
Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. II - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2013
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dossier thématique
Cellules tumorales
et ADN libre circulant
En revanche, les prélèvements de sang n’ont pas de
contre-indications et sont répétables pour un suivi pré-
cis des changements moléculaires. Leur signifi cation
en termes de réponse au traitement, de progression
et de rechute reste cependant à établir.
Les études cinétiques de suivi sont en eff et encore
rares, la diffi culté étant de réussir à suivre régulière-
ment un nombre suffi sant de patients porteurs de
mutations et sur un temps assez long pour recueillir
des données statistiquement signifi catives. Dans la
plupart des cas, un seul prélèvement est récolté pen-
dant ou après le traitement pour réaliser des analyses
rétrospectives en fonction de la réponse au traitement.
La persistance de la mutation a ainsi été associée à la
progression alors que, à l’inverse, chez les patients
stabilisés ou en réponse partielle ou complète, on
observe une diminution ou la disparition de la frac-
tion mutée, quantifi able avec les techniques de PCR
spécifi que d’allèle, BEAMing, PCR digitale et séquence
de nouvelle génération (NGS) [14-16]. Dans les études
dédiées aux mécanismes de résistance, la mutation
T790M est retrouvée dans le plasma de 28 à 44 % des
patients (17, 18), des chiff res cohérents avec les don-
nées connues sur tissus.
Yam et al. (19) ont réalisé l’un des rares suivis de cohorte.
Au total, 21 patients ont été suivis jusqu’à 18 mois après
l’instauration du traitement par ITK. Avant le traitement,
18 des 21 mutations étaient détectées dans le plasma
par PCR avec PNA puis extension allèle-spécifi que sur
puce. Chez les 16 patients qui ont répondu aux ITK,
9 mutations sont devenues indétectables. On ne sait
malheureusement pas si une diff érence de survie ou de
progression a été observée entre les 2 groupes. Enfi n, le
plasma de 44 % des patients en progression présente la
mutation de résistance T790M, ce qui rejoint les résultats
sur tissus cités précédemment (19).
Quelques cas cliniques intéressants ont également
été rapportés et fournissent peut-être les résultats les
plus complets avec à la fois la réponse aux traitements,
l’évolution de la maladie, les choix thérapeutiques et
les résultats des analyses de biologie moléculaire sur
tissus et/ou plasmas récoltés à chaque visite. Dans leur
publication de 2012, Nakamura et al. (20) relatent ainsi
le cas d’un patient qui a rechuté après une résection
chirurgicale. La délétion de l’exon 19 étant présente dans
la tumeur primitive, le patient a été traité par géfi tinib.
Avant le traitement, ni la délétion ni la mutation T790M
n’étaient détectables dans le plasma. Suite à une der-
matite sévère, l’ITK d’EGFR a dû être arrêté, et le patient
a été placé sous chimiothérapie. Il a développé une
métastase pulmonaire. À ce stade, la délétion de l’exon
19 était devenue détectable dans le plasma. Le patient a
été placé cette fois-ci sous erlotinib pendant 1 an avant
de développer une résistance au traitement. La muta-
tion T790M était alors détectable avec la délétion de
l’exon 19 dans le plasma. D’autres auteurs ont rapporté
ce même genre de profi l, et une question majeure est
maintenant de savoir si les modifi cations moléculaires
du plasma précèdent les observations par imagerie et
autres outils traditionnels de suivi, auquel cas les ADN
circulants deviendraient un outil puissant du suivi des
patients (fi gure 3). Des études prospectives sont donc
encore nécessaires pour évaluer le pouvoir pronostique
et prédictif des ADN circulants dans le CBNPC.
Conclusion
Les analyses quantitatives de l’ADN circulant ont été les
premières développées ; leurs résultats sont pourtant
encore loin de trouver leur place dans la routine en
cancérologie. Beaucoup d’espoirs ont été placés dans
le diagnostic précoce par quantifi cation, mais l’applica-
tion de cet outil en clinique se heurte à des problèmes
fondamentaux d’homogénéisation des conditions pré-
analytiques. Bien que ce sujet ait été soulevé très tôt
Figure 3. Les mutations de l’EGFR sur plasma comme marqueurs de la réponse au traitement.
Représentation schématique des diff érents types de profi ls théoriques qui peuvent être obtenus
par recherche de mutations dans les ADN circulants. L’exemple choisi est celui d’un patient pré-
sentant une altération activatrice d’EGFR (délétion de l’exon 19). Cette altération est retrouvée
dans le plasma au diagnostic. Le patient est traité par ITK de l’EGFR. 1. Le patient ne répond
pas au traitement, la délétion de l’exon 19 reste détectable dans des proportions équivalentes
à celle de départ sur les prélèvements consécutifs. 2. Le patient répond au traitement. Dans le
deuxième prélèvement, la mutation activatrice n’est plus détectée ; elle reste indétectable après
plusieurs mois de traitement. 3. Le patient commence par répondre, et la délétion de l’exon 19
n’est plus détectable dans le plasma. Après quelques mois de traitement, le patient rechute.
La délétion de l’exon 19 est de nouveau détectable ainsi que la mutation de résistance T790M.
Délétion 19
ITK 1. Pas de réponse
au traitement
2. Bonne réponse
au traitement
3. Rechute avec
acquisition de
résistance
Changement
de traitement ?
Changement
de traitement ?
Maintien
de l’ITK
Diagnostic
Fraction mutée plasmatique
Temps
T790M
Seuil de positivité