15 16 15 Délit d’initié Un directeur de KPMG offrait des conseils contre de petits cadeaux. Mécanique Polaris s’offre les autos sans permis d’Aixam. Café OPA à 7,5 milliards d’euros sur Douwe Egberts. Samedi 13 avril 2013 Entreprises «Meusinvest est là pour prendre des risques» Meusinvest est là pour prendre des risques. C’est pour cela que Meusinvest est présent au capital de près de 60% des sociétés que nous avons en portefeuille. CV EXPRESS JEAN-MICHEL JAVAUX Vers quels projets allez-vous orienter vos investissements futurs? Ce qui est fascinant, c’est que Meusinvest s’occupait historiquement de politique industrielle, de constructions métalliques, et que nous connaissons aujourd’hui une grande diversité. Nous assistons à une explosion d’activités dans les biotechnologies, dans l’aérospatial, avec le nouvel airbus, et dans le pôle image – et pas uniquement dans les films –, autour de l’aéroport de Liège. Je pense aussi au professeur Joseph Martial, le fondateur d’Eurogentec, qui est à l’origine, avec Nanocyl, de développements nouveaux dans la biologie moléculaire et le génie génétique. Né à Liège en 1967, il est licencié en sciences politiques de l’ULB, diplômé de la High School de Fillmore à New York et de l’Université de Hull (Grande-Bretagne). Il est bourgmestre d’amay depuis 2006, président de Meusinvest, administrateur de Lampiris, viceprésident du conseil d’administration des Villes et Communes de Wallonie. Jean-Michel Javaux a coprésidé le parti écologiste francophone de 2003 à 2012, entrant en fonction alors que les «verts» venaient de subir l’une des pires crises de leur existence, avec l’affaire de Francorchamps. Quelle réponse pouvez-vous apporter au déclin de la sidérurgie liégeoise? Nous ne referons plus de la sidérurgie comme avant. Nous n’arriverons pas à faire moins cher qu’ailleurs dans le monde. J’ai eu des conversations avec des experts sur le sujet: il faut bien constater que les gens croient de moins en moins aux gigantesques sites intégrés. C’est pourquoi nous essayons de diminuer l’«arcelodépendance» de certains sous-traitants, de les diriger vers de nouveaux créneaux. Je crois beaucoup dans certains outils performants. Par exemple, dans une entreprise comme Arceo, dont les applications en acier, d’une qualité impressionnante, permettent de faire des économies d’énergie. INTERVIEW VINCENT GEORIS L’ ancien patron des «verts» francophones, arrivé à la tête de Meusinvest il y a quelques semaines à peine, veut remettre l’église au milieu du village. Face aux projets évoqués par certains d’utiliser les moyens des sociétés d’investissement pour combler les déséquilibres du budget wallon, voire de les regrouper sous une seule coupole, il oppose un non catégorique. «Mauvaise idée. Nous avons intérêt à activer la relance économique pour créer de l’emploi durable», estime Jean-Michel Javaux. «Sinon, nous nous enfoncerons dans la morosité. On ne peut couper les soutiens à la croissance». Doté de 261 millions d’euros destinés au soutien des PME liégeoises en phase de croissance, Meusinvest détient un portefeuille de plus de 240 entreprises, issues de tous les secteurs d’activité. Aux yeux de son président, l’invest doit rester un levier pour la croissance, dans un bassin liégeois frappé par la crise. Président de Meusinvest, administrateur de Lampiris… Pourquoi cette arrivée dans les affaires? C’est toute une démarche. Je suis petit-fils d’entrepreneur, j’ai vécu les moments difficiles de l’entreprise de mon grand-père. J’ai aussi été commercial dans une petite PME du brabant wallon. Quand je suis devenu président d’Ecolo, après 2003 et l’affaire Francorchamps, Ecolo était considéré comme le fossoyeur de l’emploi. Ma première décision a été de travailler sur la préparation d’un programme articulant écologie et économie. J’ai fait le tour des fédérations patronales et de beaucoup d’entreprises wallonnes. Tout ça a réveillé ma fibre d’entrepreneur. J’aime aller là où ne m’attend pas. Vous êtes passé par une High School américaine. Ce fut une expérience utile? Oui, j’ai découvert là-bas la volonté d’entreprendre. Par contre ici, peu de jeunes, en sortant des études, ont envie de devenir leur propre patron. Ce qui aux Etats-Unis arrive spontanément. Peut-on faire de l’argent avec le développement durable? Oui, le «vert» permet de faire de l’argent. Par exemple grâce aux économies d’énergie, on conserve l’argent qu’on ne dépense pas et on soutient les entreprises du secteur. Mais il faut éviter un «green short term». Il faut viser l’économie durable comme vecteur de production mais aussi comme moelle épinière de l’entreprise: diminuer son empreinte écologique, faire attention à l’évolution des zonings. Un domaine où les Scandinaves sont champions. CMI, Mithra, Lampiris et Herstal Group viennent d’entrer dans le capital de Meusinvest. Le privé pèse désormais 41,17%. Qu’est-ce que cela va changer? L’ouverture au privé permet de réduire la crainte d’une mainmise du politique. C’est un signal très fort. Quatre capitaines d’entreprises vont apporter une crédibilité supplémentaire. Dont deux, Fornieri (Mithra) et Venanzi (Lampiris), se sont faits tous seuls. Ils sont partis de rien, comme Steve Jobs ou Bill Gates. © WIM KEMPENaERS Pourquoi avoir choisi Meusinvest? Je me sens profondément liégeois, et nous sommes à un tournant de la crise. Meusinvest a d’ailleurs été créé en période de crise, en 1985. L’ouverture de Meusinvest vers de nouveaux secteurs m’intéresse. Et pas uniquement le développement durable, mais aussi les biotechnologies, les services, l’économie créative. Je suis fasciné par l’innovation, les métiers de la santé. Comment voyez-vous votre rôle? Je me vois comme un ambassadeur. Comme quelqu’un qui va sur le terrain pour mettre les gens en réseau et amener des idées. Je rencontre depuis longtemps beaucoup d’entrepreneurs. Je vais au cercle de Wallonie. Mon réseau pourrait permettre de dépasser le scénario de «chiens de faïence». Votre parcours politique ne risque-t-il pas de vous mettre des bâtons dans les roues? Je ne pense pas. Je connais Meusinvest depuis longtemps, et j’ai appris en politique à faire de la corporate gouvernance. Je ne suis pas là, en tout cas, pour orienter politiquement Meusinvest. Ici, les dossiers sont instruits par des experts, ils vont ensuite au comité d’investissement, puis au conseil d’administration. En fonctionnant de la sorte, Meusinvest a réussi à se forger une crédibilité. Notre rôle est clair: aider les entreprises qui ont besoin de croissance. Et, «Nous avons intérêt à activer la relance économique pour créer de l’emploi durable.» Jean-Michel Javaux, président de Meusinvest pour cela, je ne me substitue pas au directeur général. Meusinvest a investi 35 millions d’euros en 2011-2012. Un record. Que prévoyez-vous pour l’exercice en cours? Nous sommes partis pour faire plus. Fin février, nous étions déjà à 30 millions d’euros, et notre exercice se termine en juin. Nous dépasserons nos résultats précédents. Nous avons déjà 35 entreprises de plus qu’au début de l’exercice. Nous sommes à environ 5.000 emplois consolidés. Par rapport à la morosité ambiante, cela veut dire qu’il existe un potentiel d’activité à Liège. Nous soutenons plus de 240 entreprises. Nous pouvons encore aller plus loin, surtout en période de crise. Meusinvest pourrait-il contribuer à résoudre le déséquilibre budgétaire de la Région? On nous a dit, à un moment donné, qu’on irait chercher dans les outils d’investissements disponibles pour équilibrer les budgets publics. Mauvaise idée. Nous avons intérêt à activer la relance économique pour créer de l’emploi durable. Sinon, nous nous enfoncerons dans la morosité. On ne peut couper les soutiens à la croissance. Si on venait chercher les moyens de Meusinvest, il nous resterait un an à vivre. Ce serait une catastrophe sans nom. Les pouvoirs publics ont-ils perdu le contrôle de l’invest? Non, avec 41,67%, nous conservons le pouvoir de décision. En même temps, la Région wallonne envoie un signal pour dire qu’elle a confiance dans les entrepreneurs pour activer le plan Marshall. La Wallonie n’a plus besoin de planification à la Russe. Nous disposons d’un montant de 261 millions d’euros en moyens d’action. Ce n’est pas rien. C’est un outil performant et passionnant. Sinon, je ne serais pas là. Je ne suis pas ici pour me recaser juste quelques mois dans n’importe quel truc foireux. Meusinvest peut-il redynamiser le bassin liégeois? Je dirais plutôt «transformer». Nous passons de trois ou quatre grandes sociétés à un tissu de PME dans différents secteurs. Nous avons un potentiel énorme dans les métiers liés au solaire, à la gestion de l’eau, à la logistique, aux biotechs, à la construction, même si les mesures fédérales fiscales sur la construction, dans l’isolation, ont pénalisé le secteur et des emplois qui étaient pourtant peu délocalisables. Et même si on critique le flou des certificats verts, les carnets de commandes dans le photovoltaïque sont pleins. Il reste aussi des secteurs à conquérir. On a trop peu investi dans les technologies de l’information. La Wallonie n’a pas plongé dans le train, misé sur la création de logiciels. Google investit ici, tant mieux, ça fait de l’emploi. Mais ce n’est pas wallon. Songez-vous à un retour en politique nationale? Oui, il y a toujours des retours possibles. Mais j’ai pris pour habitude de m’investir à fond dans les mandats où je suis. Je me projette rarement à 10 ans…