
Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. II - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2013
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ADN circulant, PCR digitale et cancers colorectaux
leur toxicité, rendant ainsi possible dans le futur de
proposer, pour chaque patient, un traitement person-
nalisé. Par exemple, il a été montré que la présence
de mutations de KRAS est associée à l’absence de
réponse aux traitements ciblés du cancer colorectal
employant des anticorps anti-EGFR (2).
Il a été démontré que de l’ADN libre circulant pré-
sentant des altérations génétiques spécifiques de
tumeurs pouvait être détecté dans le plasma et le
sérum de personnes atteintes de cancer (3). Ainsi, il a
été décrit que les niveaux d’ADN tumoraux circulants
chutent après résection complète de la tumeur et
augmentent à nouveau si de nouvelles lésions appa-
raissent. Des études préliminaires ont établi la valeur
pronostique de telles altérations et ont montré que la
présence d’ADN libre circulant associé aux tumeurs
dans le plasma peut être utilisée pour identifier des
patients avec un fort risque de récidive (3).
Les avancées des connaissances moléculaires sur
les tumeurs solides ainsi que le développement de
techniques permettant une grande sensibilité de
détection des mutations (dont les procédures de PCR
digitale que nous développerons plus loin dans cet
article) autorisent aujourd’hui la détection de l’ADN
tumoral dans des effluents biologiques. En effet, la
détection de l’ADN tumoral circulant de manière
non invasive dans le plasma, les selles ou les urines
requiert des méthodes très sensibles et, idéalement,
quantitatives. La transposition de ces techniques à
grande échelle avec un nombre important de muta-
tions différentes est une limitation encore non réso-
lue. En effet, la détection de tels ADN demeure un
défi, puisqu’ils représentent une très petite fraction
de l’ADN total circulant, souvent moins de 0,01 % (1).
ADN circulant libre dans le sang
La présence d’acide nucléique dans le sérum ou le
plasma a été décrite dès 1948 par Mandel et Metais (4).
La présence d’ADN circulant chez des patients atteints
de maladies systématiques a été mise en évidence une
vingtaine d’années plus tard (5). C’est en 1977 que
Leon et al. mettent en évidence de l’ADN circulant dans
le sérum de patients atteints de cancers (6) en quantité
plus importante que chez des sujets non cancéreux.
Ces résultats ont ensuite été confi rmés dans une série
de cancers colorectaux (7). La concentration moyenne
de l’ADN libre circulant dans le sérum était de 118 ng/ ml
chez les patients atteints de pathologie intestinale
bénigne et de 412 ng/ml chez les patients atteints
de cancers digestifs. Dans une étude plus récente,
la concentration moyenne de l’ADN circulant libre
mesurée dans le plasma était de 194 ng/ml (extrêmes :
25-980 ng/ ml) chez les patients atteints de cancer
colorectal et de 3,7 ng/ml chez les sujets sains (8).
Depuis ces publications, de nombreux travaux ont été
publiés (pour une revue, voir Lecomte et al. [9]) ; ils ne
montrent pas de corrélation claire entre la quantité
d’ADN circulant et le stade tumoral.
Comme nous l’avons vu plus haut, des niveaux éle-
vés d’ADN circulant dans le plasma ou le sérum ne
sont pas spécifi ques d’une maladie maligne, mais ont
également été trouvés dans des maladies non tumo-
rales (infarctus du myocarde, traumatisme ou maladie
infl ammatoire telle que la polyarthrite rhumatoïde).
Les comparaisons entre les niveaux d’ADN circulant
et les marqueurs tumoraux couramment utilisés dans
le cancer du côlon (antigène carcinoembryonnaire
[ACE]), le cancer de la prostate (antigène prostatique
spécifi que [PSA]) et le cancer du sein (CA 15-3) ont
démontré qu’ils sont corrélés de manière signifi ca-
tive. La valeur diagnostique des niveaux sériques de
l’ADN libre circulant semble être supérieure à celle
de l’ACE pour le cancer colorectal (10). Dans le cadre
d’une étude portant sur une série de 26 patients ayant
subi une résection potentiellement R0 des métastases
hépatiques du cancer colorectal, un niveau élevé de
l’ADN circulant libre préopératoire était prédictif d’une
récidive (11). Une étude récente suggère que l’aug-
mentation des niveaux d’ADN circulant au cours du
suivi des patients ayant subi une chirurgie R0 pour
un cancer colorectal est associée à la survenue d’une
récidive (12). En outre, dans cette étude, qui portait
sur 70 patients, la baisse des niveaux d’ADN circulant
librement, mesurée sur des échantillons de plasma
prélevés 4 et 10 mois après la chirurgie, était associée
à l’absence de récidive de la maladie.
La nature tumorale de l’ADN circulant a été montrée
en 1994 par Sorenson et al. (13), par la détection des
mutations de l’oncogène KRAS dans le plasma des
patients atteints de cancer du pancréas. Les muta-
tions de l’oncogène KRAS détectées dans l’ADN du
plasma circulant librement étaient identiques à celles
détectées dans la tumeur primaire pancréatique de
ces mêmes patients (14-17).
Depuis ces premiers travaux, des altérations soma-
tiques spécifiques de l’ADN tumoral ont pu être
détectées dans le plasma ou le sérum de la majorité
des tumeurs solides (18). De même, la plupart des
altérations génétiques somatiques décrites dans les
tumeurs solides ont pu être détectées dans l’ADN
circulant plasmatique ou sérique chez des patients
atteints de cancer (18).