La lettre du neurologue - n° 4 - vol. V - avril 2001 185
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UURRGGEENNCCEESS
RRGGEENNCCEESSTTHHÉÉRRAAPPEEUU
TTHHÉÉRRAAPPEEUUTTIIQQUUEESS
TTIIQQUUEESS
LLee ssyynnddrroommee ddee GGuuiillllaaiinn--BBaarrrréé
LLee ssyynnddrroommee ddee GGuuiillllaaiinn--BBaarrrréé
T. Sharshar*, J.C. Raphaël*
epuis l’éradication de la
poliomyélite antérieure aiguë
dans les pays industrialisés,
le syndrome de Guillain-Barré ou polyra-
diculoneuropathie aiguë idiopathique
est la cause la plus fréquente de quadri-
parésie flasque aréflexique d’évolution
aiguë. Son incidence est estimée entre
0,9 et 1,9 pour 100 000 habitants et la
mortalité actuelle est d’environ 5 % (1).
Le syndrome de Guillain-Barré évolue
selon trois phases : une phase d’exten-
sion des paralysies, une phase de pla-
teau et une phase de récupération (1,
2). Cette phase d’extension peut abou-
tir, dans des délais difficilement prévi-
sibles, d’une part à une paralysie des
muscles pharyngés et respiratoires,
d’autre part à une dysautonomie cardio-
circulatoire (1, 2). Le syndrome de
Guillain-Barré doit donc être considéré
comme une urgence, un retard diagnos-
tique ou une sous-estimation des risques
respiratoires et cardiocirculatoires pou-
vant être préjudiciables. À l’inverse, l’af-
firmation systématique d’un syndrome
de Guillain-Barré devant une paraparésie
ou une tétraparésie flasque ascendante
peut s’avérer délétère en faisant, par
exemple, occulter une affection médul-
laire. Le déroulement de la prise en char-
ge de ces patients comporte la confir-
mation du diagnostic, l’évaluation de la
sévérité et du risque évolutif du déficit
neurologique, l’orientation du patient
dans une structure adaptée
et les décisions thérapeutiques sympto-
matiques ; le traitement spécifique ne
devant être considéré qu’ultérieurement.
Les échanges plasmatiques et les immu-
noglobulines intraveineuses sont les
deux traitements spécifiques dont l’effi-
cacité a été démontrée dans cette affec-
tion (2, 3, 4). Le choix entre ces deux
traitements dépend à la fois de leur
contre-indications respectives et de la
sévérité clinique initiale. Dès le dia-
gnostic confirmé et le traitement
décidé, les échanges plasmatiques ou les
immunoglobulines intraveineuses
devront être le plus rapidement débutés
pour ne pas obérer le devenir fonction-
nel des patients.
PRISE EN CHARGE DIAGNOSTIQUE
De manière variable d’un individu à
l’autre, le syndrome de Guillain-Barré
associe au cours de la phase d’extension
un déficit moteur, des troubles sensitifs,
une aréflexie tendineuse, une atteinte
des nerfs crâniens, respiratoires et dys-
autonomiques. Le caractère évolutif du
syndrome de Guillain-Barré rend compte
à la fois de la difficulté pour le clinicien
d’évoquer ce diagnostic lors de la pre-
mière consultation et de la nécessité de
répéter à distance l’examen neurolo-
gique. La classification établie par
Asbury et Cornblath (5) (tableau I), et
internationalement admise, est d’une
aide précieuse car y sont individualisées
des situations cliniques de certitude, de
forte présomption et d’exclusion dia-
gnostique et y sont mentionnées un cer-
tain nombre d’atypies.
Présentation clinique initiale
La faiblesse musculaire est le symptôme
initial dans 20 à 30 % des cas. Elle est
constatée lors de la première consulta-
tion dans plus de 70 % des cas. Elle inté-
resse initialement la partie proximale
des membres et suit une extension
ascendante chez la moitié des patients.
Toutefois, dans un tiers des cas, le défi-
cit s’étend des quatre membres aux
muscles tronculaires. La progression du
déficit peut être, par ailleurs, asymé-
trique. Le premier examen clinique
objective une quadriparésie flasque pré-
dominant aux membres inférieurs dans
70 % des cas, une parésie isolée des
membres supérieurs étant rare (1).
Les paresthésies surviennent dans 50 à
80 % des cas. Elles précèdent ou accom-
pagnent les signes moteurs respective-
ment dans 60 % et 20 % des cas. Elles
s’étendent généralement de manière
ascendante. Dans 3 à 12 % des cas, des
dorsalgies, des dorsolombalgies, des
radiculalgies ou des myalgies sont les
premières manifestations. Les sensibi-
lités, profonde et superficielle, algique
ou tactile, sont altérées respectivement
dans la moitié et le tiers des cas. Les
troubles sensitifs prédominent nette-
ment aux membres inférieurs.
L’atteinte des nerfs crâniens est plus
rarement inaugurale, une extension des-
cendante étant observée dans 5 % des
cas. Il s’agit essentiellement d’une para-
lysie faciale, uni- ou bilatérale, les
troubles de la déglutition et de l’oculo-
motricité étant initialement exception-
nels. En revanche, lors de la première
consultation, la fréquence des parésies
faciales (habituellement bilatérale) varie
selon les séries de 24 à 55 %, oculomo-
trices de 5 à 13 %, pharyngées de 6 à
46 % et linguales de 1 à 13 %. Une
atteinte du contingent moteur du nerf
trijumeau et un œdème papillaire ont
été décrits (1).
Le syndrome de Guillain-Barré se révèle
exceptionnellement par des symptômes
* Service de réanimation médicale,
hôpital Raymond-Poincaré, Garches.
DD
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respiratoires. En revanche, lors de la pre-
mière consultation, une parésie des
muscles respiratoires est objectivement
décelée chez 40 à 60 % des patients. De
surcroît, la capacité vitale pulmonaire
est chez 16 % des patients inférieure à
1 000 ml, seuil en dessous duquel une
ventilation artificielle est requise (1).
Les dysautonomies peuvent être la cause
de troubles cardiocirculatoires, miction-
nels, digestifs et de la sudation. Les
troubles cardiocirculatoires font la gra-
vité des dysautonomies et sont respon-
sables de 24 % des décès. Ils se caracté-
risent par une bradycardie, spontanée ou
provoquée par les stimulations nocicep-
tives, une tachycardie, des troubles du
rythme, une hypotension, spontanée ou
à l’orthostatisme, ou une hypertension
artérielle. Leur survenue peut être pré-
coce mais est corrélée à la gravité du
déficit moteur. Au cours de l’évolution
du syndrome de Guillain-Barré, ils sont
observés chez 50 à 65 % des patients.
Les troubles sphinctériens vésicaux,
essentiellement une rétention urinaire,
sont révélateurs dans 2 % des cas et
sont constatés dans 10 à 30 % des cas.
Une abolition des réflexes ostéotendi-
neux dans le territoire parétique est la
règle. Une aréflexie généralisée est
observée dans 60 à 80 % des cas. Un
signe de Babinski est trouvé chez moins
de 5 % des patients.
En dehors du tableau clinique classique, le
syndrome de Guillain-Barré se manifeste
moins fréquemment sous la forme d’une
neuropathie motrice pure ou d’un syndro-
me de Miller-Fisher. Les formes motrices
pures sont décrites dans 18 % des cas et
seraient préférentiellement associées à
une infection par Campylobacter jejuni. Le
syndrome de Miller-Fisher, qui associe une
ophtalmoplégie, une aréflexie et une
ataxie, représente 2 à 4 % des syndromes
de Guillain-Barré. Un déficit des ceintures
peut être associé au syndrome de Miller-
Fisher. L’appartenance des polyradiculo-
neuropathies sensitives pures au syndro-
me de Guillain-Barré demeure contro-
versée. Les neuropathies dysautono-
miques sont une forme exceptionnelle de
syndrome de Guillain-Barré qui réagit éga-
lement au traitement spécifique.
Évaluation de la sévérité
Le délai séparant les symptômes initiaux
de l’admission ou la vitesse d’extension
du déficit moteur doivent être pris en
considération pour estimer le risque
évolutif. Une extension rapide du déficit
moteur doit faire craindre la survenue
relativement proche de troubles respira-
toires ou de la déglutition et motiver
l’admission en unité de réanimation. La
valeur seuil de ce délai qui serait pré-
dictive de l’évolution à court terme n’est
pas déterminée. Cependant, à titre indi-
catif, il est établi qu’un délai inférieur à
sept jours est un facteur prédictif indé-
pendant de séquelles neurologiques tar-
dives (2).
La mesure du déficit moteur et de son
retentissement fonctionnel peut respec-
tivement s’effectuer à l’aide d’un score
volitionnel (MRC-Sum score) et des
échelles de handicap (Disability Grade)
et fonctionnelles des membres supé-
rieurs (Arm Grade) (tableau II). Ces
scores ont été utilisés dans divers essais
thérapeutiques et la reproductibilité
interobservateur et la sensibilité du
MRC-Sum score et Disability Grade ont été
attestées. L’intérêt de ces échelles est,
d’une part, de suivre de manière simple
l’évolution du déficit moteur et, d’autre
part, de distinguer précocement des
stades cliniques de gravité et de pronos-
tic différents. En effet, l’évolution neu-
rologique à court et long termes est plus
sévère chez les patients incapables de se
maintenir debout que chez ceux
capables de déambuler (2). Ces scores
musculaires simplifiés et volitionnels ne
dispensent pas d’effectuer une mesure
musculaire analytique.
Outre l’étude de la contraction du voile,
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II.. CCrriittèèrreess rreeqquuiiss ppoouurr llee ddiiaaggnnoossttiicc
1. Déficit progressif de plus d’un membre en rapport avec la neuropathie
2. Aréflexie tendineuse
3. Durée de la phase d’extension inférieure à 4 semaines
IIII.. CCrriittèèrreess eenn ffaavveeuurr dduu ddiiaaggnnoossttiicc
1. Déficit relativement symétrique
2. Signes sensitifs relativement discrets
3. Atteintes des nerfs crâniens, spécialement le nerf facial
4. Dysautonomie : instabilité vasomotrice
5. Absence de fièvre
6. Hyperprotéinorachie (après la 1re semaine), nombre de cellules mononucléées
normal ou peu élevé
7. Anomalies électrophysiologiques suggestives de démyélinisation
IIIIII.. VVaarriiaanntteess
1. Fièvre
2. Déficit sensitif marqué avec douleur
3. Progression du déficit au-delà de 4 semaines
4. Arrêt de la progression sans récupération ou avec déficit résiduel permanent
5. Paralysie vésicale transitoire
6. Atteinte du système nerveux central. Ataxie sévère sans signes cérébelleux
Dysarthrie, signe de Babinski et niveau sensitif n’excluent pas le diagnostic
si les autres éléments sont typiques
7. Protéinorachie normale pendant 1-10 semaines
8. Nombre de cellules mononucléées dans le LCR de 10 à 50
IIVV.. ÉÉlléémmeennttss ddee ddiiaaggnnoossttiicc ddoouutteeuuxx
1. Asymétrie persistante du déficit
2. Perturbation vésicale ou intestinale persistante
3. Perturbation vésicale ou intestinale au début
4. Plus de 50 cellules mononucléées dans le LCR
5. Présence de polynucléaires dans le LCR
6. Niveau sensitif net
TTaabblleeaauu II.. CCrriittèèrreess ppoouurr llee ddiiaaggnnoossttiicc dduu ssyynnddrroommee ddee GGuuiillllaaiinn--BBaarrrréé (d’après [5])..
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des réflexes nauséeux et vélopalatins,
l’analyse de la déglutition repose sur la
recherche de symptômes fonctionnels de
nature et d’intensité variables, d’une
fausse route lors de l’ingestion d’un
verre d’eau et d’une stase salivaire. La
prudence doit inciter le clinicien à
considérer le moindre symptôme fonc-
tionnel pharyngé comme pathologique
et avant-coureur de troubles réels de la
déglutition.
L’insuffisance respiratoire au cours du
syndrome de Guillain-Barré est essen-
tiellement induite par la parésie des
muscles respiratoires qui aboutit à un
syndrome restrictif, à la formation d’até-
lectasies et à un encombrement bron-
chique. Les troubles de la déglutition
concourent à la survenue d’une insuffi-
sance respiratoire en entretenant l’en-
combrement bronchique et en favorisant
les pneumopathies d’inhalation.
L’atteinte des muscles respiratoires
s’avère souvent difficile à déceler par
l’examen clinique. Au contraire des
insuffisances respiratoires d’origine obs-
tructive, la symptomatologie fonction-
nelle et clinique est souvent frustre.
L’examen clinique doit donc être exhaus-
tif et porter plus particulièrement sur la
mécanique ventilatoire. En cas d’atteinte
respiratoire significative, une sensation
d’angoisse, d’oppression thoracique ou
de réduction du débit verbal est souvent
ressentie par le patient. L’impossibilité
de compter lors d’une expiration profon-
de jusqu’au chiffre 20 indiquerait une
diminution de la capacité vitale en des-
sous de 20 ml/kg. La dyspnée est sou-
vent discrète mais la tachypnée, qui se
définit par une fréquence respiratoire
supérieure à 20, est habituelle. Une
réduction, évaluée cliniquement, de
l’ampliation thoracique forcée suggère
un déficit des muscles respiratoires. La
contractilité diaphragmatique peut être
appréciée en apposant la main dans le
creux épigastrique. Une orthopnée est
évocatrice d’une parésie diaphragma-
tique bilatérale. Celle-ci induit une
absence d’expansion de la base thora-
cique lors de l’inspiration profonde et, à
un degré plus sévère, des mouvements
abdominaux paradoxaux, un tirage sus-
claviculaire, une mise en jeu des muscles
sterno-cléido-mastoïdiens, un creuse-
ment de la trachée ou encore un batte-
ment des ailes du nez. La faiblesse des
muscles expiratoires est responsable de
l’encombrement bronchique et de l’ineffi-
cacité de la toux et se manifeste, lors de
l’expiration profonde, par un creusement
intercostal et une faible contraction de la
paroi abdominale. La gazométrie artérielle
est le plus souvent normale, l’hypercapnie
et l’hypoxémie étant d’apparition tardive.
La radiographie de thorax montre parfois
une surélévation des coupoles, évocatrice
d’une parésie diaphragmatique.
Ces signes cliniques ainsi que l’hyper-
capnie et l’hypoxémie traduisent un
déficit majeur des muscles respiratoires
et doivent faire craindre un arrêt respi-
ratoire imminent. Leur présence impose
une assistance respiratoire. Cependant,
l’intégrité des muscles respiratoires ne
peut en aucun cas être décrétée sur un
examen clinique considéré normal, ni sur
l’absence d’anomalie gazométrique et
radiologique. En effet, un syndrome res-
trictif majeur peut être cliniquement,
biologiquement et radiologiquement
totalement asymptomatique. Pour cette
raison, des tests fonctionnels sont indis-
pensables pour évaluer rapidement et
objectivement l’importance du retentis-
sement respiratoire. La mesure à l’aide
d’un spiromètre de la capacité vitale
(CV) est actuellement préconisée. Des
spiromètres portatifs de maniement
simple permettent à tout membre du
personnel soignant d’effectuer une
mesure de la CV au lit du patient. Une
mesure correcte de la CV implique qu’il
n’y ait pas de fuite au pourtour de l’em-
bout, favorisée par les diplégies faciales,
et que le patient soit coopérant pour
effectuer une inspiration et une expira-
tion profondes. La CV sera mesurée en
position assise puis couchée, une chute
de la CV lors du décubitus indiquant une
parésie diaphragmatique. La valeur de la
CV mesurée en position assise est
exprimée soit en ml/kg, soit en pourcen-
tage d’une norme théorique, dépendante
de l’âge, du sexe, de la race, de la taille
et du poids. En l’absence de normes, la
CV mesurée en position couchée est com-
parée à celle obtenue en position assise.
SSccoorree vvoolliittiioonnnneell ((MRC-Sum score)
1. L’abduction du bras
2. La flexion de l’avant-bras
3. L’extension du poignet
4. La flexion de la cuisse
5. L’extension du genou
6. La flexion dorsale du pied
Cotation de 0 à 5 selon l’échelle du MRC.
ÉÉcchheellllee ddee hhaannddiiccaapp(Disability Grade)
1. Symptômes et signes mineurs et capable de courir
2. Capable de marcher plus de 5 m sans aide
3. Capable de marcher plus de 5 m avec l’aide d’une personne, d’une ou de deux béquilles
ou d’un déambulateur
4. Confiné au lit ou au fauteuil (incapable de marcher plus de 5 m avec aide)
5. Assistance ventilatoire nécessaire au moins pendant une partie de la journée
6. Décès
ÉÉcchheellllee ffoonnccttiioonnnneellllee ddeess mmeemmbbrreess ssuuppéérriieeuurrss(Arm Grade)
1. Symptômes ou signes mineurs ; également capable de porter la main au front
et d’opposer le pouce à chaque doigt
2. Capable de faire une des deux tâches précédentes mais pas les deux à la fois
3. Quelque mouvement possible mais incapable de faire les deux tâches détaillées au 1
4. Aucun mouvement
5. Décès
TTaabblleeaauu IIII.. SSccoorree mmootteeuurr eett éécchheelllleess ffoonnccttiioonnnneelllleess uuttiilliissééeess ddaannss llee ssyynnddrroommee ddee GGuuiillllaaiinn--BBaarrrréé..
La lettre du neurologue - n° 4 - vol. V - avril 2001
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La mesure de la CV est un outil de sur-
veillance incontournable et doit donc être
absolument effectuée à l’admission et
réitérée au cours du temps afin de détec-
ter les volumes seuils en dessous desquels
une surveillance en réanimation ou une
assistance ventilatoire sont impératives.
En effet, l’avènement d’une insuffisance
respiratoire est difficilement prévisible.
Aucune étude des facteurs cliniques pré-
coces prédictifs de l’assistance ventila-
toire n’a été à ce jour réalisée.
L’expérience montre que les patients pré-
sentant pendant la phase d’extension une
tétraparésie, des troubles de la déglutition
ou une CV inférieure à 60 % doivent être
considérés à risque d’insuffisance respira-
toire et surveillés en unité de réanimation.
Il semble qu’une chute de 50 % de la CV
par rapport à la valeur initiale soit prédic-
tive d’une intubation dans les 36 heures
(2). Ce résultat incite à une surveillance
au moins quotidienne de la CV dans les
premiers jours. Une valeur inférieure à
15 ml/kg ou à 30 % de la norme théo-
rique est, en soi, retenue comme une
indication d’assistance ventilatoire (2).
Évidemment, la spirométrie ne dispense
pas d’une surveillance clinique et para-
clinique, décrite ultérieurement.
La mesure de la fréquence cardiaque, de la
pression artérielle, le dépistage d’une
hypotension orthostatique et l’électrocar-
diogramme sont nécessaires à la recherche
de signes dysautonomiques cardiocircula-
toires. Chacun de ces signes justifie une
hospitalisation dans un service de réani-
mation, d’autant plus que le patient a
des antécédents cardiovasculaires.
Planification des examens
complémentaires
La planification des examens complé-
mentaires à réaliser en urgence et dans
les premières 24 à 48 heures dépend des
diagnostics différentiels suspectés. En
pratique, il s’avère qu’un nombre res-
treint d’affections impose une prise en
charge diagnostique immédiate.
L’urgence majeure est l’élimination d’une
lésion médullaire en cas de niveau sen-
sitif, de troubles sphinctériens impor-
tants ou de para/tétraparésie flasque
s’aggravant sans que des signes neurolo-
giques aux membres supérieurs ou des
signes céphaliques apparaissent. La
paralysie hypokaliémique, suspectée
devant une atteinte motrice pure, sera
confirmée par la régression du déficit
après la correction de l’hypokaliémie.
Les porphyries sont un diagnostic extrê-
mement difficile mais essentiel à évo-
quer car le pronostic vital est en jeu et
des mesures thérapeutiques spécifiques
existent. Le déficit moteur s’accom-
pagne habituellement de douleurs,
notamment abdominales, de troubles
psychiatriques, de troubles sensitifs,
subjectifs et objectifs de topographie
insolite et de troubles dysautonomiques
cardiocirculatoires et sphinctériens.
L’existence d’un facteur déclenchant et
d’urine pourpre conforte le diagnostic
qui est attesté par le dosage urinaire des
porphyrines.
Il n’est pas indispensable de pratiquer
dans les formes typiques une ponction
lombaire en urgence mais elle doit être
effectuée dans les 24 heures suivant
l’admission. Son objectif est de recher-
cher une hyperprotéinorachie isolée évo-
catrice du diagnostic de polyradiculo-
neuropathie aiguë, bien que non spéci-
fique. Une hypercytorachie, définie par
un comptage cellulaire supérieur à 50
par mm3, exclut le diagnostic de syndro-
me de Guillain-Barré. L’absence d’hyper-
protéinorachie isolée n’élimine pas un
syndrome de Guillain-Barré, car elle est
habituellement retardée de 3 à 15 jours
par rapport au début clinique. Une
hypercytorachie oriente vers une ménin-
goradiculite d’origine soit infectieuse,
notamment une maladie de Lyme, soit
inflammatoire ou néoplasique, en parti-
culier un lymphome.
L’électromyogramme n’a pas été retenu
comme critère diagnostique dans la clas-
sification d’Asbury et Cornblath (5). Ses
indications diagnostiques se limitent
donc au cas où le diagnostic de syndrome
de Guillain-Barré est cliniquement dou-
teux. Les anomalies électrophysiolo-
giques précoces sont une augmentation
des ondes F et un bloc de conduction
motrice de siège proximal et distal (1).
L’altération de la conduction distale et
des potentiels sensitifs apparaît secon-
dairement. Une dénervation est
observée dans 10 % des cas (1). En
revanche, l’électromyogramme a un
intérêt pronostique. Il a été montré que
la diminution de l’amplitude de la répon-
se motrice et l’inexcitabilité nerveuse
sont des facteurs prédictifs indépen-
dants des séquelles fonctionnelles à un
an (2). Le caractère péjoratif des formes
axonales de syndrome de Guillain-Barré
a été récemment remis en cause.
Le syndrome de Guillain-Barré est par
définition idiopathique, ce qui implique
qu’une affection générale notamment
une maladie de système, un cancer, un
lymphome ou une infection par le virus
VIH ait été récusée. Un examen général
complété par un bilan immunologique
simplifié (immunoélectrophorèse et
dosages des facteurs antinucléaires, du
latex Waaler-Rose, des fractions C3 et C4
du complément, des complexes immuns
circulants, de la protéinurie des 24
heures), hématologique (numération
formule sanguine, vitesse de sédimenta-
tion) et une sérologie VIH est en pra-
tique suffisant. Le bilan étiologique sera
approfondi si les atypies mentionnées
dans le tableau I sont présentes.
Le syndrome de Guillain-Barré est pré-
cédé d’un épisode infectieux, respiratoi-
re ou digestif, dans 80 % des cas. Les
agents pathogènes fréquemment incri-
minés sont Campylobacter jejuni, le
cytomégalovirus, le virus Epstein-Barr et
le mycoplasme. Les explorations sérolo-
giques, les recherches virologiques et les
coprocultures n’ont qu’un intérêt des-
criptif et éventuellement pronostique. Il
semblerait que les syndromes de
Guillain-Barré associés à une infection
par Campylobacter jejuni aient un pro-
nostic fonctionnel plus sévère. Le dosage
des anticorps antigangliosides qui sont
incriminés dans la pathogénie du syn-
drome de Guillain-Barré reste du domai-
ne de la recherche physiopathologique.
À ce jour, l’identification de l’agent
infectieux ou la détection d’anticorps
antigangliosides n’ont aucune consé-
quence thérapeutique.
Par ailleurs, une hyponatrémie en rap-
port avec un syndrome de sécrétion
inapproprié d’ADH et une cytolyse hépa-
tique sont d’observation courante au
cours du syndrome de Guillain-Barré.
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PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE
Elle doit s’accompagner d’une informa-
tion claire du patient sur les risques évo-
lutifs à court terme, sur l’impossibilité
de prédire le degré d’extension et la
durée respective des trois phases, sur
l’éventualité d’une aggravation malgré
l’instauration d’un traitement spécifique
et de séquelles neurologiques à long
terme. La notion de bénignité du syn-
drome de Guillain-Barré doit être bannie
du discours médical.
Traitements symptomatiques
Les mesures symptomatiques sont pri-
mordiales. Le développement de l’assis-
tance ventilatoire et des moyens de sur-
veillance, notamment cardiovasculaires
et respiratoires, a été un acquis théra-
peutique majeur, car il a permis de faire
baisser la mortalité de 20 % à moins de
10 % entre les périodes 1960-1965 et
1970-1980 (2). En dehors de l’assistance
ventilatoire et du traitement des dysau-
tonomies, la prévention thrombo-embo-
lique, le traitement antalgique, la réé-
quilibration hydro-électrolytique, l’ali-
mentation, le nursing incluant la pré-
vention et le traitement des escarres, la
kinésithérapie respiratoire et des membres
mais également le traitement des compli-
cations intercurrentes, notamment des
infections respiratoires ou urinaires et
d’éventuelles décompensations de
pathologies médicales sous-jacentes
sont autant de préoccupations thérapeu-
tiques. Ainsi, cette prise en charge
requiert-elle une pluridisciplinarité
interactive médicale (neurologue, réani-
mateur et rééducateur) et paramédicale
(infirmier et kinésithérapeute). Elle doit
s’effectuer de préférence dans un service
de réanimation spécialisé dans les
pathologies neurologiques, hospitalo-
universitaire ou non.
Pendant la phase d’extension, la sur-
veillance neurologique repose sur l’éva-
luation au minimum quotidienne du
déficit moteur et des nerfs crâniens. Le
recours aux scores précédemment décrits
est une aide clinique précieuse. La sur-
veillance respiratoire intègre la mesure
rapprochée de la fréquence respiratoire
ainsi que l’analyse des mouvements ven-
tilatoires, de la toux et de l’encombre-
ment bronchique. Elle doit être com-
plétée par la mesure quotidienne de la
capacité vitale. L’enregistrement continu
de la saturation en oxygène par un
oxymètre de pouls est une fausse sécu-
rité. Si une désaturation est un événe-
ment respiratoire d’une extrême gravité,
son absence ne témoigne en aucun cas
de l’intégrité de la fonction ventilatoire.
La surveillance de la gazométrie arté-
rielle est à moduler en fonction de l’exa-
men clinique et de la capacité vitale.
L’alimentation par sonde nasogastrique
est impérative dès que des troubles de la
déglutition apparaissent. La surveillance
itérative des paramètres cardiovascu-
laires et de la miction permet de détec-
ter les troubles dysautonomiques. Le
ionogramme sanguin est à pratiquer
régulièrement et également en cas de
syndrome confusionnel afin de recher-
cher une hyponatrémie de dilution.
Le choix du traitement antalgique
implique une analyse sémiologique pré-
cise afin de distinguer les douleurs d’ori-
gine neurologique de celles induites par
l’alitement prolongé ou par une patholo-
gie ostéo-articulaire, notamment un
ostéome. La mobilisation du patient est
le premier traitement antalgique.
L’utilisation de morphimimétiques ou de
benzodiazépines sera prudente en cas
d’atteinte respiratoire, celle des tricy-
cliques en cas de troubles dysautono-
miques.
Des complications thrombo-emboliques
surviennent dans 5 % des cas (2). Leur
prévention par les héparines de bas
poids moléculaire doit être maintenue
jusqu’à la reprise de la marche. Elle ne
sera pas interrompue lors d’échanges
plasmatiques ; leur administration ne
majore pas le risque hémorragique et
couvre la période d’hypercoagulabilité
consécutive aux plasmaphérèses.
Les poussées d’hypertension artérielle et
la tachycardie sinusale sont en règle
générale bien tolérées et n’imposent pas
de thérapeutiques particulières, de
maniement difficile dans une maladie
dysautonomique. Les bradycardies
constituent le trouble cardiocirculatoire
le plus redoutable. Elles peuvent surve-
nir spontanément ou secondairement
lors de changement de position ou d’as-
piration trachéale, ce qui impose une
mobilisation prudente du patient et des
aspirations trachéales sous FiO2100 %.
L’administration d’atropine est rarement
nécessaire.
Traitements spécifiques
Bien qu’un processus inflammatoire soit à
l’origine du syndrome de Guillain-Barré,
la corticothérapie, administrée per os ou
par voie intraveineuse sous forme de
méthylprednisolone, s’est avérée ineffica-
ce. D’après une étude multicentrique en
double aveugle versus placebo portant
sur 242 patients atteints au minimum
d’un déficit entravant la marche (stade II
de Hughes), l’injection de 500 mg de
méthylprednisolone (n = 124) dans les 15
premiers jours de la maladie n’a entraîné
aucune diminution significative du défi-
cit moteur à la quatrième semaine ni du
délai de reprise de la marche ou de la
durée de ventilation (2).
Les échanges plasmatiques (EP) utilisés
seuls, sans autre thérapeutique spéci-
fique, sont le premier traitement dont
l’efficacité a été démontrée, bien que
leur mode d’action demeure inélucidé. En
effet, l’étude coopérative nord-américai-
ne (2) et celle du groupe coopératif fran-
cophone (2, 3) ont mis en évidence,
dans un effectif élevé de patients, une
réduction significative de la durée de
ventilation et des délais de reprise de la
marche. Ces résultats sont d’autant plus
nets que les malades sont traités préco-
cement (moins de 7 jours) et sont soumis
à une ventilation mécanique. Les
échanges plasmatiques s’accompagnent
d’une diminution des pneumopathies,
des manifestations végétatives et des
séquelles motrices à un an. Il a été éga-
lement montré que l’albumine diluée
devait être le soluté de remplacement car
d’une efficacité équivalente mais d’une
innocuité supérieure au plasma frais
congelé. La seconde étude du groupe
coopératif francophone, intitulée PRN 85
(3), a eu pour objectif de déterminer le
nombre optimal d’échanges plasmatiques
en fonction de la sévérité initiale. Trois
groupes de gravité ont été ainsi définis :
le groupe A (marche possible mais
limitée) dans lequel deux EP étaient
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