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Délit d’initié
Un directeur de KPMG
offrait des conseils
contre de petits cadeaux.
Samedi
13 avril 2013
16
Mécanique
Polaris s’offre
les autos sans
permis d’Aixam.
15
Café
OPA à 7,5 milliards
d’euros sur Douwe
Egberts.
INTERVIEW
VINCENT GEORIS
L’ancien patron des «verts» fran-
cophones, arrivé à la tête de
Meusinvest il y a quelques se-
maines à peine, veut remettre
l’église au milieu du village.
Face aux projets évoqués par
certains d’utiliser les moyens des sociétés
d’investissement pour combler les déséqui-
libres du budget wallon, voire de les regrou-
per sous une seule coupole, il oppose un
non catégorique.
«Mauvaise idée. Nous avons intérêt à acti-
ver la relance économique pour créer de l’em-
ploi durable», estime Jean-Michel Javaux.
«Sinon, nous nous enfoncerons dans la moro-
sité. On ne peut couper les soutiens à la crois-
sance».
Doté de 261 millions d’euros destinés au
soutien des PME liégeoises en phase de
croissance, Meusinvest détient un porte-
feuille de plus de 240 entreprises, issues de
tous les secteurs d’activité. Aux yeux de son
président, l’invest doit rester un levier pour
la croissance, dans un bassin liégeois frappé
par la crise.
Président de Meusinvest, administrateur
de Lampiris… Pourquoi cette arrivée dans
les affaires?
C’est toute une démarche. Je suis petit-fils
d’entrepreneur, j’ai vécu les moments diffi-
ciles de l’entreprise de mon grand-père. J’ai
aussi été commercial dans une petite PME
du brabant wallon. Quand je suis devenu
président d’Ecolo, après 2003 et l’affaire
Francorchamps, Ecolo était considéré
comme le fossoyeur de l’emploi. Ma pre-
mière décision a été de travailler sur la pré-
paration d’un programme articulant éco-
logie et économie. J’ai fait le tour des fédé-
rations patronales et de beaucoup d’entre-
prises wallonnes. Tout ça a réveillé ma fibre
d’entrepreneur. J’aime aller là où ne m’at-
tend pas.
Vous êtes passé par une High School amé-
ricaine. Ce fut une expérience utile?
Oui, j’ai découvert là-bas la volonté d’entre-
prendre. Par contre ici, peu de jeunes, en
sortant des études, ont envie de devenir
leur propre patron. Ce qui aux Etats-Unis
arrive spontanément.
Peut-on faire de l’argent avec le dévelop-
pement durable?
Oui, le «vert» permet de faire de l’argent.
Par exemple grâce aux économies d’éner-
gie, on conserve l’argent qu’on ne dépense
pas et on soutient les entreprises du sec-
teur. Mais il faut éviter un «green short
term». Il faut viser l’économie durable
comme vecteur de production mais aussi
comme moelle épinière de l’entreprise:
diminuer son empreinte écologique, faire
attention à l’évolution des zonings. Un
domaine où les Scandinaves sont cham-
pions.
Pourquoi avoir choisi Meusinvest?
Je me sens profondément liégeois, et nous
sommes à un tournant de la crise.
Meusinvest a d’ailleurs été créé en période
de crise, en 1985. L’ouverture de Meusinvest
vers de nouveaux secteurs m’intéresse. Et
pas uniquement le développement dura-
ble, mais aussi les biotechnologies, les ser-
vices, l’économie créative. Je suis fasciné par
l’innovation, les métiers de la santé.
Comment voyez-vous votre rôle?
Je me vois comme un ambassadeur.
Comme quelqu’un qui va sur le terrain
pour mettre les gens en réseau et amener
des idées. Je rencontre depuis longtemps
beaucoup d’entrepreneurs. Je vais au cercle
de Wallonie. Mon réseau pourrait permet-
tre de dépasser le scénario de «chiens de
faïence».
Votre parcours politique ne risque-t-il pas
de vous mettre des bâtons dans les roues?
Je ne pense pas. Je connais Meusinvest
depuis longtemps, et j’ai appris en poli-
tique à faire de la corporate gouvernance.
Je ne suis pas là, en tout cas, pour orienter
politiquement Meusinvest. Ici, les dossiers
sont instruits par des experts, ils vont
ensuite au comité d’investissement, puis au
conseil d’administration. En fonctionnant
de la sorte, Meusinvest a réussi à se forger
une crédibilité. Notre rôle est clair: aider les
entreprises qui ont besoin de croissance. Et,
pour cela, je ne me substitue pas au direc-
teur général.
Meusinvest a investi 35 millions d’euros en
2011-2012. Un record. Que prévoyez-vous
pour l’exercice en cours?
Nous sommes partis pour faire plus. Fin
février, nous étions déjà à 30 millions d’eu-
ros, et notre exercice se termine en juin.
Nous dépasserons nos résultats précé-
dents. Nous avons déjà 35 entreprises de
plus qu’au début de l’exercice. Nous
sommes à environ 5.000 emplois consoli-
dés.
Par rapport à la morosité ambiante, cela
veut dire qu’il existe un potentiel d’activité
à Liège. Nous soutenons plus de 240 entre-
prises. Nous pouvons encore aller plus loin,
surtout en période de crise.
Meusinvest pourrait-il contribuer à résou-
dre le déséquilibre budgétaire de la Ré-
gion?
On nous a dit, à un moment donné, qu’on
irait chercher dans les outils d’investisse-
ments disponibles pour équilibrer les bud-
gets publics. Mauvaise idée. Nous avons
intérêt à activer la relance économique
pour créer de l’emploi durable. Sinon, nous
nous enfoncerons dans la morosité. On ne
peut couper les soutiens à la croissance. Si
on venait chercher les moyens de
Meusinvest, il nous resterait un an à vivre.
Ce serait une catastrophe sans nom.
Meusinvest est là pour prendre des risques.
C’est pour cela que Meusinvest est présent
au capital de près de 60% des sociétés que
nous avons en portefeuille.
Vers quels projets allez-vous orienter vos
investissements futurs?
Ce qui est fascinant, c’est que Meusinvest
s’occupait historiquement de politique
industrielle, de constructions métalliques,
et que nous connaissons aujourd’hui une
grande diversité. Nous assistons à une
explosion d’activités dans les biotechnolo-
gies, dans l’aérospatial, avec le nouvel air-
bus, et dans le pôle image –et pas unique-
ment dans les films –, autour de l’aéroport
de Liège. Je pense aussi au professeur
Joseph Martial, le fondateur d’Eurogentec,
qui est à l’origine, avec Nanocyl, de déve-
loppements nouveaux dans la biologie
moléculaire et le génie génétique.
Quelle réponse pouvez-vous apporter au
déclin de la sidérurgie liégeoise?
Nous ne referons plus de la sidérurgie
comme avant. Nous n’arriverons pas à faire
moins cher qu’ailleurs dans le monde. J’ai
eu des conversations avec des experts sur le
sujet: il faut bien constater que les gens
croient de moins en moins aux gigan-
tesques sites intégrés. C’est pourquoi nous
essayons de diminuer l’«arcelodépen-
dance» de certains sous-traitants, de les
diriger vers de nouveaux créneaux. Je crois
beaucoup dans certains outils perfor-
mants. Par exemple, dans une entreprise
comme Arceo, dont les applications en
acier, d’une qualité impressionnante, per-
mettent de faire des économies d’énergie.
CMI, Mithra, Lampiris et Herstal Group
viennent d’entrer dans le capital de Meus-
invest. Le privé pèse désormais 41,17%.
Qu’est-ce que cela va changer?
L’ouverture au privé permet de réduire la
crainte d’une mainmise du politique. C’est
un signal très fort. Quatre capitaines d’en-
treprises vont apporter une crédibilité sup-
plémentaire. Dont deux, Fornieri (Mithra)
et Venanzi (Lampiris), se sont faits tous
seuls. Ils sont partis de rien, comme Steve
Jobs ou Bill Gates.
Les pouvoirs publics ont-ils perdu le
contrôle de l’invest?
Non, avec 41,67%, nous conservons le pou-
voir de décision. En même temps, la Région
wallonne envoie un signal pour dire qu’elle
a confiance dans les entrepreneurs pour
activer le plan Marshall. La Wallonie n’a
plus besoin de planification à la Russe.
Nous disposons d’un montant de 261 mil-
lions d’euros en moyens d’action. Ce n’est
pas rien. C’est un outil performant et pas-
sionnant. Sinon, je ne serais pas là. Je ne
suis pas ici pour me recaser juste quelques
mois dans n’importe quel truc foireux.
Meusinvest peut-il redynamiser le bassin
liégeois?
Je dirais plutôt «transformer». Nous pas-
sons de trois ou quatre grandes sociétés à
un tissu de PME dans différents secteurs.
Nous avons un potentiel énorme dans les
métiers liés au solaire, à la gestion de l’eau,
à la logistique, aux biotechs, à la construc-
tion, même si les mesures fédérales fiscales
sur la construction, dans l’isolation, ont
pénalisé le secteur et des emplois qui
étaient pourtant peu délocalisables. Et
même si on critique le flou des certificats
verts, les carnets de commandes dans le
photovoltaïque sont pleins. Il reste aussi
des secteurs à conquérir. On a trop peu
investi dans les technologies de l’informa-
tion. La Wallonie n’a pas plongé dans le
train, misé sur la création de logiciels.
Google investit ici, tant mieux, ça fait de
l’emploi. Mais ce n’est pas wallon.
Songez-vous à un retour en politique na-
tionale?
Oui, il y a toujours des retours possibles.
Mais j’ai pris pour habitude de m’investir à
fond dans les mandats où je suis. Je me pro-
jette rarement à 10 ans…
«Meusinvest est là pour prendre des risques»
Entreprises
CV EXPRESS
JEAN-MICHEL JAVAUX
Né à Liège en 1967, il est licencié en
sciences politiques de l’ULB, diplômé
de la High School de Fillmore à New
York et de l’Université de Hull
(Grande-Bretagne).
Il est bourgmestre d’Amay depuis
2006, président de Meusinvest,
administrateur de Lampiris, vice-
président du conseil d’administration
des Villes et Communes de Wallonie.
Jean-Michel Javaux a coprésidé le
parti écologiste francophone de 2003
à 2012, entrant en fonction alors que
les «verts» venaient de subir l’une des
pires crises de leur existence, avec
l’aaire de Francorchamps.
«Nous avons intérêt
à activer la relance
économique pour créer
de l’emploi durable.»
Jean-Michel Javaux,
président de Meusinvest
© WIM KEMPENAERS
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