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Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (XII), n°2, mars-avril 2008
Dossier
thématique
tissus congelés pour la recherche, au
manque de biopsies systématiques
chez les patients à évolution lente ou
présentant un CaP AI, ainsi qu’à un
défaut de standardisation des techni-
ques utilisées.
Il est donc indispensable de stan-
dardiser les techniques de biologie
moléculaire et d’augmenter l’archi-
vage tissulaire et biologique des CaP
pour identifier de nouvelles cibles
moléculaires pronostiques et théra-
peutiques de ces cancers.
Les marqueurs
pronostiques potentiels
p53
p53 est un gène suppresseur de
tumeur impliqué dans le maintien de
l’intégrité génomique et le contrôle
de l’apoptose. L’inactivation de
p53 apparaît généralement à travers
des mutations d’un allèle. Comme
la plupart des mutations se tradui-
sent par un produit de gène inactivé
dont la demi-vie est augmentée, cela
entraîne une accumulation nucléaire
et un marquage positif de p53 par
immunohistochimie (IHC). Plus de
800 études ont analysé p53 dans les
CaP, et la moyenne des cancers altérés
pour p53 varie de 4 à 61% (4). Cette
grande variabilité reflète le manque
de standardisation dans la mesure de
p53 par IHC, une augmentation de
la sensibilité conduisant à des faux
positifs. De fait, le séquençage de
p53 montre que le taux de mutation
dans les cancers n’est pas supérieur
à 10% (5), et deux études impliquent
l’altération de p53 dans la résistance
à la radiation. Toutefois, les résultats
de ces études sont à prendre avec
précaution car elles ne portent que
sur un faible nombre de patients, 53
et 54 respectivement (6).
Bcl-2
Bcl-2 est une protéine inhibitrice
de l’apoptose, surexprimée dans 1 à
69% des CaP (4). Au vu des diffé-
rences de survie observées chez des
patients atteints de CaP positifs ou
négatifs pour Bcl-2, après thérapie
anti-androgénique (7) ou irradia-
tion (8), il semble que l’expression
de Bcl-2 permette de prédire la
réponse à ces traitements. Cepen-
dant, les mêmes différences de
survie sont observées dans les CaP
de patients traités par prostatectomie
radicale (9). Un taux élevé de Bcl-2
pourrait donc être un marqueur de
mauvais pronostic, indépendamment
du traitement.
L’index de prolifération Ki67
La prolifération cellulaire tumorale
est un marqueur pronostique évident
dans les cancers. La quantification
de la protéine Ki67, exprimée dans
tous les noyaux des cellules en phase
G2, S et M du cycle cellulaire, est
un moyen efficace de mesurer cette
prolifération. Le pourcentage de CaP
positifs pour Ki67 (index de prolifé-
ration [IP]) est beaucoup plus faible
que dans les autres cancers (entre
2 et 15%), ce qui traduit probable-
ment la longue histoire naturelle de
ce cancer. Plusieurs études montrent
que l’IP Ki67 est un facteur pronos-
tique pertinent (10), mais l’informa-
tion clinique additionnelle apportée
par l’IP Ki67 n’est pas encore déter-
minée
Le récepteur aux androgènes
et l’expression de l’antigène
spécifique prostatique
Plusieurs études mettent en évidence
un mauvais pronostic des CaP ayant
un faible taux d’antigène spécifique
prostatique (PSA) ou de récepteur
aux androgènes (RA). Cette observa-
tion peut être reliée à une dédifféren-
ciation générale de ces cancers, mais
aucune étude n’a montré une valeur
pronostique indépendante. Le rôle
prédictif potentiel des altérations du
RA est discuté plus loin.
La cadhérine-E et l’α/β-caténine
La cadhérine-E et l’α/β-caténine
sont des molécules d’adhésion
intercellulaires. L’importance de la
cadhérine-E dans la morphogenèse
des cancers du sein et de l’estomac a
soulevé la question de leur rôle dans
les CaP. Une expression réduite de
ces marqueurs est observée dans les
tumeurs caractérisées par un score de
Gleason élevé. Une valeur pronos-
tique indépendante d’α-caténine dans
les CaP localisés et avancés est égale-
ment démontrée chez 215 patients,
avec 13 ans de recul moyen (11).
p27kip1
p27kip1 est un inhibiteur des kinases
et de la prolifération cellulaire. Les
aberrations cytogénétiques du gène
p27kip1 sont rares et son expression
est essentiellement régulée au niveau
post-traductionnel. Dans la prostate
normale, p27kip1 est exprimé prin-
cipalement dans les cellules sécré-
toires, et une diminution de son
expression est observée dans 19,5
à 84% des CaP. La diminution de
l’expression de p27kip1 est associée
à un score de Gleason élevé et à un
mauvais pronostic (12), mais elle est
aussi observée dans les hyperplasies
prostatiques bénignes.
La différenciation
neuroendocrine
La différenciation neuroendocrine
(NE), mise en évidence avec un
anticorps dirigé contre l’énolase
spécifique des neurones (NSE) ou la
chromogranine A, est présente dans
24 à 98,5% des CaP (13). C’est le
marqueur pronostique potentiel le
plus discuté (14). Certains centres
hospitaliers analysent la différencia-
tion NE en routine dans leurs biop-
sies prostatiques, mais seules sept
études sur 16 montrent une associa-
tion avec un mauvais pronostic (13).
Il est incorrect d’attribuer à la NE,
comme pour Bcl-2, un rôle prédictif
de réponse au traitement. En effet,
seules trois études réalisées sur une
petite cohorte le démontrent. Par
ailleurs, la NE est aussi observée et
associée à un mauvais pronostic chez
des patients traités par chirurgie. De
plus, il n’y a pas de méthodes stan-
dardisées pour la mesure de la diffé-
renciation NE.
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