Cicéron contre les triumvirs
Des tourments et des remous qui agitèrent l’Etat lors de ce siècle, Cicéron ne fut pas l’un des
acteurs les moins importants. Au même titre que César, Pompée ou Octave, il sut tirer son
épingle du jeu politique. L’orateur se posa comme défenseur de la légalité face aux grands
ambitieux de son époque, ils les affronta pour sauvegarder l’Etat légal et donna sa vie pour ses
idéaux. L’avocat fut cependant un homme à deux visages. Partagé tout d’abord entre sa vie
publique, où il prenait soin d’apparaître comme un personnage inébranlable au même titre que
Caton l’ancien ou Scipion Emilien, vie qui nous est parvenue au travers de ses plaidoyers ou
ses traités, et sa vie privée révélée par sa correspondance, où il apparaît avec un visage
humain, forgé par les tristesses comme par les joies. Hésitant entre sa charge d’avocat et ses
tâches politiques et sa qualité de philosophe et d’écrivain. Toute sa vie il jongla entre ses
talents les unissant parfois pour le meilleur, comme dans le De republica. Dans mon travail,
j’ai préféré me focaliser sur le premier aspect de sa vie, plus connu mais moins exploité que le
second à propos duquel nombre d’études sont parues récemment. Il ne faudrait cependant pas
minimiser l’intérêt de son corpus philosophique. On a longtemps considéré les écrits de
l’orateur comme de simples transcriptions de la philosophie grecque, rien de plus faux !
Cicéron possède son style propre mélangeant agréablement théorie politique et philosophie
humaniste. Il est nécessaire de prendre l’œuvre de l’avocat pour ce qu’elle est : le legs d’idée
d’un homme aux générations futures. Rien que pour cette raison, elle mérite le respect.
Personnage controversé enfin par les historiens qui le considèrent pour certains, Grimal et
Plutarque en tête, comme un héros, les autres, représenté par Carcopino ou Salluste comme un
politicien opportuniste. Bien peu de ces avis sont objectifs. Salluste, par exemple était l’un des
meilleurs amis du dictateur et l’un des plus farouche opposant politique de l’avocat autant dire
que son récit « Sur la conjuration de Catilina » est loin d’être un pamphlet à la gloire de son
adversaire. Il me paraissait important de laisser le lecteur seul juge, de m’écarter de tout esprit
partisan. J’expose donc les points de vues des deux camps tout en restituant les faits et en
donnant mon avis personnel. Je ne sais pas si j’ai toujours réussi à être objectif, ou même si
j’ai réussi à l’être une seule et unique fois, mais j’aurais du moins essayé.
Mes pérégrinations m’ont conduit à poser au lecteur autant qu’à moi-même, des questions sur
la vie de Cicéron. J’ai tenté de les traiter avec la même franchise et impartialité que le thème
dans son entier. La série à succès américaine parue récemment, « Rome », présente l’orateur
comme un extrémiste conservateur, poussant le pays dans la guerre et prêt à la trahison.
Existe-il un fondement de vérité dans le personnage que fait transparaître l’acteur ? On peut
aussi se demander s’il existe quelque justification à la fuite de Cicéron après la défaite
pompéienne à Pharsale ? Certains estiment également que Cicéron, dans son combat contre
Catilina et plus tard contre Antoine, fit passer son intérêt personnel avant l’intérêt de l’Etat.
Qu’en est-il réellement ? Ce sont de telles interrogations auxquelles j’ai tenté de répondre
dans mon travail. Celui-ci portant également sur les triumvirs, il m’a semblé juste de
m’interroger aussi à des problématiques touchant Pompée, César et même Crassus. Le
vainqueur de Mithridate était-il un lâche général ou un défenseur de la patrie et César était-il
un bienfaiteur du peuple ou un tyran ? Je me suis également frotté à ces énigmes-là.
J’ai adopté la démarche suivante : après un prologue, destiné à rappeler le contexte historique,
les chapitre 3 à 6 sont consacrés au combat de Cicéron contre le premier triumvirat tandis que
le chapitre 7 aborde la période de l’affrontement avec le second triumvirat. Sur ce je vous
laisse poursuivre en compagnie de l’orateur.