
Antoine ZIMMER – Août 2012
La société DocMorris, entreprise pharmaceutique située aux Pays-Bas, commercialise en
Allemagne des médicaments via Internet depuis l’année 2000. L’Apothekerverband, une
association représentant la profession de pharmaciens et défendant ses intérêts économiques et
sociaux, forme une action en justice devant le tribunal de Francfort pour contester cette offre
de médicaments par correspondance et leur livraison transfrontalière, en considérant que
DocMorris viole la législation allemande sur les pharmacies. Le tribunal de Francfort saisit
alors la CJUE d’une question préjudicielle portant sur la conformité de la législation
nationale, en ce qui concerne la vente par correspondance et la publicité des médicaments, par
rapport aux dispositions des Traités relatives à la libre circulation des marchandises et à son
éventuelle justification au regard de la santé publique.
Concernant la vente de médicaments par correspondance, la Cour répond en deux temps.
Sur l’interdiction de vente par correspondance des médicaments n’ayant pas reçu
d’autorisation de mise sur le marché en Allemagne, la Cour constate tout d’abord que cette
interdiction est également prévue dans la législation communautaire. En effet, depuis la
directive 65/65 CEE
dans son article 3, « Aucune spécialité pharmaceutique ne peut être
mise sur le marché d'un État membre sans qu'une autorisation n'ait été préalablement
délivrée par l'autorité compétente de cet État membre. » Cette disposition se retrouve
désormais à l’article 6 du « Code européen des médicaments ».
La législation allemande est
sur ce point la parfaite transposition de la directive.
L’interdiction générale de vente par correspondance des médicaments bénéficiant d’une
autorisation de mise sur le marché en Allemagne pose davantage de problèmes. En effet, la
Cour considère que cette disposition constitue une mesure d’effet équivalent à une restriction
quantitative au sens de l’article 28 CE
, conformément à la jurisprudence Dassonville
.
L’Apothekerverband considère quant à elle que cette interdiction de vente par correspondance
constitue une modalité de vente au sens des arrêts Keck et Mithouard
, et qu’elle
s’appliquerait de la même manière à l’égard des pharmacies nationales qu’étrangères. Pour la
Cour par contre, cette interdiction affecte plus lourdement en fait les pharmacies situées à
l’étranger ; la vente en ligne est le seul moyen pour une pharmacie des Pays-Bas de
concurrencer les pharmacies allemandes.
Cette mesure est toutefois justifiable sur le fondement de la santé publique, à condition qu’elle
soit nécessaire et proportionnée, mais la Cour ne lui reconnait pas ce caractère. Elle précise
ainsi qu’« une réglementation ou une pratique nationale ne bénéficie pas de la dérogation
prévue à l'article 30 CE lorsque la santé et la vie des personnes peuvent être protégées de
manière aussi efficace par des mesures moins restrictives des échanges communautaires. »
Les seuls arguments pouvant justifier une telle interdiction concernent les obligations de
conseil du pharmacien, de vérification de la validité de l’ordonnance ainsi que
l’approvisionnement adapté des médicaments.
Directive 65/65/CEE du Conseil, du 26 janvier 1965, concernant le rapprochement des dispositions législatives,
réglementaires et administratives, relatives aux spécialités pharmaceutiques
Directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code
communautaire relatif aux médicaments à usage humain ou « Code européen du médicament »
Article 28 du Traité instituant la Communauté européenne (CE), désormais article 34 du Traité sur le
fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) : « Les restrictions quantitatives à l'importation, ainsi que toutes
mesures d'effet équivalent, sont interdites entre les États membres. »
Arrêt du 11/07/1974, Dassonville, Rec.1974,p.837
Affaires C-267/91 et C-268/91, Rec. p. I-6097