172 | La Lettre du Psychiatre Vol. VIII - no 6 - novembre-décembre 2012
LE SYMPTÔME
Le symptôme
en neuropsychologie
S. Terrien*, F. Gierski*
* CHU de Reims ; laboratoire C2S (EA
6291) Cognition, Santé, Socialisation,
université de Reims Champagne-
Ardenne.
L
a neuropsychologie est une branche de
la psychologie qui étudie les fonctions
mentales supérieures dans leurs rapports
avec les structures cérébrales. Ces fonctions
mentales supérieures, ou fonctions cognitives,
regroupent la mémoire, le langage, les praxies,
les gnosies et les fonctions exécutives. Les symp-
tômes observés en neuropsychologie corres-
pondent à un déficit de l’une ou de plusieurs
de ces fonctions. Ces déficits peuvent avoir une
étiologie fonctionnelle ou organique et le rôle
du neuropsychologue est de faire la part entre
la première et la seconde hypothèse.
Les symptômes neuropsychologiques font
régulièrement l’objet de doléances de la part
du patient ou de son entourage car ils ont des
répercussions directes sur la vie quotidienne.
Mais il arrive aussi, parfois, que le symptôme
neuropsychologique ne soit pas reconnu par le
patient. Ce phénomène s’explique soit par la
mise en œuvre inconsciente du mécanisme de
défense de déni, soit par la présence d’un autre
symptôme neuropsychologique : l’anosognosie
(du grec ancien signifiant “sans connaissance
de la maladie”), qui trouve ses origines dans
une anomalie neurologique encore aujourd’hui
méconnue.
Les symptômes neuropsychologiques repérés
par le praticien peuvent faire l’objet d’une
demande de bilan. Lobjectif de ce bilan neuro-
psychologique sera de les appréhender de
manière objective, qualitative et quantitative,
ainsi que de les caractériser. Pour cela, les neuro-
psychologues étudient les éléments de l’histoire
du patient et mettent en œuvre la passation
de tests neuropsychologiques spécifiques. Les
tests, tels que les définissait Pierre Pichot, “[…]
correspondent à une situation expérimentale
standardisée servant de stimulus à un compor-
tement. Ce comportement est évalué par une
comparaison statistique avec celui d’autres indi-
vidus placés dans la même situation, permettant
ainsi de classer le sujet examiné, soit quantitati-
vement, soit typologiquement” (1). Les résultats,
ou objectivation qualitative et quantitative des
symptômes du patient, sont donc comparés à
des données obtenues préalablement auprès
d’une population asymptomatique, de même
âge et de même niveau d’étude que lui. Au-delà
de la description symptomatique, les conclu-
sions du bilan neuropsychologique permet-
tront d’orienter le clinicien dans la démarche
de diagnostic et de prise en charge du patient en
proposant, quand cela est possible, une remé-
diation cognitive.
Un trouble de la mémoire est facilement repé-
rable lorsqu’une personne oublie systématique-
ment ses rendez-vous ou des événements de sa
vie passée ; un trouble du langage engendre des
problèmes de compréhension et de communica-
tion et, enfin, les troubles des fonctions exécu-
tives créent des problèmes d’organisation dans
la vie quotidienne et suscitent des comporte-
ments atypiques chez le patient qui les présente.
Nous verrons, aux travers de descriptions géné-
rales de ces fonctions cognitives, quels sont les
principaux symptômes neuropsychologiques
rencontrés dans le domaine de la psychiatrie.
Les symptômes mnésiques
Il existe plusieurs définitions de la mémoire
humaine. Selon le Trésor de la langue française,
la mémoire est : “une faculté comparable à un
champ mental dans lequel les souvenirs, proches
ou lointains, sont enregistrés, conservés et resti-
tués”. Pendant de nombreuses années, la mémoire
La Lettre du Psychiatre Vol. VIII - no 6 - novembre-décembre 2012 | 173
LE SYMPTÔME
Mots-clés
Symptôme, Psychiatrie,
Théorie, Clinique
Keywords
Symptom, Psychiatry, Theory,
Clinical
était considérée comme la connaissance des
événements passés”. Les travaux des chercheurs
ont progressivement montré que la mémoire ne
peut pas être considérée uniquement comme un
système d’évocation, mais qu’elle regroupe un
ensemble de sous-systèmes qui permettent de
stocker, maintenir et restituer de l’information.
Les avancées scientifiques de ces dernières années
ont également souligné le rôle de la mémoire
dans la construction de l’identité personnelle,
familiale et sociale, mais aussi dans la capacité à
se projeter dans le futur. Ainsi, la mémoire serait
l’une des clés de l’intersubjectivité.
Les premières études empiriques sur la mémoire
ont été réalisées par le psychologue allemand
Hermann Hebbinghaus (1850-1909). Ce cher-
cheur a contribué à la mise au point de nouvelles
méthodes d’étude de la mémoire et a introduit
une rupture avec le paradigme philosophique
dans l’étude des phénomènes mentaux qui
régnait jusqu’alors. Néanmoins, de façon paral-
lèle, le philosophe français Théodule Ribot (1839-
1916) a soutenu une thèse en 1873 dans laquelle
il émettait l’hypothèse selon laquelle la mémoire
serait une forme d’inconscient où le souvenir
correspondrait au passage de la représentation
mnésique de l’inconscient à la conscience. Dans
ses travaux, T. Ribot montre que les formes les
moins stables de la mémoire sont atteintes et que
les formes organiques sont préservées. Selon lui,
la destruction des souvenirs suit une loi appelée
“loi de régression” (aujourd’hui dénommée “loi
de Ribot”) : elle consiste, en cas de pathologies,
en une régression mnésique qui consiste en la
dégradation des souvenirs allant des plus récents
aux plus anciens, des plus complexes aux plus
simples, des plus volontaires aux plus automa-
tiques, des moins organisés aux plus organisés,
des plus stables aux moins stables.
À partir des années 1970, avec l’essor des sciences
cognitives, et notamment les travaux d’Endel
Tulving, il a été montré que la mémoire nétait pas
unitaire mais pouvait être envisagée en systèmes
de mémoire. Selon E. Tulving, la mémoire se
composerait de 5 systèmes : le système de
représentations perceptives, la mémoire procé-
durale, la mémoire sémantique, la mémoire de
travail et la mémoire épisodique (2). Ce dernier
système est dédié à la mémorisation d’informa-
tions personnellement vécues, situées dans leurs
contextes spatial et temporel d’apprentissage. Un
déficit de mémoire épisodique conduit à l’expres-
sion du symptôme amnésique, puisqu’il engendre
chez le patient une incapacité à mémoriser de
nouveaux événements. Le cas de déficit épiso-
dique isolé le plus documenté dans la littérature
est celui d’Henry Gustav Molaison (1926-2008),
dit “H. M”. Ce patient américain présente, à la
suite d’un accident sur la voie publique, des
crises d’épilepsie à l’âge de 10 ans. Ces crises
s’aggravent au fil des années et il est opéré à
27 ans par un neurochirurgien qui lui ôte les
lobes temporaux internes incluant les 2 hippo-
campes. Le traitement expérimental guérit H.M.
de son épilepsie, mais le laisse avec un déficit de
mémoire considérable dont il ne se remit jamais.
Le patient se révèle tout simplement incapable
de retenir toute nouvelle information sur le long
terme. Notons que cette amnésie nendommagea
pas ses facultés intellectuelles et ne changea pas
radicalement sa personnalité. En effet, il resta
tout à fait apte à accomplir des actes tels que faire
des courses au supermarché, tondre la pelouse
de son jardin ou préparer à manger. Mais il était
incapable de se rappeler, moins de 1 heure après
le repas, ce qu’il avait mangé et même s’il avait
mangé. Selon E. Tulving, la mémoire épisodique
est le système mnésique le plus évolué sur les
plans phylogénétique et ontogénétique. Il est
également le plus fragile car il nécessite la mise
en œuvre de 3 processus différents : l’encodage,
le stockage et la récupération. Aussi l’expres-
sion d’un même symptôme pourra-t-elle avoir
pour origine une atteinte dissociée ou combinée
de l’un de ces processus. De plus, alors qu’un
déficit des processus de stockage est associé à
une atteinte des structures hippocampiques,
les processus d’encodage et de récupération
semblent davantage sous-tendus par des réseaux
cérébraux frontaux.
En psychiatrie, les symptômes d’un déficit de
la mémoire épisodique s’observeront par l’in-
termédiaire de l’établissement de profils de
performance tels qu’obtenus dans des tests.
Pour une même plainte, un patient déprimé ou
souffrant de troubles anxieux peut présenter
de faibles scores dans le rappel libre de mots
(“Quels étaient les mots de la liste ?” Exemple
de réponse : “Orange... ”) et une amélioration
par l’indiçage (par exemple “donner la catégorie
sémantique du mot à retrouver : quel était le
fruit... ”) et la reconnaissance (“Le mot ‘orange’
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LE SYMPTÔME
faisait-il partie de la liste ?”) ; cela signe un
déficit des processus d’encodage et de récupé-
ration de la mémoire épisodique. Au contraire,
un patient éthylique chronique ou ayant une
démence de type Alzheimer présente un déficit
dans les 3 modalités de réponse, marquant un
déficit global des processus mnésiques en lien,
notamment, avec une altération des structures
diencéphaliques ou hippocampiques.
Outre ces francs symptômes d’amnésie,
certains auteurs se sont intéressés aux liens
dynamiques existant entre les troubles de la
mémoire épisodique et les maladies mentales.
Dans les définitions les plus actualisées de
la mémoire épisodique, E. Tulving souligne
qu’elle possèderait la capacité d’acquérir et
de coder des connaissances concernant des
expériences personnelles, ainsi que de revenir
en arrière dans le temps. Les représentations
du système épisodique relieraient les événe-
ments associés à l’identité personnelle du sujet
dans le temps et dans l’espace. Le niveau de
conscience associé à ce système est dit “auto-
noétique” : il permettrait au sujet de revivre
l’expérience avec les pensées, les sentiments,
les perceptions présentes lors de l’acquisition
de l’événement et d’être ainsi conscient de son
identité dans un continuum passé-présent-futur.
À partir de ces éléments théoriques et d’une
série de paradigmes expérimentaux, J.M. Danion
et al. ont mis en évidence une altération de la
conscience de soi et de l’identité personnelle
dans la schizophrénie, et postulé que la schi-
zophrénie pourrait être une pathologie des états
de conscience (3).
Les symptômes langagiers
Le langage est un processus permettant d’utiliser
un code conventionnel servant à représenter des
concepts, des idées ou à les communiquer. C’est
en cela que le langage tient une place importante
dans notre société et dans les relations que nous
entretenons avec autrui. Dès lors que le langage
est dégradé, les relations interpersonnelles sont
mises à mal et le manque de compréhension
entre les différents interlocuteurs peut conduire
au repli sur soi et, ainsi, aggraver la marginalité
de certains malades.
C’est dans la deuxième moitié du 
e
siècle
que les premières connaissances inhérentes
aux substrats neuronaux du langage ont été
acquises. Ces découvertes fondamentales
ont été entreprises par des pionniers de la
méthode anatomo clinique. Les 2 plus grandes
avancées furent celles de Paul Broca et de Carl
Wernicke. Broca, en 1861, mit en relation une
région spécifique du cerveau et la production
du langage oral grâce à l’étude de l’un de ses
patients (4). Ce dernier, nommé Leborgne,
présentait comme symptôme une réduction
considérable de la parole qui le conduisait à
l’incapacité de prononcer autre chose que le
son “tan”. Après l’autopsie, P. Broca découvrit
une lésion dans une petite région de la surface
corticale du lobe frontal gauche et en déduisit
qu’elle était le centre de la parole articulée.
C. Wernicke, en 1874, identifia, quant à lui, la
partie postérieure de la première circonvolu-
tion temporale gauche comme le siège de la
capacité à transformer un son en un sens précis.
Nous savons aujourd’hui que d’autres régions
jouent également un rôle dans les processus
langagiers, et que leur atteinte produit différents
symptômes permettant de faire une hypothèse
sur les lésions cérébrales qui en sont à l’origine.
Le patient aphasique parle souvent peu et
cherche ses mots, il est pour lui la plupart du
temps éprouvant de finir ses phrases. Face à ce
type de patient, il est difficile pour le clinicien
de mener à bien des entretiens thérapeutiques.
Car comment aider une personne qui ne peut
pas exprimer ce qu’elle pense ? Qui ne comprend
pas ce qu’on lui dit ? Et cela en dehors de tout
mécanisme de défense. L’aphasique veut parler
ou comprendre mais il ne le peut pas.
Tout comme pour la mémoire, il est important de
faire la distinction entre des formes pures, neuro-
logiques, d’aphasie provoquées par un accident
vasculaire cérébral, une tumeur cérébrale ou un
traumatisme crânien et les troubles du langage
tels que le discours incohérent d’un patient
présentant une désorganisation de la pensée ou
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LE SYMPTÔME
un trouble délirant consécutif à une pathologie
psychiatrique. Classiquement, nous pouvons
relever 2 grands types de symptômes dans les
pathologies psychiatriques, suggérant ainsi l’exis-
tence de troubles du langage : les troubles de la
dynamique du discours et les troubles du contenu
du discours. Les troubles de la dynamique du
discours peuvent consister en une accélération
du débit verbal, une surabondance de paroles
(difficulté marquée pour l’interlocuteur d’arrêter
le sujet) appelée tachyphémie ou logorrhée. On
la retrouve de manière très manifeste au cours
de l’état maniaque, accompagnant l’accélération
psychomotrice. Au contraire, la dynamique du
discours peut être marquée, notamment chez des
patients présentant un épisode dépressif majeur
ou ceux qui sont schizo phrènes, par une brady-
phémie, se traduisant par un ralentissement du
flux verbal, du débit de paroles accompagnant le
ralentissement psychomoteur. Certains patients
peuvent également présenter des écholalies qui
consistent en la répétition immédiate, en écho,
de mots ou de phrases venant d’être entendus par
le sujet ; des stéréotypies verbales se traduisant
par la répétition sans intention évidente et de
façon presque mécanique de mots, d’expressions,
de formules qui reviennent fréquemment dans
le discours ; des persévérations verbales, consis-
tant en la persistance de mots ou de phrases
qui appartiennent à un moment précédent du
dialogue. Concernant les troubles du contenu
du discours, il est possible d’observer des para-
logismes qui consistent en la production d’un
mot connu utilisé dans un sens inhabituel et
des néologismes qui sont des mots nouveaux
sans signification apparente, créés par l’ima-
gination du patient et destinés à son usage
personnel. Nous pouvons également relever
dans le langage de certains patients la présence
d’un néolangage que l’auditeur perçoit comme
entièrement néologique appelé glossolalie et,
chez les patients schizophrènes, la production
de schizophasies, qui consistent en un langage
totalement incompréhensible.
Les symptômes langagiers dans la schizophrénie
ont fait l’objet de nombreuses descriptions. Ainsi,
l’altération des mécanismes d’associations en
mémoire, un discours incohérent et discontinu,
des passages dits “du coq à l’âne” ainsi que des
“réponses à côté” sont des caractéristiques large-
ment décrites. En effet, le discours des patients
schizophrènes peut être incohérent, et les idées
se succéder sans aucun fil conducteur. Ce “dérail-
lement de la pensée” comme le dénommait Emil
Kraepelin (1909), ou la perte des associations
selon Eugen Bleuler (1911), semble signifier
que, au-delà du langage, c’est l’organisation
en mémoire des informations sémantiques qui
est altérée. Ici, l’origine du symptôme apparaît
comme la conséquence d’un déficit davantage
fonctionnel que structurel. Plus récemment, les
chercheurs se sont intéressés à la pragmatique
du discours et ont montré chez les patients
schizo phrènes un déficit dans le traitement de la
prosodie ainsi qu’une difficulté à traiter les actes
de langage indirect et les figures de style telles
que les proverbes, les métaphores familières (par
exemple “ma mémoire est une passoire”) et les
expressions idiomatiques (“connaître par cœur”)
ou encore l’ironie verbale (“Cette personne a
perdu ses clés pour la quatrième fois cette
semaine. Elle a une formidable mémoire.”). Ces
difficultés semblent être en lien avec les capacités
de prise en compte des états mentaux d’autrui,
dénommées “théories de l’esprit”, elles-mêmes
amoindries dans la schizophrénie (5).
Les symptômes exécutifs
Les fonctions exécutives désignent l’ensemble
des processus cognitifs permettant de s’adapter
à des situations nouvelles, non routinières, de
la vie quotidienne. Létude des fonctions exécu-
tives et de leur localisation cérébrale a débuté
au e siècle, avec le cas Phinéas Gage (1823-
1860) décrit par le Dr John Harlow (6). Ce
patient américain était contremaître pour une
société de chemin de fer dans le Vermont. Le
13 septembre 1848, il est victime d’un accident :
une barre de fer pénètre sous son œil gauche
et ressort au sommet de la tête détruisant une
partie de son cortex préfrontal ventromédian.
Il n’eut pas de séquelle sur les plans moteur et
cognitif autres que la perte de l’usage de son
œil gauche. Toutefois, d’après ceux qui l’avaient
connu avant son accident, Gage avait radicale-
ment changé : il était devenu grossier, d’humeur
changeante, obstiné et ne supportait plus d’être
contredit.
Jusqu’aux années 1950, prédomine l’idée selon
laquelle les fonctions exécutives reposent
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LE SYMPTÔME
exclusivement sur les lobes préfrontaux, et
leurs troubles sont en conséquence dénommés
“syndrome frontal”. C’est Alexander Romano-
vich Luria (1902-1977), neurologue et psycho-
logue russe, qui, dans les années 1950-1970,
met en évidence que l’atteinte des lobes fron-
taux provoque un déficit dans les situations
nécessitant d’inhiber un schéma d’action
prépondérant, de résoudre un problème, de
déduire des règles, de séquencer des opéra-
tions successives en évitant de persévérer sur
l’étape préalable (7). Aujourd’hui, le terme de
“syndrome dysexécutif” est préféré à celui de
“syndrome frontal”, la thèse de l’implication
exclusive des régions frontales ayant été remise
en cause. Ainsi, plusieurs travaux ont montré
qu’il était tout à fait possible de présenter une
symptomatologie dysexécutive en dehors de
toutes lésions frontales, et inversement. De plus,
les données issues de l’imagerie cérébrale ont
mis en évidence l’implication non négligeable
des régions pariétales dans le fonctionnement
exécutif. Les lobes frontaux entretenant de
nombreuses connexions avec d’autres struc-
tures corticales, sous-corticales et limbiques, il
semble qu’un large réseau cérébral soit engagé
dans ces processus (8).
Nous réalisons beaucoup de situations de la vie
quotidienne, comme se laver, faire ses lacets,
aller au travail le matin, allumer la télévision,
de manière automatique. En revanche, il faut
parfois faire face à des imprévus dans le cas
desquels les réponses automatiques ne sont
pas efficientes. Par exemple, prenons la situa-
tion routinière d’aller au travail le matin : s’il y
a des travaux sur la route habituelle, il va falloir
mettre en œuvre un plan d’action, une stratégie
différente de celle utilisée d’habitude. Lors de
la confrontation à une situation nouvelle, ce
sont les processus exécutifs qui conduisent à
la résolution du conflit et l’atteinte du but. Ces
processus permettent de prendre en compte les
différentes possibilités d’action, de sélectionner
la plus pertinente dans la situation rencontrée
et d’inhiber les actions non pertinentes et routi-
nières. Pour ce faire, plusieurs processus exécutifs
tels que l’inhibition, la mise à jour, la flexibilité, la
récupération active d’informations en mémoire,
l’attention divisée et la planification, doivent être
mis en œuvre de manière coordonnée. Une alté-
ration structurelle ou fonctionnelle des régions
cérébrales responsables du déploiement de ces
processus se révèle très handicapante pour le
patient. Celui-ci peut, par exemple, éprouver
des difficultés à planifier les différentes actions
qu’il a à effectuer dans sa journée. Les symp-
tômes exécutifs peuvent se traduire par une
hypoactivité globale avec aboulie et/ou apathie
et/ou aspontanéité, à laquelle s’adjoint un état
amotivationnel avec une perte d’intérêt et une
incapacité à programmer une action. Dans
certains cas, même la reproduction de gestes
ou de dessins très simples est impossible, ce qui
signale un déficit de programmation motrice
ou perceptivomotrice. A contrario, les patients
présentant des symptômes exécutifs peuvent
manifester une hyperactivité globale, s’asso-
ciant à une distractibilité, une impulsivité et
une désinhibition. La symptomatologie est alors
marquée par une euphorie, un comportement
social inapproprié ainsi qu’une tendance exagérée
aux calembours et aux propos grossiers. D’autres
symptômes comportementaux sont repérables
tels que les persévérations verbales (répétition
d’un même mot) ou motrices (geste revenant
inlassablement, conduisant à un comportement
stéréotypé), le syndrome de dépendance à l’en-
vironnement, qui se traduit par l’imitation des
gestes de l’interlocuteur, et l’utilisation “incons-
ciente” d’objets présents dans l’environnement
du patient.
Parallèlement à ces symptômes comporte-
mentaux, on observe des déficits de processus
exécutifs tels que ceux d’initiation, d’inhibition,
de flexibilité mentale et de planification. Un
déficit des processus d’initiation se traduit par
une lenteur et une production verbale et/ ou
motrice limitée. Les activités sont alors réalisées
de façon très ralentie, et comportent des temps
de réaction plus importants que la normale. Les
patients parlent peu s’ils n’y sont pas expres-
sément invités et la génération de mots (par
exemple “donner le plus possible de mots
commençant par la lettre R en 2 minutes”) est
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