
2011 :
•
« En plus de couvrir largement les frais d’un programme de prévention et de contrôle
des infections nosocomiales, les sommes économisées au chapitre de ces infections
nosocomiales évitables pourront être investies ailleurs, dans la réponse à d’autres
besoins en santé. La prévention des infections nosocomiales représente donc un
investissement au bénéfice de toute la population du Québec. »
7.4 UNE NOUVELLE CULTURE DE LA GESTION DES SOINS
•
C’est le principal problème lié à la difficulté de tout organisme ou groupe social de
s’adapter aux changements. Plusieurs éditoriaux et articles récents du Journal de
l’Association médicale canadienne ont été consacrés au manque de transparence de
notre système de santé, et à la difficulté pour les professionnels de signaler leurs
« erreurs ». Nous retrouvons ici les mêmes difficultés qu’en France(39).
28
Janvier 2012 – ADVIN
•
Ils mentionnent :
 « la crainte des médecins d’être impliqués et éventuellement poursuivis pour des
événements indésirables associés aux soins et leur crainte d’être abandonnés par
leurs pairs en cas de poursuite »(39).
 « En soins de santé lorsqu’il se produit une erreur médicale, la crainte de
poursuite l’emporte souvent sur la divulgation et les excuses… La divulgation
intégrale constitue la solution responsable sur les plans éthiques et
professionnels. Elle est aussi vitale pour l’amélioration de la sécurité des patients
et de la qualité des soins »(40).
 « La publication des taux d’IN est urgente. Le véritable potentiel de changement
repose sur un changement de comportement des professionnels de la santé.
C’est un gros défi »(41).
 « Mesurer les performances est essentiel dans un système de santé centré sur le
patient… Un changement de paradigme est nécessaire pour avoir un système de
santé véritablement centré sur les besoins des patients. Ce changement ne se
produira que si les patients ont accès à la nécessaire information leur permettant
de prendre leur décision concernant leurs soins de santé… C’est un problème
d’éthique, d’honnêteté, d’ouverture et de respect des usagers »(42).
•
La transparence, l’évaluation des performances, la reconnaissance des erreurs et la
reddition de compte, considérer le patient comme un partenaire ne font toujours
pas partie de la culture médicale, au Québec comme ailleurs. Médecins, infirmières,
mais aussi gestionnaires, acceptent difficilement de voir leur pratique quotidienne
remise en question et confrontée à des litiges. Même si cela remet en question la
nécessaire relation de confiance entre soignant et soigné.
•
En 2002 déjà, aux États-Unis, le rapport de l’Institute of Medicine, « To Err is
Human », avait montré la nécessité d’une nouvelle approche dans la relation
patient-soignant . « Le patient et sa famille doivent être considérés comme des
partenaires de leur équipe de soins »(2).
•
En 2005, en France, l’Académie de Médecine rappelait que « l’éducation du grand
public fait partie de la gestion scientifique et sociale du risque infectieux
nosocomial »(3). Et en juin 2006, elle insistait sur l’importance de la transparence
dans la relation soignant-soigné : « La plupart des conflits entre soignant et soigné
sont liés à une carence de la communication. La confiance que le malade place en
son médecin s’en trouve altérée »(4).
29
Janvier 2012 – ADVIN
7.5 EN TANT QU’ASSOCIATIONS REPRÉSENTATIVES DES USAGERS DE NOTRE SYSTÈME
DE SANTÉ, NOUS DEVONS CLAIREMENT EXPOSER NOTRE POSITION SUR CE
SUJET :
La situation actuelle est contre-productive. Elle est contraire aussi bien aux intérêts et
aux droits des usagers qu’à ceux des professionnels. Promouvoir la transparence est
dans l’intérêt de tous.
•
L’objectif de la déclaration obligatoire des IN n’est pas la recherche d’erreurs ou de
fautes. On ne déclare pas dans une perspective disciplinaire.
Cela ne veut pas dire qu’il faut absoudre toutes les fautes. Les établissements et les
professionnels doivent admettre que lorsqu’il y a eu prise de risque délibérée
mettant en danger la sécurité des patients, il doit y avoir sanction. Il appartient aux
autorités responsables d’en décider. Et cela fait aussi partie de la prévention.
•
L’objectif de la déclaration obligatoire est d’abord la prévention des IN
Elle est la base de tout programme de « surveillance prospective » sans lequel il n’y a
pas de prévention efficace.
Elle entre dans le cadre d’une politique de « Tolérance Zéro » justifiée par l’efficacité
des mesures de prévention qui permettent maintenant de « viser l’élimination des
IN ». Cela signifie :
 la reconnaissance de l’importance et de la permanence du risque infectieux lié
aux soins. Parce que les bactéries et autres germes font partie de notre
environnement, de notre écosystème
 chaque IN doit être considérée comme inacceptable parce que potentiellement
évitable, pour en rechercher les causes et éviter qu’elle se reproduise.
et pour cela toute IN doit être connue et donc déclarée.
•
Les usagers et le public en général comprennent que les défaillances et les erreurs
sont toujours possibles dans une pratique de soins à risque élevé
Il est évident que médecins et infirmières ne se rendent pas à l’hôpital chaque matin
dans l’intention de nuire à leurs patients. Chacune et chacun pensent respecter les
règles de bonne pratique dans la mesure des moyens qui leur sont donnés. On ne
peut leur reprocher de n’avoir pas isolé un patient en l’absence de chambres
30
Janvier 2012 – ADVIN
individuelles. L’hygiène et la désinfection des locaux ne sont pas de leur
responsabilité.
Mais on est en droit de leur reprocher de ne pas dénoncer l’absence des moyens
qu’ils savent nécessaires à une sécurité optimale des soins et d’en informer les
usagers.
•
Ce que les usagers et le public n’acceptent plus est qu’on leur cache la vérité
Professionnels, gestionnaires, décideurs doivent comprendre le sentiment de
frustration, d’angoisse, d’injustice et souvent de colère que ressentent les patients
et leurs familles face à une infection acquise au cours des soins et sans rapport avec
la maladie qui les a amenés à l’hôpital. Parce que si chaque maladie est souvent
ressentie comme injuste, l’infection nosocomiale est encore plus injuste. Parce
qu’on entre à l’hôpital pour être soigné. Ils veulent savoir pourquoi, pour que cela
ne se reproduise pas. Et les informations publiées par le MSSS et l’INSPQ sur les IN
ne répondent pas à cette attente parce que publiées sous une forme difficilement
compréhensible pour le public.
Ce que nous demandons, et notre message est clair, c’est la promotion d’une
politique de gestion des risques fondée sur la transparence et la participation
effective des usagers telle qu’elle est inscrite dans le projet de Loi 113, et telle
qu’elle est recommandée par l’OMS, la plupart des spécialistes, l’Institute of
Medicine aux États-Unis ou l’Académie de médecine en France.
Nous savons que les infections nosocomiales sont devenues un problème majeur et
une priorité de santé publique au Québec comme ailleurs dans le monde.
Mais nous savons aussi qu’elles ne sont pas une fatalité. Nous disposons des
connaissances et des moyens pour en éviter au moins 70 % et parfois plus pour
certaines d’entre elles. Cela a été encore démontré au Colloque sur les infections
nosocomiales de mars 2010, à Montréal. Au Québec, comme ailleurs, des hôpitaux y
parviennent. Alors pourquoi pas les autres? Et viser leur élimination est maintenant
possible.
Nous savons encore que cette prévention passe d’abord par la surveillance de toutes
les IN et par conséquent par leur déclaration obligatoire.
•
Nous demandons qu’on applique les recommandations du rapport Aucouin sur le
droit des usagers et du public de connaître le taux d’IN de chaque établissement et
la qualité sécuritaire de leur prestation des soins. Seule cette publication permettra
31
Janvier 2012 – ADVIN
aux établissements de se comparer et de tirer parti de l’expérience des autres pour
améliorer leur performance dans la gestion des risques associés aux soins.
•
Et elle est aussi indispensable pour permettre l’indemnisation des dommages liés à
ces IN. Elle est actuellement pratiquement impossible dans le cadre du régime de
responsabilité civile du Québec. En raison de la multiplicité des facteurs de risques,
seule cette déclaration obligatoire permet au patient de dire l’origine nosocomiale
de son infection en évitant la multiplication d’expertises longues, coûteuses et
aléatoires.
CONCLUSION
•
Depuis l’éclosion de l’épidémie de C.difficile et sa médiatisation en 2002-2004, des
progrès indiscutables ont été accomplis dans la prévention des IN. Mais ils ne sont
pas suffisants.
•
Beaucoup trop d’établissements ont encore des résultats décevants selon les
dernières données statistiques de l’INSPQ, qui démontrent par la même l’intérêt de
la déclaration obligatoire.
•
Rien ne justifie la non -intégration actuelle des infections nosocomiales dans la
déclaration obligatoire des « incidents et accidents médicaux » par chaque
établissement de santé.
•
Le formulaire AH223 de cette déclaration et son guide d’utilisation doivent donc être
révisés pour inclure ces infections.
•
Mais ils doivent aussi tenir compte de l’évolution des connaissances dans le domaine
des risques associés aux soins de santé. L’importance maintenant reconnue des
facteurs de risque autres que « l’acte de soins » proprement dit, et en particulier
l’environnement hospitalier, amène à élargir la notion de risque au-delà de celle
d’accident « médical ». On doit maintenant parler « d’événements indésirables
associés aux soins » qui doivent être déclarés et dont ne peuvent être dissociées les
« infections nosocomiales », qui sont des « infections associées aux soins » acquises
au cours ou au décours du séjour dans un établissement de santé quel qu’il soit.
32
Janvier 2012 – ADVIN
•
Enfin, pour faciliter cette déclaration, le guide d’utilisation doit donner une
définition des divers « événements indésirables » qui doivent être déclarés. Et pour
les infections nosocomiales, cette définition doit tenir compte de leur caractère
multifactoriel qui implique la responsabilité première de l’établissement dans leur
prévention. La définition des principaux facteurs de risque à l’origine de ces
infections doit également être partie dans ce guide d’utilisation.
•
Définir et évaluer la qualité et la sécurité des soins est une démarche fondamentale
pour améliorer notre système de santé. Pour y parvenir, il faut entre autres,
recueillir de manière systématique les données sur les risques associés aux soins et
en particulier le risque infectieux. C’est le rôle de la déclaration obligatoire de
toutes les IN.
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Janvier 2012 – ADVIN
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