Michel PETIT - Le GIEC : analyse d'une institution
Intervention de Michel PETIT lors de l'université européenne d'été 2010.
Michel Petit rappelle le contexte de la création du GIEC, à partir des années soixante-dix, au moment où les
scientifiques ont été convaincus de l'existence d'une probabilité non négligeable que les gaz à effet de serre produits
pas l'humanité étaient en train de changer la composition de l'atmosphère et que leur accroissement était à l'origine
d'un changement du climat. Pour porter une attention plus particulière à ce phénomène, ils ont souhaité mettre en
place un organisme capable de traduire dans un langage compréhensible pour les décideurs l'ensemble des
résultats scientifiques obtenus. C'est de cette façon qu'est né le GIEC, sous l'impulsion décisive de Bert Bolin,
spécialiste de la physico-chimie de l'atmosphère.
Le rôle du GIEC, organisation divisée en trois groupes, est d'établir l'état des connaissances sur le réchauffement
climatique. Des points de vue différents publiés dans la littérature lui imposent d'en faire état, de même que toutes
les incertitudes qui peuvent affecter les résultats. Aussi les rapports du GIEC, établis non à destination des pairs,
mais des décideurs et du grand public, ont la forme d'une synthèse qui dresse l'état des connaissances. On ne
s'étonnera donc pas que ses organes directeurs soient intergouvernementaux, et que des représentants des
gouvernements siègent à l'assemblée plénière. Le GIEC, et c'est sa grande originalité, est un instrument que les
scientifiques mettent à la disposition des décideurs pour essayer de traduire dans des mots qu'ils comprennent les
résultats d'études scientifiques établis pendant les sept ou huit années précédentes. Pour autant, il lui est strictement
interdit de faire des recommandations politiques.
Ses rapports sont élaborés par des scientifiques, le plan détaillé de ses chapitres étant approuvé par les
scientifiques, en assemblée plénière. Les politiques choisissent une liste d'experts pour constituer le bureau de
chaque groupe de travail, chacun sélectionnant pour chacun des chapitres les auteurs chargés de la rédaction. Ces
derniers, répartis entre pays développés et pays en développement, synthétisent la littérature, qui fait l'objet d'une
première version, largement diffusée. Celle-ci fait l'objet d'observations scientifiques, qui seront prises en compte en
fonction de leur pertinence. Une deuxième version est ensuite rédigée, qui sera elle aussi soumise aux experts, qui
pourront faire leurs commentaires. Enfin, une ultime version est déposée sur la table de l'assemblée plénière,
présidée par un scientifique, assemblée qui doit l'approuver mot à mot. En aucun cas, un résultat ne saurait être en
contradiction avec une vérité scientifique. Bref, le rapport du GIEC établit l'état des connaissances. Comme il est
approuvé par l'ensemble des décideurs, ceux-ci sont convaincus qu'il contient la réalité scientifique, non des
élucubrations vaseuses.
D'aucun voient dans cette organisation une puissante institution. C'est oublier qu'elle ne compte qu'une petite dizaine
d'employés, l'essentiel du travail étant réalisé par des scientifiques bénévoles, qui engagent leur réputation. Aussi
constitue-t-il un modèle, dont on pourrait s'inspirer pour d'autres sujets. Pourquoi l'a-t-on si violemment critiqué ?
Pour la même raison qui conduisait à exécuter, dans l'Antiquité, le messager des mauvaises nouvelles. Le GIEC est
porteur d'un message qui dérange, à savoir que l'humanité ne peut continuer à produire l'énergie de la façon dont
elle l'a fait jusqu'à maintenant.
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