Quoi de neuf en hépatologie ?

publicité
Médecine
& enfance
Quoi de neuf en hépatologie ?
O. Bernard, hépatologie pédiatrique, hôpital Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre
Communication à la 9e Journée Arepege-Médecine et enfance, septembre 2009
Quelques actualités en hépatologie : hépatite C, atrésie des
voies biliaires, fistules porto-caves congénitales, cholestases
fibrogènes familiales, stéatose liée à l’obésité, transplantation
hépatique, vaccin hépatite B.
HÉPATITE C
La transmission du virus de l’hépatite C
de la mère à son enfant est actuellement
quasiment le seul mode de contamination des enfants par ce virus. En milieu
urbain, 1 % des femmes enceintes possèdent des anticorps contre le virus de
l’hépatite C. L’ARN du virus est détectable chez deux tiers d’entre elles.
Seules les mères positives pour l’ARN du
virus C dans le sérum exposent leur enfant à une contamination. Le risque est
majoré lorsque la virémie maternelle est
élevée et lorsque l’ARN du virus est détectable dans les lymphocytes circulant
chez la mère [1]. Un grand nombre d’arguments suggèrent que, comme pour le
virus de l’hépatite B, le virus de l’hépatite C contamine les enfants à la naissance : le risque de contamination est en effet majoré en cas de rupture prolongée
de la poche des eaux, de monitorage au
scalp, de pose de forceps et de saignement maternel important. En revanche,
l’allaitement maternel n’augmente pas
le risque de contamination et n’est donc
pas contre-indiqué pour les mères porteuses du virus de l’hépatite C. Le risque
de contamination est de 5 % des enfants. Leur suivi montre qu’une guérison
spontanée survient dans 20 % des cas,
parfois au cours de la deuxième année.
On ne parle donc d’hépatite chronique C
que lorsque le virus C reste détectable
après l’âge de deux ans.
L’évolution spontanée des hépatites
chroniques C après contamination périnatale est bénigne dans pratiquement
tous les cas, les transaminases ayant
tendance à s’améliorer avec le temps (figure 1). Une étude américaine récente
rapporte les résultats de l’examen histologique du foie de 121 enfants porteurs
chroniques, en majorité après transmission maternelle, et âgés en moyenne de
dix ans : chez 114 enfants, les lésions
étaient bénignes avec une fibrose nulle
ou minime ; une fibrose plus importante
n’a été observée que chez 7 enfants, qui
étaient tous porteurs d’une obésité morbide ; il est probable, comme indiqué
plus loin, que cette fibrose est la consé-
quence d’une stéatohépatite liée à l’obésité et non de l’hépatite C.
Le traitement antiviral associant l’interféron recombinant alpha à la ribavirine
donne chez l’enfant des résultats comparables à ceux observés chez les
adultes (40 % de négativation durable
de l’ARN viral pour les virus de génotype 1 et 80 à 100 % pour les virus de génotypes 2 et 3), mais les effets secondaires transitoires ou permanents (diabète sucré et insuffisance thyroïdienne)
doivent être mis en balance avec la bé-
Figure 1
Transmission du virus de l’hépatite C de la mère à son enfant : évolution des
transaminases chez l’enfant (94 porteurs chroniques, hôpital Bicêtre 1993-2005)
médiane des ALAT (UI/l)
140
120
100
80
60
40
20
0
âge (années)
1
2
3
4
5
avril 2010
page 181
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
Médecine
& enfance
nignité à court, moyen et probablement
long terme, et il est raisonnable, chez
un enfant porteur chronique du virus de
l’hépatite C, de se limiter à une surveillance annuelle des transaminases et
d’attendre la disponibilité de traitements efficaces et mieux tolérés.
Figure 2
Fistules porto-caves congénitales chez l’enfant (clichés Dr Pariente et Dr Franchi, service de
radiologie pédiatrique, hôpital Bicêtre)
A
B
ATRÉSIE DES VOIES
BILIAIRES
L’atrésie congénitale des voies biliaires
est caractérisée par une obstruction
complète de la voie biliaire principale
associée constamment à des lésions des
voies biliaires intrahépatiques. Sa cause
est inconnue. L’incidence annuelle est
de 1/20 000 naissances dans la plupart
des pays ; elle est cinq fois plus élevée
en Polynésie française. Sans traitement,
l’atrésie des voies biliaires entraîne la
mort par cirrhose biliaire décompensée
à un âge moyen de dix-huit mois. Les
progrès, au cours des cinquante dernières années peuvent être résumés de
la façon suivante :
첸 les interventions correctrices décrites
par Kasaï en 1956 (anastomosant une
anse jéjunale ou le fond de la vésicule biliaire au hile du foie) permettent d’espérer une survie avec leur foie natif de 20 %
des enfants après l’âge de vingt ans ;
첸 la transplantation hépatique, introduite dans les années 80, permet d’espérer la survie de 80 % des enfants atteints d’atrésie des voies biliaires dix
ans après la greffe ;
첸 le traitement actuel, qui utilise l’intervention de Kasaï suivie d’une transplantation hépatique en cas d’échec
précoce ou retardé, permet d’espérer la
survie de 90 % des enfant atteints
d’atrésie des voies biliaires.
Outre le type anatomique de l’atrésie
(complète ou respectant la voie biliaire
accessoire et le cholédoque) et l’expérience du chirurgien, un important facteur de pronostic favorable de l’intervention de Kasaï est sa précocité, idéalement avant l’âge de quarante-cinq jours.
C’est pourquoi le diagnostic de l’atrésie
des voies biliaires doit être fait avant
l’âge de un mois. Son dépistage peut se
(A) Disposition anatomique normale du système
porte (tomodensitométrie).
(B) Fistule porto-cave extrahépatique
(angiographie) : communication termino-latérale
entre le tronc de la veine porte (PV) et la veine cave
inférieure (IVC). SMV : veine mésentérique
supérieure.
(C) Fistule porto-cave intrahépatique par persistance
du canal d’Arantius (tomodensitométrie). DV : canal
d’Arantius. SV : veine splénique.
faire en maternité ou au cours d’une
consultation des premières semaines,
par l’examen de la couleur des selles [2].
Une décoloration complète ou partielle
doit faire évoquer la possibilité d’une
cholestase et faire orienter rapidement
l’enfant vers un service labélisé centre
de référence ou de compétence dans ce
domaine. Le diagnostic d’atrésie est souvent aisé sur les seules données de la clinique ; dans les autres cas, l’échographie, décrivant des signes subtils qui nécessitent une grande expérience du radiologue, et la cholangiographie rétrograde endoscopique à l’aide d’un duodénoscope pédiatrique de très petite taille
permettent un diagnostic de quasi-certitude et conduisent à confier rapidement
l’enfant à un chirurgien expérimenté.
avril 2010
page 182
C
FISTULES PORTO-CAVES
CONGÉNITALES
Ce sont des malformations extra- ou intrahépatiques qui mettent en communication directe le sang porte et le sang du
système cave inférieur (figure 2). Leur incidence est de 1 sur 30 000 naissances
et leur identification est devenue plus
aisée grâce aux progrès des techniques
d’imagerie appliquées à l’enfant. Elles
entraînent un défaut de perfusion du
foie et le passage des constituants du
sang porte dans la circulation systémique avec cinq complications principales : ictère cholestatique chez le nouveau-né, habituellement spontanément
résolutif, tumeurs du foie bénignes ou
Médecine
& enfance
Principales causes de stéatose hépatique
chez l’enfant
Métaboliques :
첸 galactosémie
첸 tyrosinémie
첸 fructosémie
첸 OCT (déficit en
ornithine carbamyl
transferase)
첸 bêta-oxydation
첸 Reye
첸 cholestérolose
첸 Wolman
첸 diabète
첸 mitochondriopathies
첸 glycogénoses
첸 alpha-1-antitrypsine
첸 Wilson
Nutritionnelles :
첸 carence : mucoviscidose
pancréas
intestin
malnutrition
첸 excès : obésité
Toxiques :
첸 valproate
첸 anti VIH
첸 ecstasy
첸 corticoïdes
malignes, encéphalopathie hyperammoniémique ou déficit du développement intellectuel, hypoxie par shunt artérioveineux pulmonaire (le « syndrome
hépatopulmonaire ») et hypertension
artérielle pulmonaire. L’une de ces complications peut être l’occasion de découvrir la fistule ; dans d’autres cas, c’est
une échographie anté- ou postnatale,
une anomalie de la biologie hépatique,
une hyperammoniémie ou une élévation insolite du taux sérique des acides
biliaires qui sont l’occasion du diagnostic. Dans les pays où le dépistage néonatal de la galactosémie est de routine,
une fausse positivité du dépistage peut
être observée.
Les petites fistules intrahépatiques peuvent se fermer spontanément avant
l’âge de deux ans, mais la persistance
des fistules extrahépatiques et des
grosses fistules intrahépatiques, comme
du canal d’Arantius est la règle. La gravité de la plupart des complications et
leur régression incertaine après fermeture de la fistule justifient la fermeture
préventive des fistules permanentes,
par chirurgie ou radiologie interventionnelle, en un ou deux temps selon la
perméabilité ou non du système porte
intrahépatique observée au cours d’une
épreuve d’occlusion de la fistule [3].
CHOLESTASES
FIBROGÈNES FAMILIALES :
TROIS GÈNES ET PLUS
DE TROIS MALADIES [4]
Trois gènes sur lesquels des mutations
sont responsables de ce que l’on appelait autrefois maladie de Byler ont été
identifiés au cours des dernières
années : FIC-1, responsable de la maladie originellement décrite dans la famille Byler ; BSEP, codant une protéine assurant le transport des acides biliaires à
travers la membrane du pôle biliaire
des hépatocytes ; MDR3, codant une
protéine assurant le transport des phospholipides au même niveau. A l’état homozygote ou hétérozygote composite,
un grand nombre de mutations portant
sur ces gènes sont responsables de maladies hépatiques graves aboutissant
spontanément à la mort à des âges allant de quelques mois à l’adolescence.
Ces maladies sont maintenant décrites
sous le nom de cholestases familiales fibrogènes ou de PFIC (pour « progressive
familial intrahepatic cholestasis ») :
PFIC 1 pour des mutations sur le gène
FIC-1, PFIC 2 pour des mutations du gène BSEP, PFIC 3 pour des mutations du
gène MDR3. Chez les enfants atteints,
l’identification de ces gènes a eu plusieurs conséquences :
첸 permettre le diagnostic moléculaire
de la maladie ;
첸 définir certains spécificités, comme
l’association à des manifestations intestinales et auditives dans PFIC 1 ou un
risque précoce de cancer du foie dans
PFIC 2 ;
첸 permettre le diagnostic anténatal de
ces maladies récessives autosomiques ;
첸 espérer un effet favorable du traitement par l’acide ursodésoxycholique
dans les mutations les moins sévères.
L’identification de mutations sur ces
gènes a eu d’autres conséquences qui
élargissent le spectre de l’intérêt de leur
recherche :
첸 des mutations moins sévères portant
sur les gènes FIC-1 et BSEP peuvent, à
l’état homozygote ou hétérozygote
avril 2010
page 183
composite, être responsables de cholestase récurrente bénigne, caractérisée
par des poussées de prurit avec ictère
entre lesquelles la biologie et l’histologie hépatique restent normales ;
첸 certaines mutations hétérozygotes
sont trouvées chez des patients présentant une cholestase médicamenteuse,
une cholestase gravidique, une cholestase néonatale transitoire bénigne ou
une lithiase biliaire. On peut suggérer
que l’état hétérozygote favorise l’expression d’une cholestase en cas d’exposition à des agents extérieurs ou hormonaux ou en cas d’immaturité hépatique
chez le nouveau-né ; dans ces cas, le
traitement par l’acide ursodésoxycholique est souvent efficace.
LA PLUS FRÉQUENTE
MALADIE DU FOIE DE
L’ENFANT : LA STÉATOSE
LIÉE À L’OBÉSITÉ [5]
La stéatose, caractérisée par l’accumulation de triglycérides dans les hépatocytes, peut s’observer dans un grand
nombre de situations pathologiques (voir
tableau). Parmi celles-ci, la maladie de
Wilson est particulièrement importante
à identifier précocement en raison d’implications thérapeutiques majeures. Toutefois, au cours des vingt dernières années, il est apparu, d’abord chez les
adultes puis chez les enfants de certains
pays, que la cause principale de stéatose
hépatique est l’obésité. Chez l’adulte
obèse, la séquence est bien identifiée :
accumulation de triglycérides dans les
hépatocytes, compliquée dans 20 % des
cas d’une inflammation ou stéatohépatite, pouvant aboutir, dans 20 % des cas à
une cirrhose et parfois à un cancer du
foie. Ces étapes ont été décrites également chez les enfants obèses, en particulier aux Etats-Unis, en Italie et au Japon.
Dans le comté de San Diego en Californie, les autopsies faites systématiquement pour les enfants morts de façon accidentelle ont montré une stéatose hépatique chez 2,5 % des enfants de sept ans,
chez 12 % des enfants de douze ans et
Médecine
& enfance
chez 18 % des enfants de dix-sept ans,
avec une relation directe entre la présence de stéatose et la surcharge pondérale.
Le diagnostic peut être évoqué devant
une élévation des transaminases et/ou
un aspect hyperéchogène (« brillant »)
du foie à l’échographie. Un régime bien
conduit associé à une activité physique
régulière et à un soutien psychologique
permet la diminution des transaminases
et de l’hyperéchogénicité du foie.
TRANSPLANTATION
HÉPATIQUE
Les résultats actuels des transplantations hépatiques faites chez 831 enfants
suivis à Bicêtre montrent une survie actuarielle de 78 % des enfants vingt ans
après la greffe. Les progrès notables des
dernières années concernent les résul-
BULLETIN
tats des greffes de foie faites chez les
nourrissons de moins de un an. La survie actuarielle, quatre ans après la greffe, est passée de 40 % pour les enfants
ayant reçu une greffe entre 1988 et
1992 à 82 % pour les nourrissons greffés
entre 2003 et 2007. Ces résultats sont
particulièrement importants puisque
l’âge médian de la transplantation hépatique chez l’enfant est de trois ans.
VACCIN CONTRE
L’HÉPATITE B
En Italie la vaccination contre l’hépatite
B est obligatoire depuis 1991 chez tous
les nourrissons et chez les préadolescents. L’efficacité remarquable de ce
programme a été rapportée en 2005 [6] :
en 1990, l’incidence des hépatites aiguës B était de 17/100 000 jeunes gens
D’ABONNEMENT
A
de quinze à vingt-quatre ans ; en 2003,
elle était inférieure à 1/100 000. Ces résultats, parmi d’autres, confirment l’intérêt d’une politique généralisée de vaccination contre l’hépatite B chez l’enfant, recommandée par l’OMS depuis
les années 90.
첸
Références
[1] INDOLFI G., RESTI M. : « Perinatal transmission of hepatitis C
virus infection », J. Med. Virol., 2009 ; 81 : 836-43.
[2] JACQUEMIN E. : « Dépistage de l’atrésie des voies biliaires et
couleur des selles : méthode de l’échelle colorimétrique », Arch.
Pédiatr., 2007 ; 14 : 303-5.
[3] FRANCHI S., BRANCHEREAU S., LAMBERT V. et al. : « Complications of congenital portosystemic shunts in children. Therapeutic options and outcomes », J. Pediatr. Gastroenterol. Nutr.,
sous presse.
[4] DAVIT-SPRAUL A., GONZALES E., BAUSSAN C., JACQUEMIN E. : « Progressive familial intrahepatic cholestasis », Orphanet J. Rare Dis., 2009 ; 8 : 1-12.
[5] LOOMBA R., SIRLIN C.B., SCHWIMMER J.B., LAVINE J.E. :
« Advances in pediatric nonalcoholic fatty liver disease », Hepatology, 2009 ; 50 : 1282-93.
[6] ZANETTI A.R., MARIANO A., ROMANO L. et al. : « Long-term
immunogenicity of hepatitis B vaccination and policy for booster : an Italian multicentre study », Lancet, 2005 ; 366 : 1379-84.
MEDECINE
NOM, Prénom
Adresse
Code postal, ville
첸 Je m’abonne pour un an : 50 €
첸 Je m’abonne pour deux ans : 80 €
첸 Je joins un chèque à l’ordre de Médecine & enfance
첸 Règlement par mandat administratif
Bulletin à envoyer à Médecine & enfance, 23 rue Saint-Ferdinand, 75017 Paris
Un reçu vous sera adressé
avril 2010
page 184
&
ENFANCE
Téléchargement