Résumé
Le cancer de la prostate est le cancer le plus fréquent chez l'homme de plus de 50 ans et la
deuxième cause de décès par cancer. Comme les cellules tumorales prostatiques ont besoin
d'hormones mâles - les androgènes - afin de proliférer et de survivre, la privation
androgénique est un traitement de référence dans la prise en charge du cancer de la
prostate. Malheureusement, la réponse au traitement hormonal n'est que transitoire et la
majorité des patients progressent vers un statut androgéno-résistant conduisant à la mort.
Les mécanismes moléculaires de cet échappement sont encore mal connus. Au laboratoire,
nous avons montré que la sphingosine kinase-1 (SphK1) est surexprimée dans le tissu
tumoral prostatique par rapport au tissu sain adjacent, et que son activité enzymatique
augmente avec l'agressivité tumorale. La SphK1 - de nature oncogénique - est responsable
de la production de sphingosine 1-phosphate, un sphingolipide qualifié de promoteur de
tumeur car impliqué dans la prolifération cellulaire, l'angiogenèse et la résistance à
l'apoptose. Dans notre travail de thèse, nous avons exploré le rôle potentiel de la SphK1
dans la régulation androgéno-dépendante de la prolifération et la survie des cellules
tumorales prostatiques.
Dans un premier temps, nous montrons que la privation en androgènes, dans la lignée
prostatique hormono-dépendante LNCaP, entraîne une inhibition rapide et transitoire de
l'activité SphK1 qui est corrélée à une forte inhibition de la prolifération cellulaire. Ces
données ont été confirmées in vivo, sur un modèle de xénogreffe orthotopique de cellules
LNCaP/GFP sur souris SCID, puisque la perte du volume tumoral induite par la castration
est associée à une profonde inhibition de l'activité SphK1 dans le tissu prostatique. Nous
démontrons que cette perte des capacités prolifératives peut être surmonté par la
surexpression du gène codant pour la SphK1. L'addition de dihydrotestostérone (DHT)
stimule l'activité SphK1 et permet de ré-induire la prolifération cellulaire vraisemblablement
via un mécanisme PI3Kinase-dépendant. Par ailleurs, l'inhibition pharmacologique de la
SphK1 inhibe de façon très significative les effets prolifératifs de la DHT.
Dans un deuxième temps, nous avons démontré l'implication de la voie SphK1/S1P dans la
progression des cellules LNCaP vers le statut androgéno-résistant. Lors de la privation
prolongée en androgènes nous observons une augmentation progressive de l'activité et de
l'expression protéique de la SphK1 associées à la transdifférenciation neuroendocrine des
cellules qui est caractérisée par un changement de morphologie et l'augmentation de la
sécrétion du NSE. Ces phénomènes sont de type adaptatif puisque la réintroduction des
androgènes induit une complète réversion du phénomène.
Ces travaux impliquant la SphK1 dans la transition vers l'hormono-indépendance suggèrent
que l’inhibition pharmacologique de la SphK1 pourrait représenter une stratégie viable pour
prévenir ou retarder la progression vers l’androgéno-indépendance.