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Dossier
Aux frontières de l’écologie et de la biologie
Les interactions biotiques
façonnent le vivant
Comment les êtres vivants, les communautés et les écosystèmes qui les abritent,
répondent-ils aux changements environnementaux ?
Répondre à cette question nécessite de faire collaborer des spécialistes venus d’horizons
divers, réunis au sein du LABEX TULIP.
L’accroissement de la population mondiale
place l’homme devant de nombreux défis :
l’alimentation et l’utilisation des sols ou
de l’eau, le maintien de la biodiversité et plus
généralement d’un fonctionnement durable
des systèmes écologiques à toutes les échelles
constituent des enjeux prioritaires. D’autant plus
prioritaires que, d’après les données actuelles,
le réchauffement global s’annonce encore plus
rapide que les prédictions les plus pessimistes
émises il y a seulement quelques années.
C’est pour aborder ces questions qu’a été créé
le « laboratoire d’excellence » (LabEx) TULIP :
Toward a Unified theory of biotic Interactions :
roLe of environmental Perturbations. Il apporte
l’éclairage de la recherche fondamentale menée
par plus de 400 scientifiques, rassemblés dans la
fédération de recherche « Agrobiosciences, inte-
ractions et biodiversité ». TULIP implique ainsi
5 unités(1).
La réponse des plantes
Le principal défi de TULIP est de continuer à
œuvrer au rapprochement entre deux disci-
plines de la biologie qui trop souvent s’ignorent,
à savoir l’étude des mécanismes sous-jacents
aux interactions biotiques et l’écologie évolu-
tive. A Toulouse, la communauté des biologistes
des interactions se focalise sur les mécanismes
qui sous-tendent les réponses adaptatives des
plantes aux stimuli environnementaux, qu’ils
soient abiotiques ou biotiques. Dans ce dernier
cas, il s’agit plus particulièrement de disséquer
la réponse des plantes aux microorganismes
pathogènes ou symbiotiques. De son côté, la
communauté toulousaine spécialisée dans l’éco-
logie évolutive étudie les mécanismes ultimes
des dynamiques des populations et des commu-
nautés d’espèces à toutes les échelles d’espace
et de temps. Leur rapprochement nécessite un
travail important aussi bien sur les technologies,
les concepts et les théories.
Le Métatron de Moulis est un grand équipement
scientifique d’une surface de 4 ha permettant
d’étudier les processus écologiques et évolutifs
à des échelles proches de celles de la nature
et ce notamment face au réchauffement
climatique (SEEM).
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Janvier 2 0 1 4 PAUL SABATIER
Aux frontières de l’écologie et de la biologie
Instruments uniques dans le monde
Au plan technologique, le site d’Auzeville ex-
ploite toutes les approches omics à haut débit
(génomique, protéomique, métabolomique, etc.),
incluant notamment le développement de pla-
teforme de phénotypage robotisé et à haut
débit dans différents environnements, ainsi que
la gestion bioinformatique des grandes masses
de données générées. D’autre part, le passage
d’espèces modèles à des espèces d’intérêt
agronomique et écologique constitue un des
points charnière de la communauté. A la sta-
tion expérimentale de Moulis, sont développés
de grands instruments uniques dans le monde.
Par exemple, le métatron d’une surface de
4 hectares se compose de 48 unités de 100m2,
chacune reliée à ses quatre unités voisines par
des couloirs pour étudier la dispersion de divers
organismes (papillons et autres insectes, lézards,
plantes) dans un système clairement spatialisé.
Il permet l’étude des processus écologiques à
des échelles spatiales et temporelles pertinentes
pour l’écologie évolutive.
Aux plans conceptuel et théorique, ces équipes
jouent un rôle important à l’échelle natio-
nale et internationale dans le décryptage des
mécanismes qui président à la mise en place de
symbioses fixatrices d’azote chez les plantes
et leur transfert potentiel aux plantes ne pos-
sédant pas cette capacité, telles les céréales.
La compréhension de la perception par les
plantes des bioagresseurs, des voies de signali-
sation en découlant ainsi que de l’établissement
des mécanismes de résistance ou de sensibi-
lité constitue un autre pan important de nos
recherches. Enfin, notre communauté a été à
l’origine de l’émergence de la théorie neutre de
la biodiversité ou de l’hérédité non génétique
(épigénétique et culturelle). Ces sujets sont au
cœur des intérêts des Instituts INEE et INSB du
CNRS, mais également de l’INRA. C’est aussi
dans le domaine de la théorie et de la modélisa-
tion que TULIP affiche ses plus grandes ambi-
tions qui correspondent au cinquième thème
majeur de recherche intitulé ‘Vers une théorie
unifiée des interactions biotiques’. C’est aussi
dans ce domaine que TULIP nous a permis de
réaliser nos premières opérations d’attraction
avec la venue sur un poste CNRS de Michel
Loreau, l’un des experts mondiaux de la biodi-
versité, qui a immédiatement créé le ‘Centre de
Théorie et Modélisation de la Biodiversité’.
Au plan stratégique et managérial, le laboratoire
investit dans la recherche de pointe, et cherche
à attirer sur des postes permanents des scien-
tifiques seniors et juniors de stature internatio-
nale. Le pari est en effet de miser sur l’attraction
de chercheurs de plan mondial pour entraîner
automatiquement la communauté vers une
plus grande interaction et compétitivité des
recherches. L’accueil de visiteurs sur une courte
durée permet de proposer une animation scien-
tifique, des séminaires, dont certains sont liés à
la formation.
Pour la formation, précisément, le laboratoire
a mis en place une école d’été internationale
annuelle dont la troisième édition se déroulera
en juillet 2014 et qui attire chaque année une
vingtaine d’étudiants venus d’une vingtaine de
pays de par le monde. D’autre part, il œuvre au
rapprochement et à la coordination d’au moins
deux des Masters portés par notre communauté
(MABS et BEE)(2) de façon à faire émerger un
parcours en biologie et écologie intégratives à
l’Université Paul Sabatier.
Biofertilisants et biofongicides
En termes de valorisation, la conjonction
d’approches différentes et complémentaires en
biologie et écologie, permettent d’aborder ces
questions sous différents angles: développe-
ment de biofertilisants et biofongicides, amélio-
ration de la résistance des plantes aux maladies
ou encore évaluation de l’impact environnemen-
tal à long terme de nouveaux intrants ou procé-
dés. TULIP souhaite la création d’une structure
de transfert avec des partenaires, industriels ou
publics. n
(1) LIPM : Laboratoire des Interactions Plantes-Mi-
croorganismes (unité CNRS-INRA) ; EDB : Évolution
et Diversité Biologique (unité CNRS-UPS-ENFA) ;
LRSV : Laboratoire de Recherche en Sciences Végé-
tales (unité UPS-CNRS) ; GBF : Génomique et Bio-
technologie des Fruits (unité INRA-INP-ENSAT) ;
SEEM: Station d’Écologie Expérimentale du Moulis
(USR CNRS).
(2) MABS : Master Microbiologie Agrobiosciences
Bioinformatique et biologie des Systèmes (UPS Tou-
louse) ; BEE : Master Biodiversité Écologie Évolution
(UPS Toulouse).
Contact
dominique.rob[email protected]
u
Etienne Danchin, directeur de recherches
CNRS, directeur du laboratoire Évolution et
diversité biologique (EDB, unité mixte UPS/
CNRS/ENFA) et Dominique Roby, directrice
de recherches CNRS, directrice du Laboratoire
des interactions plantes-microorganismes
(LIPM, unité mixte CNRS/INRA).
Expression d’un gène rapporteur dans
une jeune racine d’Arabidopsis thaliana.
Cette plante modèle est la « souris de
laboratoire » du monde végétal.
© D.Trémousaygue - LIPM
Visualisation de la mort cellulaire
programmée, mécanisme de défense
des plantes afin d’endiguer la
progression d’un bio-agresseur
© C.Balagué - LIPM
Cinq thèmes majeurs de recherche (TMR)
transversaux aux laboratoires impliqués,
forment l’assise de TULIP, allant des questions
au niveau le plus simple au plus compliqué
et intégrateur.
• TMR1 : Interactions organisme-environnement
• TMR2 : Interactions organisme-organisme
TMR3 : Effet de l’environnement sur les
interactions organisme-organisme
TMR4 : Interactions entre populations et
communautés / écosystèmes
TMR5 : Vers une théorie unifiée des
interactions biotiques
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Dossier
Plantes : de la protection
individuelle à l’évolution
des populations
Lorsque l’environnement change, les plantes s’adaptent. Mais
comment la réaction des individus conduit-elle à l’évolution
d’une population entière, outrepassant les générations ?
Tous les organismes vivants sont exposés
aux variations physiques de l’environne-
ment (lumière, température, disponibilité
en eau), mais contrairement aux animaux qui
ont la faculté de se déplacer, les plantes doivent
faire face à ces conditions pour achever leur
cycle de développement et de reproduction.
Cette aptitude des plantes à percevoir des
informations physiques ou chimiques et à les
convertir en réponses adaptées repose sur des
réseaux de signalisation dont la compréhension
constitue l’un des enjeux de la biologie intégra-
tive. L’ion calcium est l’un des premiers messa-
gers à véhiculer ces informations dans la cellule.
La variation de la teneur en calcium agit comme
une alarme cellulaire qu’il faut décoder. Récem-
ment, des équipes du Labex TULIP ont montré
l’importance de protéines de décodage du cal-
cium dans la tolérance au déficit hydrique chez
la plante modèle Arabidopsis. Si le calcium joue
un rôle clé, la mise en place des réponses mobi-
lise également des hormones (acide abscissique,
éthylène, acide jasmonique) qui vont coordon-
ner les mécanismes permettant aux plantes de
lutter contre ces stress (fermeture des stomates,
synthèse d’osmolytes, régulation génique) mais
également contrôler les processus de dévelop-
pement (modification de la paroi, lignification,
floraison et développement des fruits). Ces ré-
ponses illustrent la plasticité phénotypique des
plantes. Si cette plasticité est indispensable à la
survie d’un individu, celle de sa descendance est
conditionnée par l’acquisition de mécanismes
adaptatifs qui reposent sur l’apparition et la
sélection de caractères nouveaux, d’espèces
nouvelles au sein de populations végétales.
Changement d’échelle
Ce changement d’échelle entre l’individu et la
population a souvent entretenu une séparation
entre deux communautés scientifiques : physio-
logistes et écologues. L’un des enjeux du Labex
TULIP est de regrouper ces deux communautés
qui abordent ces problématiques de façon trans-
versale et intégrée. La description d’un proces-
sus de développement peut être interprétée à la
lumière de modèles d’évolution, en introduisant
la notion de trade-off, c’est à dire de compromis
évolutif. Ainsi, en réponse aux stress, le nombre
de fleurs, la taille, la forme des fruits et leur teneur
en sucres résultent d’un trade-off entre l’énergie
allouée pour la reproduction et celle investie
pour lutter contre ces stress. La nature de ce
compromis façonne donc la réponse individuelle
de l’organisme et son évolution. Par ailleurs, les
changements adaptatifs, qui sont à l’origine
de nombreux remaniements de la diversité des
espèces et des populations ne semblent pas tou-
jours dictés par des modifications génétiques.
Souvent, ils sont associés aux changements de
l’environnement. Peu de données permettent
d’intégrer dans un même modèle déterminisme
environnemental et déterminisme génétique
des caractères observables. Les scientifiques
impliqués dans le Labex tentent de décoder la
réponse des organismes à leur environnement
chez la plante Antirrhinum majus (le muflier).
Le témoignage apporté par la relation entre
diversité génétique et variabilité environne-
mentale chez le muflier a permis de comprendre
pourquoi les plantes et leurs fleurs différent
d’une population à l’autre dans les Pyrénées.
Nos objectifs visent donc, à l’échelle cellulaire,
moléculaire mais également à l’échelle de l’indi-
vidu et des populations, à identifier les méca-
nismes qui permettent aux plantes de s’adapter
aux contraintes de l’environnement et à décrire
les réseaux de signalisation qui les activent. n
(B-C) Le muflier a une croissance réduite
dans un environnement ouvert, exposé
au vent et au soleil ou dans une faille de
roche (B) ; la tige d’un muflier apparenté
s’est allongée afin d’atteindre la lumière
dans une clairière (C).
(A) Un fruit sous influence: des
modifications dans l’expression
d’un gène de signalisation
hormonale à l’origine d’une
diversité de formes ou de
couleurs.
Benoit Van Der Rest, maître de confé-
rences INPT, au Laboratoire de génomique
et biotechnologie des fruits (LGBF, unité
mixte INRA/INPT), Jean-Philippe Galaud,
maître de conférences UPS, au Laboratoire de
recherche en sciences végétales (LRSV, unité
mixte UPS/CNRS), et Benoit PUJOL, chargé
de recherche CNRS, au Laboratoire évolution
et diversité biologique (EDB, unité mixte UPS/
CNRS/ENFA).
Contact
galaud@lrsv.ups-tlse.fr,
benoit.van-der[email protected]
u
A
B
C
Aux frontières de l’écologie et de la biologie
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Janvier 2 0 1 4 PAUL SABATIER
Le langage de la symbiose
Quand ils établissent des échanges gagnant-gagnant
avec les plantes, bactéries et champignons, utiliseraient un
langage assez proche. Cette découverte inattendue ouvre
de nouvelles perspectives de fertilisation.
Biofertilisants
Deux symbioses végétales très répandues dans
la nature sont étudiées par plusieurs équipes
de TULIP : la symbiose rhizobienne qui s’établit
entre les bactéries rhizobium et les légumi-
neuses, une très grande famille de plantes (pois,
soja, luzerne, fèverole, acacia, mimosa, etc.),
et la symbiose mycorhizienne à arbuscules qui
s’établit entre certains champignons microsco-
piques et la plupart des plantes terrestres. Ces
deux symbioses ont joué un rôle considérable au
cours de l’évolution des plantes terrestres, pour
lesquelles les bactéries rhizobium et les cham-
pignons mycorhiziens à arbuscules ont servi de
biofertilisants naturels. Si elles attirent autant
l’attention d’une très large communauté scien-
tifique internationale, c’est parce qu’elles repré-
sentent des solutions biologiques pour réduire
l’utilisation des engrais chimiques en agriculture.
A l’intérieur des racines, dans des structures
spécifiques appelées nodules, les bactéries rhi-
zobium transforment l’azote de l’air en ammo-
niac, une forme d’azote directement assimilable
par les plantes. Les champignons mycorhiziens à
arbuscules, eux, s’insinuent entre les cellules du
cortex racinaire ils forment des structures très
ramifiées appelées arbuscules). Ils fournissent
ainsi à la plante de l’eau et des minéraux, notam-
ment du phosphate. L’intérêt de la symbiose pour
le microorganisme, aussi bien bactérien que fon-
gique, est de bénéficier d’une source privilégiée
de carbone issu de la photosynthèse de la plante.
Malgré cette caractéristique commune, les deux
symbioses rhizobienne et mycorhizienne appa-
raissaient en première analyse comme bien dif-
férentes. Jusqu’à une époque récente, chacune
avait sa communauté scientifique propre et ses
réunions scientifiques spécialisées.
Voies de signalisation
Des découvertes importantes, dont plusieurs
faites à Toulouse, ont depuis quelques années
rapproché ces deux communautés. Le proces-
sus qui conduit à la formation des nodules est
déclenché par une voie de signalisation activée
par des molécules secrétées par les rhizobia, ap-
pelées facteurs Nod. Ces signaux symbiotiques,
découverts à Toulouse il y a 23 ans, sont des lipo-
chitooligosaccharides. On pensait alors qu’ils
n’étaient perçus que par les légumineuses. De
même on pensait qu’en aval des récepteurs des
facteurs Nod, le complexe de protéines servant
à transduire le signal bactérien et à déclencher le
programme de nodulation chez la plante, était
la seule propriété des légumineuses. Puis, des
approches génétiques ont montré que certaines
mutations chez les légumineuses conduisant à la
perte de l’aptitude à la nodulation entraînaient
également la perte de l’aptitude à la mycorhi-
zation: un tout nouveau champ de recherche a
alors émergé. Les communautés scientifiques
Nod et Myc, dont les équipes de TULIP, ont pro-
gressivement mis en lumière le fait que les voies
de signalisation Nod et Myc, conduisant respec-
tivement à la nodulation et à la mycorhization,
étaient très similaires. Elles ont découvert que
pratiquement toutes les plantes, et pas seule-
ment les légumineuses, possédent la voie de
signalisation Nod, au moins pour l’essentiel. Les
équipes de Toulouse ont notamment montré il y
a deux ans que les champignons mycorhiziens à
arbuscules, comme les rhizobia, produisent des
lipochitooligosaccharides, similaires à ceux pro-
duits par les bactéries rhizobia. Pour expliquer ce
phénomène inattendu, il faut faire l’hypothèse
que la symbiose rhizobienne, apparue il y a 60
millions d’années, a exploité une voie de signali-
sation beaucoup plus ancienne, celle qui permet
la mycorhization (vieille de plusieurs centaines
de millions d’années).
Ces découvertes ouvrent des perspectives extrê-
mement prometteuses : réussir peut-être un jour
à noduler des plantes non légumineuses comme
les céréales, dont les cultures pourraient alors se
faire sans apport de fertilisation azotée. n
Contact
Becard@lrsv.ups-tlse.fr
u
Guillaume Bécard, professeur UPS
au Laboratoire de recherche en sciences
végétales (LRSV, unité mixte UPS/CNRS)
et Pascal Gamas, directeur de recherche
CNRS au Laboratoire des interactions
plantes microorganismes, (LIPM, unité
mixte CNRS/INRA).
Endosymbioses racinaires.
(A) Nodules sur une racine de pois (barre d’échelle : 1 cm).
(B) Section de nodule porteur de bactéries rhizobium visualisées à l’aide d’une protéine fluorescente GFP
(couleur verte) (barre d’échelle : 100 µm).
(C ) Racine colonisée avec un champignon mycorhizien à arbuscules coloré à l’encre bleue (barre d’échelle : 300 µm).
(D) Co-culture d’une racine et d’un champignon mycorhizien à arbuscules montrant les hyphes et les spores du
champignon, ainsi que le signal symbiotique lipochitooligosaccharidique qu’il produit (barre d’échelle : 500 µm).
Aux frontières de l’écologie et de la biologie
8PAUL SABATIER Janvier 2 0 1 4
Dossier
Contact
dumas@scsv.ups-tlse.fr
u
Comment augmenter
la résistance des plantes aux
micro-organismes pathogènes
En étudiant la manière dont les plantes se protègent naturellement contre
leurs pathogènes, les scientifiques développent des pesticides biologiques.
Depuis les débuts de l’agriculture, l’homme
doit faire face aux maladies causées aux
plantes par des microorganismes. Cer-
taines de ces maladies affectent des cultures à
la base de l’alimentation humaine et leur impact
sur les rendements a entraîné des famines et
l’émigration de populations. Aujourd’hui, le
changement rapide des conditions climatiques
fait craindre un bouleversement de la répartition
des microorganismes pathogènes et l’émer-
gence de nouvelles maladies pouvant affecter
des espèces végétales cultivées ou sauvages.
Réduire l’utilisation des pesticides
Pour lutter contre ces maladies plusieurs dizaines
de milliers de tonnes de pesticides sont répandus
sur les cultures chaque année en France, posant
de graves problèmes pour l’environnement et la
santé humaine. Depuis plusieurs années, des po-
litiques nationales et européennes visant à la ré-
duction de l’usage de ces produits ont été mises
en place. En France, le plan Ecophyto lancé à la
suite du Grenelle de l’environnement en 2008 a
pour objectif de réduire progressivement l’uti-
lisation des pesticides tout en maintenant une
agriculture économiquement performante. Pour
atteindre cet objectif, il est absolument néces-
saire d’identifier de nouvelles stratégies de lutte
et de développer les connaissances fondamen-
tales sur les mécanismes moléculaires régissant
les interactions entre les plantes et les micro-
organismes pathogènes. En effet, loin d’être dé-
sarmés, les végétaux ont mis en place au cours
de leur évolution un système immunitaire effi-
cace leur permettant de résister à la plupart de
leurs agresseurs. En retour, les microorganismes
produisent des molécules, appelées effecteurs,
dont un des rôles est de contrecarrer les réponses
immunitaires de l’hôte.
Variétés naturellement résistantes
Les objectifs principaux des équipes du Labex
TULIP travaillant sur ces questions est de
décoder les éléments du dialogue effecteurs
système immunitaire. Les recherches sont
principalement menées sur des plantes modèles
(Arabidopsis thaliana, Medicago truncatula)
mais également sur des plantes de grande
culture, telles que la tomate et le tournesol. Ces
plantes permettent notamment la mise en place
d’approches génétiques globales et d’exploi-
ter la variabilité naturelle rencontrée entre des
individus de ces espèces. De nouveaux gènes
importants pour la résistance des plantes aux
maladies ont ainsi été identifiés fournissant
des pistes particulièrement intéressantes pour
sélectionner de nouvelles variétés naturelle-
ment résistantes. Les effecteurs produits par les
microorganismes sont identifiés par des
approches d’analyse génomique et des tests
fonctionnels. Une autre stratégie pour l’amélio-
ration de la résistance des plantes aux maladies
porte sur la recherche de composés naturels et
de microorganismes bénéfiques capables de
stimuler le système immunitaire des plantes.
Des analyses haut-débit sont développées afin
de tester à la chaîne des collections de subs-
tances et de repérer les candidats les plus actifs.
Une partie de ces recherches est réalisée en
collaboration avec des industriels du secteur
phytosanitaire et des semences afin de pouvoir
transférer rapidement les résultats générés vers
des solutions applicables au champ. n
Symptômes de flétrissement provoqués
par la bactérie Ralstonia solanacearum.
L’utilisation de la plante modèle
Arabidopsis thaliana permet d’élucider,
au niveau moléculaire, les mécanismes
développés par la plante hôte afin de
percevoir la présence de son agresseur.
Bernard Dumas, directeur de recherche
CNRS au Laboratoire de recherche en
sciences végétales (LRSV, unité mixte
UPS/CNRS) et Laurent Deslandes,
chargé de recherche CNRS au Laboratoire
des interactions plantes microorganismes
(unité mixte CNRS/INRA).
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