S. Borel-Maisonny
Les troubles de la parole
In: L'année psychologique. 1966 vol. 66, n°1. pp. 167-179.
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Borel-Maisonny S. Les troubles de la parole. In: L'année psychologique. 1966 vol. 66, n°1. pp. 167-179.
doi : 10.3406/psy.1966.27883
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1966_num_66_1_27883
LES
TROUBLES
DE
LA
PAROLE
par
Suzanne
Borel-Maisonny
L'acquisition
du
langage
se
fait
par
voie orale
:
tout
autre
moyen
est
artificiel.
Parler
suppose
la
connaissance
d'une langue,
c'est-à-dire
sa
com
préhension
et
l'aptitude
à
s'y
mouvoir
assez
facilement
pour
s'en
servir
à
son
tour.
Le
discours
pourra
ensuite s'organiser
en
fonction de
ce
qu'on
veut
exprimer.
Et,
alors,
ou
bien
il
restera purement
mental,
seul
témoin
d'un langage
intérieur,
ou
bien
il
s'extériorisera
et
c'est
la
parole,
ou,
enfin,
il
s'exprimera
par des
symboles
graphiques
et
c'est
l'écriture.
Le
fait
de
parler
implique
une
adhésion
affective
à
ce
mode
d'expres
sion
et
répond
normalement
à
un
besoin
de
communication
;
il
implique
également
la
possibilité
de
le
faire
sur
le
plan
mécanique
et
sur
le
plan
sensoriel.
Pour
reprendre
la
terminologie
d'Ed.
Pichon,
le
langage dérive
de
la
fonction
appetitive
et
de
ses
régulations,
de
la
fonction
ordonnatrice
proprement
linguistique
et
de
la
fonction
réalisatrice
dont ressortit
l'exécution physique
par
l'intermédiaire
de
processus
neurophysiol
ogiques.
Il
n'est
donc
pas
d'acte
plus
complexe
et
soient
plus
étroitement
intriqués
le
psychique
et
le
physique
:
toute,
rupture
d'équilibre
déter
mine
un
trouble
plus
particulièrement
orienté
dans
un
sens
et
pouvant
même n'intervenir
que
dans
un
domaine
limité, facilement
définissable.
Plus
fréquemment,
le
désordre
intéresse
des
domaines
divers
et
les
réactions
pathologiques
s'additionnent
et
s'enchaînent.
Cependant,
la
nécessité
d'un
classement
s'impose.
On
devra
seule
ment
se
rappeler
qu'il
introduit,
en
même
temps
qu'une indispensable
clarté,
des distinctions
artificielles
et,
en
tout
cas,
souvent plus
simplistes
que
ne
le
réalise la
clinique.
De
toute
façon,
il
y
aura
lieu
de
considérer
si
le
trouble
de
parole
s'est
manifesté
pendant
l'installation
du
langage
ou
s'il
est
acquis
par
suite
d'un
processus
pathologique
secondaire,
le
sujet
ayant
déjà
l'usage
de
la parole
et
la
connaissance
de
la langue.
168
PATHOLOGIE
DE
L'INTÉGRATION
DE
LA
PAROLE
ET
DU
LANGAGE
I.
Troubles
mécaniques
Ils
affectent
massivement
ou
moyennement
la
réalisation
motrice.
Il
s'agit
soit
d'une
pure
erreur
de
mouvement,
soit
d'une association
de cette
erreur
à des
troubles
perceptifs,
soit encore
de
troubles
phoné
tiques
provoqués
par
un
empêchement
organique
(malformation
orga
nique
ou
impotence
d'ordre
neurologique).
Dans
le
premier
cas,
on
parlera
de
troubles
d'articulation
(A)
;
dans
le
second,
de
troubles
de
la
parole
(B)
et,
dans
le
troisième,
on
se
servira
de
l'expression
troubles
phonétiques
et
parfois
simplement
pho
niques
(C)
s'il
s'agit
de
difficultés
dérivant
d'une
malformation
et
de
l'expression,
troubles
dysarthriques
(D),
si
les
défauts dérivent
d'un
état
neurologique
tant
périphérique
que
central.
A)
Troubles
d'articulation1
ou
de
prononciation
Ce
sont
des
erreurs
mécaniques
et
constantes
dans
l'exécution
du
mouvement
propre
à
un
phonème.
Elles
se
manifestent
pour
les
voyelles
comme
pour
les
consonnes,
bien
qu'avec
une moindre fréquence,
leur
exécution,
pour
le
sujet
auditivement
intact,
étant
plus
aisée
que
celle
de
certaines consonnes.
Pour
ces
dernières,
il
est
exceptionnel que
les
labiales
p
b
m
soient
faussées
et
les
sourdes
son
tmoins
souvent
atteintes
que
les
sonores
;
des
substitutions
d'une
occlusive
à
l'autre
se
présentent
pour
celles
dont
le
mouvement
ne
se
voit
pas
(Ar
t
;
g
d).
Les
consonnes
le
plus
souvent
atteintes
sont
celles
de
la
série constrictive
ch
s
f
;
/
z
v
;
y
r
(guttural
supérieur).
On
voit
aussi des
erreurs
dans
l'exécution
de
n
et
l
en
position
linguo-dorsale
au
lieu
d'être
apicale
ou
linguale
antérieure.
Toutes
les
erreurs
concernant
les
constrictives
se
nomment
des
sigmatismes
cause
de
Y
s
représentatif
de
cette série). On
parlera
donc
de
sigmatisme
interdental
(zozotement,
zézaiement)
ou
addental
fait
de
prononcer
en
plaçant
la
langue soit
entre
les
dents, soit
trop
près
des
incisives. Auditivement,
le
bruit
est
faux
et
acoustiquement
le
spectre
est privé
d'une
partie
de
sa
bande
la
plus
aiguë
;
le
sigmatisme
est
dit
latéral
(schlintement)
si
le
sujet,
au
lieu
de
laisser
l'air
s'écouler
par
une
gouttière
centrale,
le
laisse
sortir
bi
ou
unilatéralement
;
le
sigmatisme
sera
dorsal
si
la
zone
de
constriction
est plus
postérieure
que
normalement,
la
langue
se
relevant
en
dôme
vers
le
palais
dans
la
région
moyenne
(son
intermédiaire
en
un
y
et
un
/
espagnol).
On
parlera
de
sigmatisme
guttural
si
la
constriction
se
produit
au
niveau
de
la
glotte
1.
La
liste
que
nous
en
donnons
ne
tient
compte
que
d'une
langue,
le
français
;
mais,
dans
toute
autre
langue,
ces
erreurs
motrices
et
purement
fonctionnelles
peuvent
se
manifester
;
elles
seront
toujours
une
exécution
maladroite d'un
phonème
type
de
la
langue
et
porteront
toujours
sur
les
mouvements
les
plus
difficiles
et
les
sons
les
moins
aisés
à
identifier.
S.
TSOREL-MAISONNY.
LES
TROUBLES
DE
LA
PAROLE
1.G9
avec
accompagement
d'un
mouvement
de
la
base
de
la
langue
vers
la
paroi
postérieure
du
pharynx
inférieur
:
le
son
est
analogue à
celui
du
souffle
rauque
émis
pour
ces
mêmes
consonnes par
les
sujets
atteints
d'insuffisance
vélaire
grave.
Le
sigmatisme
nasal
est
l'émission
d'air
par
la
voie
nasale
seule,
des
consonnes
ch
s
f
j
z
v,
sans
qu'il
y
ait
insuff
isance
vélaire,
les
autres
phonèmes
oraux étant
exempts
de
nasalité
:
le
sujet
ferme
le
canal
buccal
en
appuyant
sa
langue
au
palais
dans
la
position
de K,
l'air
ne
peut
s'écouler
que
par
le
nez.
Toutes
les
constric-
tives,
y
compris
f
et
v
peuvent
être
atteintes
de
ces
défauts,
car
le
sujet
les
conçoit
et
les
reproduit
dans
un même
système
faux
;
mais,
souvent,
seules
sont
atteintes
ch
s
j
z,
dont
le
mécanisme
ne
se
voit
pas.
L'assourdissement.
On nomme
ainsi une
erreur
mécanique
qui
se
traduit
par
l'absence
de
toute
sonorité laryngée
pendant les
occlu
sives
b
d
g,
ou
pendant les constrictives
/
z
v.
Le sujet
exagère la
tension
musculaire
au
cours
de
l'exécution
du
phonème
et
empêche
ainsi
le
délicat
équilibre des
forces
permettant
la réalisation
mécanique
laryngée
adéquate.
A
savoir,
pour
les
occlusives,
vibration
réduite
dans
une
cavité
fermée
et
légèrement
surpressée
et,
pour
les
constrictives,
alter
nance
rapide
des ouvertures
avec
émission
d'air
et
des temps
de
rapprochement
des
cordes
vocales
indispensables
à
la
production
du son.
Anomalies
de
la
nasalisation.
En
dehors
de
toute
atteinte
orga
nique,
il
se
produit
parfois
des
erreurs
de
mécanisme
en
ce
domaine
;
la
communication
oro-nasale
ne
se
produisant
pas,
il
en
résulte
des
sons qui,
pour
gn
n
m,
donnent
à
l'audition
une
impression
de
«
nez
bouché
»
(rhinolalie
fermée)
et
les
voyelles an
on
in
un
prennent
un
imbre
voisin
de
la
voyelle
pure
correspondante.
L'attitude
inverse
déperdition
d'air par
le
nez
pour
les
pho
nèmes
oraux,
tolerable
dans
une
très
faible
proportion,
s'entend
comme
du
nasonnement dès
que
se
manifeste
une
modification
du
timbre
due
à
l'adjonction
de
la
cavité
nasale.
Acoustiquement,
la
structure
du
spectre sonore
est
modifiée.
Cet
état
ne
se
produit
que
si
le
voile
ne
peut
fermer
le
pharynx
:
il
s'associe
alors
à
d'autres
manifestations
d'insuffi
sance
vélaire
et
constitue
un
trouble
organique
(cf.
plus
loin).
Les
langues
ont,
vis-à-vis
de
la
nasalité,
une
tolérance
différente,
plus
grande
dans
les
idiomes
qui
ne
connaissent
pas
les
voyelles
nasales
et
n'ont
pas
besoin,
à
cet
égard,
d'une
différenciation
si
précise.
Le
nasonnement
aggravation
du
timbre
ne
doit
pas
être
confondu
avec
le
nasillement, qui
se
traduit
auditivement
par
un
timbre
plus
aigu
dit
nasillard. Physiologiquement,
cette
émission
exige
une
attitude
exagérément
contractée
des
muscles
du
pharynx.
Acoustiquement,
le
spectre sonore
devient
plus
dense,
notamment
dans
les
bandes
aiguës
et
s'étend
plus loin.
Anomalies
de
la
voix
parlée.
-
Les
troubles
de
la voix
non
chantée
sont
inséparables
de
la
parole,
qui
peut
n'être
altérée
que
dans
son
timbre
ou
son
émission
:
il
ne
faudra
pas
confondre
ces
erreurs
fonc
tionnelles
avec
des
fautes
d'articulation.
La
voix
peut
être
rauque
170
NOTES
(raucité
vocale
des
enfants
qui
crient
trop),
détimbrée
(émise
avec
un
écartement
trop
grand
des
cordes
vocales),
aggravée
ou,
au
contraire,
émise
dans
un
registre
trop
aigu
pour
le
sujet.
B) Troubles
de
la parole
Les
altérations
n'intéressent
plus
les
phonèmes,
tout
au
moins
dans
la
syllabe
simple.
Par
exemple,
l'enfant
saura
dire
la
et
pin,
mais
ne
pourra
pas
dire
lapin,
qui
deviendra
papin,
pinpin...
C'est
la
forme
du
mot
qui
ne
peut
être
reproduite
exactement.
Les
déformations
habituelles
portent
sur
:
l'omission
de
la
consonne
finale
en
syllabe
fermée
:
ta,
ro
table,
robe
;
la
simplification
des
syllabes complexes
:
poè
pleure,
ro
gros
;
l'omission
des
consonnes
en
position
peu
audible
ou
malaisée à
articulier
:
tasi
=
taxi
;
pot
=
poste
;
l'abrègement
des
mots
sentis
comme
trop
longs
:
/>api-parapluie
;
tombé.
Des
tests
permettent
de
classer
ces défauts
au
moment
de
l'examen
phonétique.
Ces défauts
s'accentuent
encore
au
cours
d'une
phrase,
jusqu'à
ne
plus
comporter,
parfois,
que
quelques
mots
significatifs
enrobés
dans
un
ensemble mélodico-rythmique
informe
quant
à
la prononciation.
Cet
état
peut
coexister
avec
des troubles
de
l'articulation,
tels
qu'ils
ont
été
décrits
dans
le
paragraphe
A.
9
C)
Troubles
phonétiques
liés
à
des
malformations
organiques
:
bec-de-lièvre,
division palatine,
insuffisance
çélaire
Si
le voile
ne
peut
occlure
le pharynx,
il
en
résulte
de
la
nasalité
:
déperdition
nasale
ou
fuite
d'air
permanente
par
le
nez,
nasonnement
ou
altération générale
du
timbre
de
la
voix,
surtout
sensible
dans
les
voyelles.
Si
l'insuffisance
du
voile
est
très
importante,
le
sujet
substitue,
aux
mécanismes
normaux
des
consonnes
orales,
des
mécanismes
de
compens
ation.
Grosso
modo,
les
occlusives
deviennent
des
coups
de glotte
et
les
constrictives
des
souffles
gutturaux.
L'accolement
et
le
décollement
des
cordes
vocales
donnent
une
impression
auditive
d'occlusive
brève.
Le
resserrement
anormal
des
cordes
vocales
au
moment
de
l'émission
du
souffle
réalise
des
sibilances
de
remplacement
que
le
sujet
arrive
parfois
à
différencier
en
sourdes
et
sonores.
Les
malformations
de
l'articulé
et
de
l'arcade
dentaire dans
le
bec-de-lièvre
entraînent
des
imprécisions
articulatoires
parfois
inévitables
et
ne
relèvent
que
de
l'orthodontie.
Les
autres malformations
congénitales
entraînant
des
troubles
pho
nétiques
sont
très
rares
(malformations
linguales,
labiales
ou
laryngées).
D)
Troubles
dysarthriques
Ce
sont
des
manifestations
motrices
déréglées
et
non
systématiques,
résultant
d'impotences
causées
par
des
états
pathologiques
du
système
nerveux
à
un
étage
cérébral
ou
périphérique
quelconque.
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