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Grand Lyon
La participation des acteurs économiques au Schéma
Directeur Economique du Grand Lyon
INTERVIEW DE EMMANUEL CELLIER
<<
Demain,
j’ose
espérer
que
notre
politique
économique sera plus intégratrice, c’est-à-dire capable
de mieux prendre en compte les enjeux sociaux >>.
Agence d'urbanisme pour le développement de
l'agglomération lyonnaise
Après avoir travaillé à l’observatoire partenarial de l’emploi
dans la Loire (ELO), Emmanuel Cellier a intégré l’Agence
d’urbanisme pour le développement de l’agglomération
lyonnaise en 1995. Fin 1997, dans le cadre du lancement du
Schéma de Développement Economique (SDE), il est
sollicité pour établir le diagnostic économique de
l’agglomération. Aujourd’hui en charge des partenariats de
l’Agence à l’échelle métropolitaine, il revient sur quelques
temps forts de la démarche SDE en soulignant leur
caractère fondateur de la politique économique du Grand
Lyon.
Réalisée par : Geoffroy BING
Tag(s) : Travail, Emploi, Institution, Évaluation,
Developpement économique
Date : 11/12/2008
Par quoi avez-vous commencé en 1997 lorsque vous avez été sollicité pour établir un diagnostic approfondi de
l ’ é c o n o m i e
l y o n n a i s e
?
Je me suis appuyé sur un dispositif qui existait déjà mais de manière très informelle, qui réunissait régulièrement le
Grand Lyon, la Chambre de Commerce, le SGAR, et l’Insee et parfois des chercheurs sur la problématique du
développement économique. Ce groupe avait déjà fait un travail en 1995 sur les moteurs du développement économique
de Lyon. Nous nous sommes appuyés sur ce socle pour développer un véritable outil d’observation économique. L’idée
était de solliciter d’autres sources d’information par l’intermédiaire de l’ensemble des acteurs économiques susceptibles
d’être intéressés par cette question des dynamiques locales. Donc j’ai rencontré un certain nombre d’organismes
(Chambre de Métiers, URSSAF, Assedic, ANPE, fédération des branches professionnelles, etc.) pour établir un
diagnostic d’agglomération par filière. Nous avons fait un gros travail de compilation de données à l’échelle locale.
Quelles
étaient
les
principales
difficultés
de
cet
exercice
?
La principale difficulté était de trouver des données à l’échelle locale parce que l’on cherchait à positionner Lyon par
rapport aux dynamiques nationales : quel était le PIB de Lyon? quel était le rythme de création d’entreprises à Lyon ? On
ne savait pas répondre à ces questions il y a 10 ans ! Le périmètre retenu pour collecter les données était l’aire urbaine
de Lyon. La démarche devait aussi nous permettre de nous comparer aux autres villes françaises, ce qui était aussi une
nouvelle approche pour l’époque. Ce travail a donné lieu à un premier document-clé qui s’appelait la Matrice des Valeurs
Contributives : c’était un recueil de données qui positionnait l’agglomération lyonnaise sur un certain nombre
d’indicateurs de développement et par rapport aux dix principales aires urbaines de France.
Quels
en
furent
les
principaux
enseignements
?
Il a permis tout d’abord de montrer que l’aire urbaine lyonnaise était particulièrement marquée par le tissu industriel et
conservait cette spécificité alors que toutes les autres aires urbaines, sauf l’Ile de France, avaient tendance à décliner sur
le plan industriel. La question était de savoir quelle filière industrielle en particulier il fallait soutenir. L’idée d’une
métropole généraliste était en train de tomber car on voyait bien que, dans la compétition internationale, on ne pouvait
plus
jouer
la
carte
de
la
métropole
généraliste,
il
fallait
que
l’on
se
positionne.
Deuxièmement, et ce second point a fortement marqué les élus à l’époque, on faisait le constat que Lyon était en train de
décliner en termes de création d’entreprises depuis quelques années. C’est ce qui a justifié que l’une des actions phares
du SDE et plus tard de « Grand Lyon, l’Esprit d’Entreprise » soit de développer l’entrepreneuriat.
Quelle
a
été
la
suite
donnée
à
ces
premiers
constats
?
Afin de déterminer les actions concrètes à entreprendre, nous avons réalisé notre propre enquête auprès des entreprises
de toute taille et par filière pour faire un diagnostic quantitatif par enquête et qualitatif par entretien (une vingtaine
d’entreprises par filière) et une analyse documentaire du contexte d’évolution de la filière. Tout cela pour être en capacité
de statuer sur l’importance relative de telle ou telle filière et leur caractère stratégique pour le développement de
l’agglomération. Plusieurs milliers d’entreprises ont ainsi été enquêtées. Pour réaliser ce travail, le tandem Agence
d’urbanisme-Algoé a fonctionné de façon très étroite, comme une équipe de projet. Au final, entre fin 1997 jusqu’à mi
1999, nous avons constitué un support de connaissances remarquables qui permettait d’y voir clair sur la situation
économique du Grand Lyon. Il faut ajouter que chaque élément de ce diagnostic a ensuite été soumis aux représentants
de chaque filière, donc il y a eu confrontation de nos données avec ce que pensaient les acteurs économiques, ce qui a
permis de consolider le diagnostic et de sécuriser nos conclusions.
Et quelle a été la participation du Grand Lyon dans cette phase de diagnostic ?
Nous avons considéré à un moment donné que la démarche SDE portée par Henri Chabert et Michel Forien pourrait
alimenter le volet économique de la démarche millénaire3 menée en parallèle au Grand Lyon. Les équipes du Grand
Lyon, de l’agence et d’Algoé se sont rencontrées à plusieurs reprises pour faire en sorte que les deux démarches
s’articulent et fassent sens, sachant que les acteurs s’y perdaient un peu entre millenaire3 et SDE. Et puis le Grand Lyon
était très accaparé par son plan technopole avec une approche plus territorialisée, alors que nous développions une
réflexion par filière (activités des entreprises et leur environnement au sein de chaque filière) et transversale.
Cette volonté d’implication des acteurs économiques dans le cadre du SDE n’était-elle pas innovante pour
l ’ é p o q u e
?
Si, tout a fait, Henri Chabert a souhaité organiser de la concertation et favoriser la co-construction du diagnostic.
L’objectif était de produire un SDE qui soit porté, soutenu et validé par les acteurs économiques eux-mêmes.
Quelles ont été les réactions des acteurs économiques par rapport à cette volonté d’implication ?
Certains ont été récalcitrants et parfois le sont restés, mais la plupart ont été intéressés par la démarche et agréablement
surpris de constater que « pour une fois » on leur demandait leur avis sur ce qui peut être utile pour le développement
économique. Les entreprises ont été enthousiasmées par ce changement de ton de la collectivité. Je me souviens très
bien des premiers résultats de l’évaluation de la démarche en 2000 où ce qui ressortait vraiment était que les entreprises
avaient été marquées par la volonté d’implication et la concertation qui avait été organisée. Je pense que cette
implication a permis de faire en sorte que par la suite ce SDE ne finisse pas dans un tiroir mais continue à être le socle
de la politique économique du Grand Lyon.
Cette logique de participation des acteurs économiques instaurée dans le cadre du SDE n’est-elle pas fondatrice
du
modèle
de
gouvernance
économique
original
que
l’on
reconnaît
à
Lyon
?
Si, la continuité est réelle et s’observe aujourd’hui à travers le portage d’actions de développement économique par
d’autres acteurs institutionnels, voire des entreprises elles-mêmes ! L’Espace Numérique Entreprises en est un bon
exemple : la CCI, la CGPME ou encore le MEDEF y jouent un rôle central. On le voit aussi à travers la démarche
Grands Comptes où les grandes entreprises deviennent partie prenantes du développement économique du territoire.
Aujourd’hui, je pense que l’on peut dire qu’il y a des actions de développement économique qui sont portées par des
entreprises elles-mêmes. Le club des entrepreneurs qui fait du lobbying pour encourager le développement de l’aéroport
Saint Exupéry fait partie de ces acteurs qui oeuvrent pour le développement du territoire.
Par ailleurs, j’ajouterai que cette politique partenariale menée depuis 10 ans n’est pas étrangère à la réussite des pôles
de compétitivité sur notre territoire. Grâce à une écoute attentive des deux côtés et l’instauration de relations de
confiance, des projets collectifs ont pu être menés ! Il faut rappeler que les pôles de compétitivité sont des projets
directement portés par les entreprises !
Comment
s’est
fait
la
réappropriation
du
SDE
par
le
Grand
Lyon
?
Cela n’a pas été facile parce que les acteurs économiques ont eu le sentiment que la démarche était réinstitutionnalisée.
J’ai souvenir d’un entretien que j’avais eu à l’époque avec une fédération professionnelle qui regrettait un peu la
réappropriation de la démarche par le Grand Lyon. Et je pense qu’il est toujours très difficile de ne pas être tenté par
l’institutionnel et de conserver l’accroche à la base. On ne sait pas tellement comment maintenir les acteurs
économiques dans une démarche participative, car les entreprises sont portées par des préoccupations qui les
détournent naturellement de ce type de démarche ! C’est un travail en soi de mobiliser les entreprises et l’on a encore
des efforts à faire de ce point de vue là. C’est la raison pour laquelle les Etats Généraux de l’Economie Lyonnaise sont
importants car ils constituent un espace de parole et d’échanges avec les entreprises. Ils permettent de maintenir le lien
avec le tissu économique. L’idéal serait d’avoir de réels capteurs, c’est-à-dire des personnes dans les entreprises qui
seraient responsables d’une veille collective à l’échelle de l’agglomération. C’est un concept que l’on avait essayé
d’imaginer au démarrage mais qui n’a jamais abouti. Au final, ce sont les entreprises qui, à la base, sont détentrices de
l’information économique de leur secteur car elles sont en prise directe avec les tendances du tissu économique !
L’Observatoire Partenarial Lyonnais en Economie (OPALE) a lui aussi gardé sa vocation partenariale, est-ce que
vous
pouvez
nous
en
expliquer
les
principes
?
J’ai coutume de dire que l’OPALE est la première action concrète du SDE. Toute la masse d’information économique
était reconnue comme importante et nous souhaitions en faire un outil pérenne d’observation qui nous permette d’être en
veille et en alerte sur la situation économique du Grand Lyon. En 2000, le Grand Lyon avait lui aussi eu l’idée de
constituer un observatoire économique institutionnel pour ses besoins propres. Un audit nous a finalement orienté vers la
création d’un dispositif partenarial sous la forme d’une charte de partenariat, le pilotage technique étant dévolu à
l’agence d’urbanisme et le financement presque exclusivement assuré par le Grand Lyon. Nous aurions préféré que le
financement fût plus partagé pour répondre à l’ambition partenariale. Nous avions même émis l’idée que chaque
institution partenaire mette à disposition un chargé de mission dédié à l’observation économique mais les choses ne se
sont pas faites comme cela. On ne voulait pas que l’OPALE soit une machine à produire des statistiques. Sa vocation est
d’être un outil d’échange, de réflexion collective et de débats sur la situation et les évolutions de l’économie de
l’agglomération. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas voulu en faire une structure mais bien un réseau
d’observation.
De quoi a-t-on besoin demain en matière d’observation économique pour être capable de prendre les bonnes
décisions
de
politique
économique
pour
l’agglomération
lyonnaise
?
Je pense qu’il faut élargir l’observation à l’échelle métropolitaine. L’idée qui prend forme dès à présent est de rapprocher
l’OPALE d’autres observatoires situés dans la Loire, aux portes de l’Isère ou dans l’Ain pour porter une observation
collective à l’échelle de la Région Urbaine. Le projet d’OMPREL (Observation Métropolitaine Partenariale de la Région
Economique Lyonnaise) qui date d’il y a à peu près un an, entend répondre à cet enjeu. Dans le cadre de ce projet,
conduit avec la Région Urbaine de Lyon, nous avons prévu de travailler sur cinq axes : la logistique, qui est une activité
stratégique de la métropole, des éléments de comparaison de la métropole lyonnaise avec 10 villes européennes (sur
des critères de performance, d’ouverture et d’autres), l’observation des zones d’activités, des mutations économiques et
enfin la métropole tertiaire, afin d’identifier et de suivre les différents pôles tertiaires de la métropole. Je pense que la
dimension « service » de l’économie de la région a été laissée un peu de côté jusqu’à maintenant alors qu’elle
représente près de 2/3 des emplois !
Quelle forme devrait prendre la politique économique de l’agglomération dans les années qui viennent et quels
seront
les
nouveaux
outils
qu’il
faudra
mettre
en
place
pour
la
conduire
?
En premier lieu, concevoir la politique économique à l’échelle de la métropole (en lien avec Saint-Etienne Métropole et la
CAPI)
sera
incontournable
si
l’on
veut
jouer
dans
la
cour
des
grands.
En second lieu, ce qui est très peu mis en avant aujourd’hui, c’est la dimension humaine du développement économique.
La volonté originelle du SDE était de créer des richesses et des emplois. Je pense que l’on a réussi dans la création de
richesses et le développement technologique, mais nous sommes peut-être passés à côté de la dimension sociale du
développement économique. Demain, j’ose espérer que notre politique économique sera plus intégratrice, c’est-à-dire
capable de mieux prendre en compte les enjeux sociaux, d’évolution de carrières et d’emplois.
Enfin, aujourd’hui, nous savons comment faire pour aider les entreprises à entreprendre ou à innover, mais nous
manquons indiscutablement d’outils pour aider nos entreprises à grandir et pour les porter à l’échelle internationale en
franchissant les différentes étapes du développement. C’est vraiment une piste d’amélioration dont les autorités locales
devront se saisir au risque de voir nos entreprises perdre en compétitivité.
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