Nouvelles activités, nouveaux habitants
Pour visibles qu’elles soient, les transformations urbaines ne constituent que le pendant de profondes mutations
économiques. Esquissées dès les années trente, elles visent à sortir Pittsburgh d’un déclin industriel tragique, en
aménageant les conditions de développement d’une économie tertiaire, créative et à haute valeur ajoutée. Le secteur de
la santé, l’émancipation de l’ (UPMC), est aujourd’hui un vecteur économique
via University of Pittsburgh Medical Center
de premier plan, notamment en termes d’emplois. Le secteur de l’énergie – appellation commode pour l’exploitation
controversée de gaz de schistes du – est en plein essor tandis que les fondations privées au statut de
Marcellus Schale
, nourrissent une économie financière et fournissent des emplois qualifiés. Aujourd’hui, les
non-profit organizations
quelques 133 000 emplois perdus dans l’industrie entre 1982 et 1985 sont largement compensés, même si ce ne sont
pas les mêmes catégories sociales qui sont désormais appelées à les occuper.
Dans le , le concentre des activités artistiques et culturelles dans une ancienne
downtown Cultural District red-light zone
(quartier rouge) tandis que le musée Andy Wharol constitue une attraction de niveau international. L’espace central et sa
– avec les emblématiques sièges sociaux de PPG et Alcoa–, témoignent des mutations de l’économie locale.
skyline,
Pour autant, la configuration socio-spatiale de la ville n’est pas bouleversée. La ségrégation est omniprésente à
Pittsburgh, encore marquée par la pratique du [3] des années soixante. Les politiques de régénération, malgré
red-lining
la recherche – et parfois l’instrumentalisation – de mobilisations communautaires ont plutôt délaissé ces quartiers
« parias », même si depuis 1977 le encourage les banques à favoriser l’accès au crédit
Community Reinvestment Act
des plus pauvres et à soutenir des actions communautaires localisées.
Le rôle de l’action citoyenne
Le district de Larimer, quartier d’immigrés européens à l’Est de la ville, est l’un des plus pauvres de Pittsburgh : 29 % des
résidents ont des revenus inférieurs au seuil de pauvreté fédéral, et 40 % des logements sont vacants. Depuis 2008, le
structure des actions en matière d’environnement, d’éducation, de vie sociale et d’emplois,
Larimer Community Plan
dans un contexte de gentrification des districts alentour [4]. Par le , il tente de pallier le manque
community building
d’infrastructures et d’équipements tout en projetant un horizon « vert et durable ». Hill District, quartier afro-américain
proche du centre-ville, haut-lieu du jazz dans les années cinquante, aujourd’hui stigmatisé et défavorisé, est le siège de
nombreuses initiatives de . Dépendantes des financements privés, ces organisations sont de
community organizing
véritables entreprises de développement local, voire immobilier, loin parfois de l’esprit social qui animait leur création [5].
Si la ville a diversifié son économie et transformé certains de ses quartiers, les défis sont encore nombreux à relever
pour asseoir cette « renaissance » et parler de « ville phénix ». L’action citoyenne, indispensable complément aux
investissements ciblés des coalitions municipales, ne peut corriger les difficultés liées à la pérennité de la pauvreté et de
la ségrégation [6]. La faiblesse des ressources municipales, comme celle des services urbains, et la fragilité des
équipements plaident pour une régulation métropolitaine qui peine à s’affirmer.
[1] Dieterich-Ward A., “From Steel to Silicon: Urban Development and Image Making in Twentieth-century Pittsburgh”: Bauman, J. F., and
Muller, E. K. (2006). , , 36, November 2009, p. 1059-1066.Before Renaissance: Planning in Pittsburgh, 1889-1943 Journal of Urban History
[2] Pallagst K., “Shrinking Cities in the United States of America”, in Pallagst K. and al., The Future of Shrinking Cities – Problems, Patterns
, Institute of Urban and Regional Development, Center for Global Metropolitanand Strategies of Urban Transformation in a Global Context
Studies and The Shrinking Cities Research Network Monograph Series, 2009, p. 81-88.
[3] Dès les années 60, les investisseurs, banquiers, assurances identifient des zones où les habitants, jugés insolvables, ne pourront bénéficier
d’aucun prêt. Malgré l’interdiction récente de ce marquage, les quartiers visés portent toujours les stigmates de cette exclusion et des
difficultés économiques qu’elle a contribué à renforcer.
[4] Deitrick S. and Ellis C., “New Urbanism in the Iner City. A Case Study in Pittsburgh”, , Vol. 70,Journal of the American Planning Association
No. 4, p. 426-442.
[5] Bacqué M.-H., « Associations “communautaires et gestion de la pauvreté », , 160 (5), 2005, p.Actes de la recherche en sciences sociales
46–65.
[6] Jezierski M., “Neighborhoods and Public-Private Partnerships in Pittsburgh”, , 26, 1990, p. 217-249.Urban Affairs Review