Lire l'article complet

publicité
ÉDITORIAL
Faut-il effectuer une radiographie
pulmonaire chez tout patient suspect
de pneumonie aiguë communautaire
en ambulatoire ?
Is it necessary to perform a chest X-ray
in each outpatient suspected of ACP?
“
Faut-il effectuer une radiographie pulmonaire
pour le diagnostic immédiat ?
Sans discussion, la réponse est oui si l’on postule qu’une opacité parenchymateuse nouvellement apparue est une condition nécessaire pour affirmer le diagnostic de pneumonie aiguë
communautaire (PAC) et engager ou poursuivre l’antibiothérapie, recommandée en fonction
de la gravité et des comorbidités.
Pr Charles
Mayaud
Service de pneumologie,
hôpital Tenon, Paris.
En théorie, il ne s’agit là que de l’extrapolation à la pratique quotidienne de l’un des critères
exigés pour inclure un patient dans un essai thérapeutique ayant pour objectif d’évaluer
l’efficacité d’un antibiotique au cours des PAC.
S’il est aisé de ne pas inclure dans un tel essai tout patient suspect de PAC mais dont la
radiographie pulmonaire est normale, il est plus malaisé en pratique courante de s’abstenir de toute
antibiothérapie ou de l’arrêter chez un tel patient. En témoigne le pourcentage extrêmement faible
de patients atteints d’infection des voies aériennes chez lesquels la normalité d’une radiographie
pulmonaire différée conduit à l’abstention ou à l’arrêt d’une antibiothérapie.
Cette attitude apparemment schizophrénique du clinicien ne s’explique pas uniquement
par un manque de rigueur intellectuelle et 3 arguments sont habituellement avancés pour rendre
compte d’une approche au cas par cas, non dogmatique, prônée par certains praticiens de terrain.
1. L’interprétation d’une radiographie pulmonaire n’est pas univoque. Si le kappa d’agrément
interobservateurs est élevé entre radiologues, pneumologues, infectiologues, urgentistes
et généralistes en cas de syndrome de condensation alvéolaire, il chute en cas de broncho­
pneumonie avec opacités en motte, fréquente chez la personne âgée.
2. Lorsqu’une opacité radiologique est présente, son caractère nouvellement apparu
(en l’absence d’une radiographie de référence) et son origine infectieuse sont loin d’être toujours
évidents, chez la personne âgée notamment.
3. Lorsque la radiographie pulmonaire est jugée normale mais qu’il existe un foyer localisé
de râles crépitants (surtout si l’auscultation pulmonaire était notée comme normale précé­
demment), quel doit être le gold standard de la PAC ? Clinique ou radiologique ? Jusqu’en 2005,
l’on expliquait cette dissociation clinico-radiologique par un stade précoce, “pré-radiographique”
de certaines PAC. Depuis 2005, les discordances observées entre radiographie thoracique
normale et opacités parenchymateuses visibles sur un scanner thoracique réalisé simultanément
ont conduit à expliquer cette dissociation clinico-radiologique par un stade mineur,
“infra-radiographique” de certaines PAC.
La Lettre du Pneumologue • Vol. XVI - n° 6 - novembre-décembre 2013 | 205
LPN6 Novembre-decembre 2013.indd 205
16/12/13 17:06
ÉDITORIAL
Pour conclure, à ce jour la radiographie pulmonaire reste le moins mauvais gold standard
de la PAC. L’important reste que le clinicien qui en formule la demande en connaisse les limites :
erreurs par excès quand la ou les opacités radiologiques sont anciennes ou d’origine non infectieuse ;
erreurs par défaut quand la radiographie pulmonaire est normale alors qu’il existe un foyer de râles
crépitants. C’est d’ailleurs dans ces cas difficiles que l’apport des biomarqueurs comme
la pro­calcitonine est intéressant.
Faut-il effectuer une radiographie pulmonaire
pour le suivi à court terme ?
En cas d’évolution clinique défavorable d’une PAC, toutes les recommandations s’accordent
sur la nécessité d’effectuer ou de répéter les radiographies pulmonaires afin de détecter
une abcédation, une pleurésie associée ou une extension.
Pour en savoir plus...
• Childiac C, Ader F, Pneu­
monies communautaires
de l’adulte. Rev Prat
2011;61:1077-87.
• AFSSAPS, SPILF. Antibio­
thérapie par voie générale au
cours des infections respira­
toires basses de l’adulte.
www.sante.gouv.fr
• Mayaud C, Saidi A, Parrot A.
Place de la radiographie de
thorax pour la prise en charge
des pneumonies commu­
nautaires. Rev Pneumol Clin
1999;55:373-91.
• Mayaud C, Fartoukh M,
Prigent H, Parrot A, Cadranel J.
Analyse critique et valeurs
prédictives des signes de
pneumonies aiguës commu­
nautaires en médecine
ambulatoire. Med Mal Infect
2006;36:625-35.
• Mittl R, Scwab R, Duchin J,
Goin J, Albeida S, Miller W.
Radiographic resolution
of community-acquired
pneumonia. Am J Respir Crit
Care Med 1994;149:630-5.
• El Solh A, Aquilina A,
Gunen H, Ramadan F.
Radiographic resolution of
community-acquired bacterial
pneumonia in the elderly. J Am
Geriatr Soc 2004;52:224-9.
L’auteur déclare ne pas avoir
de liens d’intérêts.
A contrario, en cas d’évolution clinique favorable d’une PAC, très peu de recommandations
se prononcent sur la nécessité, ou même sur l’intérêt, d’une radiographie pulmonaire de clôture.
Cela peut s’expliquer par la difficulté à en fixer la date par rapport à la fin de l’antibiothérapie,
dans la mesure où les délais de normalisation radiographique d’une PAC varient considérablement
selon la bactérie en cause, l’âge du patient et ses comorbidités. En pratique, les experts s’accordent
sur un délai minimal de 21 jours chez le sujet jeune et de 2 mois chez le sujet âgé
et/ou avec comorbidité.
En effet, la persistance d’anomalies radiographiques significatives au-delà de ces périodes incite
à réaliser un scanner thoracique et une endoscopie bronchique pour ne pas méconnaître
une lésion endobronchique en amont de la pneumonie ou des lésions bronchopulmonaires
sous-jacentes à la pneumonie.
Faut-il effectuer une radiographie pulmonaire
pour le suivi à long terme ?
Si l’on considère que la prise en charge d’une récidive de pneumonie diffère de celle d’une
première pneumonie, tout doit être fait pour ne pas rester dans le flou d’“infections respiratoires
basses” à répétition ou pis, de “pneumonies” à répétition sans documentation radiographique.
Essayer de documenter au maximum les épisodes de pneumonie est logique si l’on considère
que “les antécédents de pneumonie bactérienne” sont un facteur de risque d’évolution compliquée
et/ou de mortalité d’une PAC.
Essayer de documenter au maximum les épisodes de pneumonie et plus encore leur localisation
est fondamental si l’on considère que l’approche diagnostique du clinicien diffère selon qu’il a affaire
à un premier épisode de pneumonie, à une récidive de pneumonie(s) localisée(s) dans le même lobe
ou à une récidive de pneumonie(s) observée(s) dans des territoires différents.
206 | La Lettre du Pneumologue • Vol. XVI - n° 6 - novembre-décembre 2013
LPN6 Novembre-decembre 2013.indd 206
”
C’est peut être dans ce cadre que la recommandation d’effectuer une radiographie pulmonaire
standard chez tout patient suspect de PAC trouve sa meilleure justification…, à condition de remettre
cette radiographie ou sa copie au patient, afin qu’il puisse en faire état le moment venu.
16/12/13 17:06
Téléchargement