La Lettre du Neurologue • Vol. XVIII - no 3 - mars 2014 | 97
Points forts
»
Le diagnostic de SNP ne doit être porté qu’après exclusion des diagnostics différentiels que sont les
causes métastatiques, infectieuses, carentielles, métaboliques et iatrogènes.
»
Les SNP les plus fréquemment retrouvés sont la dégénérescence cérébelleuse paranéoplasique, laneuro-
nopathie sensitive subaiguë et l’encéphalite auto-immune.
»
Le traitement précoce de la tumeur conditionne le pronostic. La recherche de la tumeur sous-jacente
est guidée par la nature de l’auto-anticorps retrouvé.
»
Les encéphalites à anticorps anti-NMDAR touchent préférentiellement les femmes jeunes, et correspondent
à un tableau particulier associant signes psychiatriques, dyskinésies, hypoventilation et dysautonomie.
»
Les anticorps anti-VGKC sont en fait dirigés contre des protéines membranaires associées au VGKC (Lgi1,
Caspr2) et peuvent entraîner une encéphalite auto-immune, une neuromyotonie ou un syndrome de Morvan.
Mots-clés
Syndromes
neurologiques
paranéoplasiques
Encéphalite
auto-immune
Dégénérescence
cérébelleuse
paranéoplasique
Anticorps
onconeuronaux
Anticorps
anti-NMDAR
Highlights
»
The diagnosis of paraneo-
plastic neurological syndrome
(PNS) has to be made only after
cautious exclusion of alterna-
tive diagnosis, such as meta-
static, infectious, metabolic or
iatrogenous causes.
»
The most frequently encoun-
tered PNS are paraneoplastic
cerebellar degeneration,
subacute sensory neurono-
pathy, and auto-immune
encephalitis.
»
Early treatment of the under-
lying malignancy is mandatory.
Patients’ antibodies guide the
search for the causative cancer.
»
Auto-immune encepha-
litides can affect both limbic
and extra-limbic structures,
depending on the antibody
involved.
»
Anti-NMDAR encephalitis
affect mostly young women
with an ovarian teratoma, and
constitute a specific phenotype
with pseudopsychiatric symp-
toms, dysautonomia, hypoven-
tilation, and dyskinesias.
»
Anti-VGKC antibodies do not
target the potassium channel
itself, but rather associated
proteins, namely Caspr2 or
Lgi1, and can cause auto-
immune encephalitis, neuro-
myotonia or Morvan’ syndrome.
Keywords
Paraneoplastic neurological
syndromes
Auto-immune encephalitis
Paraneoplastic cerebellar
degeneration
Onconeural antibodies
Anti-NMDAR antibodies
par la corrélation entre les taux d’anticorps dans le
LCR et l’activité de la maladie. L’étude histologique
du tissu cérébral de ces patients montre peu ou
pas de mort neuronale, et l’atteinte inflamma-
toire est dominée par un infiltrat périvasculaire
de lymphocytes B (7). L’incubation des anticorps
des patients (anti-NMDAR, anti-VGKC [8], anti-
mGluR1 [9], etc.) sur des neurones en culture
modifie l’excitabilité de ceux-ci, ce qui suggère que
les auto-anticorps peuvent bloquer, à eux seuls, le
fonctionnement neuronal. Enfin, les symptômes
peuvent parfois être reproduits chez l’animal par
l’injection intrathécale d’anticorps de patients (9).
Le mécanisme précis à l’origine de ce dysfonc-
tionnement varie probablement d’un anticorps à
l’autre. Les anticorps anti-NMDAR ont été les plus
étudiés. La fixation de l’anticorps sur le récepteur
NMDA provoque son internalisation et diminue
sa capacité à se localiser au niveau de la synapse.
Cette situation aboutit à un déséquilibre entre les
récepteurs AMPA et NMDA et, par rétrocontrôle,
à un état hyperglutamatergique diffus à l’origine
des symptômes (10).
Caractéristiques cliniques
Les présentations cliniques sont très variées. L’ins-
tallation est le plus souvent subaiguë. Dans 65 %
des cas, l’atteinte neurologique précède la décou-
verte du cancer de plusieurs mois ou années (1).
Huit SNP sont considérés comme “classiques”
Tableau I. Principaux auto-anticorps impliqués dans les SNP.
Anticorps Syndromes neurologiques
les plus fréquents
Fréquence d’association
à une tumeur (%)
Tumeurs
les plus fréquentes
Hu (ANNA-1) EMN, NSS, ND, EAI, DCP 80-85 CPPC
Ri (ANNA-2) Rhombencéphalite, myélite, OM, DCP 86 CPPC, carcinome mammaire
Anti-Ma1 et Ma2
(PNMA)
EAI, rhombencéphalite, atteinte
diencéphalique, syndrome parkinsonien
90 Tumeur germinale testiculaire
CPPC
Yo (PCA-1) DCP (90 %) 91 Tumeurs utérines, ovariennes,
mammaires
PCA-2 DCP, EL, atteinte du tronc cérébral 89 CPPC
Tr (PCA-Tr) DCP 100 % 90 Lymphome de Hodgkin (100 %)
CV2/CRMP5 DCP, EAI, rétinite/uvéite, SMLE, chorée,
neuropathie mixte sensorimotrice
86,5 CPPC, thymome, sarcome utérin
Sox/anti-AGNA SMLE, DCP 100 CPPC
ZIC DCP 92 CPPC
Amphiphysine SPR, EMN, DCP, SMLE 80 CPPC, sein
GAD65 SPR, DCP, EAI, épilepsie auto-immune 6,5 Thymome, CPPC
Anti-recoverine
Anti-enolase
Rétinopathie
Rétinopathie
100
50
CPPC, cancer du sein,
mélanomes, cancers
gynécologiques, hémopathies
Complexe VGKC
(Lgi1, Caspr2)
EAI, neuromyotonie,
syndrome de Morvan
6-30 Thymome, CPPC
NMDAR EAI 59 Tératome de l’ovaire
AMPAR EAI 65 Thymome, sein, poumon
GABAbR EAI 47 CPPC
VGCC SMLE, DCP 50-60 CPPC
CPPC : cancer pulmonaire à petites cellules ; DCP : dégénérescence cérébelleuse paranéoplasique ; EAI : encéphalite auto-immune ; EL : encéphalite
limbique ; EMN : encéphalomyélonévrite ; ND : neuropathie dysautonomique ; NMT : neuromyotonie ; NSS : neuronopathie sensitive subaiguë ; OM :
opsoclonus myoclonus ; SMLE : syndrome myasthénique de Lambert-Eaton ; SPR : syndrome de la personne raide.