41
Dans cette crise, l’UE réussira-t-elle à être plus que la somme de ses parties ?
nances des États à travers le budget de l’UE avec ses différents programmes.
Mais ces processus d’intégration réels sont en contradiction avec le cadre
nettement marqué par la concurrence entre les États nationaux. De même,
sur le plan politique, l’UE se présente plutôt comme une fédération d’États
que comme un espace politique intégré. Ceci est renforcé par le fait que les
interconnexions sont asymétriques, notamment à l’égard des pays membres
d’Europe de l’Est.
Dans tout cela, peu importe que, sur le plan politique, une solidarité soit
invoquée dans le discours : ce qui compte est de savoir s’il est même possible
que cette solidarité s’appuie sur un intérêt commun. La crise ne frappe pas
une « économie de l’UE » mais, primordialement, des économies organisées
par des États nationaux liées entre elles par des décisions politiques, ou des
groupes industriels à activités multinationales mais organisés selon des règles
inhérentes à des États nationaux. En d’autres termes un espace économique,
constitué par la monnaie commune, une série de réglementations juridiques
communes et un commerce intérieur intense, est frappé par une crise dont
les sujets appartiennent à des États nationaux. Depuis plusieurs années, à
côté des facteurs cités plus haut, certains problèmes planétaires acquièrent
à leur tour un véritable poids politique et économique. En premier lieu il
s’agit du changement climatique qui est devenu, à moyen terme, une me-
nace réelle pour la survie de l’humanité. Il y a donc recoupement entre des
intérêts nationaux et des intérêts régionaux planétaires, entre des intérêts à
long terme (par exemple concernant le changement climatique) et des intérêts
à court terme, etc.
Les intérêts des acteurs participants sont en jeu dans plusieurs domaines.
Premièrement, le domaine des constellations « anciennes », à savoir la situa-
tion concurrentielle à l’intérieur de l’Europe et celle qui s’est développée ulté-
rieurement dans le contexte des relations économiques mondiales, surtout par
rapport aux États-Unis et au Japon. Les procédures et les structures générées
alors étaient orientées vers la solution de problèmes économiques concrets.
La CECA ou l’EURATOM ou la PAC (politique agricole commune) étaient
orientés vers une solution commune de problèmes concrets communs. Donc,
il y avait un intérêt matériel commun. Avec la stratégie de Lisbonne, il s’est
créé une situation dans laquelle cet intérêt entre en concurrence avec un intérêt
de dérégulation abstrait, reposant sur des motivations plutôt idéologiques.
Un deuxième domaine concerne les nouvelles constellations qui sont avant
tout directement liées aux objectifs de la stratégie de Lisbonne. En tant que
compromis, du point de vue des différentes parties, il est un point d’ancrage
essentiel de « l’en commun », un instrument de liaison entre les différents in-
térêts présents à l’intérieur de l’UE. S’en écarter signie, du point de vue des
institutions de l’UE, délégitimer l’intégration et, du point de vue des divers
gouvernements, modier les rapports de pouvoir.