Hoesli Matthieu 3M5 13.11.2006 M. Eric Chevalley
Cicéron
Contre les Triumvirs
"Urbem, urbem mi Rufe, cole et in ista luce viva"
Cicéron, Correspondance, IV, CCLXV à Caelius, 2.
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Cicéron contre les triumvirs
Table des matières
1. Introduction, Hommage à Marcus Tullius
2. Prologue Historique
3. L’Apparition du Triumvirat
Cicéron, du Capitole à la Roche Tarpéienne
4. Le Triumvirat au Pouvoir
Exil et soumission de Cicéron
5. La Guerre Civile
Le face à face entre César et Pompée, le choix de Cicéron
6. César à la Tête de l’Etat
Cicéron dans l’opposition
7. Pour la République !
Cicéron contre Antoine, le dernier combat du grand orateur
8. Conclusion, L’Héritage de l’Histoire
9. Annexes
10. Chronologie, Bibliographie et Sources
Statue de Cicéron située devant le
palais de justice de Rome.
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Cicéron contre les triumvirs
1. Introduction
Hommage à Marcus Tullius
Le premier siècle avant JC. est sans doute la période la plus intéressante de toute l’histoire
romaine. Alliances, traîtrises, corruption, actes de bravoure, jeux politiques et dictatures,
marquèrent Rome et transformèrent progressivement l’antique République du Sénat en un
Empire de pouvoir absolu.
J’avoue, avoir mis du temps à choisir dans cette époque le sujet précis, passionnant, le thème
qui saurait m’enivrer et me plongerait véritablement dans la Ville du Ier siècle. Je voulais
également développer une recherche nouvelle, qui n’ait pas encore été traitée exhaustivement.
Se questionner, et questionner le lecteur sur la vie de personnages comme César, Auguste ou
même Pompée m’apparaissait comme désuet et indigne d’intérêt, tant leurs destinées et leurs
œuvres avaient déjà subi les critiques d’autres historiens en herbe si ce n’est expérimentés.
Etant de nature un peu difficile, je me perdais en conjectures, m’enorgueillissant de mes choix
et de mes trouvailles pour aussitôt les relâcher. Je finis par choisir donc Cicéron, personnage
sur lequel je m’interrogeais depuis longtemps. Le sujet était cependant bien trop vaste et je le
réduisis à une étude sur la relation entre le célèbre orateur et les triumvirs, Crassus, César et
Pompée, qui prirent le contrôle de la cité entre 60 et 49. Malgré tout je n’abandonnai jamais
mes premières ambitions d’atteindre une certaine complétude, ne pouvant m’empêcher de
jeter quelques regards vers des horizons passionnants.
Durant la conception de ce travail, j’ai plusieurs fois butté sur des obstacles qu’il me fut plus
ou moins aisé de surmonter. L’élément positif quand vous faites un travail sur l’antiquité,
c’est que vous pouvez vous servir des textes antiques, qui sont indéniablement les plus
partisans et les plus passionnants. Le revers de la médaille, c’est qu’il n’existe pas, ou presque
pas de bons travaux analytiques en français. Les ouvrages rédigés sur Cicéron dans la langue
de Molière sont plus souvent à mi-chemin entre le récit historique romancé et la thèse
philosophique que des travaux synthétiques détaillés. J’ai pesté face à la mauvaise habitude
qu’ont certains auteurs francophone de ne pas citer précisément leurs sources, quand
seulement ils le font, ce qui rend beaucoup plus ardu le travail de leurs successeurs. Certes,
l’anglais ne m’est pas totalement inaccessible, mais les publications universitaires sont tout de
même ardue.
Mon plus farouche adversaire fut le temps. N’ayant pu m’acharner sur ma tâche qu’une seule
semaine durant la pause estivale, je me trouvai au début quand mes camarades touchaient à la
fin de leur épopée. S’en suivit de longues semaines de travail. En effet, je m’étais pris au jeu
et commençait à éprouver un intérêt dévorant, si ce n’est de l’admiration pour le héros
principal du présent opuscule. Je peux désormais écrire avec certitude que le choix d’étudier
la vie du grand avocat fut le bon. J’ai pris grand plaisir à mettre mon grain de sel dans les
controverses qui agitent depuis longtemps les cercles d’historiens au sujet de l’homme
d’Arpinum. J’ai beaucoup appris en rédigeant ce travail, à mon avis le but est donc atteint
mais je vous en laisse seuls juges.
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Cicéron contre les triumvirs
Des tourments et des remous qui agitèrent l’Etat lors de ce siècle, Cicéron ne fut pas l’un des
acteurs les moins importants. Au même titre que César, Pompée ou Octave, il sut tirer son
épingle du jeu politique. L’orateur se posa comme défenseur de la légalité face aux grands
ambitieux de son époque, ils les affronta pour sauvegarder l’Etat légal et donna sa vie pour ses
idéaux. L’avocat fut cependant un homme à deux visages. Partagé tout d’abord entre sa vie
publique, où il prenait soin d’apparaître comme un personnage inébranlable au même titre que
Caton l’ancien ou Scipion Emilien, vie qui nous est parvenue au travers de ses plaidoyers ou
ses traités, et sa vie privée révélée par sa correspondance, il apparaît avec un visage
humain, forgé par les tristesses comme par les joies. Hésitant entre sa charge d’avocat et ses
tâches politiques et sa qualité de philosophe et d’écrivain. Toute sa vie il jongla entre ses
talents les unissant parfois pour le meilleur, comme dans le De republica. Dans mon travail,
j’ai préféré me focaliser sur le premier aspect de sa vie, plus connu mais moins exploité que le
second à propos duquel nombre d’études sont parues récemment. Il ne faudrait cependant pas
minimiser l’intérêt de son corpus philosophique. On a longtemps considéré les écrits de
l’orateur comme de simples transcriptions de la philosophie grecque, rien de plus faux !
Cicéron possède son style propre mélangeant agréablement théorie politique et philosophie
humaniste. Il est nécessaire de prendre l’œuvre de l’avocat pour ce qu’elle est : le legs d’idée
d’un homme aux générations futures. Rien que pour cette raison, elle mérite le respect.
Personnage controversé enfin par les historiens qui le considèrent pour certains, Grimal et
Plutarque en tête, comme un héros, les autres, représenté par Carcopino ou Salluste comme un
politicien opportuniste. Bien peu de ces avis sont objectifs. Salluste, par exemple était l’un des
meilleurs amis du dictateur et l’un des plus farouche opposant politique de l’avocat autant dire
que son récit « Sur la conjuration de Catilina » est loin d’être un pamphlet à la gloire de son
adversaire. Il me paraissait important de laisser le lecteur seul juge, de m’écarter de tout esprit
partisan. J’expose donc les points de vues des deux camps tout en restituant les faits et en
donnant mon avis personnel. Je ne sais pas si j’ai toujours réussi à être objectif, ou même si
j’ai réussi à l’être une seule et unique fois, mais j’aurais du moins essayé.
Mes pérégrinations m’ont conduit à poser au lecteur autant qu’à moi-même, des questions sur
la vie de Cicéron. J’ai tenté de les traiter avec la même franchise et impartialité que le thème
dans son entier. La série à succès américaine parue récemment, « Rome », présente l’orateur
comme un extrémiste conservateur, poussant le pays dans la guerre et prêt à la trahison.
Existe-il un fondement de vérité dans le personnage que fait transparaître l’acteur ? On peut
aussi se demander s’il existe quelque justification à la fuite de Cicéron après la défaite
pompéienne à Pharsale ? Certains estiment également que Cicéron, dans son combat contre
Catilina et plus tard contre Antoine, fit passer son intérêt personnel avant l’intérêt de l’Etat.
Qu’en est-il réellement ? Ce sont de telles interrogations auxquelles j’ai tenté de répondre
dans mon travail. Celui-ci portant également sur les triumvirs, il m’a semblé juste de
m’interroger aussi à des problématiques touchant Pompée, César et même Crassus. Le
vainqueur de Mithridate était-il un lâche général ou un défenseur de la patrie et César était-il
un bienfaiteur du peuple ou un tyran ? Je me suis également frotté à ces énigmes-là.
J’ai adopté la démarche suivante : après un prologue, destiné à rappeler le contexte historique,
les chapitre 3 à 6 sont consacrés au combat de Cicéron contre le premier triumvirat tandis que
le chapitre 7 aborde la période de l’affrontement avec le second triumvirat. Sur ce je vous
laisse poursuivre en compagnie de l’orateur.
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Cicéron contre les Triumvirs
2. Prologue
Avant les Triumvirs, l’Agonie de la République
Les causes du mal, pourquoi la guerre sociale ?
Avant de parler de Cicéron lui-même, il convient, de résumer et plus encore d’expliquer les
causes des troubles que la société romaine eut à subir pendant le 1er siècle avant JC.
Historiquement, la société romaine assura toujours sa stabilité grâce à son système de
citoyenneté très restrictif. Grâce également aux rites et traditions communs à tous qui
créeraient des liens fondamentaux entre chaque Romain et son prochain ; par rites et
traditions, on pense aussi bien aux cérémonies religieuses qu’au service militaire
« obligatoire », la langue ou encore les célèbre légendes romaines se transmettant de
générations en générations. Grâce finalement, aux lois romaines assurant la stabilité de la
société, notamment aux lois créées après la crise du 5ème siècle av.JC quand la plèbe se retira
sur le Palatin. Néanmoins, les fins connaisseurs de l’antiquité argueront que si toutes les
caractéristiques ci-dessus s’appliquent à l’Urbs il en va de même pour d’autres célèbres cités
antiques, notamment Athènes qui possédait également nombre de rites, coutumes et lois
unissant les citoyens et l’Etat et les gouvernants aux gouvernés. Cela n’empêcha pas sa
puissance de s’estomper beaucoup plus rapidement que celle de Rome. Le connaisseur n’aura
donc cesse de demander… pourquoi ?
En fait la plus grande différence est certainement le fait que Rome regardait les autres cultures
d’un œil beaucoup plus ouvert. Pour les Athéniens tout ce qui n’était pas grec était barbare
(onomatopée inventée par ces derniers pour désigner les langues étrangères) au mieux
inférieur, et les cités prises par la métropole étaient considérées comme lui appartenant
jusqu’à la dernière pierre de leur muraille. Alors que les Romains ne considéraient pas, du
moins officiellement, les territoires conquis comme vassaux, la Cité essayait plutôt « de les
transformer d’ennemis potentiels en amis et en alliés1 ». Rome s’adaptait aux coutumes
locales, ou plutôt se transformait au fil de ses conquêtes. Et si la conquête de l’Italie n’affecta
pas d’une façon majeure la cité, celle de la Grèce puis de l’Asie et de territoires toujours plus
éloignés modifièrent la société romaine en de nombreux points. Bien sûr il y eut de la
résistance de la part des plus vieilles familles aristocratiques romaines représentées au Sénat
qui, par exemple, chassèrent les philosophes grecs de la cité au 3ème siècle av. JC. Mais la
tendance générale fut incontestablement à l’ouverture. Grâce à cette politique intelligente, la
République puis l’Empire allaient assurer leurs fonctionnements pendant presque 1000 ans2.
Les conflits sociaux et les guerres civiles entre 133 et 27 av. JC, qui allaient transformer
l’antique République en un Empire, furent causés par plusieurs problèmes majeurs.
Premièrement, la disparition petit à petit de la classe « moyenne » romaine constituée de petits
propriétaires terriens. Ces derniers formaient la majeure partie de l’armée de milice,
constituaient la base des institutions de la cité et liaient entre eux les plus pauvres et les plus
riches des Romains. En effet, et il en va de même dans nos démocraties modernes, la stabilité
d’une société dépend en grande partie de la proportion qu’occupe la classe moyenne parmi
tous les citoyens. Plus la proportion est forte, plus la société sera stable
1 Pierre Grimal, la civilisation romaine, p.295.
2 Elizabeth Deniaux, Rome de la Cité-Etat à l’Empire, p.37.
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