Médecine
& enfance
HÉPATITE C
La transmission du virus de l’hépatite C
de la mère à son enfant est actuellement
quasiment le seul mode de contamina-
tion des enfants par ce virus. En milieu
urbain, 1 % des femmes enceintes pos-
sèdent des anticorps contre le virus de
l’hépatite C. L’ARN du virus est détec-
table chez deux tiers d’entre elles.
Seules les mères positives pour l’ARN du
virus C dans le sérum exposent leur en-
fant à une contamination. Le risque est
majoré lorsque la virémie maternelle est
élevée et lorsque l’ARN du virus est dé-
tectable dans les lymphocytes circulant
chez la mère [1]. Un grand nombre d’ar-
guments suggèrent que, comme pour le
virus de l’hépatite B, le virus de l’hépati-
te C contamine les enfants à la naissan-
ce : le risque de contamination est en ef-
fet majoré en cas de rupture prolongée
de la poche des eaux, de monitorage au
scalp, de pose de forceps et de saigne-
ment maternel important. En revanche,
l’allaitement maternel n’augmente pas
le risque de contamination et n’est donc
pas contre-indiqué pour les mères por-
teuses du virus de l’hépatite C. Le risque
de contamination est de 5 % des en-
fants. Leur suivi montre qu’une guérison
spontanée survient dans 20 % des cas,
parfois au cours de la deuxième année.
On ne parle donc d’hépatite chronique C
que lorsque le virus C reste détectable
après l’âge de deux ans.
L’évolution spontanée des hépatites
chroniques C après contamination péri-
natale est bénigne dans pratiquement
tous les cas, les transaminases ayant
tendance à s’améliorer avec le temps (fi-
gure 1). Une étude américaine récente
rapporte les résultats de l’examen histo-
logique du foie de 121 enfants porteurs
chroniques, en majorité après transmis-
sion maternelle, et âgés en moyenne de
dix ans : chez 114 enfants, les lésions
étaient bénignes avec une fibrose nulle
ou minime ; une fibrose plus importante
n’a été observée que chez 7 enfants, qui
étaient tous porteurs d’une obésité mor-
bide ; il est probable, comme indiqué
plus loin, que cette fibrose est la consé-
quence d’une stéatohépatite liée à l’obé-
sité et non de l’hépatite C.
Le traitement antiviral associant l’inter-
féron recombinant alpha à la ribavirine
donne chez l’enfant des résultats com-
parables à ceux observés chez les
adultes (40 % de négativation durable
de l’ARN viral pour les virus de génoty-
pe 1 et 80 à 100 % pour les virus de gé-
notypes 2 et 3), mais les effets secon-
daires transitoires ou permanents (dia-
bète sucré et insuffisance thyroïdienne)
doivent être mis en balance avec la bé-
Quelques actualités en hépatologie : hépatite C, atrésie des
voies biliaires, fistules porto-caves congénitales, cholestases
fibrogènes familiales, stéatose liée à l’obésité, transplantation
hépatique, vaccin hépatite B.
Quoi de neuf en hépatologie ?
O. Bernard, hépatologie pédiatrique, hôpital Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre
Communication à la 9eJournée Arepege-Médecine et enfance, septembre 2009
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Figure 1
Transmission du virus de l’hépatite C de la mère à son enfant : évolution des
transaminases chez l’enfant (94 porteurs chroniques, hôpital Bicêtre 1993-2005)
140
120
100
80
60
40
20
0123456789101112131415161718
âge (années)
médiane des ALAT (UI/l)
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nignité à court, moyen et probablement
long terme, et il est raisonnable, chez
un enfant porteur chronique du virus de
l’hépatite C, de se limiter à une sur-
veillance annuelle des transaminases et
d’attendre la disponibilité de traite-
ments efficaces et mieux tolérés.
ATRÉSIE DES VOIES
BILIAIRES
L’atrésie congénitale des voies biliaires
est caractérisée par une obstruction
complète de la voie biliaire principale
associée constamment à des lésions des
voies biliaires intrahépatiques. Sa cause
est inconnue. L’incidence annuelle est
de 1/20000 naissances dans la plupart
des pays ; elle est cinq fois plus élevée
en Polynésie française. Sans traitement,
l’atrésie des voies biliaires entraîne la
mort par cirrhose biliaire décompensée
à un âge moyen de dix-huit mois. Les
progrès, au cours des cinquante der-
nières années peuvent être résumés de
la façon suivante :
les interventions correctrices décrites
par Kasaï en 1956 (anastomosant une
anse jéjunale ou le fond de la vésicule bi-
liaire au hile du foie) permettent d’espé-
rer une survie avec leur foie natif de 20 %
des enfants après l’âge de vingt ans ;
la transplantation hépatique, intro-
duite dans les années 80, permet d’es-
pérer la survie de 80 % des enfants at-
teints d’atrésie des voies biliaires dix
ans après la greffe ;
le traitement actuel, qui utilise l’in-
tervention de Kasaï suivie d’une trans-
plantation hépatique en cas d’échec
précoce ou retardé, permet d’espérer la
survie de 90 % des enfant atteints
d’atrésie des voies biliaires.
Outre le type anatomique de l’atrésie
(complète ou respectant la voie biliaire
accessoire et le cholédoque) et l’expé-
rience du chirurgien, un important fac-
teur de pronostic favorable de l’inter-
vention de Kasaï est sa précocité, idéale-
ment avant l’âge de quarante-cinq jours.
C’est pourquoi le diagnostic de l’atrésie
des voies biliaires doit être fait avant
l’âge de un mois. Son dépistage peut se
faire en maternité ou au cours d’une
consultation des premières semaines,
par l’examen de la couleur des selles [2].
Une décoloration complète ou partielle
doit faire évoquer la possibilité d’une
cholestase et faire orienter rapidement
l’enfant vers un service labélisé centre
de référence ou de compétence dans ce
domaine. Le diagnostic d’atrésie est sou-
vent aisé sur les seules données de la cli-
nique ; dans les autres cas, l’échogra-
phie, décrivant des signes subtils qui né-
cessitent une grande expérience du ra-
diologue, et la cholangiographie rétro-
grade endoscopique à l’aide d’un duodé-
noscope pédiatrique de très petite taille
permettent un diagnostic de quasi-certi-
tude et conduisent à confier rapidement
l’enfant à un chirurgien expérimenté.
FISTULES PORTO-CAVES
CONGÉNITALES
Ce sont des malformations extra- ou in-
trahépatiques qui mettent en communi-
cation directe le sang porte et le sang du
système cave inférieur (figure 2). Leur in-
cidence est de 1 sur 30000 naissances
et leur identification est devenue plus
aisée grâce aux progrès des techniques
d’imagerie appliquées à l’enfant. Elles
entraînent un défaut de perfusion du
foie et le passage des constituants du
sang porte dans la circulation systé-
mique avec cinq complications princi-
pales : ictère cholestatique chez le nou-
veau-né, habituellement spontanément
résolutif, tumeurs du foie bénignes ou
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Figure 2
Fistules porto-caves congénitales chez l’enfant (clichés Dr Pariente et Dr Franchi, service de
radiologie pédiatrique, hôpital Bicêtre)
(A) Disposition anatomique normale du système
porte (tomodensitométrie).
(B) Fistule porto-cave extrahépatique
(angiographie) : communication termino-latérale
entre le tronc de la veine porte (PV) et la veine cave
inférieure (IVC). SMV : veine mésentérique
supérieure.
(C) Fistule porto-cave intrahépatique par persistance
du canal d’Arantius (tomodensitométrie). DV : canal
d’Arantius. SV : veine splénique.
A B
C
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malignes, encéphalopathie hyperam-
moniémique ou déficit du développe-
ment intellectuel, hypoxie par shunt ar-
térioveineux pulmonaire (le « syndrome
hépatopulmonaire ») et hypertension
artérielle pulmonaire. L’une de ces com-
plications peut être l’occasion de décou-
vrir la fistule ; dans d’autres cas, c’est
une échographie anté- ou postnatale,
une anomalie de la biologie hépatique,
une hyperammoniémie ou une éléva-
tion insolite du taux sérique des acides
biliaires qui sont l’occasion du diagnos-
tic. Dans les pays où le dépistage néona-
tal de la galactosémie est de routine,
une fausse positivité du dépistage peut
être observée.
Les petites fistules intrahépatiques peu-
vent se fermer spontanément avant
l’âge de deux ans, mais la persistance
des fistules extrahépatiques et des
grosses fistules intrahépatiques, comme
du canal d’Arantius est la règle. La gra-
vité de la plupart des complications et
leur régression incertaine après ferme-
ture de la fistule justifient la fermeture
préventive des fistules permanentes,
par chirurgie ou radiologie interven-
tionnelle, en un ou deux temps selon la
perméabilité ou non du système porte
intrahépatique observée au cours d’une
épreuve d’occlusion de la fistule [3].
CHOLESTASES
FIBROGÈNES FAMILIALES:
TROIS GÈNES ET PLUS
DE TROIS MALADIES [4]
Trois gènes sur lesquels des mutations
sont responsables de ce que l’on appe-
lait autrefois maladie de Byler ont été
identifiés au cours des dernières
années : FIC-1, responsable de la mala-
die originellement décrite dans la famil-
le Byler ; BSEP, codant une protéine as-
surant le transport des acides biliaires à
travers la membrane du pôle biliaire
des hépatocytes ; MDR3, codant une
protéine assurant le transport des phos-
pholipides au même niveau. A l’état ho-
mozygote ou hétérozygote composite,
un grand nombre de mutations portant
sur ces gènes sont responsables de ma-
ladies hépatiques graves aboutissant
spontanément à la mort à des âges al-
lant de quelques mois à l’adolescence.
Ces maladies sont maintenant décrites
sous le nom de cholestases familiales fi-
brogènes ou de PFIC (pour « progressive
familial intrahepatic cholestasis ») :
PFIC 1 pour des mutations sur le gène
FIC-1, PFIC 2 pour des mutations du gè-
ne BSEP, PFIC 3 pour des mutations du
gène MDR3. Chez les enfants atteints,
l’identification de ces gènes a eu plu-
sieurs conséquences :
permettre le diagnostic moléculaire
de la maladie ;
définir certains spécificités, comme
l’association à des manifestations intes-
tinales et auditives dans PFIC 1 ou un
risque précoce de cancer du foie dans
PFIC 2 ;
permettre le diagnostic anténatal de
ces maladies récessives autosomiques ;
espérer un effet favorable du traite-
ment par l’acide ursodésoxycholique
dans les mutations les moins sévères.
L’identification de mutations sur ces
gènes a eu d’autres conséquences qui
élargissent le spectre de l’intérêt de leur
recherche :
des mutations moins sévères portant
sur les gènes FIC-1 et BSEP peuvent, à
l’état homozygote ou hétérozygote
composite, être responsables de choles-
tase récurrente bénigne, caractérisée
par des poussées de prurit avec ictère
entre lesquelles la biologie et l’histolo-
gie hépatique restent normales ;
certaines mutations hétérozygotes
sont trouvées chez des patients présen-
tant une cholestase médicamenteuse,
une cholestase gravidique, une choles-
tase néonatale transitoire bénigne ou
une lithiase biliaire. On peut suggérer
que l’état hétérozygote favorise l’ex-
pression d’une cholestase en cas d’expo-
sition à des agents extérieurs ou hormo-
naux ou en cas d’immaturité hépatique
chez le nouveau-né ; dans ces cas, le
traitement par l’acide ursodésoxycho-
lique est souvent efficace.
LA PLUS FRÉQUENTE
MALADIE DU FOIE DE
L’ENFANT: LA STÉATOSE
LIÉE À L’OBÉSITÉ [5]
La stéatose, caractérisée par l’accumula-
tion de triglycérides dans les hépato-
cytes, peut s’observer dans un grand
nombre de situations pathologiques (voir
tableau). Parmi celles-ci, la maladie de
Wilson est particulièrement importante
à identifier précocement en raison d’im-
plications thérapeutiques majeures. Tou-
tefois, au cours des vingt dernières an-
nées, il est apparu, d’abord chez les
adultes puis chez les enfants de certains
pays, que la cause principale de stéatose
hépatique est l’obésité. Chez l’adulte
obèse, la séquence est bien identifiée :
accumulation de triglycérides dans les
hépatocytes, compliquée dans 20 % des
cas d’une inflammation ou stéatohépati-
te, pouvant aboutir, dans 20 % des cas à
une cirrhose et parfois à un cancer du
foie. Ces étapes ont été décrites égale-
ment chez les enfants obèses, en particu-
lier aux Etats-Unis, en Italie et au Japon.
Dans le comté de San Diego en Califor-
nie, les autopsies faites systématique-
ment pour les enfants morts de façon ac-
cidentelle ont montré une stéatose hépa-
tique chez 2,5 % des enfants de sept ans,
chez 12 % des enfants de douze ans et
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Principales causes de stéatose hépatique
chez l’enfant
Métaboliques :
galactosémie cholestérolose
tyrosinémie Wolman
fructosémie diabète
OCT (déficit en mitochondriopathies
ornithine carbamyl glycogénoses
transferase) alpha-1-antitrypsine
bêta-oxydation Wilson
Reye
Nutritionnelles :
carence : mucoviscidose
pancréas
intestin
malnutrition
excès : obésité
Toxiques :
valproate ecstasy
anti VIH corticoïdes
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chez 18 % des enfants de dix-sept ans,
avec une relation directe entre la présen-
ce de stéatose et la surcharge pondérale.
Le diagnostic peut être évoqué devant
une élévation des transaminases et/ou
un aspect hyperéchogène (« brillant »)
du foie à l’échographie. Un régime bien
conduit associé à une activité physique
régulière et à un soutien psychologique
permet la diminution des transaminases
et de l’hyperéchogénicité du foie.
TRANSPLANTATION
HÉPATIQUE
Les résultats actuels des transplanta-
tions hépatiques faites chez 831 enfants
suivis à Bicêtre montrent une survie ac-
tuarielle de 78 % des enfants vingt ans
après la greffe. Les progrès notables des
dernières années concernent les résul-
tats des greffes de foie faites chez les
nourrissons de moins de un an. La sur-
vie actuarielle, quatre ans après la gref-
fe, est passée de 40 % pour les enfants
ayant reçu une greffe entre 1988 et
1992 à 82 % pour les nourrissons greffés
entre 2003 et 2007. Ces résultats sont
particulièrement importants puisque
l’âge médian de la transplantation hépa-
tique chez l’enfant est de trois ans.
VACCIN CONTRE
L’HÉPATITE B
En Italie la vaccination contre l’hépatite
B est obligatoire depuis 1991 chez tous
les nourrissons et chez les préadoles-
cents. L’efficacité remarquable de ce
programme a été rapportée en 2005 [6] :
en 1990, l’incidence des hépatites ai-
guës B était de 17/100000 jeunes gens
de quinze à vingt-quatre ans ; en 2003,
elle était inférieure à 1/100000. Ces ré-
sultats, parmi d’autres, confirment l’in-
térêt d’une politique généralisée de vac-
cination contre l’hépatite B chez l’en-
fant, recommandée par l’OMS depuis
les années 90.
Références
[1] INDOLFI G., RESTI M. : « Perinatal transmission of hepatitis C
virus infection »,
J. Med. Virol.,
2009 ;
81 :
836-43.
[2] JACQUEMIN E. : « Dépistage de l’atrésie des voies biliaires et
couleur des selles : méthode de l’échelle colorimétrique »,
Arch.
Pédiatr.,
2007 ;
14 :
303-5.
[3] FRANCHI S., BRANCHEREAU S., LAMBERT V. et al. : « Com-
plications of congenital portosystemic shunts in children. Thera-
peutic options and outcomes »,
J. Pediatr. Gastroenterol. Nutr.,
sous presse.
[4] DAVIT-SPRAUL A., GONZALES E., BAUSSAN C., JACQUE-
MIN E. : « Progressive familial intrahepatic cholestasis »,
Orpha-
net J. Rare Dis.,
2009 ;
8 :
1-12.
[5] LOOMBA R., SIRLIN C.B., SCHWIMMER J.B., LAVINE J.E. :
« Advances in pediatric nonalcoholic fatty liver disease »,
Hepa-
tology,
2009 ;
50 :
1282-93.
[6] ZANETTI A.R., MARIANO A., ROMANO L. et al. : « Long-term
immunogenicity of hepatitis B vaccination and policy for boos-
ter : an Italian multicentre study »,
Lancet,
2005 ;
366 :
1379-84.
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