32 | La Lettre du Sénologue • n° 47 - janvier-février-mars 2010
Penser sa féminité après un cancer du sein
DOSSIER THÉMATIQUE
retentissement rénal et décès de l’enfant sur une gros-
sesse gémellaire (26).
➤
Ainsi, une contraception efficace doit être mise en
place pendant toute la durée du traitement, même
lorsque celui-ci induit une aménorrhée. L’absence de
règles n’est pas synonyme d’infertilité. Les traitements
estroprogestatifs et progestatifs sont contre-indiqués.
Les préservatifs ou les dispositifs intra-utérins (DIU)
sont les deux options possibles. Le DIU au cuivre est
sans risque. Certains DIU imprégnés de progesté-
rone (lévonorgestrel type Mirena®) peuvent aussi
être utilisés : ils délivrent de fortes doses de proges-
térone localement mais de faibles doses au niveau
systémique. Dans une cohorte finlandaise de 17 360
femmes âgées de 30 à 54 ans, il n’y a pas d’augmenta-
tion de l’incidence du cancer du sein, quelle que soit la
tranche d’âge considérée, chez les femmes porteuses
d’un DIU au lévonorgestrel (27). Dans une cohorte de
199 femmes, toutes traitées pour cancer du sein, il n’y
a pas de différence significative en termes de survie
sans récidive entre le groupe de 79 femmes porteuses
d’un DIU au lévonorgestrel et les 120 femmes non
porteuses de DIU. Si l’on compare au groupe témoin
le sous-groupe de patientes porteuses du DIU avant le
cancer et ayant continué à l’utiliser après (n = 38), on
observe une diminution significative de la survie sans
récidive (p = 0,048) ; cependant, les caractéristiques
initiales sont différentes dans ce sous-groupe (taux
d’envahissement ganglionnaire axillaire plus élevé,
patientes ayant reçu davantage de chimiothérapie)
[28]. Enfin, l’utilisation de DIU au lévonorgestrel
diminue les complications utérines du tamoxifène :
taux de polypes utérins de novo chez les femmes
préménopausées (29), réduction du risque de cancer
endométrial (8).
Après le traitement du cancer
◆Évaluation de la fonction ovarienne
L’existence de cycles menstruels normaux ou la
réapparition de ceux-ci après une chimiothérapie ne
signifie pas que la réserve folliculaire est normale (22).
La réserve ovarienne doit être évaluée avant de
commencer le traitement anticancéreux et après
sa réalisation afin d’apprécier le retentissement du
traitement et d’adapter les options de préservation
de la fertilité à l’âge de la patiente et à la réserve
ovarienne résiduelle. Une femme qui a une faible
réserve ovarienne avant toute chimiothérapie se verra
proposer une méthode de préservation de la fertilité
avant de la commencer.
Le bilan à réaliser avant et après la chimiothérapie
doit comprendre le dosage sérique de FSH (follicules
stimulating hormone), LH, estradiol, inhibine B, AMH
(hormone antimullérienne), et le compte des follicules
antraux en échographie endovaginale (8, 22). L’inter-
prétation de ces dosages dépend de la phase du cycle
à laquelle ils sont réalisés, mais aussi de l’existence
ou non d’une aménorrhée, de l’âge de la patiente et
de la prise éventuelle de tamoxifène.
◆Retentissement des traitements anticancéreux
sur la grossesse ultérieure
Les études concernant les complications de la gros-
sesse après traitement d’un cancer sont assez contra-
dictoires. Dans l’ensemble de la littérature, il existe
une augmentation du taux de fausses couches sponta-
nées, d’accouchements prématurés et d’hypotrophie
néonatale. Pour certains, l’augmentation du taux
de fausses couches spontanées (supérieur à 70 %)
s’explique par un profil hormonal moins favorable
au maintien d’une grossesse après la chimiothérapie,
chez des patientes qui sont aussi plus âgées (30).
Une autre étude conclut à un nombre plus impor-
tant d’accouchements prématurés, de césariennes
et d’extractions instrumentales devant imposer une
plus grande surveillance de ces grossesses (2). À l’op-
posé, une étude portant sur 295 patientes traitées
par chimiothérapie compte 70 % d’accouchements
à terme, 1,6 % de morts fœtales in utero, 4,3 %
d’accouchements prématurés, 1 % de grossesses
extra-utérines, 15 % de fausses couches spontanées
du premier trimestre, 1,6 % de fausses couches du
deuxième trimestre et 1,6 % de malformations, soit
des taux comparables à ceux observés pour les gros-
sesses sans antécédent particulier (31).
Concernant le fœtus, il n’y a pas de surrisque d’ano-
malies congénitales ou d’anomalies chromoso-
miques. On peut proposer une surveillance de ces
grossesses en maternité de niveau 3. Il n’existe pas de
données concernant le retentissement à long terme
de la chimiothérapie et de l’hormonothérapie sur la
descendance (8).
◆Retentissement des traitements anticancéreux
sur la sexualité
Outre le risque d’infertilité, une symptomatologie
secondaire à la privation hormonale est fréquente :
bouffées de chaleur, sueurs nocturnes, dysfonction
sexuelle, troubles du sommeil, sécheresse cutanée
et vaginale. Ces symptômes provoqués par les trai-
tements anticancéreux sont plus sévères que chez
les femmes ménopausées naturellement. Ils sont
responsables d’un arrêt du traitement chez 20 % des
patientes (32).
Ces troubles sont souvent associés à une baisse de
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