E DOSSIER THÉMaTIQUE

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DOSSIER THÉMATIQUE
La vie après un cancer du sein :
le désir de grossesse
Life after breast cancer: desire for pregnancy
C. Segura-Djezzar*, A. Djezzar-Homo**, C. Mathelin***, V. Bouté****
E
n France en 2005, le cancer du sein représente
49 814 nouveaux cas par an, soit une augmentation de 60 % en 20 ans, et un nombre de décès
stable (11 201 décès par an). C’est un problème majeur
de santé publique et on estime qu’une femme sur 9
aura un cancer du sein avant l’âge de 90 ans. Parmi
ces femmes, 5 % sont âgées de moins de 40 ans au
diagnostic (1).
Par ailleurs, toujours pour 2005, l’âge moyen de la
femme à la première grossesse est proche de 29,7 ans
(2) et 5 % des accouchements surviennent chez des
femmes âgées de plus de 40 ans (3).
La survenue d’une grossesse et d’un cancer du sein,
concomitante ou successive, est rare mais non exceptionnelle. Elle est observée chez 3 à 16 % des patientes.
La question des grossesses futures doit être évoquée
dès le diagnostic, beaucoup de femmes jeunes traitées
pour cancer du sein retrouvant leur vocation de mère
à l’issue des traitements. L’approche médicale et l’aide
à la décision ne peuvent être que pluridisciplinaires,
offrant aux parents désireux d’un enfant le point de
vue des oncologues sénologues et des gynécologues
obstétriciens.
Point de vue de l’oncologue
Du fait du jeune âge des patientes, il est important
de connaître au mieux l’impact des traitements sur
la fertilité, mais aussi l’impact de la grossesse sur le
pronostic afin de conseiller au mieux nos patientes
désireuses de grossesse après un cancer du sein.
Impact des traitements adjuvants
◆◆ Sur la fertilité
La stérilité est définie comme l’impossibilité à être
enceinte après une année de reprise des cycles menstruels sans contraception (4). L’aménorrhée chimioinduite peut être transitoire (défaut de développement
des follicules ovariens) ou permanente (déplétion du
pool de follicules). On sait par ailleurs que la persistance
de l’aménorrhée un an après la fin des traitements
est corrélée à l’absence de retour à la normale des
fonctions ovariennes (5).
Le risque de stérilité après chimiothérapie adjuvante
varie en fonction des molécules cytotoxiques utilisées, du nombre de cycles administrés et de l’âge de
la patiente au diagnostic (tableau I). Le cyclophosphamide (C) et, dans une moindre mesure, les anthracyclines (adriamycine [A] ou épirubicine [E]) sont les
plus toxiques (schémas de type FAC, FEC, AC ou EC).
L’impact des taxanes est peu connu à l’heure actuelle ;
il semble que leur toxicité gonadique soit faible, voire
nulle. Cependant, l’utilisation concomitante d’anthracyclines et de taxanes de type TAC augmente de façon
significative le risque d’aménorrhée chimio-induite chez
les femmes préménopausées, comparativement aux
schémas de type FAC (6).
L’impact du trastuzumab sur les fonctions ovariennes
n’est pas connu. Par ailleurs, la fréquence de l’aménorrhée augmente avec l’âge : elle varie de 21 à 71 %
chez les patientes de moins de 40 ans contre 40 à
100 % chez les plus de 40 ans (7). On estime que la
chimiothérapie augmente l’âge ovarien de 10 ans en
termes de reproduction (8).
L’hormonothérapie adjuvante standard chez les
patientes non ménopausées ayant des tumeurs hormonosensibles est fondée sur le tamoxifène parfois associé
à une suppression ovarienne. L’hormonothérapie ne
semble pas amoindrir la réserve ovarienne, mais celle-ci
est administrée pendant cinq ans selon les recommandations, ce qui éloigne le moment où une grossesse
pourra commencer avec, parallèlement, une chute du
nombre résiduel des ovocytes au fil des années (9).
En cas de suppression ovarienne, le taux de stérilité
“induite” est supérieur ou égal à 95 %. Il peut être irréversible lorsque la méthode utilisée est l’irradiation ou
la castration chirurgicale, ou le plus souvent réversible
avec les analogues de la LH-RH (luteinizing hormone
* Service d’oncologie mammaire,
centre François-Baclesse, Caen.
** Service de chirurgie oncologique
gynécologique, centre FrançoisBaclesse.
*** Unité de sénologie, hôpital de
Hautepierre, hôpitaux universitaires,
67200 Strasbourg.
**** Service de radiologie, unité de
sénologie, centre François-Baclesse.
La Lettre du Sénologue • n° 47 - janvier-février-mars 2010 | 29
Mots-clés
Résumé
Cancer du sein
Grossesse
Grossesse après cancer du sein :
»» 3 à 16 % des femmes traitées ont au moins une grossesse après le traitement.
»» Pas d’impact délétère sur la survie.
»» Pas de risque pour l’enfant.
»» Délai conseillé : dès 6 mois post-traitement en cas de tumeur de bon pronostic ; 5 ans en cas de tumeur
de mauvais pronostic.
»» Dans tous les cas : information éclairée et pluridisciplinaire aux patientes et à leurs conjoints.
Keywords
Breast cancer
Pregnancy
Tableau I. Risque de stérilité (en %) chez la femme après traitement cytotoxique et/ou thérapies
ciblées pour cancer du sein (4).
Risque de stérilité
Âge ≥ 40 ans :
6 cycles d’anthracyclines (FAC, FEC, AC)
4 cycles d’anthracyclines
Taxanes, trastuzumab, bévacizumab
> 80 %
20-80%
?
Âge 30-39 ans :
6 cycles d’anthracyclines (FAC, FEC, AC)
4 cycles d’anthracyclines
Taxanes, trastuzumab, bévacizumab
20-80 %
< 20 %
?
Âge < 30 ans :
6 cycles d’anthracyclines (FAC, FEC, AC)
4 cycles d’anthracyclines
Taxanes, trastuzumab, bévacizumab
< 20 %
< 20 %
?
> 80 % risque élevé ; 20-80 % : risque intermédiaire ; < 20 % : risque faible.
Tableau II. Études rétrospectives montrant l’impact de la grossesse, survenue après cancer du
sein, sur le pronostic.
Études
n patientes (n grossesses)
Impact sur le risque de décès
Mignot et al., 1986 (14)
68 (68)
ns
Kroman et al., 1997 (15)
5725 (173)
diminution
Gelber et al., 2001 (16)
108 (94)
diminution
Mueller et al., 2003 (17)
Ives et al., 2007 (18)
438
ns
2539 (123)
diminution
Rippy et al., 2009 (19)
304 (18)
ns
Largillier et al., 2009 (20)
908 (118)
diminution
ns : non significatif.
Références
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ovarienne est plus fréquent chez les femmes jeunes
(moins de 40 ans), car il semble que c’est dans cette
sous-population qu’elle est le plus bénéfique ; en association à la chimiothérapie, elle entraîne une diminution
du risque de rechute de façon significative (p = 0,01) [10].
Le choix de la suppression ovarienne est fondamental
pour préserver les chances d’une grossesse ultérieure,
il faut aussi privilégier les analogues de la LH-RH, dont
l’action est réversible dans la plupart des cas.
Le tamoxifène seul ne compromet pas les chances de
grossesse. Il peut entraîner des désordres menstruels,
et son action sur la stimulation ovarienne (utilisé en
Grande-Bretagne pour les infertilités anovulatoires)
peut être à l’origine de grossesse multiple chez une
patiente en cours de traitement (11).
◆◆ Sur les possibilités de lactation
L’allaitement après cancer du sein est possible mais,
en pratique, peu de patientes traitées antérieurement
30 | La Lettre du Sénologue • n° 47 - janvier-février-mars 2010
pour un cancer du sein seront en mesure d’allaiter.
L’hypogalactie est fréquente, d’origine plurifactorielle,
iatrogène ou psychologique.
La réalisation du traitement locorégional mammaire
comporte soit une chirurgie conservatrice et radiothérapie, soit une mastectomie. En cas de chirurgie
conservatrice, on peut observer une ligature partielle
ou totale des canaux galactophores, avec diminution
de la lactation sur le sein traité ; cependant, même
en cas de mastectomie, l’allaitement sur un seul sein
reste possible en théorie (2). Après radiothérapie, une
fibrose ou une sténose des canaux galactophores est
fréquente et un manque d’élasticité du mamelon rend
la succion du nourrisson difficile ; cependant, l’allaitement maternel est possible sur le sein irradié chez
environ une femme sur 4 (12).
Sur le plan psychologique, l’hypogalactie peut être liée
à la crainte de transmission du cancer par le lait ou à
la crainte de libération de substances toxiques (13).
Impact de la grossesse sur le pronostic
La connaissance du risque de rechute et de décès liée à
la grossesse après un cancer du sein est fondamentale.
De très nombreuses études rétrospectives montrent
l’absence d’impact de la grossesse sur la survie, et parfois
même un effet bénéfique (14-20) [tableau II]. Le délai
de survenue de la grossesse par rapport à la fin du traitement paraît important : la diminution du risque de décès
à 5 et 10 ans est observée dès un délai post-traitement
supérieur ou égal à 6 mois, et se poursuit au-delà de la
deuxième année (18). Que la grossesse soit menée à
terme ou non, les résultats sont identiques.
Dans les limites liées au caractère rétrospectif de ces
études, on peut conclure à l’absence d’effet délétère
de la grossesse sur la survie ; certains auteurs décrivent même un “healthy mother effect”, la grossesse
survenant chez des patientes avec un bon état de santé
général et donc un meilleur pronostic.
Ainsi, pour les patientes de bon pronostic, la grossesse
peut être envisagée dans les 6 mois qui suivent la fin du
traitement. Pour les patientes de mauvais pronostic,
le risque de rechute est plus élevé durant les 5 ans qui
suivent la fin du traitement ; au-delà il est identique à
celui des patientes à faible risque de rechute (18, 20).
Il semble donc raisonnable d’attendre le délai de 5
ans afin de limiter au maximum le risque de survenue
concomitante d’une grossesse et d’une rechute.
DOSSIER THÉMATIQUE
Point de vue de l’obstétricien
Pendant le traitement du cancer
Techniques de préservation
de la fertilité avant le traitement
◆◆ Tératogénécité des traitements
Le désir de grossesse est rarement exprimé pendant
la chimiothérapie ou la radiothérapie ; par ailleurs, la
survenue d’une grossesse est contre-indiquée pendant
la chimiothérapie par taxanes, quel que soit le terme
de la grossesse, ou schéma à base d’anthracyclines
pendant le premier trimestre ; elle est aussi contreindiquée pendant la radiothérapie, du fait de leur
importante tératogénécité. C’est lors des années
qui suivent la fin de ces traitements, en particulier
pendant la période d’hormonothérapie, que le désir
de grossesse se fait vivement ressentir.
Chez la souris, le tamoxifène est tératogène sur la
sphère génitale des souris femelles (toxicité proche
de celle observée avec le diéthylstilbestrol) [DES] (24).
Chez la femme, sur 141 grossesses rapportées sous
tamoxifène, 12 malformations fœtales sont décrites
(25). La grossesse doit donc être contre-indiquée sous
tamoxifène. En cas de désir de grossesse, la décision
d’un arrêt du traitement pourra être prise en tenant
compte des éléments pronostiques de la tumeur
initiale et du désir de la mère.
Il existe encore peu de données sur la grossesse
survenant en cours de traitement adjuvant par le
trastuzumab. Beale relate un cas d’oligoamnios avec
Avant de commener tout traitement anticancéreux,
la question d’une éventuelle grossesse ultérieure doit
être abordée avec la patiente ; le risque d’infertilité doit
être envisagé dès la réunion de concertation pluridisciplinaire et les options de préservation de la fertilité
doivent être discutées au cas par cas. Il faut connaître
les avantages et inconvénients de chaque technique
(tableau III).
La cryoconservation embryonnaire est la technique
la plus performante : elle permet d’obtenir un taux
de grossesse après transfert de 18 % (succès relatif).
La technique de cryoconservation d’ovocytes matures
donne un taux de grossesse encore plus faible, d’environ 2 % (21).
Ces deux méthodes nécessitent une stimulation de
l’ovulation, qui augmente transitoirement le taux
d’estrogènes circulants et pourrait ainsi impacter de
façon défavorable sur le pronostic des tumeurs hormonosensibles. Le lien entre la stimulation ovarienne et
un surrisque de cancer du sein n’est pas clairement
établi ; seules des études rétrospectives et de courte
durée sont disponibles.
La cryoconservation de cortex ovarien reste expérimentale. Les deux premières grossesses obtenues par cette
méthode datant de 2004 et 2005, on ne bénéficie pas
de recul suffisant sur le devenir des enfants (22). Cette
technique présente deux avantages : pas de nécessité
de stimulation ovarienne, et restauration d’une fonction endocrine. L’analyse histologique du tissu ovarien
prélevé est systématique afin de ne pas réimplanter
ultérieurement un tissu porteur de cellules malignes (9).
L’utilisation d’analogues de la LH-RH pendant la chimiothérapie a pour but d’inhiber l’activité ovarienne et de
limiter ainsi la toxicité gonadique ; l’efficacité et l’innocuité d’une telle approche sont en cours d’évaluation.
➤➤ En cas d’insuffisance ovarienne post-thérapeutique
et si la préservation de la fertilité n’a pu être envisagée
avant de commencer le traitement anticancéreux, l’induction d’ovulation est actuellement contre-indiquée.
On peut proposer un traitement par antagoniste de la
LH-RH, qui mime l’ovulation naturelle en maintenant
des taux physiologiques d’estradiol. On peut également
proposer un don d’ovocytes ou un accueil d’embryon,
ces deux méthodes ne nécessitant pas d’induction
de l’ovulation pour la receveuse. Le don d’ovocytes
n’est cependant pas facile à envisager ; il nécessite une
attente du don et donne lieu à une filiation gestationnelle mais non génétique de la descendance (23).
Références
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Tableau III. Techniques de préservation de la fertilité : principaux avantages et inconvénients.
Avantages
Inconvénients
Cryoconservation
embryonnaire
– Technique la plus efficace
– Technique la plus disponible
– Nécessité d’existence d’un conjoint
– Nécessité d’une stimulation ovarienne
– Retarde la chimiothérapie
– Problème éthique
Cryoconservation
d’ovocyte mature
– Pas de conjoint nécessaire
– Gamètes appartenant à la
patiente
– Cellules prêtes à l’emploi
– Technique non disponible dans tous
les centres
– Nécessité d’une stimulation ovarienne
– Retarde la chimiothérapie
– Peu de grossesses obtenues
– Difficulté de congélation des cellules
Cryoconservation
de cortex ovarien
– Possible chez la jeune fille
– Pas de conjoint nécessaire
– Nombreux ovocytes
immatures
– Congélation facile
– Pas de stimulation
ovarienne nécessaire
– Ne retarde pas la chimiothérapie
– Prélèvement possible lors de
la chirurgie mammaire
– Technique nouvelle et peu
de grossesses obtenues
– Cellules non prêtes à l’emploi
– Réimplantation possible de tissu
ovarien contaminé par
des micrométastases
– Pas de conjoint nécessaire
– Simple à administrer
– Ne retarde pas la chimiothérapie
– Peu invasif
– Pas de confirmation de leur efficacité
sur la fertilité
– Effets secondaires inconnus
Agonistes
de la GnRH
La Lettre du Sénologue • n° 47 - janvier-février-mars 2010 | 31
DOSSIER THÉMATIQUE
Références
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Penser sa féminité après un cancer du sein
retentissement rénal et décès de l’enfant sur une grossesse gémellaire (26).
➤➤ Ainsi, une contraception efficace doit être mise en
place pendant toute la durée du traitement, même
lorsque celui-ci induit une aménorrhée. L’absence de
règles n’est pas synonyme d’infertilité. Les traitements
estroprogestatifs et progestatifs sont contre-indiqués.
Les préservatifs ou les dispositifs intra-utérins (DIU)
sont les deux options possibles. Le DIU au cuivre est
sans risque. Certains DIU imprégnés de progestérone (lévonorgestrel type Mirena®) peuvent aussi
être utilisés : ils délivrent de fortes doses de progestérone localement mais de faibles doses au niveau
systémique. Dans une cohorte finlandaise de 17 360
femmes âgées de 30 à 54 ans, il n’y a pas d’augmentation de l’incidence du cancer du sein, quelle que soit la
tranche d’âge considérée, chez les femmes porteuses
d’un DIU au lévonorgestrel (27). Dans une cohorte de
199 femmes, toutes traitées pour cancer du sein, il n’y
a pas de différence significative en termes de survie
sans récidive entre le groupe de 79 femmes porteuses
d’un DIU au lévonorgestrel et les 120 femmes non
porteuses de DIU. Si l’on compare au groupe témoin
le sous-groupe de patientes porteuses du DIU avant le
cancer et ayant continué à l’utiliser après (n = 38), on
observe une diminution significative de la survie sans
récidive (p = 0,048) ; cependant, les caractéristiques
initiales sont différentes dans ce sous-groupe (taux
d’envahissement ganglionnaire axillaire plus élevé,
patientes ayant reçu davantage de chimiothérapie)
[28]. Enfin, l’utilisation de DIU au lévonorgestrel
diminue les complications utérines du tamoxifène :
taux de polypes utérins de novo chez les femmes
préménopausées (29), réduction du risque de cancer
endométrial (8).
Après le traitement du cancer
◆◆ Évaluation de la fonction ovarienne
L’existence de cycles menstruels normaux ou la
réapparition de ceux-ci après une chimiothérapie ne
signifie pas que la réserve folliculaire est normale (22).
La réserve ovarienne doit être évaluée avant de
commencer le traitement anticancéreux et après
sa réalisation afin d’apprécier le retentissement du
traitement et d’adapter les options de préservation
de la fertilité à l’âge de la patiente et à la réserve
ovarienne résiduelle. Une femme qui a une faible
réserve ovarienne avant toute chimiothérapie se verra
proposer une méthode de préservation de la fertilité
avant de la commencer.
Le bilan à réaliser avant et après la chimiothérapie
doit comprendre le dosage sérique de FSH (follicules
32 | La Lettre du Sénologue • n° 47 - janvier-février-mars 2010
stimulating hormone), LH, estradiol, inhibine B, AMH
(hormone antimullérienne), et le compte des follicules
antraux en échographie endovaginale (8, 22). L’interprétation de ces dosages dépend de la phase du cycle
à laquelle ils sont réalisés, mais aussi de l’existence
ou non d’une aménorrhée, de l’âge de la patiente et
de la prise éventuelle de tamoxifène.
◆◆ Retentissement des traitements anticancéreux
sur la grossesse ultérieure
Les études concernant les complications de la grossesse après traitement d’un cancer sont assez contradictoires. Dans l’ensemble de la littérature, il existe
une augmentation du taux de fausses couches spontanées, d’accouchements prématurés et d’hypotrophie
néonatale. Pour certains, l’augmentation du taux
de fausses couches spontanées (supérieur à 70 %)
s’explique par un profil hormonal moins favorable
au maintien d’une grossesse après la chimiothérapie,
chez des patientes qui sont aussi plus âgées (30).
Une autre étude conclut à un nombre plus important d’accouchements prématurés, de césariennes
et d’extractions instrumentales devant imposer une
plus grande surveillance de ces grossesses (2). À l’opposé, une étude portant sur 295 patientes traitées
par chimiothérapie compte 70 % d’accouchements
à terme, 1,6 % de morts fœtales in utero, 4,3 %
d’accouchements prématurés, 1 % de grossesses
extra-utérines, 15 % de fausses couches spontanées
du premier trimestre, 1,6 % de fausses couches du
deuxième trimestre et 1,6 % de malformations, soit
des taux comparables à ceux observés pour les grossesses sans antécédent particulier (31).
Concernant le fœtus, il n’y a pas de surrisque d’anomalies congénitales ou d’anomalies chromosomiques. On peut proposer une surveillance de ces
grossesses en maternité de niveau 3. Il n’existe pas de
données concernant le retentissement à long terme
de la chimiothérapie et de l’hormonothérapie sur la
descendance (8).
◆◆ Retentissement des traitements anticancéreux
sur la sexualité
Outre le risque d’infertilité, une symptomatologie
secondaire à la privation hormonale est fréquente :
bouffées de chaleur, sueurs nocturnes, dysfonction
sexuelle, troubles du sommeil, sécheresse cutanée
et vaginale. Ces symptômes provoqués par les traitements anticancéreux sont plus sévères que chez
les femmes ménopausées naturellement. Ils sont
responsables d’un arrêt du traitement chez 20 % des
patientes (32).
Ces troubles sont souvent associés à une baisse de
DOSSIER THÉMATIQUE
la libido, à un manque de lubrification vaginale, à une
atrophie vaginale, ils sont responsables de dyspareunies et affectent gravement la vie sexuelle des
patientes. L’atrophie vaginale peut toucher un tiers des
femmes traitées pour cancer du sein. Les estrogènes
par voie vaginale sont plus efficaces qu’un traitement
non hormonal, mais la preuve de leur inoffensivité
n’est pas établie. Il est donc préférable d’utiliser des
gels hydratants lubrifiants (Replens®, Monasens®).
Le bupropion (antidépresseur) peut augmenter la
fonction sexuelle de ces patientes, mais de plus larges
essais sont nécessaires. Des traitements médicamenteux sont en cours d’étude dans cette indication : IPDE5, les agonistes des récepteurs 5-HT1A et
les antagonistes des récepteurs 5-HT2A . On peut
proposer aux patientes les traitements adjuvants :
vacuum à clitoris, vibromasseur, lubrifiants, gels
hydratants pour augmenter l’excitation et favoriser
la sensibilité. Il ne faut pas hésiter à proposer une
thérapie sexuelle.
L’image corporelle et la perception de l’identité féminine sont largement affectées par les traitements du
cancer du sein : mastectomie, alopécie chimio-induite,
prise de poids, perte de la fonction de reproduction.
Ces troubles concernent surtout les femmes jeunes
et retentissent indéniablement sur la sexualité et la
qualité de vie, et donc sur le désir de grossesse.
Point de vue de la mère
Dès la fin des traitements, la grossesse est possible
et sans danger pour la mère et l’enfant ; le rôle des
médecins est consultatif et doit respecter le désir
du couple.
Profil des patientes ayant un désir
de grossesse
La survenue d’un cancer du sein chez une femme jeune
implique parfois une affectation de la fonction de
reproduction, une modification de l’image corporelle et de la sexualité, un choix sur la poursuite de
la carrière professionnelle (2).
Les patientes enceintes après un traitement pour
cancer du sein sont le plus souvent jeunes (moins
de 40 ans) et n’ont pas d’histoire familiale de cancer.
La tumeur traitée est le plus souvent de petite taille,
de grade histopronostique élevé, sans envahissement ganglionnaire axillaire et ne surexprimant pas
des récepteurs hormonaux aux estrogènes ou à la
progestérone. Une chimiothérapie adjuvante a été
administrée dans la majorité des cas (12, 19, 20, 33).
Ces femmes jeunes atteintes d’un cancer du sein
présentent plus souvent une anxiété, un syndrome
dépressif, des difficultés financières et psychologiques.
Le désir de grossesse après cancer du sein devient alors
chez ces femmes un gage de bonne santé. La survenue
d’une grossesse leur permet d’affirmer leur volonté
de rester une femme à part entière et d’affirmer que
la vie continue.
Ce que disent les patientes
Lorsqu’on interroge une population de 30 patientes
sur leur désir de grossesse après cancer du sein, les
motivations évoquées sont le désir de donner des
frères et sœurs à leur(s) enfant(s), le souhait d’avoir
une grande famille et un sentiment d’immortalité.
Les conjoints voient dans la grossesse un symbole
d’immortalité et de bonheur.
À l’inverse, la crainte principale exprimée par les
patientes et leurs conjoints est l’impact de la grossesse sur la santé de la mère et de l’enfant (34). La
crainte de laisser un enfant orphelin, de la rechute,
mais aussi la baisse de libido ou un mal-être général
sont parfois un frein au désir de grossesse.
Là encore, le rôle des praticiens oncologues et gynécologues est de donner une information éclairée et
détaillée au couple, afin qu’il soit à même de décider.
Ces discussions doivent se faire dans le cadre de
concertations pluridisciplinaires, mais, au final, la
décision appartient aux futurs parents.
Conclusion
La survenue d’une grossesse après un cancer du sein
n’est délétère ni pour la mère, ni pour l’enfant.
La patiente doit être informée, dès le diagnostic
de cancer, du risque de stérilité lié aux traitements
anti-cancéreux. Pendant le traitement, la grossesse
est déconseillée, voire contre-indiquée. À l’issue du
traitement, la décision de grossesse appartient à la
patiente seule ; le médecin a un rôle de conseil afin
de définir au mieux le délai optimal de survenue de
cette grossesse en fonction des désirs du couple et des
risques de rechute liés au statut initial de la maladie
tumorale. L’enquête de l’Association francophone
pour l’après-cancer du sein (AFACS) recueille des
données médicales et psychologiques auprès de
patientes ayant mené une grossesse après un cancer
du sein : les réponses de 2 000 à 5 000 patientes
sont attendues et nous aideront sans doute à mieux
dialoguer avec elles.
■
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La Lettre du Sénologue • n° 47 - janvier-février-mars 2010 | 33
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