La Lettre du Cancérologue • Vol. XXII - n° 9 - octobre 2013 | 343
L’intégration des réponses biologiques et cellulaires aux rayonnements est aujourd’hui indispensable afin
d’adapter le traitement à chaque tumeur. Ainsi, l’adénocarcinome prostatique, sensible au fractionnement,
semble être un bon modèle de traitement hypofractionné. Dans ce cadre, la radiothérapie stéréotaxique
s’impose de plus en plus dans la prise en charge des cancers de la prostate localisés. Les différentes séries
publiées montrent un contrôle biochimique satisfaisant ainsi qu’une toxicité génito-urinaire faible. Toute-
fois, une meilleure connaissance des contraintes techniques, liées notamment au choix du volume cible,
ainsi qu’un recul plus long sont nécessaires avant d’inclure définitivement la radiothérapie stéréotaxique
dans notre pratique quotidienne.
Mots-clés
Cancer de la prostate
Radiothérapie
Stéréotaxie
Contrôle biochimique
Toxicité
Summary
The integration of biological
and cellular responses to radia-
tion is now essential to adapt
the treatment to tumors. Thus,
the sensitivity of prostatic
adenocarcinoma seems to be
a good model of hypofrac-
tionnated radiation therapy.
In this context, stereotactic
radiotherapy is becoming
more and more interesting in
the management of localized
prostate cancer. The published
series show an acceptable
biochemical control and a
minimal genitourinary toxicity.
However, technical constraints
connected with the choice of
the target volume, and a longer
follow-up are necessary before
including permanently stereo-
tactic radiotherapy in our daily
practice.
Keywords
Prostate cancer
Radiotherapy
Stereotactic
Biochemical control-toxicity
Les carcinomes à prolifération rapide, compte
tenu du rapport alpha/bêta élevé, seront ainsi peu
sensibles à la dose par fraction alors que les tissus
sains de soutien y seront sensibles. Ainsi, l’intérêt
principal de fractionner le traitement avec 2 Gy par
séance est de réduire les toxicités tardives en gardant
un impact sur les tumeurs malignes. Des données
récentes suggèrent un rapport alpha/bêta très bas
pour les cancers prostatiques, probablement aux
alentours de 2 Gy (1-3), se traduisant par une sensi-
bilité à la dose par fraction. Sur ces constatations
logistiques et radiobiologiques, il semble donc peu
légitime de fractionner la dose totale d’irradiation
pour les cancers de la prostate, mais il serait plutôt
pertinent de tester de fortes doses pour réduire la
durée du traitement et espérer une effi cacité au
moins équivalente, sous réserve d’un contrôle rigou-
reux de la délivrance. Nous nous intéresserons donc
aux schémas très hypofractionnés (au moins 5 Gy
par séance) et accélérés dans le cadre des irradiations
en conditions stéréotaxiques, bien que plus récents
et moins répandus que les hypofractionnements
moins intenses (2,5 à 5 Gy par fraction).
Radiothérapie stéréotaxique
L’idée est donc d’utiliser de fortes doses par séance,
sur un volume le plus souvent limité à la prostate,
avec une grande précision balistique. À l’heure
actuelle, aucun essai randomisé n’a été publié, mais
des études de faisabilité ont rapporté des résultats
intéressants et plusieurs séries sont mentionnées
dans la littérature.
Sur la base d’un calcul d’équivalence de dose, le fait
de délivrer une forte dose par séance, sur un faible
nombre de séances et pendant une courte période,
équivaut à un niveau de dose au moins égal, voire
supérieur, à celui qui aurait été atteint en irradiation
normofractionnée.
Pour un traitement conformationnel classique
délivrant plus de 70 Gy, le chiffre de contrôle
biochimique à 5 ans est de l’ordre de 70 à 90 %,
principalement en cas d’irradiation en modula-
tion d’intensité avec épargne des organes à risque
(rectum et vessie principalement). Plus la dose
totale est élevée, plus le contrôle biochimique est
important, faisant la preuve du concept d’escalade de
dose (4, 5). Une étape supplémentaire est de délivrer
cette forte dose au sein du tissu tumoral, non pas
de manière virtuelle sur une dosimétrie physique
fondée sur un scanner balistique fi xe, mais en tenant
compte des déplacements de la tumeur : c’est la
RT guidée par l’image. Ces mouvements peuvent
être suivis par un recalage et un repositionnement
à chaque fraction (mouvements interfractions) ou
mieux, durant la délivrance du traitement (mouve-
ments intrafractions par tracking) nécessitant une
précision technologique majeure.
Les Anglais ont été les précurseurs, dans les
années 1970, avec des schémas de 36 Gy en 6 séances,
mais seul l’impact clinique était noté puisque le
dosage du PSA n’était pas encore coutumier (6). Ils
rapportaient de bons résultats cliniques avec non
seulement une faible morbidité, mais aussi des
courbes de survie globale superposables à celle d’une
population non porteuse d’un cancer prostatique.
Dans un premier article publié en 2007, l’équipe
coréenne de C. Choi (7) a proposé une dose totale
de 32 à 36 Gy en 4 séances à 44 patients principa-
lement de risque intermédiaire ou à haut risque. Les
toxicités rapportées étaient modérées et le contrôle
biochimique à 3 ans était médiocre (78 %), mais la
population était probablement mal sélectionnée.
Dans une autre série publiée la même année,
les auteurs ont délivré 33,5 Gy en 5 séances à
40 patients, mais cette fois de bas risque (8). Ils
rapportaient une survie sans progression bio chimique
à 4 ans de 90 % ainsi que l’absence de toxicité tardive
de grade 3 et seulement 2 cas de toxicités urinaires
aiguës de grade 3. Une toxicité aussi faible a égale-
ment été rapportée par C.I. Tang et al. (9) dans le
cadre d’une étude de phase I/II délivrant 35 Gy en
5 séances à des malades atteints d’un cancer de la
prostate localisé à bas risque.
En 2009, 2 autres séries intéressantes ont été
mentionnées. La première par C.R. King et al. (10)
évaluait un schéma de 36,25 Gy en 5 séances de
7,25 Gy chez 41 patients. Avec un recul de 33 mois,
aucune rechute biochimique n’était décrite ; on
notait 5 % de toxicité urinaire de grade 3 et 24 %
de grade 2, ainsi que l’absence de toxicité rectale
de grade 3 et 15 % de grade 2. L’autre série était
menée par J.L. Friedland et al. (11) sur 112 patients
Résumé