208 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 3 - mars 2010
La vie après le cancer: des fatigues, des souffrances, des solutions?
DOSSIER THÉMATIQUE
La vie après le cancer
sociétés savantes. L’indication de ces traitements est
l’anémie chimio-induite. Il n’est donc pas à envisager
de traitement par EPO après la phase de traitements
de chimiothérapie. L’évaluation de l’anémie doit, là
encore, suivre une démarche diagnostique rigou-
reuse afin de trouver le traitement adapté (carence
martiale, hémorragie, etc.).
La prise en charge nutritionnelle fait également
partie de la lutte contre la fatigue, la dénutrition
étant l’une des causes de l’asthénie. Il convient alors
de dépister les troubles alimentaires, d’évaluer la
perte de poids et sa rapidité, et de calculer l’index
de masse corporelle (poids/taille2). On pourra, par
la suite, définir plus précisément l’impact nutri-
tionnel selon différentes formules (par exemple,
le Nutritional Risk Index, NRI), avec recours à un
spécialiste (diététicien, voire nutritionniste) si
nécessaire.
Si la perte de poids a un impact reconnu sur la
fatigue, la prise de poids peut également être délé-
tère, par son impact indirect, par exemple sur le vécu
des patients (troubles de l’image corporelle) ou sur
leur activité (surpoids).
On distingue, à travers ces différentes démarches
d’accompagnement, la nécessité d’une prise en
charge globale, pluridimensionnelle et multipro-
fessionnelle, promue par le développement des
soins de support. La prise en charge de la fatigue
peut également faire appel à une prise en charge
symptomatique pharmacologique, qui repose essen-
tiellement sur 2 molécules psycho-stimulantes : le
méthylphénidate et le modafinil (15).
On ne retrouve en fait pas d’étude de bonne qualité
sur les interventions pharmacologiques dans le cadre
de la fatigue, mais l’extrapolation de résultats peut
être mise en avant. Le méthylphénidate est un
psycho-stimulant dont l’efficacité a été démon-
trée dans le cadre de 2 études randomisées versus
placebo. La première étude, publiée par Bruera et al.,
a été menée en situation palliative, avec une durée
de traitement de 8 jours (16). La seconde l’a été au
cours d’un traitement de chimiothérapie pour une
durée de 8 semaines (17). Un avantage significatif
a été retrouvé en faveur du méthylphénidate versus
placebo dans les 2 études. Il semble donc que l’on
puisse évaluer à présent ce traitement en situation
post-thérapeutique à la dose de 10 à 20 mg par jour
selon la réponse. Les effets indésirables incitent
cependant à une vigilance et à des prescriptions
encadrées, actuellement réservées aux psychiatres
et aux neurologues.
Le modafinil est un traitement psycho-stimulant,
testé notamment durant la première guerre du Golfe
en Irak afin de tenir éveillés les soldats américains.
La molécule a par la suite fait l’objet de différentes
études, tant dans le domaine des troubles cogni-
tifs que dans celui de la fatigue. Les résultats sont
mitigés en fonction des études, avec toutefois une
tendance à un avantage de ce traitement versus
placebo. Son utilisation en routine reste en attente
d’études complémentaires dans le domaine de la
cancérologie, bien qu’il soit déjà utilisé dans le trai-
tement de la narcolepsie (18-20).
La paroxétine (prescrite devant une fatigue indépen-
damment de l’existence d’un syndrome dépressif) et
les progestatifs n’ont pas montré de bénéfice dans
les différentes études évaluées au cours d’une méta-
analyse (15).
La place des thérapies comportementales et complé-
mentaires fait l’objet d’une recherche active depuis
quelques années, et elles entrent dans la panoplie
thérapeutique à proposer aux anciens patients (7).
Le yoga fait partie des interventions largement
utilisées, avec une représentation dans les grands
congrès internationaux tels que l’ASCO. Une étude
a été menée afin d’évaluer l’impact du yoga sur la
qualité de vie de patientes traitées pour un cancer
du sein (21). Les résultats ont été en faveur d’une
intervention par cette technique en termes de bien-
être (p < 0,0001). L’évaluation en sous-groupes,
notamment des patientes ayant terminé leur trai-
tement, a également montré un bénéfice en termes
de qualité de vie (p = 0,008) ainsi qu’en termes de
bien-être. Les autres techniques telles que l’acu-
puncture sont également évaluées dans le cadre
d’essais thérapeutiques.
Une autre étude récente, présentée par Carson et al.,
a montré l’impact du yoga sur les symptômes de la
ménopause ressentis par les patientes à distance de
leur traitement anticancéreux (22). Les patientes
étaient randomisées entre un bras de traitement
par exercices de yoga et un bras contrôle sous forme
de liste d’attente. Le traitement yogi était admi-
nistré sur une durée de 8 semaines. Les évaluations
ont été effectuées à l’inclusion, après traitement,
puis à 3 mois de la fin du traitement. Un bénéfice
significatif a été démontré sur les différents symp-
tômes de la ménopause, tant sur la fatigue que sur
les arthralgies ou les bouffées de chaleur.
Les bouffées de chaleur, appelées également bouf-
fées vasomotrices (BV), représentent un symptôme
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11.◆ Vallance JK, Courneya KS,
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