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Compte rendu
Intervention de Cécilia Garcia Penalosa, Directeur de recherche au CNRS et membre de
l’École d’économie d’Aix- Marseille.
L’aggravation et l’ampleur des inégalités freinent la croissance économique. Il est important
de se préoccuper des inégalités et de leur mesure.
Inégalités de quoi et de qui ? Que sont les inégalités ? Comment les mesure-t-on ? L’outil
de mesure choisi, permet de voir des choses différentes.
La distribution des revenus peut être mesurée par le coefficient de Gini. On mesure la distance
d’une situation à celle de l’égalité parfaite. Avec les coefficients de Gini, on voit que le Brésil
et l’Afrique du Sud sont les plus inégalitaires. On ne voit pas tout à fait la même chose si on
change d’indicateurs. Par exemple le RU est mieux classé avec certaines mesures qui tiennent
compte de la redistribution. De même, la distribution de la richesse est différente de celle de
la distribution de revenus (la Suède est très inégale pour la distribution de la richesse
contrairement à celle des revenus). Quand on s’intéresse à la distribution de l’éducation, les
Etats -Unis sont moins mal placés qu’avec tous les autres indicateurs qui les montrent très
inégalitaires.
Pourquoi se préoccuper des inégalités ?
- C’est d’abord un argument moral.
- L’économie expérimentale montre que les individus cherchent une certaine « justice
distributive » (même dans le monde animal, exemple chez les singes capucins).
- Le revenu relatif et non absolu a un impact sur la santé.
Quelles sont les implications pour la croissance économique ? Il y a une contradiction
entre les incitations et les opportunités que génèrent les inégalités. Les inégalités sont
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nécessaires pour inciter les individus à investir (capital, éducation, innovation). Mais les
inégalités sont aussi transmises d’une génération à l’autre. Ainsi, les inégalités de revenus
deviennent des inégalités d’opportunités. Elles s’héritent de « père en fils ».
Quels sont les effets des inégalités sur la croissance économique ? On observe une
corrélation positive entre les inégalités de revenus et la croissance économique, mais négative
entre les inégalités d’éducation et la croissance économique. On remarque également que les
inégalités à court terme peuvent avoir des effets positifs sur la croissance, mais à long terme,
des effets négatifs. D’autre part, les inégalités vers le haut ont des effets positifs sur la
croissance alors que les inégalités vers le bas, ont des effets négatifs sur la croissance
économique.
Les questions qui se posent :
Quelles inégalités sont nécessaires pour favoriser l’incitation ?
Les inégalités ont un effet positif sur la croissance ou la croissance a un effet positif
sur les inégalités ?
L’Etat (les politiques publiques) peut-il empêcher les inégalités d’opportunités ?
Intervention de Philippe Aghion, Professeur de sciences économiques au Collège de France
(Université d'Harvard)
Les inégalités en haut de la hiérarchie (le 1% les plus riches) ont fortement augmenté à
l’image de l’évolution des dépôts de brevet. Il y a un lien entre l’innovation et les inégalités.
L’innovation génère de l’inégalité en haut des inégalités de revenus, car l’innovation est une
source d’inégalités temporaires (elle génère des rentes). L’innovation, cependant, n’augmente
pas les inégalités au sens large. L’innovation favorise la mobilité sociale. Plus il y a
d’innovations et plus il y a de mobilité sociale.
Les leviers de la croissance économique sont l’éducation, la formation, un marché du travail
plus dynamique, plus de concurrence sur le marché des biens et services, ... Or plus de
mobilité sur le marché du travail est positivement corrélée à la mobilité sociale. P Aghion
n‘est pas pour la précarité des parcours, mais pour une mobilité du travail sécurisée car cela
amplifie la mobilité sociale.
Il existe différents types d’inégalités : les inégalités vers le haut, les inégalités au sens large
(indice de Gini), la mobilité sociale. Une croissance qui va augmenter les inégalités dans le
1% des plus riches, mais qui n’accroit pas les inégalités au sens large et qui accroit la
mobilité sociale, est le bon choix. Il faut imposer ceux qui font partie du top 1%, qui touchent
des rentes, mais pas ceux, pour qui, les revenus proviennent de l’innovation.
Intervention d’Alain Trannoy.
Il existe une relation complexe entre l’inégalité des chances, l’inégalité des revenus et la
croissance économique.
Lorsque l’on s’intéresse à l’inégalité des chances, on va regarder quelles sont les chances
d’obtenir un certain nombre de revenus conditionnellement au revenu, au statut social, au
niveau d’études des parents.
Premier exemple : comparaison Danemark/Hongrie.
On étudie la distribution des chances d’obtenir un certain revenu en fonction du niveau
d’études du père. Au Danemark, les probabilités d’obtenir un revenu élevé, moyen ou faible
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sont proches. Ce qui signifie que quel que soit le revenu du père, on a autant de chances
d’avoir un faible, moyen ou fort revenu. Par contre en Hongrie, être issu d’un milieu à faible
revenu entraine une forte probabilité d’avoir un faible revenu.
Est-ce que plus d’égalité des chances entraîne plus de croissance économique ? Si il y a
plus d’égalité des chances à tous les échelons de la société, les plus méritants occuperont les
fonctions importantes. Il y aura donc une meilleure allocation des talents dans l’économie, ce
qui favorisera l’innovation et donc la croissance économique.
Pour mesurer l’impact de l’égalité des chances sur la croissance économique, on peut mesurer
l’impact des discriminations vers la croissance économique. La mauvaise allocation des
talents est liée à des problèmes de discriminations selon le genre, selon les minorités
ethniques. Une cente étude a été faite aux Etats-Unis pour mesurer l’impact de la baisse de
la discrimination sur la croissance. Résultat spectaculaire : 15 à 20% de la croissance
s’expliquerait par cela, soit 0,4 point de PIB aux États-Unis. Il y a donc un impact de l’égalité
des chances sur la croissance économique.
Comment obtenir cette égalité des chances ? Quels sont les pays qui ont obtenu une
meilleure égalité des chances ?
Les pays Scandinaves et les Pays-Bas sont les pays qui ont la plus forte égalité des chances et
la plus faible inégalité de résultats.
Quand le revenu du père augmente, quel est l’impact sur le revenu des descendants ? Si l’on
étudie la relation entre les revenus du père et des enfants aux États-Unis, on constate que un
gain de 10% du revenu du père se traduit par un gain de 3,4% du revenu des descendants. Les
pays qui ont une faible transmission de l’avantage initial sont ceux qui sont peu inégalitaires.
En France, les plus faibles hausses de salaires chez les pères ces dernières années, ont entrainé
une réduction de l’inégalité chez les fils en France.
Intervention de Jean Pisani-Ferry
Les liens entre inégalités et croissance sont très complexes car il existe plusieurs types
d’inégalités, plusieurs types de politiques pour lutter contre les inégalités, et plusieurs types
de croissance économique.
Okun : dans les années 60, on pensait qu’une petite perte en efficacité permettait une baisse
des inégalités. La croissance réduit les inégalités (avec le SMIC, l’inflation qui érode les
patrimoines, une plus grande égalité entre les territoires…). Or aujourd’hui, on a une
croissance qui va diviser la société entre niveau de compétences, entre région, entre héritiers
et non héritiers…
Que faut-il accepter ?
L’innovation crée des inégalités (les créateurs de start up). Est-ce une inégalité acceptable ?
On l’accepte si toute la société y gagne (meilleur service, plus de revenus, plus d’utilité,
création d’emplois…). Par contre les inégalités ne sont pas acceptables si elles sont le résultat
d’une captation de rentes de monopole qui ne bénéficie pas à la société dans son ensemble.
Le progrès technique est facteur de croissance mais il a aussi pour caractéristique de détruire
les emplois peu ou moyennement qualifiés. Il est facteur de polarisation. Des personnes qui
avaient une compétence vont la perdre. C’est la question du choix social. Cette croissance fait
des gagnants et des perdants. Elle pose également la question des territoires. La croissance se
fait dans les métropoles qui sont attractives car innovantes. Les perdants sont les villes
moyennes qui perdent leur industrie. Comment diffuser les effets de la croissance
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