comme très perturbateur. En effet, le phénomène invalide les montages des collectivités et des territoires tels qu’ils sont
établis dans le système politico-administratif local. On peut à cet égard mettre en évidence au moins deux spécificités de
la « métropolisation » qui ne permettent pas de l’articuler simplement et sans difficultés au système de décentralisation
hérité.
La première concerne la nature même de la « métropole » : s’agissant d’une entité complexe, où sont reliés et
interdépendants une multiplicité d’éléments économiques, sociaux, culturels, qui procède de l’intégration de dynamiques
multiples et enchevêtrées, qui s’organise sur des connexions entre pôles proches et lointains, on perçoit bien que ces
formes sociales et politiques nouvelles sont en total décalage avec la conception traditionnelle des « territoires » ou du «
local » tels que construits avec la stabilisation de l’Etat national décentralisé ; ce dernier se projette sur des espaces qu’il
délimite, contrôle, administre et équipe selon une logique verticale, descendante et sectorielle se concrétisant dans des
découpages et des cloisonnements d’administrations et d’activités juxtaposées ; dans ce cadre s’impose la similarité et la
reproductibilité à l’identique des services, les logiques bureaucratiques d’essence réglementaire, la hiérarchie comme
forme d’intégration des pouvoirs, les découpages fonctionnels qui distinguent et séparent l’économique, le social,
l’éducatif, etc… La métropolisation prend à revers ces conceptions car elle repose au contraire sur des logiques
réticulaires, fluides, transversales, qui mettent en interactions les activités et les politiques et qui supposent une
adaptabilité permanente ; loin de chercher une superposition stricte d’espaces physiques enfermés dans des limites
préétablies et des politiques sectorielles qui y sont développées, loin d’assigner à résidence des populations et des
activités pour en assurer le contrôle et/ou en soutenir le fonctionnement, il s’agit davantage de dynamiques
auto-générées par des systèmes d’acteurs divers mis en synergie dans lesquels les connexions et les coopérations
priment les distinctions fonctionnelles. La métropole constitue un nouveau concept de « territoire », en décalage fort avec
le « local » hérité du vieux modèle républicain.
La seconde spécificité de la métropolisation, au-delà de sa nature, tient au mode de fonctionnement qui en découle.
Fondamentalement, il ne s’agit plus dans ces espaces de développer des politiques publiques descendantes, plus ou
moins réparties entre des collectivités relativement autonomes en charge de les mettre en œuvre, le tout avec une
relative adaptation localisées assurée par compromis entre notables locaux et représentants de l’Etat, tout cela
constituant le modèle de décentralisation en vigueur ; il convient plutôt de susciter des dynamiques constituant les
espaces métropolitains en entités politiques, c’est-à-dire en communautés d’habitants et d’acteurs appelés à produire un
intérêt qui leur est commun et à mobiliser les ressources permettant de le mettre en œuvre. La métropole requiert donc
l’élaboration d’une substance qui lui est propre, une substance singulière qui est au résultat d’une capacité à comprendre
en son sein et à l’égard de l’extérieur les logiques d’interdépendance qui relient l’économique et le social, l’éducation, la
formation et le dynamisme collectif, le logement, l’urbanisme et l’attractivité des espaces, les activités culturelles et la
cohésion, etc… Bref, rien d’autre qu’une mise en relation systématique de ce que le modèle hérité au contraire distingue,
répartit, cloisonne, le tout avec une requête inédite d’autonomie qui invalide l’intégration par la hiérarchie et la
subordination du modèle antérieur.
La métropolisation est, dans ses potentialités, le point d’application le plus significatif de la crise du modèle
d’administration publique locale. Reste à s’interroger sur la façon dont cette contrainte a été apprivoisée au travers de
son institutionnalisation.
2- De nécessité faire loi
Après que le rapport Attali l’ait évoquée en 2008, c’est le rapport Balladur qui avance pour la première fois l’idée de
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création de onze métropoles en France, à quoi s’ajoute la création d’un grand ensemble intégré pour la région
parisienne. Le gouvernement Fillon le suit en prévoyant dans son projet de réforme de l’administration déconcentrée la
création d’une nouvelle collectivité à statut particulier, la « métropole », une dizaine d’entre elles devant être créées
d’office par la loi : cette collectivité doit absorber sur son territoire l’ensemble des intercommunalités existantes et
reprendre les compétences départementales : il s’agit de doter le pays de pôles urbains de dimension européenne,
puissants sur le plan économique et intégrant un ensemble de fonctions les rendant aptes à figurer efficacement dans les
grands flux d’échanges internationaux. Finalement, la loi du 16 décembre 2010 sera en retrait par rapport à cette
première mise en forme : il ne s’agit pas d’une collectivité territoriale mais simplement d’un nouvel établissement public
de coopération intercommunale, créé sur la base du volontariat dans les agglomérations de plus de 500 000 habitants,
dont les attributions de plein droit transférées des départements sont limitées (transports scolaires, voiries, zones
d’activités), les autres domaines supposant un accord de ces derniers. Ce montage passera tel un songe dans notre
système institutionnel local , mis en cause par la nouvelle majorité élue au printemps 2012.
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Cela n’empêche pas cette dernière de reprendre et d’assumer l’idée de « métropole », à telle enseigne d’ailleurs qu’elle
a voulu, selon l’intitulé même de la loi MAPTAM de janvier 2014, procéder à son « affirmation ».
Le caractère obligatoire de la nouvelle structure réapparaît puisque tous les territoires de plus de 400 000 habitants
situés dans une aire urbaine de 650 000 habitants doivent en constituer une.
Il s’agit d’une forme d’intercommunalité, certes plus intégrée, mais qui prend place statutairement, à l’exception de celle