Dans cette crise, l`UE réussira-t-elle à être plus que

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Dans cette crise, l’UE réussira-t-elle à
être plus que la somme de ses parties ?
Lutz Brangsch
Dans le cours de son veloppement, l’UE a é confrone à difrentes
contradictions complexes qui ont géré des moyens spéciques pour
les résoudre. Chacune des étapes de son développement a été liée à des insti-
tutions et des accords, à des compromis ayant lais des traces dans les étapes
ulrieures. Parfois on a eu l’impression qu’avec la stratégie de Lisbonne ou
l’introduction de l’euro, on avait fait table rase du passé. Ce n’est pas tota-
lement faux mais cela ne pose le problème que de manre imprécise. Les
institutions et les gularisations ont leur histoire. L’euro et la stratégie de
Lisbonne n’ont épossibles que parce quils ont été prés par une longue
chne d’anciens compromis. Il n’est pas possible d’évaluer les mesures pour
combattre la crise si l’on ne prend pas en compte les intérêts liés à ces com-
promis et les changements dans les rapports de force à l’intérieur de l’UE qui
en constituent la toile de fond.
Des intérêts contradictoires
Inpendamment des diverses congurations politiques, l’UE se présente
aujourd’hui comme un espace économique dont le degd’interconnexion
est tellement poussé qu’une extrusion de l’un de ses membres semble à peine
possible. Cela concerne le secteur nancier déclencheur de la crise, les grou-
pes industriels actifs sur l’ensemble de l’UE par leurs relations déploes pour
assurer la division du travail, les décisions politiques (telles que les crires
de Maastricht ou la stratégie de Lisbonne), ainsi que l’interconnexion des -
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nances des États à travers le budget de l’UE avec ses différents programmes.
Mais ces processus d’intégration els sont en contradiction avec le cadre
nettement marqué par la concurrence entre les États nationaux. De même,
sur le plan politique, l’UE se présente plutôt comme une ration d’États
que comme un espace politique ingré. Ceci est renfor par le fait que les
interconnexions sont asymétriques, notamment à l’égard des pays membres
d’Europe de l’Est.
Dans tout cela, peu importe que, sur le plan politique, une solidari soit
invoquée dans le discours : ce qui compte est de savoir s’il est même possible
que cette solidari s’appuie sur un intérêt commun. La crise ne frappe pas
une « économie de l’UE » mais, primordialement, des économies organisées
par des États nationaux liées entre elles par des décisions politiques, ou des
groupes industriels à activités multinationales mais organis selon des règles
inrentes à des États nationaux. En d’autres termes un espace économique,
constitué par la monnaie commune, une série de réglementations juridiques
communes et un commerce intérieur intense, est frappé par une crise dont
les sujets appartiennent à des États nationaux. Depuis plusieurs années, à
côté des facteurs cités plus haut, certains problèmes planétaires acquièrent
à leur tour un véritable poids politique et économique. En premier lieu il
s’agit du changement climatique qui est devenu, à moyen terme, une me-
nace réelle pour la survie de l’humanité. Il y a donc recoupement entre des
ints nationaux et des intérêts gionaux planétaires, entre des ints à
long terme (par exemple concernant le changement climatique) et des inrêts
à court terme, etc.
Les intérêts des acteurs participants sont en jeu dans plusieurs domaines.
Premièrement, le domaine des constellations « anciennes », à savoir la situa-
tion concurrentielle à l’intérieur de l’Europe et celle qui s’est développée ulté-
rieurement dans le contexte des relations économiques mondiales, surtout par
rapport aux États-Unis et au Japon. Les procédures et les structures génées
alors étaient orientées vers la solution de problèmes économiques concrets.
La CECA ou l’EURATOM ou la PAC (politique agricole commune) étaient
orientés vers une solution commune de problèmes concrets communs. Donc,
il y avait un intét mariel commun. Avec la stratégie de Lisbonne, il s’est
créé une situation dans laquelle cet inrêt entre en concurrence avec un intérêt
de dérégulation abstrait, reposant sur des motivations plutôt idéologiques.
Un deuxième domaine concerne les nouvelles constellations qui sont avant
tout directement liées aux objectifs de la stratégie de Lisbonne. En tant que
compromis, du point de vue des différentes parties, il est un point d’ancrage
essentiel de « l’en commun », un instrument de liaison entre les différents in-
ts psents à l’intérieur de l’UE. S’en écarter signie, du point de vue des
institutions de l’UE, gitimer l’intégration et, du point de vue des divers
gouvernements, modier les rapports de pouvoir.
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Le troisième domaine concerne l’élargissement vers l’Est et les raisons géo-
politiques et, une fois encore idéologiques, qui le fondent. Ladmission rapide
des États membres d’Europe de l’Est a été un acte pondant à la concurrence
opolitique et économique des États-Unis, mais aussi un dé iologique.
L’intégration dans l’UE a été primordialement une question politique. Ce fut
le triomphe de l’idéologie du marché libre sur la rationalité économique. En réa-
lité, on a subordonné la sécurisation de la durabilité économique du boulever-
sement à la stabilité politique. Le prix est à payer maintenant, en temps de crise,
dans la mesure où ne reste pas d’options autres que la « seule bonne voie ».
Le quatrième domaine concerne la dépendance réciproque, générée par l’in-
troduction de l’euro, d’une partie des États membres de l’UE et les contradic-
tions ainsi créées à l’égard des autres membres.
Le cinquième domaine concerne le niveau de la résistance et des alternatives
qui sont prépondérément marquées par leurs spécicités nationales et extrême-
ment éclatées. Il nexiste pratiquement pas de forces d’un certain poids pouvant
agir rieusement au niveau de l’EU. On ne doit pas se leurrer sur ce fait, au
prétexte de certaines journées d’action réussies. Les forces de gauche n’ont pas
réussi à réaliser à leur tour un processus d’intégration ces vingt dernières années
et, du fait de leurssaccords ciproques, sont en grande mesure bloquées à
l’inrieur des difrents États. C’est là que se situe la grande importance des
forums sociaux. Par ailleurs, au niveau de l’UE, différentes procédures se sont
établies qui impliquent dans des processus décisionnels des ONG en tant que
groupes dintérêts isolés. Létat des forces de gauche est l’une des raisons à cause
desquelles l’éclatement de cette crise a eu lieu, et leur capacité de changer partici-
pera de manière déterminante au choix des voies pour résoudre cette crise.
La politique en temps de crise
Une solution n’est possible aujourd’hui qu’au moyen d’une participation
active des pouvoirs politiques. Depuis le début du 21e siècle, à cause du haut
degré de monopolisation, du niveau atteint par la division sociale du travail
et du développement important du secteur nancier et de crédit, il n’est plus
possible d’envisager que les processus économiques en tant que tels puissent
conduire à une solution spontanée de la crise. Le déroulement de la crise ac-
tuelle en fournit la démonstration de manière impressionnante.
Si l’on considère la crise économique actuelle comme une crise de surac-
cumulation, des instruments politiques devront être orientés conforment à
cela an de :
a. garantir la stabilité politique,
b. organiser une dévalorisation ciblée du capital et,
ensuite, comme résultat des deux actions précédentes, curiser la mise en
place de conditions nécessaires à un positionnement favorable de l’économie
lors de la relance espérée.
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La mise en place de tels objectifs est valable pour les États individuellement,
pour une organisation telle que l’UE qui dans de nombreux domaines est un
quasi-État, et aussi pour les organisations internationales. Cela présuppose,
bien entendu, que les structures politiques correspondantes soient capables de
ployer la volonté politique aquate, voire me qu’elles comprennent que
cette fonction est la leur. Les formes d’intervention dépendent en outre de la
capacité d’agir des institutions, donc de la possibilide mettre effectivement
en œuvre les décisions prises.
La transition qui a eu lieu lors de la conversion de la Communauté euro-
péenne en Union européenne était liée à un transfert vers la politique budgé-
taire des priorités qui, auparavant, étaient du ressort des politiques commu-
nautaires. Cela ne signie pas que les politiques communautaires aient perdu
de l’importance pour le processus d’intégration. Mais elles sont de moins en
moins le point derence pour descisions centrales. Bien plus, alors que
le volume de problèmes à résoudre en commun s’accrt, le volume du budget
de l’UE relativement se duit. Ces dernières anes, le niveau possible n’a
me pas é atteint. Or, c’est précisément dans la crise que les politiques
communautaires devraient être l’armature cisive permettant d’obtenir, pour
des problèmes divers, une solution représentant une avancée.
Déchirés entre idéologie et réalité ?
Pour pouvoir réagir aux crises de manière appropriée, il faut donc en pre-
mier lieu être lucide sur ses causes. Si l’on souhaite réagir, c’est à celles-ci
qu’on doit s’attaquer.
L’UE, tout comme les différents États, considère que les causes de la crise
économique résident dans le système nancier. Cette manière de voir a mar-
qué la première phase des interventions de l’UE, essentiellement dans la pré-
paration de la rencontre du G20 en novembre 2008. La préoccupation centrale
était la régulation des marchés nanciers. Ce n’est pas un point de vue totale-
ment erro, mais trop étroit. Effectivement, les marchés nanciers sont une
expression du haut degré de socialisation atteint par l’économie capitaliste.
Le marc nancier a permis une mobilisation de toutes les ressources de la
société dans l’intérêt de la reproduction de la situation du capital. Plus aucun
domaine n’en est exclu. La croissance qui, sur la base de ce principe semblait
illimitée, a é, en dernier ressort, la gitimation cisive des procédures de
Lisbonne et de Maastricht. La stricte orientation des services publics vers la
privatisation a été motivée par cette promesse de croissance. Maintenant, la
crise nancre met en évidence que le capital pri n’est en aucun cas capable
de produire par lui-même un développement durable et de l’efcacité. Devant
cette ali, la réponse de la part des bâtisseurs de la stratégie de Lisbonne est
comphensible : le comportement irresponsable de certains et la gulation
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erroe du marc seraient les causes de la crise. Or, les pierres angulaires de
la stragie de Lisbonne sont préciment la liberté de circulation du capital
et du marché. L’élimination des obstacles à une libre circulation du capital a
été un axe central de la politique de gulation des dernres cennies, y
compris dans les divers États membres. La liberté du marché et la liberté de
circulation du capital devaient se traduire par un dynamisme économique sans
entraves. De fait, ces logiques ont provoq une crise économique mondiale.
Maintenant, c’est cette contradiction qui mobilise l’UE et ses États membres.
D’abord ils se sont décidés, tout en préservant les structures de base des mar-
chés nanciers, à essayer de les sauver au moyen d’une gulation prudente
et d’énormes injections de capitaux. Dans le préambule du sommet du G20,
l’UE a formu cinq exigences pour la gulation des marchés nanciers. Il
s’agissait de « transparence sans sur-régulation ». À cela faisaient suite des
directives pour le comportement à l’égard des « crédits douteux » et autres
glementations de tails. Il n’y a pas eu de « grand coup ». Les actions
au rapport de Jacques de La Rosière restaient vagues sur les questions fon-
damentales. Or, si les cisions de LE II sur la couverture des capitaux
propres devaient être réformées, cela constituerait sans doute une possibili
pour stabiliser le marché du point de vue comptable mais, dans la situation
donnée, cela ne conduirait pas plus loin. En outre, le lobby nancier a nale-
ment réussi à adoucir les règles initialement programmées et beaucoup plus
res concernant la couverture des titrisations par des capitaux propres. De
ce fait, tant au niveau des États nationaux qu’à celui de l’UE, des ressour-
ces continuent d’afuer dans un système nancier qui, bien qu’il soit affaibli,
fonctionne en principe comme avant. On continue à faire des titrisations et à
émettre des dérivés et autres effets spéculatifs. On maintient en vie les déclen-
cheurs de la crise.
Même la faillite de fait de l’État en Islande, en Hongrie, en Lettonie et main-
tenant en Roumanie, n’a pas déclenché de nouvelles réexions ou une inver-
sion des conduites. aussi on tente de maintenir au moins une certaine sta-
bili politique en accordant des crédits à ces pays. Mais, avec la progression
de la crise économique, la couverture de ces crédits devient de plus en plus
probmatique. L’espoir persiste que d’une manre ou d’une autre la situation
va s’améliorer.
Nous arrivons ainsi à la deuxième phase des interventions de l’UE dans le
déroulement de la crise.
Il est exact que le déclencheur de la crise se situe dans le secteur nancier.
Toutefois,s novembre 2008, il était évident que la crise s’était emparée de
l’économie dans sa globalité. La production industrielle dans l’UE des vingt-
sept baissait de mois en mois depuis mars 2008. En octobre 2008, le recul de
la production industrielle était de 5,3 % par rapport à octobre 2007. Le nom-
bre des commandes rues était de 17,9 % inrieur à celui d’octobre 2007.
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