Échos des congrès Alfediam 2009 – Quand l’Alfediam devient Société francophone du diabète Pierre Gourdy* Épidémiologie : les résultats de l’étude ENTRED 2007-2010 Un symposium était consacré aux premiers résultats de l’étude ENTRED (Échantillon national témoin représentatif des personnes diabétiques) 2007-2010. Rappelons que cette enquête épidémiologique, coordonnée par l’Institut de veille sanitaire (INVS), fait suite à une première étude réalisée en 2001 sur un même plan méthodologique : questionnaires soumis à un large échantillon de sujets diabétiques et à leurs soignants, suivi de la consommation médicale et des hospitalisations. Les objectifs étaient non seulement de décrire les caractéristiques et l’état de santé des personnes diabétiques de types 1 et 2, mais également d’évaluer la démarche éducative et le coût des soins dans le cadre des nouvelles modalités de prise en charge de l’affection de longue durée “diabète”. Un échantillon aléatoire d’environ 10 000 sujets a été constitué, incluant des adultes et enfants diabétiques de type 1 ou 2 identifiés par trois remboursements d’hypoglycémiants oraux et/ ou insuline au cours de la dernière année. Trois sous-analyses distinctes ont été menées : ENTREDEnfants et Adolescents, ENTRED-DOM pour les sujets vivant dans les départements d’outre-mer, et ENTREDMétropole, dont les résultats ont été présentés à Strasbourg. La population diabétique est estimée à 2,4 millions de personnes en métropole, et 8 126 adultes ont participé à cette sous-étude. L’âge médian est de 66 ans et, sans surprise, le diabète de type 2 est la forme la plus fréquente (92 % des sujets), le diabète de type 1 n’étant prépondérant qu’avant l’âge de 45 ans (54 % des sujets). Près de 25 % des sujets diabétiques de type 2 ont plus de 75 ans. Fait notable, 20 % des sujets diabétiques sont nés à l’étranger. De plus, par comparaison à la population française générale, le niveau socio-économique des diabétiques s’avère nettement plus précaire. De 2001 à 2007, la prise en charge des facteurs de risque cardio-vasculaire s’est améliorée chez les diabétiques de type 2. Ainsi, en dépit d’une plus grande fréquence de l’obésité, l’équilibre glycémique (HbA1C médiane à 6,9 %), les chiffres de pression artérielle (médiane à 130/80 mmHg) et le profil lipidique (LDL cholestérol médian à 1,04 g/l) se sont améliorés durant cette période. Cette tendance correspond à une intensification des différentes interventions thérapeutiques, avec en particulier une augmentation très nette de la prescription de statines. Concernant les hypoglycémiants oraux, les choix thérapeutiques se sont modifiés et la metformine devient ainsi le traitement le plus prescrit en monothérapie (60 % des cas), en accord avec les recommandations actuelles. Notons cependant que 41 % des sujets diabétiques de type 2 présentent un taux d’HbA1C supérieur à l’objectif de 7 %, ce qui devrait imposer un renforcement thérapeutique. Concernant la qualité du suivi médical, la réalisation des actes nécessaires au dépistage et au suivi des complications du diabète a progressé, mais de façon encore insuffisante. Ainsi, au cours de la dernière année, seuls 36 % des sujets ont bénéficié d’un dosage de microalbuminurie (+ 3 % par rapport à 2001) et 50 % des sujets d’une consultation d’ophtalmologie (+ 2 %). De plus, seul un sujet sur deux a bénéficié d’au moins trois dosages annuels d’HbA1C (+ 11 %). Le suivi de ces diabétiques de type 2 est essentiellement assuré par les médecins généralistes, sans recours aux spécialistes diabétologues dans 87 % des cas. En dépit des nombreux biais méthodologiques inhérents à ce type d’enquête, ENTRED 2007 indique que Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIII - n° 3 - mai-juin 2009 © copyright Précédant de quelques jours le sommet de l’OTAN, le congrès annuel de l’Alfediam s’est tenu du 17 au 20 mars 2009 à Strasbourg. La convivialité de la capitale alsacienne, l’organisation parfaitement orchestrée par le Pr Michel Pinget et la qualité du programme scientifique ont fait de ce rendez-vous un véritable succès. Des dernières données épidémiologiques aux nouveaux concepts physiopathologiques, nous revenons ici sur certains temps forts de cette manifestation. * Service de diabétologie, maladies métaboliques et nutrition, pôle cardiovasculaire et métabolique, CHU Rangueil, Toulouse. 99 Hcp/Ph Échos des congrès la qualité de la prise en charge des sujets diabétiques de type 2 évolue de façon favorable en France, mais que de nombreux efforts restent à mettre en place, en particulier pour favoriser les interactions entre médecins généralistes et spécialistes. Pour plus de précisions, l’ensemble des données communiquées à Strasbourg est disponible en ligne sur le site de l’institut de veille sanitaire (www.invs.santé.fr). Innovations thérapeutiques : le point sur les greffes d’îlots et les voies alternatives d’administration de l’insuline Les représentants du réseau GRAGIL ont rapporté les données de suivi de 39 patients ayant bénéficié d’une greffe d’îlots de Langerhans entre juillet 2002 et décembre 2006 dans un contexte de transplantation rénale (n = 17) ou de diabète de type 1 instable (greffe isolée, n = 22). Le protocole d’immunosuppression était standardisé, associant tacrolimus et sirolimus après traitement d’induction par daclizumab. En dépit d’une insulino-indépendance transitoire, la greffe d’îlots a permis un contrôle métabolique optimal et prolongé, avec disparition des hypoglycémies : à 2 ans, la reprise d’une insulinothérapie à faible dose s’est avérée nécessaire dans la majorité des cas, permettant le maintien d’une HbA1C inférieure à 7 %. De façon intéressante, 54 % des patients greffés à Genève étaient insulinoindépendants à 1 an, contre 30 % des sujets greffés en France. Permettant d’expliquer cette disparité, le nombre d’îlots greffés dans les centres français était inférieur à celui de l’équipe suisse, et la durée de transport des îlots était trois fois supérieure pour atteindre les centres français. La recherche de voies alternatives pour l’administration d’insuline se poursuit, et la perspective d’une administration par voie orale semble se préciser. Afin de permettre à l’hormone de franchir les barrières chimiques et physiques gastro-intestinales, un principe de double encapsulation des molécules d’insuline est en effet en cours de développement. La première encapsulation, qui permet de franchir la barrière intestinale, donne naissance à des nanoparticules qui sont elles-mêmes encapsulées dans un véhicule d’alginate gastrorésistant leur permettant d’échapper à la dégradation par les enzymes gastriques. Des résultats incitant à la poursuite du développement de ce concept technologique ont été obtenus chez le rongeur, avec une biodisponibilité de 20 % et un effet hypoglycémiant encourageant dans des conditions d’administration chronique (15 jours) chez le rat diabétique. 100 Nouveaux concepts : la flore intestinale au centre des préoccupations ! Parmi les nouvelles pistes physiopathologiques permettant d’expliquer la survenue d’une obésité et d’un diabète de type 2, F. Baeckhed (Stockholm), P. Cani (Bruxelles) et R. Burcelin (Toulouse) ont illustré, à la lumière de leurs derniers travaux, le rôle crucial de la flore intestinale. Les résultats récemment obtenus dans les modèles de souris axéniques ont en effet révélé l’influence majeure du microbiote intestinal sur le métabolisme glucidique. De plus, chez le rongeur, l’administration d’une alimentation hyperlipidique entraîne des modifications importantes de la flore microbienne, avec pour conséquences une majoration de la perméabilité intestinale et l’installation de troubles du métabolisme glucidolipidique. De façon tout à fait originale, des données cliniques préliminaires semblent indiquer que des sujets présentant un profil d’insulinosensibilité ou d’insulinorésistance (défini lors d’un clamp hyperinsulinémique) sont caractérisés par des profils très spécifiques en termes de microflore bactérienne au niveau du cæcum, suggérant une véritable signature métagénomique associée au statut d’insulinorésistance. Enfin, chez la souris, la composition de la flore intestinale influence directement la production locale de proglucagon, affectant ainsi les taux de GLP1 et GLP2. Or, le GLP2 exerce un effet trophique sur la muqueuse intestinale, favorisant ainsi le maintien de sa fonction de barrière intestinale. Cet effet trophique pourrait expliquer l’effet favorable de certains prébiotiques sur le plan métabolique. En effet, l’administration d’un antagoniste spécifique du récepteur du GLP2 annule les effets bénéfiques de ces molécules en termes de perméabilité intestinale. À l’inverse, l’administration d’un agoniste du récepteur du GLP2 à des souris Ob/Ob permet de réduire de façon significative la perméabilité intestinale et les taux plasmatiques de LPS (lipopolysaccharides). N U O c S O à e O l L’Alfediam change de nom Une fois n’est pas coutume, une des informations majeures du congrès 2009 n’est pas d’ordre scientifique. En effet, le conseil d’administration a profité de cet événement pour proposer de modifier le nom de notre société afin d’optimiser sa visibilité thématique, en particulier par les instances politiques et administratives. L’assemblée générale ayant donné son accord, l’Alfediam est donc rebaptisée en “Société francophone du diabète” et nous donne rendez-vous pour son prochain congrès à Lille en 2010. ■ Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIII - n° 3 - mai-juin 2009 2